"C'est drôle
parce qu'il y a quelques temps j'ai reçu par une copine de la région un
lien pour aller lire un texte sur "écoute et partage", qu'elle avait eu
elle-même par une autre copine... ça m'a fait rire ! Quel boulot et quel
talent. ! En tout cas j'ai toujours beaucoup de plaisir à me promener là
dedans !
"
Céline
"De temps en temps je vois des extraits du
site dans une sélection de textes hebdomadaire que je reçois. j'aime
cette circulation souvent souterraine qui alimente, sans qu'on sache
qui, des chercheurs d'humanité et de voie spirituelle."
Etienne Godinot
(Cahiers de
la Réconciliation – MIR –)
Membre du
Mouvement pour une alternative non-violente (MAN)
et de
l’Institut de recherche sur la résolution non-violente des
conflits (IRNC)
Comment
trouver l’équilibre entre travail personnel et action
politique ? Etienne Godinot propose de travailler à un
« changement tridimensionnel » et d’oser les « pourquoi ? »
qui nous permettront d’échapper aux routines et aux
automatismes.
Pour Jacques
Généreux, refonder la vision de l’homme sous-jacente à la
société actuelle est un enjeu de survie. Il y a en effet de
quoi être préoccupé par l’individualisme ambiant, par le
courant du « Moi d’abord ! ». Le culte du corps voulu beau
et parfait, de l’éternelle jeunesse, de la performance
physique obligatoire amène à dépenser sans compter en cures
d’amincissement, en viagra ou en chirurgie esthétique. Ce
qui fait société, ce n’est plus la recherche de l’intérêt
collectif à long terme, c’est la mobilisation de courte
durée par l’émotion, orchestrée par les médias, ou les
mobilisations de petites communautés, de micro-réseaux,
voire de clans. Sans parler de la course effrénée aux biens
matériels et du modèle économique qui menace les écosystèmes
naturels.
Jacques
Généreux pose aussi une question redoutable : Pourquoi et
comment des millions d’individus persuadés que la
coopération solidaire est cent fois préférable à la
compétition solitaire restent-ils impuissants à refonder sur
elle leur système économique et politique ?
De
l’individu au collectif
Un trait
apparaît évident dans le débat et dans le combat pour
transformer l’homme et la société, un trait marquant et
préoccupant : c’est le manque d’une vision globale du
processus de changement. Certains prônent la transformation
personnelle, l’intériorité, la conversion du regard, mais
sont réticents envers l’engagement politique. D’autres
agissent dans leur entreprise ou leur commune, mais font
l’impasse sur l’action politique dans le cadre national ou
international. D’autres sont engagés en politique, mais
oublient de travailler sur eux-mêmes ou de commencer
l’action dans leur milieu de travail ou de vie. Or l’action,
pour être cohérente, efficace, durable, doit être menée dans
les trois champs à la fois :
-
le champ personnel,
-
le champ des organisations de
vie et de travail,
-
le champ politique national et
mondial, ou champ sociétal.
On pourrait
appeler cela le changement tridimensionnel. Il est possible
d’agir dans les trois domaines à la fois, avec des niveaux
d’implication évidemment différents dans chacun d’eux, selon
le charisme de chacun. C’est là une déclinaison de la maxime
« Penser globalement, agir localement ».
Un
développement personnel qui ne génère pas un nouveau regard
sur le monde ni une action de transformation de la société
est une masturbation psychologique. Inversement, une
critique ou une action sociétales qui n’intègrent pas les
dimensions culturelle et spirituelle risquent de déboucher
sur un néo-matérialisme. Entre ces deux écueils, il y a
place pour un développement personnel et collectif qui
articule écologie, solidarité, non-violence et spiritualité.
Un monde
désenchanté
L’essence du
néo-libéralisme consumériste n’est pas seulement la course
aux biens matériels, mais la réification, c'est-à-dire la
transformation en objet de tout ce qui existe : les êtres
humains, les peuples, la nature. L’arbre est réduit à un
paquet de molécules, la conscience à un paquet de neurones
et le vivant à un paquet de gênes. Une issue à ce système
est le ré-enchantement de tous les domaines : l’économie,
l’agriculture, la science, l’architecture, l’éducation, la
défense etc. Pour que l’être humain soit générateur de vie
et de transformation du monde, il importe qu’il ait
suffisamment confiance en soi et qu’il soit suffisamment
relié à son être profond pour mettre en valeur ses
potentiels. Cela nécessite un effort permanent
d’introspection et de formation personnelle qui puisse aider
chacun à être plus consistant et solide, plus à l’écoute de
ses émotions et de ses intuitions profondes, plus critique
et lucide sur ses propres faiblesses, misères,
dysfonctionnements et contradictions, sur ceux de ses
proches et de ses contemporains.
Foules
embrigadées
Du nazisme au
stalinisme, les régimes totalitaires ont réussi à convaincre
des millions d’individus qu’ils incarnaient une vie nouvelle
basée sur le travail, le dévouement, le courage, l’honneur
et la communauté. L’évolution des sociétés a été
principalement conditionnée par le fait que l’immense
majorité des humains a laissé quelques individus
particuliers prendre en main la destinée de la collectivité.
Depuis l’aube de l’humanité, le pouvoir de changer le monde
a été laissé aux dirigeants, aux héros et aux experts. Mais
l’hypnotisme qu’Hitler, Mao ou Milosevic exerçaient sur les
foules montre tout autant le manque de consistance de leurs
admirateurs que le déséquilibre psychologique de leur héros.
Hitler lui-même a désigné ses armes principales comme étant
« la confusion mentale, les sentiments contradictoires,
l’indécision et la panique ». Tant que chaque individu
n’aura pas compris qu’il possède lui aussi le pouvoir de
changer le monde, les choses ne pourront pas évoluer.
Pour cela, il
faut être capable d’observer notre quotidien d’une manière
neuve et totalement différente. Réfléchir à nos actes
coutumiers comme si on les pratiquait pour la première fois.
Voir les couleurs de nos actions et de nos décisions
quotidiennes. Introduire dans notre vie de tous les jours
une dimension poétique au sens étymologique du mot,
c'est-à-dire un pouvoir de création et de transformation.
Réinventer
le quotidien
La condition
première pour changer le monde est d’agir soi-même en être
libre :
-
Repérer les bifurcations, les
carrefours dans notre vie, les possibilités de faire un
choix qui influencera la suite des événements. Tout homme
est confronté à ce type de décisions, pas seulement dans le
choix d’un métier ou d’un conjoint, mais dans la banalité de
son quotidien.
-
Oser les pourquoi, qui
nous permettent d’échapper aux routines et aux automatismes.
-
Devenir moins prévisible, être
capable de modifier de manière inattendue sa façon de penser
ou d’agir face à une situation nouvelle ou une bifurcation
dans sa vie.
Comment
pouvons-nous alors agir ? En tant que consommateurs, notre
pouvoir tient en une question : « Pourquoi acheter tel
article plutôt qu’un autre ? ». En tant que citoyens, notre
pouvoir individuel ne se trouve pas en priorité dans
l’élaboration de nouvelles lois, mais dans la manière
d’utiliser au quotidien celles qui existent. Qu’il s’agisse
de refuser ou non l’ordre d’arrêter des Juifs ou de torturer
des Algériens, qu’il s’agisse d’écrire ou non une lettre à
un prisonnier d’opinion, la question à se poser est alors :
« Mon attitude envers les lois, les ordres, ou les
sollicitations que je reçois me rend-elle les autres hommes
proches ou lointains ? »
Nous pouvons
enfin agir dans le domaine de nos relations avec nos
proches. Notre manière d’exercer notre pouvoir sur nos
proches, ou de le subir, peut nous aider à changer le monde,
dans la famille, dans l’entreprise, à l’école. D’où
l’importance de la communication non-violente et de la
gestion positive des conflits interpersonnels.
Une éthique
non-violente
Il y a des
méthodes simples pour vivre mieux au niveau personnel :
chercher à habiter le moment présent, prendre trois minutes
trois fois par jour pour se relier à soi-même, ressentir de
la gratitude pour ce qui va bien afin d’affronter mieux ce
qui va mal, soigner son acuité de conscience et de cœur,
développer l’estime de soi etc. De même pour mieux coopérer
dans les groupes : cultiver la confiance en soi et en
l’autre, accueillir la différence, s’ouvrir aux désaccords,
prendre soin de nos colères, apprendre à dire non et à
accueillir le non de l’autre sans soumission ni agression,
partager ses propres valeurs, expliquer le sens et le bien
fondé des règles.
Ce dynamisme
personnel, appelé empowerment en anglais, se
fonde sur l’estime de soi, le sentiment de sa compétence, la
participation à l’action collective et la conscience
critique. L’individu relié à ses forces de vie et à ce qui
le nourrit intérieurement (et que chacun appelle à la
façon : Dieu, l’Univers, la Transcendance etc.) est alors
apte à s’approprier ou à se réapproprier son pouvoir tant au
niveau social que psychologique.
« Ce qui
fait vraiment la démocratie, disait Henry-David Thoreau,
ce n’est pas le type de bulletin de vote que je glisse tous
les cinq ans dans l’urne, c’est le type d’individu que je
glisse tous les matins hors de mon lit ».
Il n’aura échappé à
personne que nous sommes entrés dans une époque de sérieuse
remise en question de ce qui semblait acquis il
y a encore à peine quelques mois. Ce phénomène touche tous
les pays dits « développés ». Après la seconde guerre
mondiale, après l’horreur des guerres d’ex-Yougoslavie, il
semblait invraisemblable qu’au XXIème siècle une nation
européenne puisse lancer ses chars à l’assaut du pays
voisin. … C’est pourtant ce qui se passe depuis le mois de
février entre la Russie et l’Ukraine. Après des décennies de
lutte féministe, il semblait inimaginable que « le pays de
la liberté », à savoir les États-Unis d’Amérique, envisage
sérieusement de renoncer au droit à l’avortement. … C’est
pourtant ce qui est en train de se jouer actuellement à la
Cour suprême des États-Unis. De même, après des siècles de
lutte affichée contre les discriminations – qu’elles soient
liées à l’origine ethnique, au genre ou aux préférences
sexuelles – il semblait impossible que les sociétés
occidentales engendrent une nouvelle et inédite
discrimination, avec un aplomb extraordinaire. … C’est
pourtant ce qui s’est produit, en 2021, avec la
création de deux classes de citoyens n’ayant pas les mêmes
droits en fonction de leur statut vaccinal. Il y a
un phénomène commun à toutes ces remises en cause des
acquis : c’est celui du pouvoir grandissant de la censure,
pour « garantir » ces reculs. Et c’est, donc, celui d’une
liberté d’expression se réduisant comme peau de chagrin.
Cela
touche tous les sujets – y compris la santé
Cette censure, et d’une manière générale ce contrôle par le
pouvoir médiatique et/ou politique de ce qu’il est possible
de dire et d’écrire ou non, sont à l’œuvre dans nos pays
soi-disant démocratiques. En Russie, vous le savez
peut-être, il est depuis la mi-mars interdit d’employer dans
les médias, au sujet de l’Ukraine, le mot « guerre » – il
faut parler d’« opération militaire spéciale » – et les
manifestations contre le conflit sont officiellement
interdites et durement réprimées. Les autorités de l’Union
Européenne ont beau jeu de se scandaliser de ces pratiques
« totalitaires » … alors que dans le même temps elles ont
purement et simplement interdit les médias Russia Today et
Sputnik, accusés de diffuser la propagande russe. Autrement
dit : on répond à la censure… par la censure.
Vous qui avez, avec moi, vu et vécu :
. l’omerta sur les effets secondaires des injections anti-Covid ;
. l’absence de débat démocratique sur l’instauration du pass
sanitaire puis vaccinal ;
. le silence assourdissant des grands médias autour de ma
pétition contre ce pass vaccinal, qui a atteint plus d’un
million de signatures en 10 jours ;
. les attaques informatiques et journalistiques à l’encontre
de cette même pétition…
… vous n’avez probablement pas été surpris de voir se
multiplier ces méthodes à la fois autoritaires et
terriblement hypocrites, puisqu’elles sont l’œuvre
d’instances et de personnalités se posant par ailleurs en
garants de la liberté d’expression ! Cette censure, on le
voit, s’illustre désormais dans tous les domaines : la
géopolitique, les débats de société et, spectaculairement
depuis deux ans, la santé. Mais le pire est sans doute
ailleurs.
La
contagion de la censure
La censure et la chasse aux récalcitrants trop éloignés de
la doxa en vigueur, comme au temps de l’Inquisition
espagnole, dispose d’un « second effet kiss cool », bien
plus insidieux et dangereux : c’est celui de l’auto-censure.
Lorsqu’une chape de plomb autoritaire s’abat sur la libre
parole, son meilleur relai, c’est la peur individuelle et
collective – au-delà donc des instances du pouvoir – de mal
dire. L’auto-censure est nécessaire quand elle nous protège
de la haine – c’est ce qui nous épargne des injures racistes
à tout bout de champ, par exemple – mais elle est mortelle
lorsqu’elle revient à étouffer dans l’œuf tout débat, toute
discussion. Et cela, par crainte de représailles, aussi bien
de la société que des pouvoirs publics. Or cette
auto-censure qui touche donc, elle aussi, la santé, dépasse
la seule question du Covid et des injections.
Un exemple.
Le Huffington Post nous apprenait, mardi dernier, que France
2 a déprogrammé une émission consacrée à l’endométriose,
« face à la colère d’associations et de scientifiques. »
L’endométriose est un problème de santé dont on ne reconnaît
l’ampleur que depuis quelques années, puisqu’elle toucherait
10 à 15% des femmes en âge de procréer, ce qui est
considérable.
Qu’est-ce qui a bien pu provoquer l’ire de ces scientifiques
et de ces associations, au point d’annuler une émission sur
ce sujet de santé publique ?
La réponse, c’est Natacha Calestrémé. Vous avez dû voir ces
temps-ci son visage et ses ouvrages, La Clé de votre
énergie et Trouver ma place, en tête de
gondole dans toutes les librairies et points presse de
France.
Sur le plateau de l’émission, N. Calestrémé aurait répondu à
une femme atteinte d’endométriose et ayant vécu plusieurs
fausses couches : « Vous avez hérité de cette grand-mère
ou arrière-grand-mère qui ont fait des enfants, qui ont
perdu des enfants. L’endométriose, pour tous ceux qui nous
écoutent, c’est un message de notre corps qui nous dit
qu’avant, il y a eu une souffrance énorme d’une personne qui
a associé le mot enfance et mort, et enfance et mort, ça ne
va pas ensemble. Il y a une culpabilité, il y a une
tristesse et on doit s’en libérer » A la suite de la
diffusion de cet extrait, des commentateurs ont qualifié les
propos de N. Calestrémé de « bouillie » et de
« charlatanerie ». L’AAERS, un collectif pour la recherche
scientifique autour de l’adénomyose et l’endométriose, a
surenchéri : « Il n’y a aucune preuve scientifique que
l’endométriose aurait une origine pareille. Aucune, alors
qu’on manque cruellement de recherche fondamentale. Ce type
de discours induit en erreur pour une maladie physique qui
peut être grave » Ce même collectif a demandé
l’annulation de l’émission. Il a obtenu gain de cause. La
Miviludes a, par-dessus le marché, été saisie au titre de
« dérive sectaire ».
La
perspective glaçante du point de vue unique
Que l’on trouve pertinents ou non les propos de Natacha
Calestrémé, l’auto-censure de France 2, qui a déprogrammé
l’émission, est symptomatique ; elle pose de sérieuses
questions sur le traitement médiatique actuel des problèmes
de santé dans notre société. Car N. Calestrémé n’a été ni
invitée, ni interrogée, en tant que médecin, dans cette
émission : elle l’a été en tant que journaliste et autrice
s’intéressant à l’origine émotionnelle des maladies, et
notamment aux blessures transgénérationnelles. Lui reprocher
de tenir des propos s’écartant de la science, mais reposant
sur son expérience de femme et ses propres travaux
d’investigation, est donc aussi absurde que d’inviter un
musicien et lui reprocher de ne pas parler de littérature.
En d’autres termes, la position et l’analyse de N.
Calestrémé ne se posent ni comme une explication ni comme
une solution génériques à l’endométriose, mais en tant que
lecture assumée comme étant différente du cas de la personne
à laquelle elle répondait ; interprétation nourrie par la
propre expérience personnelle de l’auteure.
Cette auto-censure est donc, à mon sens, doublement grave :
. elle démontre que toute interprétation et tout
point de vue sur un problème de santé s’éloignant des canons
« scientifiques » en vigueur n’a pas droit de cité à la
télévision, pis encore sur une chaine du service
public ;
. cette censure a été influencée par des tweets de personnes
privées exprimant des avis personnels, illustrant de façon
tragique la régression de la liberté d’expression,
sous l’influence d’une poignée de happy few ayant voix au
chapitre.
Twitter, les réseaux sociaux et l’inquiétante
régression de la libre parole
Le fait que cette censure ait été provoquée par des tweets,
c’est-à-dire des messages publiés sur le réseau social
twitter, est un signe caractéristique de notre époque.
Jamais, dans toute l’histoire de l’humanité, la
communication entre êtres humains d’un bout à l’autre de la
planète n’a été aussi puissante et facile. Cette puissance
n’est ni morale ni immorale en soi. Elle donne simplement
une caisse de résonance disproportionnée à des évènements
anodins, voire intimes… et à nos propres travers. Ces
jours-ci, les détails sordides du procès opposant Johnny
Depp à son ex-femme Amber Heard sont suivis instantanément
en vidéo par des dizaines de millions de spectateurs dans le
monde entier. Ce phénomène ne nous raconte rien de nouveau
sur les tendances voyeuristes de l’être humain, ni sur sa
fascination pour l’intimité d’un couple célèbre qui se
déchire : les séparations du couple Elizabeth Taylor/Richard
Burton ou, plus près de nous, Angelina Jolie/Brad Pitt, ont
été avidement suivis par des millions de curieux. La
vertigineuse nouveauté, ici, c’est le spectacle d’une
intimité livrée « en direct » en pâture publique chaque jour
et commentée par des millions de fans respectifs des deux
comédiens ; une sorte de télé-réalité mondialisée par
smartphone.
J’en reviens à la censure. C’est dans ce contexte de
puissante caisse de résonance socio-technologique que la
moindre prise de parole sur les réseaux sociaux, à partir du
moment où elle devient virale, engendre des réactions
irrationnelles… y compris en termes de censure. Des
plateformes comme facebook, instagram et twitter, à mesure
qu’elles se sont développées, ont donc mis en place de
puissants outils de censure, au départ déterminés par leur
puritanisme natif américain (cachez ce sein que je ne
saurais voir !), puis par un contrôle de plus en plus
idéologique de ce qu’il est « correct » de dire ou non. Ces
réseaux ont commencé par supprimer des photos de mère
allaitant leur enfant, et ont fini par bannir des
utilisateurs pour des motifs souvent opaques. C’est ainsi
que tout message mettant en doute l’efficacité des
injections anti-Covid, ou dénonçant le caractère coercitif
des politiques nationales les imposant à leur population, a
rapidement été taxé « d’antivax », de « complotiste » et a
conduit à la désactivation du compte de l’auteur desdits
messages. Nous en sommes donc là : les algorithmes de ces
réseaux sociaux, utilisés quotidiennement par des centaines
de millions de gens, se sont de facto transformés en police
de la pensée, censurant toute information (ou tout
informateur) dérogeant à la « ligne du parti ». Je parle
bien de « parti » car, de façon insidieuse et ironique, la
liberté affichée de ces outils et les riches possibilités de
communication qu’ils offrent, est en train de produire le
même résultat que les pires régimes totalitaires du siècle
dernier, où toute parole jugée transgressive était
impitoyablement censurée, et son auteur, mis au ban de la
société.
Elon Musk et la liberté d’expression
Un homme a bien compris ce « totalitarisme » rampant à
l’œuvre dans les réseaux sociaux : c’est le milliardaire
Elon Musk, qui vient de racheter le réseau twitter pour des
tombereaux de dollars – 44 milliards très exactement. Je
n’ai aucune sympathie particulière pour le fondateur de
SpaceX et directeur de Tesla, dont la vision de l’avenir
humain passe par la colonisation de Mars. Néanmoins, la
raison pour laquelle il déclare avoir racheté twitter est
intéressante à deux titres. D’abord, parce que cette raison
affichée consiste précisément à rendre aux utilisateurs de
twitter leur liberté d’expression, y compris dans le domaine
du Covid et de la santé : « La liberté d’expression est
le fondement d’une démocratie qui fonctionne et Twitter est
la place publique numérique où sont débattues des questions
vitales pour l’avenir de l’humanité. » Ensuite – et
surtout – parce que cette déclaration d’intention a
immédiatement engendré une réaction épidermique de la part
de l’Union européenne, par l’intermédiaire de son
commissaire au marché intérieur, Thierry Breton, qui s’est
dit résolu à forcer la modération de twitter. Et
ce, alors même qu’Elon Musk dit vouloir garantir la liberté
d’expression tout en respectant la loi (comprenez : en
continuant à ne tolérer ni incitations à la haine, ni propos
négationnistes). Je trouve éloquent, et tragique, le fait
que l’Union européenne se sente menacée dès que l’on parle
de liberté d’expression. En toute franchise, je ne sais pas
si le rachat par Elon Musk de twitter permettra de résoudre
le problème de transparence que nous subissons depuis plus
d’une année, notamment sur la question du Covid et des
injections. Ce dont je suis sûr, en revanche, c’est que cet
évènement exprime en termes clairs la question que doit se
poser chaque citoyen s’il souhaite faire en conscience les
choix qui concernent sa santé : dispose-t-il de toutes les
informations auxquelles il a, en tant qu’être humain, le
droit d’accéder ? Et si tel n’est pas le cas, qui
l’en empêche, et pourquoi ? Portez-vous bien,
L’essentiel est
que tu saches écouter. Et que tu aies élevé des bêtes.
Les bêtes comptent. La bête, c’est l’Homme. Les animaux de ferme, traités comme
vermine, ont toujours été les brins de paille de nos espoirs enfouis … Je crois
pouvoir te parler sans détour …
La paysannerie
n’a jamais été un pays enchanté où tout le monde sifflotait. On
marchait. Tu as toi-même fait plusieurs fois le tour de la Terre à pied, dans
les limites de ton foutu canton. Sans beaucoup cesser de porter quelque chose
sur le dos. Une bête. Des branches. Un outil. Tout était beaucoup plus lent, car
le transport était assuré au rythme de l’âne, ou du cheval, ou du bœuf. Même fin
1914, quand les wagons ramenaient au village les cercueils des premiers tués de
la guerre, ils allaient au pas d’un cheval fourbu. Comme les autocars de la
génération suivante, ils s’arrêtaient au milieu des champs, auprès du moindre
hameau.
Entre 1926 et 1939, les
campagnes refusaient l’industrialisation, exactement comme les chevaux refusent
l’obstacle. Les esprits n’étaient pas prêts à la grande mécanisation. Une
révolution se préparait dans ton dos, qui allait détruire ton monde.
J’ai croisé la
route d’André Pochon. Il est né en 1931. Il n’est pas
beaucoup sorti de son canton où se trouve son village de naissance. C’est un
paysan, un vrai. A 6 ans, Dédé garde les vaches. A 13, il laboure. A la sortie
de la guerre, il est tout juste adolescent. La famille est pauvre, comme tout le
monde ou presque. L’eau courante est rare, les sols en terre battue,
omniprésents, jusque dans les cuisines. Les maitres de son école, frappés par
son esprit délié, tentent de convaincre ses parents de l’envoyer à l’Ecole
Normale pour qu’il devienne lui-même instituteur. Il refuse. Obstinément. Il
veut demeurer à la terre. Cela ne l’empêche pas d’œuvrer. Il entre à la Jeunesse
agricole catholique (JAC), qui est alors une belle structure d’éducation
populaire. Dédé dira bien plus tard : « C’était formidable. Nos principes
étaient limpides : voir, juger, agir. D’abord les faits, ensuite la discussion,
parfois à la lumière de l’Evangile, enfin l’action. »
Oui, il faut
agir. Contre les conservatismes, contre la répétition du même, contre la
sottise, contre le passé. Toutes les jeunesses ont entonné le même
refrain. Il fallait bouger ! Il fallait secouer le carcan et les habitudes d’un
monde en partie prostré, vaincu avant d’avoir songé à combattre. Il fallait
imaginer un sort différent et meilleur. Mais lequel ?
Dédé s’installe à côté de
son père et le convainc d’acheter un tracteur, synonyme de progrès. Il faut
agrandir les exploitations, mécaniser, produire toujours et encore plus. Il
réalise en quelques années qu’il existe une autre manière de gagner sa vie dans
une ferme. La sienne est toute petite -huit hectares-, mais il parvient à
produire autant que sur vingt et même vingt-cinq hectares, en conservant du
temps pour sa famille et … les siestes. Je sais. Trop beau pour être vrai. Sauf
que c’est vrai. L’une de ses plus grandes trouvailles consiste à planter ses
prairies avec un assemblage de ray-grass et de trèfle blanc. Le trèfle
blanc est dans ces conditions un incroyable fertilisant, qui permet d’entretenir
des prairies abondantes sans recours aux engrais azotés. La thèse officielle
était pourtant qu’une graminée ne pouvait pousser correctement sans apport
extérieur d’azote.
En 1957, les douze vaches de
Dédé croissent et embellissent, produisant un lait abondant. La ferme Pochon,
pourtant la plus petite de la commune, est aussi celle qui entretient le plus de
porcs, nourris avec le lait écrémé du troupeau, un peu d’orge et des betteraves
cultivées sur place. L’élevage aurait donc pu se développer autrement, grâce à
une herbe perpétuellement renouvelée en quantité, sans le soja transgénique et
le maïs d’aujourd’hui, et sans dégueulasser les sources. En cette année 2014,
Dédé boit toujours l’eau qui coule sous ses champs, désormais cultivés par son
gendre et sa fille. Les nitrates, malédiction de la Bretagne intensive, en sont
presque absents.
J’entends encore la
grandiose formule de Dédé, mille fois répétée par lui. Il la tenait du célèbre
agronome René Dumont : « Regardez bien votre vache, c’est un animal
extraordinaire ; elle a une barre de coupe à l’avant, et un épandeur à
l’arrière. Si vous flanquez cet animal dans le milieu d’un pré, elle fait le
travail toute seule. »
Au début des années 1990,
quand je parlais avec lui, Dédé évoquait volontiers le « bon progrès ». Celui de
« la méthode à Pochon ». Celui de la recherche humble, quotidienne, de la
mesure, de la coopération. Je ne prétendrais jamais que tout aurait été réglé si
on avait confié les rênes au club des « Amis de Dédé ». Mais le sûr est qu’à la
fin des années 1950 la station de Quimper de l’INRA a testé les découvertes
culturales de Dédé. Avant de tout enfouir à double tour dans je ne sais quel
bureau. Pardi ! Cela marchait trop bien. Que seraient devenus les marchands
d’engrais et de matériels, qui font toutes les lois agricoles ou les sabotent ?
C’était comme
cela. D’un côté, le Progrès en marche, devant lequel tous se prosternaient, et,
de l’autre, un petit paysan malin, doté de son seul brevet élémentaire.
Même si Dédé Pochon avait raison -et il avait raison-, il fallait pour finir
qu’il ait tort. Cinquante ans plus tard, nos autorités agronomiques ont
redécouvert ce qu’elles avaient sous le coude, au coffre. La « méthode à Dédé »
est cent fois validée, admirée, enseignée, mais la roue a tourné au profit du
maïs intensif, du lisier et des marées vertes.
…
Fabrice Nicolino, dans sa « Lettre
à un paysan sur le vaste merdier qu’est devenue
l’agriculture » dresse un état des lieux de
l’agriculture, soumise depuis un siècle à une folle
industrialisation, au recours incontrôlé à la chimie et à
des politiques productivistes désastreuses.
« Ce qui a été
fait peut-il être défait ? Oui, jurent quelques siphonnés
dont je suis,
écrit Fabrice. Pour les besoins d’un projet industriel
amoral, on a vidé des milliers de villages et rempli les
banlieues de millions de prolétaires, dont beaucoup devenus
des chômeurs perpétuels. Une autre histoire était possible.
»
Fabrice Nicolino,
journaliste et essayiste spécialisé en écologie, propose ce
livre incontournable pour retrouver la raison et imaginer
une agriculture qui remette l’humain au centre de ses
préoccupations : Editions Les Echappés www.charliehebdo.fr
(13,90 €, 9,99 € en version numérique)
Lorsque l’on pense au mot esclavage, on imagine des personnes enchaînées et
embarquées de force sur des navires en Afrique pour être déportées à travers le
monde.
Le mot esclave a des connotations très négatives qui évoquent le travail
pénible, la coercition, le châtiment et l’exploitation.
Il vient rarement à l’esprit que l’esclavage se rapporte aussi au monde moderne
et aux conditions de vie et de travail actuelles.En effet, l’esclavage a
été officiellement aboli dans tous les pays. Et pourtant il serait faux de
croire que l’esclavage a aujourd’hui disparu. De fait jamais encore dans
l’histoire le nombre de personnes réduites en esclavage n’a été aussi élevé -en
chiffres absolus. L’Organisation internationale du travail des Nations-Unis
parlent d’"esclavage moderne" et estime
qu’au moins 40 millions de personnes en sont actuellement victimes.
L’esclavage actuel existe dans de nombreux secteurs de l’économie
où le recours à de telles pratiques permet la production de nos téléphones
portables et de l’huile de palme contenue dans nos cosmétiques et nos
shampoings, ainsi que la pêche des fruits de mer que nous achetons au
supermarché et la confection de nos vêtements ; l’esclavage est aussi généralisé
dans l’industrie mondiale du sexe et les services domestiques et ménagers
...
Sachez que la Création ne nous
appartient pas, mais que nous sommes ses enfants.
Gardez-vous de toute arrogance
car les arbres et toutes les créatures sont également enfants de
la Création.
Vivez avec légèreté sans jamais
outrager l’eau, le souffle ou la lumière.
Et si vous prélevez de la vie
pour votre vie, ayez de la gratitude.
Lorsque vous immolez un animal,
sachez que c’est la vie qui se donne à la vie et que rien ne
soit dilapidé de ce don.
Sachez établir la mesure de toute
chose.
Ne faites point de bruit inutile,
ne tuez pas sans nécessité ou par divertissement.
Sachez que les arbres et le vent
se délectent de la mélodie qu’ensemble ils enfantent, et
l’oiseau, porté par le souffle, est un messager du ciel autant
que la terre.
Soyez très éveillés lorsque le
soleil illumine vos sentiers et lorsque la nuit vous rassemble,
ayez confiance en elle, car si vous n’avez ni haine ni ennemi,
elle vous conduira sans dommage, sur ses pirogues de silence,
jusqu’aux rives de l’aurore.
Que le temps et l’âge ne vous
accablent pas, car ils vous préparent à d’autres naissances, et
dans vos jours amoindris, si votre vie fut juste, il naîtra de
nouveaux songes heureux, pour ensemencer les siècles.
L’hiver est une saison souvent décriée à cause de ses côtés
sombres, froids, austères. On a l’impression que la nature
est sans vie : les arbres sont dénudés, leurs branches
paraissent mortes, les carrés et les allées s’envahissent
d’herbe. Mes vieux pruniers ressemblent à des grands
escogriffes ébouriffés d’où la vie s’est retirée, mes plants
de framboisiers ne sont plus que des tiges desséchées, les
fraisiers des vieillards racornis, les cassissiers épuisés.
Ça, c’est l’apparence. Il ne faut jamais se fier aux
apparences. En réalité, la terre et les plantes se
recueillent après avoir beaucoup donné et reconstituent
leurs énergies pour se remettre de nouveau à l’ouvrage,
l’heure venue. La sève des plantes vivaces et des arbres
n’est pas morte mais elle descend en profondeur pour se
revitaliser. De même, la terre a besoin de reprendre souffle
lentement et paisiblement pour être activement disponible
aux services qu’on lui demandera au début de la saison
suivante. Les fortes gelées lui sont bénéfiques. En effet,
les nuisibles qui pensent hiberner tranquillement en son
sein trépassent et disparaissent.
Qui observe avec attention le spectacle de la nature
hivernale a sous les yeux, en dépit du décor extérieur
sévère, des signes évidents que l’hiver n’est pas une saison
morte : les bourgeons minuscules affleurent aux branches des
arbres et annoncent des promesses de fruits. Mais ces signes
sont discrets, quasi imperceptibles parfois. Seuls, ceux qui
prennent le temps d’examiner minutieusement l’univers
végétal qui les entoure décèlent ces indices précurseurs
d’une vie en gestation. J’aime l’hiver pour son silence et
pour son travail souterrain qui s’opère lentement et
mystérieusement dans tout le vivant, malgré le froid, le
vent et la pluie. L’hiver est le temps des infimes
commencements, quasi invisibles comme le sont tous les vrais
commencements. Non, ce n’est pas pour moi une morne saison,
comme on le dit trop souvent, c’est au contraire une période
très riche. Comme la femme porte en elle neuf mois durant
l’enfant auquel elle donnera le jour, les arbres et les
arbustes hébergent dans leur secret les sources de la vie
qui jaillira au printemps.
Dans nos existences, l’hiver n’est pas absent. C’est un
temps de décapage intérieur, qui prend parfois des allures
de mort. Traverser la maladie ou accompagner un proche
gravement malade, affronter les angoisses, les incertitudes,
les imprévus, l’inexorable aussi, est une rude épreuve qui
laboure le corps, le coeur et l’âme. Faire l’expérience de
la mort de l’être aimé est un dépouillement sans pareil.
Mais il existe aussi bien d’autres détachements infiniment
douloureux : perdre son travail sans assurance d’en
retrouver un autre, vivre des séparations affectives à tout
âge de la vie, vieillir en accumulant les handicaps,
constater un effondrement de certaines convictions
jusqu’alors professées sans l’ombre d’un doute et se sentir
sombrer dans des décombres intérieurs, être sujet à
l’incertitude sur des questions essentielles, endosser de la
part d’autrui des réactions d’incompréhensions voire des
calomnies, être pris de vertige devant le gâchis humain qui
s’accentue sur notre planète, prendre conscience de sa
solitude fondamentale, propre à chaque humain, de son
impuissance radicale devant tant de chantiers et de son
infinie petitesse pour peser sur le destin de l’humanité,
que sais-je encore…
Sur le moment, c’est l’impression de mort qui domine. Comme
les arbres du potager, dénudés, décharnés, secoués par la
tempête, apparemment morts, nous sommes parfois dépouillés
de beaucoup de supports qui nous assuraient tant bien que
mal un relatif équilibre, fragile certes mais qui nous
donnait l’impression que la vie l’emportait sur les forces
de mort. Et puis, un jour, bien avant le grand âge, des
failles se sont révélées : incident de santé majeur qui
brise élans et projets, désillusions, déceptions, amertume,
tentation de découragement et de scepticisme, manque de foi
en soi et en autrui, lucidité accrue sur soi et ses
ambiguïtés…
Sans doute, faut-il traverser ces hivers rigoureux de
l’existence pour découvrir malgré tout que ce qui semble
irrémédiablement mort en soi ne l’est pas totalement.
Certes, beaucoup d’apparences qui pouvaient donner le change
se sont envolées. Mais dans ce dépouillement de l’être
réduit à une nudité parfois extrême, se manifestent des
signes de vie, invisibles pour l’œil distrait.
Paradoxalement, au lieu même de la pauvreté, pointent des
promesses d’avenir. Comme le squelette décharné des arbres
se couvre de bourgeons qui ne se voient qu’à un examen
rapproché, nos existences, pourtant couvertes de cicatrices
et de blessures, laissent transparaître, pour qui est
attentif, quelques indices d’une vie souterraine. Si donc la
sève ne s’absente pas des arbres ni des vivaces durant la
froide saison mais se recueille en leurs profondeurs, ainsi
en va-t-il du travail intime qui s’opère mystérieusement et
silencieusement au plus profond de nous-mêmes dans la
traversée de l’épreuve. Mais il faut du temps, dans l’ordre
humain comme dans l’ordre végétal, pour éviter l’épuisement
et reconstituer énergies, force vitale et capacités de
resurgir. L’hiver est pour moi le symbole de cette lente et
longue gestation de l’humain qui se fait au creux des vies
sans tambour ni trompette, sans ostentation et sans
démonstration de puissance.Il est des périodes où nous
pouvons avoir l’impression qu’il ne se passe rien. Le temps
est immobile. Le jour suivant ressemble au jour précédent,
aussi gris, aussi morne, aussi monotone. Rien ne semble
advenir. Pourtant au fil des semaines, des mois et des
années, la délicate et vulnérable sève humaine apparemment
inactive est efficacement à l’œuvre, sans bruit ni tapage.
L’hiver dans nos vies est le temps de la patience, du
recueillement et du consentement au mystère secret qui
s’engendre en nos profondeurs…
Comment avons-nous pu en arriver là ? Qu’est-ce qui nous a amenés à saccager
la planète sur laquelle nous vivons, au point de menacer notre vie, et
celles des autres espèces ?
C’est
une question fondamentale, que nous devons nous poser de façon exigeante
compte tenu des évolutions négatives que nous avons provoquées sur cette
planète. Nous sommes en train de nous détruire et de détruire la vie.
Il y a
toujours eu chez l’être humain la problématique de la peur. Nous avons en
nous des peurs primales, des peurs profondes qui déterminent notamment nos
comportements violents. Nous sommes passés d’une humanité primitive, qui
considérait qu’elle appartenait à la vie, à une humanité qui considère que
la vie lui appartient.
D’où
vient cette vanité ? Peut-être des religions monothéistes, qui nous érigent
comme les princes, et même comme les propriétaires de la Création. Nous ne
sommes en réalité que de simples mammifères que la nature a créés. Nous
avons certes des prérogatives particulières par rapport aux autres créatures
vivantes : notre conscience et notre entendement nous donnent un libre
arbitre. Mais qu’est-ce qu’ils nous tourmentent ! Lorsque nous nous
éteignons, est-ce définitif ? Ou bien se passe-t-il quelque chose, sur le
plan de l’âme, quand le corps se décompose et rejoint les lois biologiques ?
Cette peur de la finitude existe depuis l’origine de l’humanité !
Les
sciences et la technique ont certainement aussi contribué à ce que l’être
humain se voit comme un être à part. Elles nous ont permis de décupler notre
efficacité, dans nos gestes, nos déplacements… Nous avons acquis une
maîtrise, une efficacité, totalement inédites. La modernité a, en
particulier, modifié le temps. Avant la technologie, le paysan était au
diapason de la vie, des cycles de la nature, des saisons : on ne peut pas
planter un arbre aujourd’hui et récolter le lendemain !
Avec
la technologie, on est passés du rythme du cheval – l’animal – à celui du
cheval-vapeur. Cette modification du rapport au temps nous a amenés à cette
frénésie, qui instaure le stress, l’obsession du temps qui passe. Nous
entretenons cette forme de pathologie qui est source d’angoisse car on se
demande sans cesse comment gagner du temps, ne pas perdre de temps… Le temps
artificiel est extensible, il n’a pas de limites. C’est un temps suractivé,
qui torture l’être humain.
«
Quand les gens sont confinés dans des cages, ils les aménagent, et oublient
complètement qu’ils sont enfermés… »
Qu’est-ce que le progrès ? Troquer notre existence contre un salaire ?
Consommer des anxiolytiques pour supporter ce rythme effréné ? Passer des
heures dans sa bagnole ? En tout cas, je ne vois pas les gens dans le
bonheur. J’y vois plutôt des palliatifs au bonheur.
Comment inverser ce processus mortifère ?
Il y a
tellement à faire… Il faut sortir de ce modèle, mais il est lourd, établi,
bétonné, et tout le monde y est prisonnier. La modernité, censée libérer
l’être humain, est en fait un système carcéral des plus élaborés ! Nous
avons créé une sémantique qui fabrique du consentement, comme dirait Noam
Chomsky. Même les situations les plus anormales, le système est capable de
les rendre normales. De l’erreur, le système fait quelque chose qui est
accepté comme étant juste. Krishnamurti l’observe : quand les gens sont
confinés dans des cages, ils les aménagent, et oublient complètement qu’ils
sont enfermés… Ils tournent à une allure folle dans leur roue, pour produire
du PIB.
Je
suis moi-même compromis dans cette société : j’ai une voiture, j’ai un
téléphone portable, je m’éclaire à l’énergie nucléaire… En tant
qu’agriculteur, j’ai un tracteur et je suis très content de l’avoir pour
soulager les efforts du quotidien. Je ne nie pas ma participation, malgré
moi, au monde d’aujourd’hui et à ses aberrations. Mais il est important
d’ajuster les outils à nos besoins réels. Lorsqu’on peut se passer des
technologies qui nous asservissent, c’est un vrai bonheur, on est comme
affranchi, libéré. Bien sûr, il y a toutes sortes d’inconvénients, mais
choisissons la liberté, et pas l’incarcération !
Que
voulons-nous réellement de la vie ? Elle est courte, ne sommes-nous pas en
train de la gâcher ? La libération de ce modèle permettrait à l’être humain
de jouir de la vie dans sa totalité, dans sa plénitude. Chaque jour,
disons-nous qu’il doit être éclairé, illuminé, et tranquille.
Quels
sont les grands enjeux selon toi, pour les personnes et les collectifs qui
s’engagent dans la transformation du système ?
Je
vois, ici ou là, des expériences exemplaires. Elles misent sur plus de
fraternité, plus de coopération, plus d’attention portée à l’enfant.
L’éducation est un point fondamental ! Au lieu de dresser les enfants les
uns contre les autres, avec la compétition, le culte de la performance… il
faut leur apprendre à être solidaires. Ce serait déjà un bon départ ! Un
enfant qui n’est plus dans le souci de dominer devient un adulte apaisé. En
généralisant cette éducation, nous pourrions aboutir au miracle, peut-être,
à l’abolition de la violence.
« La
crise est à débusquer en nous-mêmes »
Une
autre chose capitale à changer, c’est notre rapport à la nature ! Quoi qu’on
fasse, on aura beau s’agiter, la nature mettra les limites. Ce qui
déterminera le futur, ce ne sont pas les « progrès » que feront les humains
en ceci ou en cela. C’est de la foutaise, ça peut être balayé par un raz de
marée, ou une autre catastrophe. Il n’y a qu’à voir ce virus actuellement !
Si nous ne tirons pas une leçon de cette pandémie, c’est que nous n’avons
rien compris ! Que dit ce virus ? « Vous n’êtes pas grand chose ». Et encore
ce virus est gentil. Mais imaginons un virus plus mortel : on y passe, et
puis c’est tout ! On voit bien qu’on est impuissant face à cela.
L’intelligence nous dit : « Tu es mortel ! Ne détruis pas la
vie, parce que tu fais partie de cette vie ».
Je
crois profondément que la crise est à débusquer en nous-mêmes, dans ce noyau
intime qui détermine notre vision du monde, notre relation aux autres et à
la nature, les choix que nous faisons et les valeurs que nous servons.
Un
être différent est à construire. Un être de conscience et de compassion, un
être qui, avec son intelligence, son imagination et ses mains, rende hommage
à la vie dont il est l’expression la plus élaborée, la plus subtile et la
plus responsable.
Ouvrons les yeux, voyons les choses de manière objective, et développons
cette énergie extraordinaire qu’est l’amour. C’est, sans le moindre doute,
la plus grande énergie de transformation du monde. Elle est la source de la
vraie transition intérieure.
Dans un texte écrit pour « Le Monde », le sociologue et
philosophe revient sur le siècle écoulé, durant lequel
s’est accrue « de façon inouïe la puissance humaine, en
même temps que, de façon non moins inouïe, l’impuissance
humaine ».
Article publié le 07 07 2021, la veille de
l’anniversaire de l’auteur (qui devient centenaire)
Avant
de considérer la crise que nous vivons depuis 2020 puis
d’en supputer les suites, essayons de la situer dans la
phase extraordinaire de l’aventure humaine qui a
commencé il y a soixante-quinze années et a connu des
imprévus eux-mêmes extraordinaires. C’est une période où
s’accroît de façon inouïe la puissance humaine, en même
temps que, de façon non moins inouïe, l’impuissance
humaine.
En 1945, la bombe sur Hiroshima annonce
la possibilité d’anéantissement de presque toute
l’espèce humaine, possibilité qu’accroît par la suite la
multiplication des armes nucléaires, notamment dans des
Etats hostiles les uns aux autres. En cas de guerre
nucléaire mondiale ne subsisteraient que quelques îlots
de survivants. Ce déchaînement de puissance nous réduit
à l’impuissance.
En 1972, le
rapport Meadows avertit
l’humanité du processus de dégradation de la planète
tant dans sa biosphère que dans sa sociosphère. Les
cinquante années suivantes voient son aggravation
continue. La conscience de cette menace se fait très
lentement et demeure insuffisante, tandis que les
ravages se poursuivent dans l’atmosphère, les rivières,
les océans, les terres stérilisées par l’agriculture
industrialisée, l’alimentation, les villes polluées, la
vie humaine.
A partir de 1980, le
mouvement transhumaniste,
né en Californie, se répand dans les élites de la
technique et de l’économie. Il prévoit une métahumanité
dotée de l’immortalité et une métasociété
harmonieusement réglée par l’intelligence artificielle.
Animé par la conscience des possibilités de nouveaux
pouvoirs technoscientifiques qui permettent de concevoir
le prolongement de la vie humaine et un homme augmenté
dans ses pouvoirs, le
transhumanisme reprend
et développe le mythe occidental de maîtrise illimitée
du monde extérieur et l’utopie d’une société rendue
harmonieuse par l’usage managérial de l’intelligence
artificielle éliminant les désordres, donc les libertés.
Il annonce, en fait, une métamorphose de l’humanité tant
individuelle que sociale en une post-humanité ou
surhumanité.
Globalisation
En 1989-1990 s’opère l’invasion du capitalisme en
ex-Union soviétique et en Chine communiste, en même
temps que la diffusion mondiale des moyens de
communication immédiate. Cette mondialisation ou
globalisation crée une communauté de destin pour les
humains de tous continents, face aux périls communs
(nucléaires, écologiques, économiques). Cette communauté
de destin permet d’entrevoir la possibilité d’une
métamorphose non pas transhumaniste mais panhumaniste,
allant dans le sens non pas d’un homme augmenté mais
d’un homme amélioré dans une Terre-patrie qui
engloberait sans nullement supprimer nos patries
nationales – cela à la condition préliminaire
qu’apparaisse une nouvelle pensée politique humaniste.
A la même période s’opère en Grande-Bretagne et aux
Etats Unis ce qu’on peut appeler une révolution
néolibérale qui non seulement prône l’économie de marché
pour résoudre tous problèmes sociaux, mais aussi vante
la privatisation et la commercialisation des services
publics, y compris des hôpitaux, réduisant l’Etat au
rôle de gendarme.
Cette révolution se mondialise et dès lors, partout dans
le monde, le pouvoir de l’argent domine et se déchaîne.
Il aggrave une crise des démocraties corrompues par ce
pouvoir, ainsi qu’une crise de la pensée politique,
vidée de tout contenu et se mettant à la remorque de
l’économie, elle-même soumise au néolibéralisme.
Nous vivons donc aujourd’hui une formidable dynamique
scientifique-technique-économique-politique déterminée
par le développement incontrôlé des sciences, le
développement incontrôlé des techniques, sous
l’impulsion effrénée des forces économiques et celle,
non moins effrénée, de la volonté de puissance des Etats.
Enorme régression politico-sociale
Cette dynamique contribue à une énorme régression
politico-sociale où apparaissent un peu partout sur la
planète des chefs d’Etat dits « populistes » parce que
démagogues, des régimes néoautoritaires à façade
parlementaire, tandis que se multiplient les moyens qui
permettent une société de domestication et de
surveillance par reconnaissance
faciale,
contrôle des télécommunications, satellites ou drones
espions – c’est déjà la réalité chinoise. La « bigbrotherisation »
est en marche.
C’est dans ces conditions, ponctuées par des révoltes un
peu partout dans le monde, toutes réprimées et certaines
avec une extrême férocité, c’est dans cette phase de
périls et de transformations que surgit la crise
provoquée par la pandémie de Covid-19, devenue quasi
instantanément planétaire, multidimensionnelle et dont
nous ne sommes pas sortis.
C’est alors que se révèle la faiblesse d’une science que
l’on croyait toute-puissante. Déjà l’alerte du sida
en 1983 avait entamé la croyance en une science
toute-puissante qui éliminerait bactéries et virus. Mais
la certitude de la maîtrise de l’ennemi microscopique
demeurait. Or, voilà un virus dont on peut analyser les
molécules constitutives, mais dont on ignore toujours
l’origine, et qui peut-être serait le microscopique
produit d’un docteur Frankenstein chinois échappant à
son créateur, et ayant le comportement aberrant d’un
virus fou, frappant diversement ses victimes,
mortellement parfois.
On saura plus tard si la recherche de vaccin n’a pas
ralenti la recherche de remède, si certains remèdes
n’ont pas été écartés sous la pression de trusts
pharmaceutiques puissants jusqu’à parasiter les
autorités de santé. L’important est de reconnaître que,
si grandes soient les victoires des techniques
scientifiques les plus raffinées, jamais les virus et
les bactéries ne seront éliminés, ne serait-ce que parce
qu’une partie du monde bactérien est vitale, notamment
pour nos intestins ; ne serait-ce que parce qu’ils sont
capables de se modifier et déjouer les antibiotiques et
les antiviraux, ce qui affecte du même coup le rêve
d’immortalité du transhumanisme. Ainsi nous apparaît la
faiblesse d’une science par ailleurs si puissante.
L’infirmité ne vient pas seulement de la fragilité
humaine mais aussi des effets destructeurs de la
toute-puissance scientifique-technique-économique
Simultanément, le caractère multidimensionnel et
planétaire de la crise, la multiplicité des
interrétroactions entre ses composantes comme entre le
local et le global, tout cela révèle la faiblesse d’une
pensée si puissante mais incapable de concevoir la
réalité humaine, et particulièrement dans les époques
des crises, parce qu’incapable d’intégrer les
connaissances dispersées et compartimentées dans les
disciplines. En même temps nous apparaît l’insuffisance
d’une pensée si puissante dans le calcul et l’algorithmisation
des données existantes, mais aveugle à ce qui est le
caractère même de l’histoire humaine : le surgissement
de l’inattendu et la présence permanente des
incertitudes, lesquelles s’aggravent en temps de crise
et surtout de crise géante comme la nôtre.
Nous vivons donc en 2021 une étape nouvelle de la phase
extraordinaire de l’aventure humaine où culmine le
paradoxe de la toute-puissance et de la toute-faiblesse
humaine.
L’infirmité ne vient pas seulement de la fragilité
humaine (le malheur, la mort, l’inattendu) mais aussi
des effets destructeurs de la toute-puissance
scientifique-technique-économique, elle-même animée par
la démesure accrue de la volonté de puissance et de la
volonté de profit.
Quand saurons-nous que tout ce qui est séparable est
inséparable ?
Quand saurons-nous que tout ce qui est autonome est
dépendant de son environnement, depuis l’autonomie du
vivant qui doit renouveler son énergie en s’alimentant
pour vivre et en information pour agir jusqu’à mon
autonomie présente sur mon ordinateur, qui dépend
d’électricité et de Wi-Fi ?
Aussi devons-nous comprendre que tout ce qui émancipe
techniquement et matériellement peut en même temps
asservir, depuis le premier outil devenu en même temps
arme, jusqu’à l’intelligence artificielle en passant par
la machine industrielle. N’oublions pas que la crise
formidable que nous vivons est aussi une crise de la
connaissance (où l’information remplace la compréhension
et où les connaissances isolées mutilent la
connaissance), une crise de la rationalité close ou
réduite au calcul, une crise de la pensée.
Grands processus en cours
L’avenir : nous savons bien que toute futurologie est
vaine et qu’une fois encore l’avenir humain sera riche
en inattendus et en incertitudes. Mais nous pouvons
envisager la continuation probable des grands processus
en cours sur la planète.
Faisons déjà la seule prédiction possible : ce qui va
advenir obéira à la dialectique devenant décisive entre
toutes les puissances et toutes les impuissances
humaines, et également, comme nous l’avons souvent dit,
à l’inséparable relation conflictuelle entre Eros,
Polemos et Thanatos.
Les conflits humains toujours en activité risquent de
s’intensifier : toutes les crises risquent d’exaspérer
les violences, délires et aveuglements plus que
favoriser les prises de conscience et les sursauts
salvateurs.
Multiples désastres naturels
Tout d’abord, le scénario d’une guerre nucléaire demeure
comme une épée de Damoclès sur le futur humain et peut
même avoir la vertu bénéfique d’un Memento mori[« souviens-toi
que tu vas mourir »].
L’aggravation de la dévastation de notre biosphère
terrestre provoquera de multiples désastres naturels,
inondations, désertifications, modifications climatiques
qui engendrent déjà migrations et conflits, notamment
pour la possession de l’eau et la répartition des
ressources énergétiques et alimentaires.
Le processus de régression politique et de
néototalitarisme a toutes possibilités de continuer,
sauf sursauts ou réactions comme certaines semblent
s’amorcer (Chili et,
très modérément, Etats-Unis).
Enfin, la métamorphose de l’homme augmenté en surhumain
pourra se développer chez les élites du pouvoir
politique et économique, créant une scission entre
surhumains et humains, éventuellement réduits à
l’apartheid ou à la stérilisation. La métamorphose de
l’homme amélioré est une possibilité qui ne cesserait
d’être utopique que si l’humanité changeait de voie et
allait dans le sens indiqué dans mon livre qui porte ce
titre [Changeons
de voie : les leçons du coronavirus,
Denoël, 2020].
Ces quatre processus, tous possibles, seraient à la fois
ambivalents, parallèles, concurrents, antagonistes et
comporteraient d’énormes incertitudes dans leurs
interactions et rétroactions.
Réfléchir sur notre présent et notre avenir
N’écartons pas enfin l’hypothèse d’un prophète ou
visionnaire ou illuminé inattendu annonçant la nouvelle
religion planétaire et modifiant l’aventure humaine.
Pour scruter le passé, le présent et l’avenir qui sont
liés, mais non de façon linéaire, nous avons besoin
d’armer l’intelligence par la reconnaissance et le
traitement du complexe, nous avons besoin d’une
connaissance et d’une pensée pertinentes, d’une ample
prise de conscience, de décisions conscientes et
responsables, d’une stratégie toujours en mouvement.
En ce qui me concerne, je consacrerai mes dernières
énergies à observer, travailler et réfléchir sur notre
présent et notre avenir, tout en demeurant dans le parti
qui transcende tous les partis, celui d’Eros.
- "Transitions. Réinventer le genre", par Serge Hefez.
Une analyse intéressante du phénomène
transgenre, par l'un des pionniers de la prise en charge chez les
jeunes.(Calmann-Lévy19.90 €)
- "Aider les enfants transgenres. Contre
l'américanisation des soins" par Christian Flavigny. Le pédopsychiatre
s'inquiète de l'ampleur prise par le phénomène de transidentité. (Téqui, 8.50 €)
La pratique de la discussion philosophique avec les
enfants et adolescents : un levier pour un monde plus
conscient, plus tolérant, plus respectueux ?
Frédéric Lenoir, philosophe,
sociologue et écrivain renommé, est le co-fondateur de
l’association SEVE, « Savoir Être et Vivre Ensemble »
grâce à laquelle j’ai découvert cette pratique en 2017
et suivi une formation au même titre que plus de 4000
personnes dans le monde francophone depuis 4 ans.
Frédéric Lenoir se risque à dire : « Si tous les enfants
avaient l’opportunité de pratiquer à l’école la
discussion philosophique » le monde changerait en une
génération.
« A quoi sert la vie ? la
mort est-elle la fin de la vie ? le présent existe-t-il
? peut-on vivre sans loi ? comment réagir à la
violence ? » Telles sont les questions que des
collégiens de 4eme vivant à Saint Nazaire, en Loire
Atlantique, se sont posées lors du second atelier de
pratique de la philosophie auxquels ils participaient.
Le cadre proposé les invitait à identifier les questions
philosophiques qu’ils se posaient sur eux, leur rapport
aux autres, au monde, sur la vie en général.
Mais le sujet qui a
recueilli le plus de votes dans les deux groupes était
celui de l’argent et du bonheur. Pas étonnant dans ce
collège de quartiers défavorisés, classé en REP+,
accueillant un grand nombre de jeunes ayant connu
récemment l’immigration.
Alors est apparue toute
l’ambiguïté autour de cette relation entre l’argent et
le bonheur. Bien sûr on sait que l’argent ne garantit
pas une bonne santé, une immortalité, mais avec de
l’argent on peut se soigner. Il ne crée pas l’amitié,
mais tout de même…telles ont été leurs réflexions.
Dans l’écoute des arguments
des uns et des autres, les positions de départ de
certains se nuancent. Pas tous. Au terme de la
discussion, l’un des groupes se partage entre « l’argent
contribue plus au moins au bonheur » et « l’argent
contribue largement au bonheur » quand l’autre reste sur
sa position de départ, à savoir que l’ingrédient
principal du bonheur, c’est l’argent. Il n’est pas
nécessaire de rechercher une position commune.
L’essentiel est dans le cheminement qui a duré le temps
de l’atelier, soit à peine trois quarts d’heure.
C’est cette capacité
d’écoute réciproque, d’argumentation, de
conceptualisation, de problématisation que les ateliers
de pratique philosophique pour enfants et adolescents
cherchent à développer.
Quand une petite fille de
CE2 dit en fin d’atelier : « j’ai été contente de voir
que d’autres pensaient différemment de moi », je me dis
qu’une partie du chemin a été déjà accompli. Accepter
les différences, déconstruire les certitudes ou
préjugés… autant d’apprentissages à la tolérance et au
vivre ensemble !
Ce sont bien des enfants qui
philosophent, car l’animateur n’est qu’un facilitateur,
qui reformule, qui questionne au sens socratique du
terme, qui fait circuler la parole…mais l’animateur
reste neutre, sans opinion et sans réponse sur le sujet.
Au mieux se risque-t-il parfois à glisser une phrase
d’un philosophe en écho à ce qui vient d’être dit. A la
question « doit on toujours dire la vérité ? », posée
dans un autre atelier, alors que l’on s’aide de
différents dilemmes pour réfléchir, on ne peut
s’empêcher d’inviter Kant à se joindre au cercle.
« J’aime bien les ateliers
philo car on peut discuter de choses sérieuses, en
s’amusant, en étant libres de nous exprimer… » dit dans
un tour de cercle de fin d’atelier un adolescent de 5ème
dont le groupe échange à partir d’extraits du film « E.T.
l’extraterrestre ».
En 2016, l’Unesco a créé une
chaire intitulée "Pratiques de la philosophie avec les
enfants : une base éducative pour le dialogue
interculturel et la transformation sociale ». Portée par
l’Université de Nantes et coordonnée par Edwige
Chirouter, elle énonce : « Les enjeux de la pratique de
la philosophie avec les enfants rejoignent très
étroitement les objectifs et les valeurs de l'UNESCO :
trop souvent réduite à l'enseignement secondaire ou
universitaire, la pratique de la philosophie est
pourtant un des moteurs essentiels pour développer
l'esprit critique, les compétences démocratiques,
l'empathie, l'ouverture et le dialogue interculturel. La
démocratisation de l'enseignement de la philosophie est
une nécessité dans le monde d'aujourd'hui, caractérisé
par la complexité et les crises multiples (de sens, des
valeurs, de la démocratie, de l'économie). Nous
rejoignons ainsi les préoccupations de la philosophe
Martha Nussbaum dans Les émotions démocratiques (2011),
dont un des chapitres est justement consacré à la
philosophie avec les enfants. Pour M. Nussbaum, les
systèmes éducatifs tendent à mettre de côté les
Humanités au profit d'une connaissance purement
technologique, préparant ainsi une grave crise des
démocraties. Pourtant, seuls, la littérature, la
philosophie, l'histoire et les arts permettent aux
futurs citoyens de développer leur faculté critique et
leur empathie. L'enjeu du développement de ces pratiques
n'est donc pas seulement pédagogique, mais pleinement
politique, au sens le plus noble du terme. »
Bien qu’amorcée dans les
années 1970, cette pratique de la philosophie avec les
enfants et adolescents se fraye timidement son chemin.
Trop timidement certainement, au regard des enjeux qui
sont les nôtres d’évolution des consciences dans les
domaines environnementaux, de lutte contre les
intégrismes, et d’une façon du vivre ensemble.
Et pourtant Montaigne
écrivait déjà en son temps, dans un chapitre qu’il
intitule « De l’institution des enfants » : «
l’éducation consiste d'abord dans l’apprentissage d’une
pensée réflexive et critique. Se former, c’est apprendre
à penser par soi-même ». Qui ignore la fameuse phrase
du même auteur : « mieux vaut une tête bien faite qu’une
tête bien pleine. » ?
Quand bien même se
confronter à 60 ans passés à des groupes d’enfants ou
d’adolescents n’est pas toujours chose simple, surtout
lorsque l’on n’a jamais été enseignant, les petites
phrases rappelées en début de texte, et la conscience
d’agir modestement, à sa mesure, pour le monde de
demain, aident à conserver de la motivation, de la
bienveillance et de l’humilité.
Michel Calvez
- 13/04/2021
La lettre de D&S <lalettre@democratieetspiritualite.org>
Si le déni de la mort
est une des caractéristiques des sociétés occidentales, l’épidémie due
au SARS-CoV-2 illustre son paroxysme. Depuis la seconde guerre mondiale,
ce déni n’a fait que s’amplifier, avec le progrès technologique et
scientifique, les valeurs jeunistes qui nous gouvernent, fondées sur
l’illusion du progrès infini, la promotion de l’effectivité, de la
rentabilité, du succès. Il se manifeste aujourd’hui par une mise sous
silence de la mort, une façon de la cacher, de ne pas y penser, avec
pour conséquence une immense angoisse collective face à notre condition
d’être humain vulnérable et mortel.
Ce déni de la mort a eu trois conséquences. D’abord au
niveau individuel, il n’aide pas à vivre. Il appauvrit nos vies. En
faisant comme si la mort n’avait pas d’incidence sur notre manière de
vivre, nous croyons vivre mieux, mais c’est l’inverse qui se produit.
Nous restons souvent à la surface des choses, loin de l’essentiel.
Une illusion
Ensuite, ce déni entretient une illusion, celle de la
toute-puissance scientifique et technologique, celle du progrès infini.
Avec ce fantasme incroyable : imaginer qu’un jour on pourrait avoir
raison de la mort. Enfin, le déni de la mort nous conduit à ignorer tout
ce qui relève de la vulnérabilité. Il est responsable d’une perte
d’humanité, d’une perte de la culture de l’accompagnement, avec les
souffrances qui y sont associées.
Dès 1987, avec l’arrivée des soins palliatifs en France, a
commencé un long combat pour sortir de ce déni. En 2005, lors de son
audition au parlement, en vue de la loi relative aux droits des malades
et à la fin de vie (dite loi Leonetti), la sociologue Danièle
Hervieu-Léger avait eu cette réflexion : « Le déni de la mort se venge
en déniant la vie. La mort qui n’a pas sa juste place finit par envahir
toute l’existence. Ainsi notre société est-elle devenue à la fois
thanatophobe et mortifère. » Le déni a pourtant perduré.
L’épidémie actuelle l’illustre factuellement. La peur de la mort domine.
Au lieu d’être considérée comme notre destin à tous, une réalité sur
laquelle il faut méditer car elle est inéluctable, la mort devient
l’ennemi à combattre. Faut-il pour autant ne pas se protéger ni protéger
les autres, évidemment que non. Mais cette responsabilité doit être
laissée à chacun et non édictée par un pouvoir médical devenu
tout-puissant, qui poursuit aujourd’hui son fantasme d’éradiquer la
mort, de préserver la vie à tout prix, au détriment de la liberté de la
personne. Les acquis sur la dignité du mourir et le respect des droits
des personnes en fin de vie sont brutalement mis à mal.
Le combat contre la mort
est vain
Je ne remets aucunement en cause l’acharnement avec lequel
médecins et soignants, au risque de leur propre vie, soignent des
patients qui ont encore envie de vivre. Je remets en question la folie
hygiéniste qui, sous prétexte de protéger des personnes âgées, arrivées
dans la dernière trajectoire de leur vie, impose des situations
proprement inhumaines. Cela a-t-il un sens de confiner une personne
âgée, qui dans son for intérieur est relativement en paix avec l’idée de
mourir, comme c’est le cas pour beaucoup ? De l’empêcher de vivre les
dernières joies de sa vie, voir ses enfants, les embrasser, voir ses
amis, continuer à échanger avec eux ? Leur demande-t-on leur avis, leur
choix ? Demande-t-on aux proches ce qui est plus important pour eux :
prendre le risque d’attraper le Covid-19 en prenant une dernière fois
dans ses bras un parent aimé et lui dire au revoir ? Ou se protéger au
risque d’une culpabilité qui les empoisonnera pour longtemps ?
Ce déni de la mort est dramatique et le combat contre la
mort est vain. Nous ne mesurons pas les souffrances qui naîtront de
l’érosion de l’humain quand la distanciation sociale sera devenue la
norme, comme des inégalités que cette peur de la mort aura induites, les
désespoirs, les dépressions, les violences, les envies de suicide. Nous
réaliserons après le confinement le mal qui aura été fait en
privilégiant la vie au détriment de la personne.
Les
vraies questions sur le sens de l’existence
Car qu’est-ce qu’une personne ? Sinon un être humain qui,
se sachant mortel, et méditant sur sa finitude, est renvoyé à
l’essentiel, à ses priorités, à ses responsabilités familiales, aux
vraies questions sur le sens de son existence.
Heureusement, quand notre société aura atteint le pic du
déni de la mort, s’amorcera un déclin. Nombreux sont ceux qui, déjà dans
le silence de leur confinement, méditent aujourd’hui sur le sens et la
valeur de leur existence, sur le genre de vie qu’ils ont vraiment envie
de mener. Une vie de retour aux choses simples, une vie où le contact
avec ceux que l’on aime compte plus que tout, où la contemplation du
beau et de la nature participe à la joie de vivre.
Une vie où l’on n’abandonne pas les plus vulnérables, où la
solidarité humaine l’emporte. Une vie qui respecte les rites essentiels
qui ponctuent l’existence et rassemble la communauté des vivants : la
naissance, le mariage, la mort. Une vie où le devoir d’accompagnement de
ceux qui vont mourir impose naturellement la présence, les mots d’adieu,
bref d’entrer dans ce que le psychanalyste Michel de M’Uzan (1921-2018)
appelait « l’orbite funèbre du mourant ».
Pour sauver le monde et l’espèce humaine, le transhumanisme propose
de transformer cette dernière en misant sur les acquis de la
science. Un projet qui suscite des inquiétudes croissantes à mesure
qu’il se précise.
Qu’on se le dise : les transhumanistes sont
déjà parmi nous et chacun l’a été, l’est ou le sera un jour. En
mêlant des idées libérales inscrites dans l’individualisme
contemporain à un prophétisme technologique teinté d’optimisme, le
transhumanisme fédère des croyants, athées, environnementalistes,
scientistes, libéraux libertariens, communistes… Il est vrai que le
simple fait de s’affranchir des lois de la nature par les acquis de
la science pour améliorer sa vie participe déjà du transhumanisme au
sens étroit du terme. « La majorité
des retraités connaît aujourd’hui une anticipation de la condition
de cyborg[1]
: implants dentaires, hanches artificielles, stimulateurs cardiaques
installés dans le corps. Et les enfants conçus dans une éprouvette
se comptent par milliers », pointe
le théologien Dominique de Gramont[2].
Vienne l’amortalité
Résultat de la fusion d’un être de chair avec la machine, le cyborg
du futur ira encore plus loin. Ce sera un « homme augmenté »,
c’est-à-dire amélioré, bardé de biotechnologies et d’intelligence
artificielle qui accroîtront considérablement ses performances
physiques et intellectuelles ainsi que sa longévité en bonne santé.
Plutôt que l’immortalité, les transhumanistes visent en fait l’״amortalité״,
qui donnera aux individus la capacité de se régénérer en permanence.
En accordant à chacun le droit de recourir à la technologie pour
progresser moralement, physiquement et intellectuellement, le
transhumanisme permettrait à l’espèce humaine d’acquérir la sagesse
nécessaire pour maîtriser guerres et conflits et échapper ainsi à
l’extinction. S’appuyant sur des progrès scientifiques qui prouvent
régulièrement leur capacité à transformer nos vies, le « grand récit
» du transhumanisme a tout pour séduire, remarque Dominique de
Gramont : « Simple et accessible », il permet « d’échapper
au vide de l’air du temps » en apportant une espérance de
substitution à la religion ou au politique, le salut venant de la
promesse de longévité extrême.
Charité bien ordonnée…
Le socle même du transhumanisme, à savoir une espérance de vie
décuplée, suscite la polémique et le doute. « Comment oser
prédire l’immortalité quand l’espérance de vie diminue ? La santé
éternelle quand les maladies chroniques – cancers, diabète, obésité…
– se généralisent ? L’intelligence augmentée quand les pollutions
font chuter le QI des enfants ? » tacle le biologiste Jacques
Testart. D’autres critiques pointent le risque de surpopulation
engendrée par des centenaires qui n’en finiront pas de mourir. Ou, à
l’inverse, si l’on stoppait la croissance démographique, l’avènement
d’une humanité chenue, triste et confite dans le conservatisme.
En décuplant la longévité, le transhumanisme creuserait par ailleurs
les inégalités entre privilégiés pouvant se payer une médecine de
pointe et les autres. Car, dans sa version libérale libertarienne,
le transhumanisme augmente l’espérance de vie et les performances
physiques et intellectuelles d’une petite élite fortunée. Mais à
quoi servira-t-il de prolonger la vie humaine sur une Terre devenue
invivable pour cause d’environnement et de climat dégradés ? Reste à
savoir sur quels critères seront sélectionnés les heureux élus qui
pourront embarquer dans cette arche de Noé, à quelles «
augmentations » ils devront recourir pour s’adapter au milieu
extraterrestre et si tous les volontaires pourront se les payer…
Au-delà de l’espèce humaine, certains transhumanistes s’intéressent
à la sauvegarde de la planète. Ils envisagent des manipulations
génétiques rendant l’homme intolérant à la viande, ce qui
supprimerait toute tentation d’en consommer et donc les émissions de
gaz à effet de serre découlant de l’élevage. D’autres interventions
permettraient de réduire la taille des humains – et donc leur
empreinte carbone –, ou de développer leur altruisme – pour les
rendre plus sensibles aux questions écologiques.
Le meilleur des mondes
Se situant dans une perspective évolutionniste, les transhumanistes
se disent favorables à l’eugénisme dans une version libérale et non
coercitive. Ils souhaitent mettre fin à la loterie génétique en
autorisant les futurs parents à pratiquer toutes sortes de tests sur
leurs enfants à naître pour s’assurer d’une descendance la plus
parfaite possible. Et, à ceux que cela choque, ils ont beau jeu de
faire remarquer que les tests prénataux existants permettent déjà
aux femmes enceintes dont le fœtus est affecté d’un handicap
physique ou intellectuel, comme la trisomie 21, d’avorter. À terme,
le projet transhumaniste prévoit d’aller encore plus loin. Les
géniteurs se verraient accorder la possibilité non seulement
d’éliminer les embryons déficients mais de sélectionner le génome de
leurs futurs enfants pour les doter de certaines caractéristiques
physiques ou intellectuelles.
C’est ce que pensent les détracteurs de ce mouvement : en prônant
l’eugénisme, fût-il libéral, les transhumanistes pousseraient à
l’élimination des profils atypiques, faibles ou handicapés.
Qu’adviendra-t-il alors des sentiments d’empathie ou de tolérance
propres au genre humain qui se manifestent vis-à-vis de la
différence ? « La sélection des “meilleurs”, surtout par la
reproduction dirigée – tri intensif des embryons, voire leur
modification –, diminuerait la diversité humaine, fragilisant
l’espèce », alerte par ailleurs Jacques Testart. Un argument qui
porte en pleine pandémie…
Enfin, en créant une humanité à deux vitesses, le transhumanisme
encouragerait les conflits entre humains augmentés et ceux qui n’ont
pu ou voulu se lancer… À terme, cette nouvelle division du genre
humain augmenterait le risque de racisme ou de guerre civile. Et, si
tout le monde manipule son génome, devient cyborg en incorporant des
dispositifs mécaniques et d’intelligence artificielle, l’espèce
humaine telle que nous la connaissons disparaîtra, comme l’homme de
Néandertal…
Choisir ou non, telle est la question
Face à ces critiques, les transhumanistes libéraux demeurent sereins
: en l’absence de coercition, les individus choisissent ou pas
d’être augmentés et expriment des préférences différentes sur des
traits physiques ou de caractère. Laisser chaque individu décider ne
saurait donc poser de problème, pour peu que l’État veille à ce que
les humains non augmentés ne soient pas discriminés.
Convivialité planétaire
Pierre Rabhi (tiré de la Lettre de Mars de Démocratie et
Spiritualité)
Pierre Rabhi, constatant les désastres causés par la
juxtaposition de savoirs parcellaires, insiste sur la nécessité de retrouver ce
que le philosophe Emmanuel Levinas appelle « la sagesse de l’amour ». « Cessons
de confondre aptitudes et intelligence, et œuvrons à éveiller l’humanité à
prendre conscience qu’elle partage un destin et un sort communs, que chaque
mal ou bien se répercute universellement. (…) Nous appartenons à une seule et
même espèce, chaque autre est frère et le temps est venu de créer une
convivialité planétaire. Prendre conscience qu’il faut additionner « ce » que
l’on s’évertue à mettre en rivalité, à marchandiser ou à retrancher. Et cela en
faisant sien cet enseignement du Christ, mais qui est universel, œcuménique :
« il n’y a que l’amour qui peut changer le cours de l’humanité ». Voilà le
retournement auquel, au plus profond de mon cœur et de mon âme j’aspire ».
Extrait de : Edgar MORIN et Pierre
RABHI : Frères d’âme, entretien avec
Denis LAFAY, éditions de l’aube, 2021, 170 pages, 17,60 euros.
La force pernicieuse d'un virus dit la fragilité de nos
projets, de nos savoirs, de nos prévisions et de notre
maîtrise des risques … Au-delà de l'infection, c'est
notre mode de vie qu'il importe de repenser, de manière
radicale. Si les virus se propagent avec la force
que nous voyons, c'est que nous sommes dans un
déséquilibre écobiologique et que les organismes
vivants, les virus comme les autres vivants, cherchent
leur place dans une biodiversité maltraitée,
instrumentalisée de manière irresponsable. Il y a
urgence à soigner et à penser une nouvelle harmonie
entre les vivants.
Les deux dimensions sont ici à considérer de manière
conjointe : prendre soin et considérer les équilibres
entre les organismes, dans leurs dimensions physique,
biologique et communautaire. C'est la raison pour
laquelle il importe, dans le même temps, de prendre soin
de la vie intérieure et relationnelle des humains.
L'écologie intégrale requiert, nous le comprenons
désormais une « santé intégrale » qui ne saurait se
limiter à la réparation de nos corps, mais qui appelle
une éducation et une connaissance du corps, de la
relation et de la respiration intérieure : ce que nous
appelons la spiritualité. Car on pourrait dire qu'il y
a, dans la crise que nous traversons aujourd'hui, la
présence d'un autre virus, tout autant caché : le virus
de la désespérance qui attaque à la fois notre rapport à
l'avenir et notre confiance en l'autre et en nous-mêmes.
S'agissant de la santé et du soin, les solutions «
intégrales » commencent, de toute évidence, par notre
éducation et notre rapport aux éléments, au corps et à
l'autre. Éduquer à la santé intégrale est une priorité
absolue si nous voulons que les générations continuent
de déployer leurs capacités physiques, intellectuelles,
relationnelles, spirituelles. Cela passe par une
connaissance pratique de la nature et des rythmes, du
corps et de l'esprit.
« Au-delà de l'infection, c'est notre mode de vie qu'il
importe de repenser, de manière radicale. Il y a urgence
à penser une nouvelle harmonie entre les vivants. »
Nous ne pouvons pas continuer à nous épuiser dans une
suractivité et une surconsommation et à penser que les
traitements chimiques vont réguler nos
dysfonctionnements et nos angoisses. Cela suppose, du
même coup, un autre rapport à la nourriture, aux
saisons, aux étapes de la vie, à la manière d'écouter et
de prendre soin. Cela suppose de se réconcilier avec les
aspirations profondes que nous portons en nous-mêmes,
avec la richesse de nos traditions et de notre mémoire
collective. Nous pensons à la complémentarité entre les
thérapies contemporaines, qui visent l'efficacité
immédiate et parfois excessive, et les thérapies
traditionnelles, beaucoup plus douces, qui sont souvent
méprisées pour des raisons de méconnaissance ou de
moindre efficacité. Cela appelle un rapport pacifié
entre les générations et entre les communautés. Voilà à
quoi engage une démarche « intégrale ». Si nous
considérons que la crise sanitaire révèle et amplifie
les crises écologique, économique et sociale, alors la
réponse doit prendre en considération ces diverses
dimensions de notre humanité qui est une.
La croissance est un processus naturel. Tout comme on ne
peut tirer sur une plante pour la faire pousser, on ne
peut forcer le mouvement naturel qui nous permet de
devenir peu à peu qui nous sommes en profondeur...
Quand j’observe un tout petit, je suis frappée par la
manière dont la vie nous pousse en avant.
Apprendre à marcher est davantage le fruit d’une
évolution naturelle qu’un apprentissage en tant que
tel. Rien ne peut être forcé, le tout petit se
mettra en route quand il sera prêt. D’abord ce sont
des balbutiements, des passages maladroits entre la
station assise et celle de la mise debout. Et puis
tout à coup, il se lance et est prêt à affronter le
monde. Il s’aventure, heureux de cette autonomie
acquise qui lui permet d’explorer un peu plus loin
le monde qui l’entoure. Rien ne l’arrête plus. Cela
se fait naturellement. Tout au plus a-t-il besoin
d’un environnement encourageant, stimulant.
Goûter au bonheur d’être. L’enfant est spontanément
animé d’une joie, d’un enthousiasme, d’un appétit de
vivre. Il ne se pose pas de question, il est,
simplement, il est, naturellement.
Progressivement, pour de multiples raisons, nous
pouvons perdre ce contact spontané à la joie de
vivre.
Mais contrairement à l’enfant, nous avons acquis la
faculté de choisir et ainsi la possibilité de nous
donner les moyens pour retrouver cette joie de vivre.
Ces moyens vous les connaissez peut-être, ce sont des
manières de s’y prendre avec soi qui favorisent notre
déploiement. En voici trois :
- Nous donner un environnement qui nourrit notre
désir de nous déployer.
Nous n’avons pas de pouvoir sur les autres, mais nous
pouvons choisir vers quelle personne nous allons-nous
tourner pour nous sentir plus vivants : qui vais-je
fréquenter pour réveiller en moi ma joie de vivre ?
Quelle est la personne de mon entourage avec qui je peux
vivre ma capacité à aimer gratuitement ?
Nous pouvons aussi nous aider de notre environnement
matériel pour nous vitaliser :
Quel lieu est pour moi source de ressourcement ? Quelle
pièce de ma maison vais-je soigner pour la rendre plus
apaisante ou plus stimulante ?
- Savourer qui nous sommes
Prendre de petits temps qui nous remettent en contact
avec notre vie profonde. Nous arrêter pour reconnaître
en nous ce qui nous caractérise et nous laisser goûter à
la joie d’être nous. Et pour cela, accepter de nous
laisser surprendre au détour de notre journée par un
aspect de notre personnalité : nous laisser toucher par
notre délicatesse, goûter à notre capacité à nous rendre
complice, complice de l’autre, complice de l’instant.
- Apprendre à choisir librement, en accord avec soi
Et non plus en fonction des avis, des attentes des
autres, ni « parce qu’il faut » ou pour de fausses
excuses telles que « je n’ai pas envie », « pas le temps
», « ça ne se fait pas » ou « je n’ai pas le choix ».
Mais devenir acteur, actrice, de notre cheminement en
écoutant cette petite voix intérieure qui nous dit ce
qui est juste et bon pour nous.
Ces moyens sont au service de notre croissance,
octroyons-les-nous sans modération !
… L’apparition du
virus prend place dans la multiplication des zoonoses depuis vingt ans. Leur
point commun ? Elles résultent de la déforestation qui met en contact les hommes
avec des virtus qui, jusque -là, restait au centre des forêts tropicales.
La focalisation sur
la croissance économique, sorte de religion laïque de notre temps, encourage
l’exploitation de la biosphère, sans être capable de voir plus loin que les
résultats financiers du prochain trimestre. Elle légitime aussi l’exploitation
de franges importantes de la population. Celles-ci sont pauvres ou modestes,
souvent issues des minorités ethniques, assignées aux tâches subalternes et
disposant d’une santé fragile ; ou plutôt fragilisée par le stress,
l’alimentation industrielle, la fatigue, les mauvaises conditions de logement,
l’absence de prévention sanitaire, etc.
C’est ce dernier
aspect qui a fait dire à l’éditorialiste Richard Horton, du magazine médical de
référence The Lancet que nous n’étions pas en présence d’une pandémie,
c’est-à-dire d’une maladie qui toucherait tout le monde et qui causerait la
perte d’une partie de la population. Non, nous serions face à une syndémie,
c’est-à-dire à plusieurs épidémies qui, jusqu’ici restaient cachées :
« L’état de santé de la population française, pour se concentrer sur elle, est
en fait bien moins bonne qu’on ne le pensait, à cause d’une véritable épidémie
de maladies chroniques, comme les cancers, le diabète, etc. » explique à
Golias Hebdo l’économiste Eloi Laurent.
De même, la crise
actuelle révèle toute l’ampleur des inégalités de santé, qui se distribuent le
long de l’échelle des revenus. « Ce qui constitue une sorte d’épidémie »,
ajoute Eloi Laurent. Ces éléments sont liés au mode d’organisation de la société
et notamment sur l’accent mis sur l’exploitation des ressources naturelles et
des hommes. Et c’est à une révision des priorités qu’il faut s’atteler, comme le
préconise l’économiste.
Contrairement à ce
que prétendent la communauté des éditorialistes et les ministres, la solution
technique du vaccin ne résoudra rien. Et elle n’empêchera pas d’autres virus de
circuler à l’avenir … Il ne s’agit que d’une illusion qui ne prend en compte ni
la justice ni l’efficacité. La révision des priorités suppose une revitalisation
de la démocratie. Or, ce n’est pas la voie qui est prise par le gouvernement. Sa
gestion de la crise est symptomatique : sa stratégie n’est pas soumise à débat
au Parlement, aucune analyse des mesures prises et de celles qui n’ont pas été
prises n’est faite publiquement et de manière contradictoire …
Tant que notre culture opposera « la vie » à « la mort
», il nous sera difficile de considérer sereinement le
terme de cette existence. Car ce que nous appelons « la
mort » en y mettant toutes sortes de connotations
terrifiantes n’est pas le contraire de « la vie » mais
un aspect constitutif de cet incroyable phénomène appelé
« vie ». Comme le savent nombre de cultures anciennes
considérées de haut par nous autres « modernes », la
vie, toute vie, comporte trois phases qui se succèdent
en un cycle ininterrompu : apparition (parfois appelée «
naissance »), déploiement (parfois appelé « vie »),
disparition (souvent appelée « mort »). Ces trois phases
sont la vie et aucune n’est stagnante, car la vie est
changement. Les bouddhistes nomment cela « impermanence
des phénomènes, les hindous parlent de « danse » …
Dans cette perspective, « la mort », y compris la «
mienne », est considérée comme un épisode nécessaire
dans le constant processus du changement, autrement dit
de la vie. Un épisode certes important, au même titre
que la naissance, mais un épisode.
En prétendant réfléchir à la mort en tant qu’ « objet
impensable », « arrêt » de la vie et par conséquent «
scandale », nous aboutissons logiquement à la mort
refoulée, dissimulée et déshumanisée. Je suis souvent
frappé de recueillir les confidences d’adultes de
trente, quarante, voire cinquante ans, qui me disent le
choc ressenti face au cadavre d’un parent décédé. Ils
avaient vécu tout ce temps sans jamais avoir vu un mort
… Ce simple fait en dit long sur le rapport malsain que
nous entretenons avec cette dimension de la vie.
Non qu’il s’agisse d’affecter une indifférence pseudo
philosophique : la mort d’un proche est une perte et
donc une douleur qui nécessite un deuil, lequel fait
aussi partie de l’expérience humaine. De là à en faire
un innommable scandale, une terrifiante éventualité …
On ne peut pas méditer sur la mort sans vivre
consciemment le changement. En vérité, notre existence
est une constante succession de naissances, de
déploiement et de morts. Une journée nait, se déploie
puis meurt à la tombée de la nuit, chaque mort étant en
elle-même une naissance : la mort du jour marque pour
ainsi dire la naissance de la nuit… Tout au long de mon
existence, je n’ai cessé de naître et de mourir. Le bébé
dont je peux voir les photos et dont on me dit que
c’était « moi » est tout aussi « mort » que le grand
père qui sur la même photo me tient sur ses genoux.
Certes, pas pour l’état civil. Mais ce bébé, où est-il ?
Peut-on davantage le rencontrer, le voir, que le grand
père « mort » depuis des décennies ? Où est-il cet
intérieur que j’avais composé dans un domicile
précédent, dont je me souviens et dont je peux voir des
photos ? « Mort », décomposé. Il était « vivant »
jusqu’au moment où les déménageurs ont commencé à le
démanteler en enlevant un premier fauteuil. Bien sûr des
éléments de cet intérieur « mort », meubles, tapis etc,
subsistent dans mon nouvel intérieur, disposés
différemment, sorte de « réincarnation » du précédent.
D’autres existent encore mais ailleurs, chez un
brocanteur ou dans une maison dont j’ignore tout…
Mes vacances d’été sont nées, se sont déployées et sont
mortes pour que naisse ma « rentrée » …
La vie est un insondable mystère ; cependant, sans
pouvoir en concevoir le pourquoi et même le « comment »,
quelques explications limitées que puissent en donner
les sciences, il nous est possible d’en observer les
lois. Exerçons nous donc au quotidien à vivre
consciemment le changement, autrement dit la naissance,
le déploiement et la mort. Aucune écologie ne peut faire
l’économie de cette démarche.
Je ne vais pas souhaiter à chacune et chacun une « bonne
année, bonne santé et la réalisation de tous vos désirs
» - même si bien entendu j’espère votre bien comme le
mien. Quant à savoir ce qui, au final, est un mal ou un
bien, je n’entretiens plus cette illusion.
Ce que je vais vous souhaiter, me souhaiter, c’est de
toujours plus contempler la nature du réel. A savoir
l’impermanence des phénomènes, de tous les phénomènes y
compris ce corps et ce psychisme appelé « moi », « toi
», « nous », « vous », « elles », « ils ».
En vérité, les données de la situation sont simples :
nous sommes locataires. Locataires de tout. J’ai le
privilège de vivre dans une maison que j’aime, aménagée
avec soin et dont la beauté me nourrit. Ce matin, comme
chaque matin qui m’est donné, je la regarde tandis que
je rentre le bois. Je contemple le feu dans l’âtre, je
goûte l’harmonie familière de mon bureau, livres,
guitares, photos… De tout cela, je suis locataire,
quoique propriétaire selon la loi du monde. Dans
quelques décennies, tout au plus, qui demeurera ici ?
Quelqu’un, a priori - sauf improbable destruction,
laquelle, cependant, arrivera aussi - se sentira chez
lui en ces murs. Peut-être mes enfants, peut-être pas et
quand bien même … Quelle folie de s’inventer une pseudo
permanence en misant sur sa descendance ! Où seront
dispersés ces objets familiers, ces livres dédicacés,
ces photos qui pour moi font sens ?
Ce matin, comme quasiment chaque matin, j’ai le
privilège de faire de l’exercice. Maintenir ce corps en
état, et avec lui l’énergie qui l’anime, la garder
autant que possible en circulation fluide. De ce corps
aussi, je suis locataire. Combien de temps encore avant
que, quelque soin raisonnable et juste que j’en prenne,
il ne se dégrade et finalement connaisse la panne finale
? Combien de temps avant que les proches ne viennent se
recueillir au chevet de cette enveloppe vide ?
Ce matin, comme quasiment chaque matin, je me sens bien,
content, empli de gratitude, heureux de servir encore,
malgré et avec les horreurs de ce monde insensé. Ce
psychisme aussi, j’en suis locataire. Toute cette
histoire que j’appelle mienne, tout ce qui a abouti à
façonner l’être humain que je suis et me sens être avec
ses forces et faiblesses, comme tout cela est éphémère.
Juste, à sa place, et éphémère. Combien de temps avant
que cette histoire ne prenne définitivement fin ? Quelle
folie que de se rassurer l’âge venant en se revendiquant
toujours jeune - même s’il n’y a en effet aucune raison
de se vivre en vieux … Quelle merveille que d’avoir son
âge, exactement son âge humain, et ainsi aligné,
pressentir ce qui n’a pas d’âge.
Pensées morbides ? Oh, que non, mes amis !
Considérations stimulantes, qui remettent tout à sa
place dans la perspective du Plus Grand. Il ne s’agit
même pas de considérations mais d’un ressenti, d’une
constante évidence. « Jésus dit : ‘soyez passant’ » -
Evangile de Thomas. S’éprouver passant, quelle merveille
! S’imaginer installé, quelle folie !
A l’approche de l’expiration du bail, il y aura du
grabuge, du désordre, du démantèlement- plus ou moins. A
l’instar de toute naissance, ce sera plus ou moins
pénible, plus ou moins violent, peut-être doux, allez
savoir, mais n’y comptons pas trop. Regardons autour de
nous. Tous ceux qui nous ont quitté n’ont-ils pas pour
la plupart connu quelques moments abrupts dans le
passage, et ce quelle qu’ait été leur sagesse ?
Cela aussi, voyons le, souvenons-nous en.
Nouvelle année, bail prolongé. Je pourrais tout aussi
bien écrire nouveau jour, nouvel instant …
Les vœux que je formule, c’est que la conscience de
l’impermanence nous habite, qu’elle en vienne à
imprégner chaque instant de nos perceptions, qu’elle
fonde notre relation à nous même, aux autres, au monde.
Oui, faisons des projets, réalisons des aspirations,
goûtons la musique, la poésie, les paysages, les vins,
la bonne compagnie, oui, que oui …. Vivons, vivons de
tout notre cœur et jusqu’au bout du bout tant que le
bail n’a pas expiré. Et surtout, surtout, aimons,
aimons-nous nous-mêmes, aimons nous les uns les autres,
aimons nos « ennemis », nos amis, l’inconnu croisé dans
la rue… Sachant que la conscience constante de
l’impermanence est une des conditions de l’amour vrai.
Le passant que je suis aime tout ce qui l’entoure et
qui, également, passe.
L’amour, lui, ne passe pas. « Le ciel et la terre
passeront ; mes paroles ne passeront point ». Les
paroles qui ne passeront pas sont le verbe de vie.
Les objets de l’amour et le sujet aimant passent, en
tant que déclinaisons passantes de cette énergie que
l’on appelle vie, et dont l’essence est amour.
Ce que je vous souhaite, nous souhaite, c’est de sentir
cela, de laisser peu à peu ce sentiment grignoter tout
le reste. Je vous souhaite, nous souhaite, de voir nos
identifications rongées par cette vision. Je nous
souhaite chaque respiration habitée par la conscience de
l’impermanence. Quelle effroyable merveille ! Voilà pour
moi « l’éveil », s’il en est, ou disons le réveil. Pas
le basculement dans je ne sais quel état mais le réveil
de ce rêve qui me fait m’imaginer existant hors du
changement.
Je nous souhaite l’obsession de l’impermanence et par
conséquent la pleine appréciation du festival de la
nouveauté.
Bail prolongé, bonne année.
Gilles Farcet
« Qui donne ne doit jamais s'en souvenir. Qui reçoit ne
doit jamais oublier. »
On se persuade souvent soi-même que la
vie sera meilleure après s'être marié, après avoir eu un
enfant et, ensuite, après en avoir eu un autre. Plus tard,
on se sent frustré, parce que nos enfants ne sont pas encore
assez grands et on pense que l'on sera mieux quand ils le
seront.
On est alors convaincu que l'on sera plus heureux quand ils
auront passé cette étape.
On se dit que notre vie sera complète quand les choses iront
mieux pour notre conjoint, quand on possédera une plus belle
voiture ou une plus grande maison, quand on pourra aller en
vacances, quand on sera à la retraite.
La vérité est qu'il n'y a pas de meilleur moment pour être
heureux, que le moment présent. Si ce n'est pas maintenant,
quand serait ce ?
La vie sera toujours pleine de défis à atteindre et de
projets à terminer. Il est préférable de l'admettre et de
décider d'être heureux maintenant qu'il est encore temps.
"Pendant longtemps, j'ai pensé que ma vie allait enfin
commencer. La vraie vie ! Mais il y avait toujours un
obstacle sur le chemin, un problème qu'il fallait résoudre
en premier, un thème non terminé, un temps à passer, une
dette à payer. Et alors, là, la vie allait commencer!
Jusqu'à ce que je me rende compte que ces obstacles étaient
justement ma vie". Cette perspective m'a aidé à
comprendre qu'il n'y a pas un chemin qui mène au bonheur. Le
bonheur est le chemin.
Ainsi, passe chaque moment que nous avons et, plus encore,
quand on partage ce moment avec quelqu'un de
spécial, suffisamment spécial pour partager notre temps, et
que l'on se rappelle que le temps n'attend pas.
Alors, il faut arrêter d'attendre de terminer ses études,
d'augmenter son salaire de se marier, d'avoir des enfants,
que ses enfants partent de la maison ou, simplement, le
vendredi soir, le dimanche matin, le printemps, l'été,
l'automne ou l'hiver, pour décider qu'il n'y a pas de
meilleur moment que maintenant pour être heureux.
LE BONHEUR EST UNE TRAJECTOIRE ET NON PAS UNE DESTINATION
Il n'en faut pas beaucoup pour être heureux. Il suffit juste
d'apprécier chaque petit moment et de le sacrer comme l'un
des meilleurs moments de sa vie :
- Tomber amoureux;
- Rire jusqu'à en avoir mal au ventre, ou des crampes aux
mâchoires;
- Trouver un tas de nouveaux mails sur sa boîte quand on
revient de vacances;
- Conduire vers des paysages magnifiques en terre inconnue;
- Se coucher dans son lit en écoutant la pluie tomber
dehors;
- Sortir de la douche et s'essuyer avec une serviette toute
chaude;
- Réussir son dernier examen,
- Avoir une conversation intéressante;
- Retrouver de l'argent dans un pantalon que l'on n'a pas
porté depuis des lustres;
- Rire de soi-même;
- Rire sans raison particulière;
- Entendre accidentellement quelqu'un dire quelque chose de
bien sur soi,
- Se réveiller en pleine nuit en se rendant compte que l'on
peut encore dormir quelques heures;
- écouter une chanson qui nous rappelle un moment chéri;
- se faire de nouveaux amis;
- Voir contents les gens que l'on Aime;
- Rendre visite a un vieil ami et se rendre compte que les
choses n'ont pas changé entre vous;
- Admirer un coucher de soleil,
- Te faire tranquillement masser le dos et t'endormir
paisiblement;
- Sentir un vent doux et frais nous caresser la joue;
- Entendre dire que l'on nous aime et vivre paisiblement
tous les petits moments qui nous réchauffent le cœur et
l'âme.
« Les vrais amis viennent
dans les bons moments quand on les appelle, et dans les
mauvais moments ils viennent d'eux-mêmes ».
Le prophète, c’est celui qui, à
temps et à contre temps, proclame par ses paroles et par
ses actes les exigences du respect de l’autre et de la
compassion, les impératifs de la justice et de la
vérité, telles qu’ils résultent de sa réflexion et
montent du plus profond de sa conscience. Les prophètes
sont souvent incompris, méprisés, calomniés, et parfois
tués. La mise à mort est le sort de milliers de
chercheurs de sens de toutes cultures et de toutes
croyances dans l’histoire de l’humanité : parmi les plus
célèbres, Socrate, les prophètes du judaïsme, Jésus de
Nazareth, Mansur al Halladj. Autres témoins plus près de
nous, Dietrich Bonhoeffer, Mohandas Gandhi, Martin
Luther King, Steve Biko, Oscar Romero, Jerzy Popieluszko,
Mahmoud Muhammad Taha.
Ce fut aussi le sort de Jean
Jaurès, assassiné le 31 juillet 1914 au café parisien du
Croissant. Le meurtrier, un nationaliste d’extrême
droite, fut acquitté en 1920, et la veuve Louise Jaurès
eut même à payer les dépens de ce procès inique… La
revue Alternatives non-violentes
[1]
nous livre un passionnant dossier sur l’ancien boursier
reçu premier à l’Ecole normale supérieure puis docteur
en philosophie, le défenseur des mineurs de Carmaux élu
député du Tarn, le fondateur du journal L’humanité,
l’orateur percutant qui tentait avec l’Internationale de
s’opposer à la guerre.
La pandémie de Covid-19 dépasse largement le cadre
médical. Elle agit comme un avertissement, un signe des
temps que nous devons prendre très au sérieux : si nous
laissons filer le réchauffement climatique,
l’effondrement de la biodiversité et l’explosion des
inégalités, nous irons vers des dégradations bien plus
graves et irréversibles. Le coronavirus a une dimension
apocalyptique au sens premier du terme : il dévoile et
révèle les faiblesses d’un monde hyperglobalisé et coupé
du vivant, dont on n’a pas respecté les lois. Il nous
montre l’importance du lien et de la résilience qui se
construit, précisément, dans la coopération et le soin
apporté aux autres. Il nous appelle, de fait, à
redéfinir en profondeur ce qui est essentiel à nos
destinées.
Cela implique d’abord de se poser, individuellement et
collectivement, la question du sens de la vie. Le
coronavirus nous renvoie à notre fragilité et nous
interroge : pourquoi je vis et pourquoi je vais mourir,
tôt ou tard ? Pourquoi je suis cela ? A quoi je sers ?
Quand on demandait au théologien Raimon Panikkar :
« C’est quoi le sens de ka vie ? », il répondait, sur le
mode de l’évidence : « Mais c’est la Vie, en
majuscule ! ».
D’abord une vie insufflée par une puissance de désir
réorienté, désaliéné. Notre désir profond –d’amour, de
beauté, ou encore de justice- est d’ordre spirituel, il
a une dimension d’infini, d’absolu qui ne peut être
satisfaite par le marché et la consommation. Voilà qui
condamne d’emblée le système CPC (croissanciste,
productiviste et consumériste). Ensuite, une vie reliée
à toute la communauté du vivant, des êtres humains et
non humains, où ceux-ci ont leur place. Avec le
coronavirus, on sait maintenant combien la déforestation
et la perte de territoires des animaux sauvages sont une
bombe à retardement. Enfin, la vie belle et bonne est
pour moi une vie où l’on s’ouvre à ce qui, dans notre
être profond et dans la nature, est bien plus grand que
ce qui respire, vit et meurt. Bref une vie attentive à
l’Esprit, à son souffle. Il nous invite à une vie de
communion …
La réorientation de notre désir, l’écoute de notre désir
essentiel (ontologique) nous conduisent à désirer mieux,
à distinguer l’essentiel du superflu, à faire le tri
entre les sources secondaires et les sources primaires
de satisfaction. Les premières –dans lesquels j’inclus
non seulement les biens de consommation mais aussi toute
la quête de valorisation de soi au détriment des autres-
nourrissent l’hubris (la démesure), caractéristique de
ce monde. Elles sont de l’ordre de l’avoir. Les secondes
ne peuvent s’acheter et sont de l’ordre de
l'être. Dit autrement : ce qui nous satisfait
le plus et nous fait vraiment vivre a partie liée avec
les grandes valeurs : l’amour, l’amitié, le souci des
autres, de la justice, la contemplation du beau …
Des jeunes collégiennes et lycéennes ont réclamé celle
de s’habiller comme elles le veulent pour venir en classe.
Face à elles, le ministre de l’Éducation a dit qu’elles
devaient porter une tenue « républicaine ». Mais la
ministre déléguée chargée de l’égalité entre les femmes
et les hommes l’a contredit, en affirmant : « En France,
chacun est libre de s’habiller comme il le veut. »
(Source :
nouvelobs.com, 22/09/2020)
Je suis absolument
d’accord avec le premier, même si je ne sais pas très bien ce qu’est une tenue
« républicaine ». Et je désapprouve totalement ce qu’a dit la seconde, dont
l’opinion me semble ici totalement irréfléchie.
En effet, dans un
pays policé au moins, nul n’est libre de s’habiller comme il le veut en
n’importe quel endroit. Suis-je libre vraiment d’aller en short à un
enterrement, ou à un entretien d’embauche ? Je rencontrerai inévitablement la
réprobation dans le premier cas, et l’échec dans le second. Cette liberté qu’on
voit réclamer ici est purement formelle, elle ne songe pas aux nécessaires
présupposés de la tenue, qui doit être adaptée à tel ou tel lieu. Le maillot de
bain est pertinent sur la plage, mais inapproprié ailleurs dans l’espace public,
où il s’expose même à des sanctions.
S’agissant de
l’école, ce n’est pas un lieu comme les autres. Elle doit être sanctuarisée,
tenue à l’abri du vacarme social environnant. C’est un lieu où l’on va pour
s’instruire, et non pas comme on le dit de façon démagogique un « lieu de vie ».
La vie, son épanouissement ou son assujettissement, comme on voudra, c’est
ailleurs qu’on les trouve.
Je serais assez
pour qu’on retrouve à l’école l’usage de l’uniforme ou de la blouse, qui
garantit l’égalité entre les élèves, en gommant leurs différences sociales, et
empêchant la surenchère consommatrice ainsi que la soumission aux diktats de la
mode, qui est une caricature de la liberté. Son mérite aussi serait de
désexualiser les corps, pour éviter provocations vestimentaires et tentations
qui ne sont pas toujours propices au désir d’apprendre. Je parle ici
d’expérience, en tant qu’ancien professeur de l’enseignement public.
La liberté n’est
pas la licence. Il faut la limiter dans des situations concrètes. Bien comprise,
elle permet d’intégrer les frustrations et d’établir la paix civile. Nos jeunes
filles revendicatrices vérifient ce que dit Montesquieu dans De l’esprit des
lois : « On était libre avec les lois, on veut être libre contre elles. »
« Le monde change, la rapidité de l’évolution
actuelle me fait peur, la vie n’est qu’une étape … »
me confient des amis. Les modifications climatiques que
nous constatons et subissons en sont en effet des
preuves. Mais, plus sournoises et plus graves, les
mutations du vivant, de nos gênes après avoir été
longtemps contrôlées, sont de plus en plus présentées
comme des progrès et proposées concrètement lors de
fécondations ou dans des soins … Que faut-il en penser ?
Devons-nous accepter cette évolution, réagir ? Les
lignes de quelques auteurs qui suivent peuvent-elles
nous aider à prendre nos responsabilités ?
P. J.
Pierre-Jean-Georges Cabanis :
« Il est possible par un plan de vie combiné sagement
et suivi avec constance (…) d’améliorer la nature
particulière de chaque individu. Mais si l’on peut
utilement modifier chaque tempérament, pris à part, on
peut influer d’une manière bien plus étendue, bien plus
profonde, sur l’espèce même, en agissant d’après un
système uniforme et sans interruption, sur les
générations successives (…). L’hygiène doit oser
beaucoup plus ; elle doit considérer l’espèce comme un
individu dont l’éducation physique lui est confiée, et
que la durée indéfinie de son existence permet de
rapprocher sans cesse, de plus en plus, d’un type
parfait, dont son état primitif ne donnait même pas
l’idée : il faut, en un mot, que l’hygiène aspire à
perfectionner la nature humaine générale
Après nous être occupés si curieusement des moyens de
rendre plus belles et meilleures les races des animaux
ou des plantes utiles et agréables, après avoir remanié
cent fois celles des chevaux et des chiens ; après avoir
transplanté, greffé, travaillé de toutes les manières
les fruits et les fleurs, combien n’est-il pas honteux
de négliger totalement la race de l’homme ! Comme si
elle nous touchait de moins près ! Comme s’il était plus
essentiel d’avoir des bœufs grands et forts, que des
hommes vigoureux et sains ; des pêches bien odorantes,
ou des tulipes bien tachetées, que des citoyens sages et
bons. »[2].
Michel Malherbe et Jean-Marie Pousseur :
« Il est temps de suivre un système de vues plus
dignes d’une époque de régénération ; il est temps
d’oser faire sur nous-mêmes ce que nous avons fait si
heureusement sur plusieurs de nos compagnons
d’existence, d’oser revoir et corriger l’œuvre de la
nature. Entreprise hardie ! Qui mérite véritablement
tous nos soins, et que la nature semble nous avoir
recommandée particulièrement elle-même »[3].
[1] L'eugénisme est l'attitude
philosophique ou la théorie qui préconise une
amélioration du patrimoine génétique de
certaines populations humaines par la sélection,
par l'interruption de la grossesse, par
l'interdiction de la reproduction des individus
considérés comme inférieurs ou même par
élimination.
[2] P.J.G. Cabanis, « Rapports
du physique et du moral de l’homme » 1867 Tome I
[3] M. Malherbe et J.M.
Pousseur, « Novum Organum », Livre I, 1985
Vous arrive-t-il
d’avoir peur ? De perdre pied, face au vide dans votre
vie ? Devant les angoisses qui viennent soudain
l’habiter ? Comment faites-vous alors pour reprendre
pied ? Comment faites-vous, lorsque la solitude vous
submerge de toute part ? Quand la confiance en vous
s’effrite sous vos pas et que la vie fait sentir son
poids ?
Je vais tâcher de vous
relater comment j’œuvre. Vous me direz à votre tour.
Pour cesser de voir tout en noir, je songe à l’ami. Je
m’accroche à son souvenir, à ses mots, à nos rires. Je
me dis alors que, lui, il a confiance en moi, qu’il
m’aime vraiment, tel que je suis. Je m’attache à ce lien
invisible qu’est notre amitié tissée au fil des jours,
des petites joies et des coups durs. J’entends qu’il
demande de mes nouvelles, qu’il s’inquiète pour moi, que
je compte pour lui. Et je tâche de retrouver le silence
à la place du bruit, je tente de faire retour sur moi.
Au fond, je tâche de ne plus me saboter. Pour retrouver
ainsi un peu de quiétude et d’équilibre.
Ce silence de la
nature. L’entendre vraiment, ne plus courir. Ne plus
discourir sans fin. Refaire corps avec soi. Se sentir
là, vivant, à l’instant. Marcher en conscience, pas
après pas. Et se sentir humains, reliés. Nous sommes
souvent si seuls, coupés du reste du monde, et même de
nos proches. Il suffirait parfois d’un regard de côté,
d’un geste d’ouverture, d’un petit pas à droite ou à
gauche. Et la vie de l’un et de l’autre pourrait s’en
trouver transformée. Peux-tu jouir et te réjouir de ce
que tu as ? Le vois-tu seulement ou fuis-tu sans cesse ?
Tes désirs sont-ils toujours ailleurs, sans cesse
inassouvis ? Reviens à toi, à l’amitié, à l’important, à
l’instant. À ce silence bienfaisant, qui nourrit et qui
apaise.
Prendre soin de soi,
oser le silence et le retournement. Ne plus seulement
faire, mais apprendre à défaire. Emprunter d’autres
chemins, vivre à contre-courant. De ces mauvaises
habitudes qui usent, de ces fuites qui étouffent.
Flâner, sentir le vent, faire corps avec l’humanité.
Perdre son temps, offrir un sourire à l’inconnu.
S’ouvrir pour ne plus souffrir. Pour retrouver une
parole vraie, pour se retrouver soi. Regarder la vie,
avec un regard renouvelé. Chaque jour qui passe, en
conscience. Et non plus sans jamais être vraiment là.
Tout simplement, pour vivre enfin l’instant.
La vie passe,
habite-la vraiment ! Ne reste pas aux pieds du fleuve,
jette-toi dedans ! Ne cherche plus à imiter autrui,
déploie tes talents ! Ne jalouse plus le monde entier,
vois le chemin parcouru ! Reviens à l’essentiel, au
souffle, au fragile, au petit ! Reviens à l’instant, à
la vie toute simple ! Celle qui coule dans tes veines !
Celle qui veut s’élargir, à chaque fois que tu reviens
vers toi ! À chaque fois que tu oses un pas ! Et lorsque
les doutes reviendront t’assaillir, et tes fragilités et
tes failles ! Et lorsqu’ils reviendront t’entraver, te
faire à nouveau douter de toi ! Te faire perdre
confiance et te jeter dans la nuit ! Encore et encore…
Elle vise chez nous, au-delà de la séparation de
l’Église et de l’État, à bien différencier dans chaque
individu l’être humain qu’il incarne et dont il faut
toujours défendre les droits, et ses diverses pensées,
opinions et croyances, dont la puissance publique n’a
pas à s’occuper.
On a beaucoup parlé de
l’affaire Mila, cette jeune fille récemment injuriée, menacée de mort par
égorgement et déscolarisée pour échapper à ces menaces, parce qu’elle s’était
insurgée, en critiquant vertement l’islam, contre un harcèlement sexiste et
homophobe.
À cette occasion Mme
Belloubet, Garde des Sceaux, a déclaré : « L’insulte à la religion est une
atteinte à la liberté de conscience ». Il est bien curieux qu’une agrégée de
Droit ne distingue pas une religion de ses adeptes. S’il est bien interdit chez
nous de s’en prendre aux seconds en particulier, on peut très bien critiquer la
première en général. Sinon on instaure un délit d’opinion, on installe une
police de la pensée, et on rétablit un délit de blasphème.
Il est bien curieux
aussi qu’un croyant puisse s’identifier totalement à sa croyance et à son monde
mental au point de vouloir à tout prix les afficher dans le domaine public et
éventuellement les imposer aux autres. Car au fond ce à quoi on pense, ce à quoi
l’on croit, est aléatoire. Montaigne l’a bien remarqué : « Nous sommes chrétiens
au même titre que nous sommes périgourdins ou allemands. »
On connaît la phrase de
Descartes : « Je pense donc je suis ». Peut-être faut-il lui substituer : « Je
ne suis pas ce que je pense ». Si j’étais né ailleurs, si j’avais subi d’autres
influences, mes pensées, opinions et croyances seraient autres que celles
qu’elles sont maintenant, et c’est pourquoi je ne dois pas m’identifier
entièrement à elles.
Il est extrêmement
dangereux de le faire. Cela engendre psychorigidité et fanatisme. Écoutons
encore le sage Montaigne, qui pensait peut-être à l’exécution de Michel Servet,
brûlé à Genève avec l’assentiment de Calvin, pour négation du dogme de la
Trinité : « C’est mettre ses conjectures à bien haut prix que d’en faire griller
un homme tout vif. » Et encore : « Il n’y a que les fols certains et résolus. »
Grâces donc soient
rendues à notre laïcité, qui distinguant fort justement l’homme en général de ce
que les hommes dans leur diversité croient en particulier, ouvre à une société
de tolérance.
La crise
dans laquelle nous plonge le coronavirus est un
extraordinaire révélateur. Oh, certes, tout n’est pas
dit, loin de là, et bien téméraire celui ou celle qui
pourrait, avec assurance, dire quel sera le monde
demain, meilleur ou pire. En revanche, il suffit
d’ouvrir les yeux pour voir ce qu’il est aujourd’hui.
Et, paradoxalement, les valeurs qui président
aujourd’hui aux choix des divers gouvernements et que
valident les peuples sont celles dont on annonçait le
discrédit depuis des années.
On disait
que l’économie et la finance dirigeaient tout et que,
face à ces puissances, les vies humaines étaient
comptées pour peu, voire pour rien. Et que voit-on ? Au
nom du risque que le virus fait peser sur le système
sanitaire, c’est-à-dire sur notre capacité de soigner
des malades et de sauver des vies, on a tout simplement
mis l’économie à l’arrêt. Certains, d’ailleurs,
murmurent – contre le sentiment général – que ce n’est
pas un choix rationnel ; non parce que l’argent vaut
plus que la vie mais parce que le risque économique et
social pour l’après se révélera plus destructeur de vies
que le virus. Ils murmurent car ils savent que, même si
ce qu’ils disent procède non du cynisme mais de la
logique, ils sont inaudibles. « Sauvons les vies
d’abord, pour l’économie, on verra ensuite »,
voilà ce que pense la majorité. Et c’est d’ailleurs ce
que disent la plupart des autorités partout dans le
monde : les vies d’abord.
Certes, les
grincheux observeront que le souci de la vie s’arrête en
gros au territoire national, et il est vrai que le
chapelet égrené chaque soir des « performances » de tel
ou tel pays en nombre de décès et d’hospitalisation est
irritant. Mais n’oublions pas que les régions
limitrophes du Grand Est, allemande et suisse, ont
accueilli des patients français ; une vie est une vie,
italienne, française ou anglaise.
Observons
aussi l’inventivité des uns et des autres, la
générosité, la fraternité qui s’expriment par tant de
moyens, petits ou grands. L’aurions-nous parié il y a
quelques mois ? Alors, pour quelques instants, oublions
nos peurs et nos angoisses et osons admirer et nous
émerveiller : il y a du bon dans notre humanité.
Le
Covid 19 relancera-t-il la mutation écologique ?
Alors que l'économie mondiale est quasiment à l'arrêt,
de nombreuses voix s'élèvent pour remettre en question
mondialisation effrénée et modèles à l'ancienne.
«A
la demande de bon sens : "Relançons le plus rapidement
possible la production", il faut répondre par un cri : "Surtout
pas !" La dernière des choses à faire serait de
reprendre à l'identique tout ce que nous faisions avant.
»Ce cri du coeur intitulé
«
Imaginer les gestes barrières contre le retour à la
production d'avant-crise »,
émane du philosophe Bruno Latour, un des meilleurs
penseurs de la crise écologique. Car, pour lui, « la crise sanitaire
est enchâssée dans ce qui n'est pas une crise toujours
passagère , mais une mutation écologique durable et
irréversible ».
Il rappelle les deux principales caractéristiques de la
crise climatique à laquelle nous étions confrontés avant
le confinement : le CO2 qui réchauffe l'atmosphère
mondiale et le « progrès » sans limites qui épuise la
planète. Il nous incite à profiter de l'arrêt de
l'activité économique pour devenir des
« interrupteurs de globalisation ».
Et de prendre l'exemple des tulipes produites hors sol
sous lumière artificielle en Hollande et expédiées dans
le monde entier par avion, un mode de transport dont
l'usage immodéré est de plus en plus remis en question.
« Est-il bien
utile de prolonger cette façon de produire ? »,s'interroge
Bruno Latour en nous invitant à faire la liste des
activités indispensables et de celles qui ne le sont
plus en raison des impératifs écologiques.
On assiste depuis le début du confinement à un véritable
bouillonnement d'idées alternatives, toutes opposées au
retour du business as usual (« comme si de rien n'était
»). Des forces disparates et jadis éparpillées
altermondialistes, écologistes, décroissants, «
collapsologues », gauche non productiviste, etc.
rivalisent d'imagination tant sur la scène mondiale que
nationale. Ainsi, une coalition internationale de 300
ONG, fédérées par le mouvement 350.org, estime qu'«
une approche véritablement mondiale interconnectée est
nécessaire : elle doit investir en premier lieu sur la
sécurité et la santé de tous, tout en gardant à l'esprit
la nécessité d'une transition vers des modèles
économiques sans charbon, ni pétrole, ni gaz ». …
Sur le plan national, après un discours d'Emmanuel
Macron à la tonalité très altermondialiste annonçant, le
12 mars, les premières mesures de confinement
« Ce que révèle cette pandémie, c'est qu'il est des
biens et des services qui doivent être placés en dehors
des lois du marché »
, des syndicats et des mouvements associatifs ont
décidé de prendre le Président au pied de la lettre.
Ainsi, 18 responsables d'organisations ont signé le 27
mars une lettre ouverte. Dans celle-ci, intitulée
« Plus jamais ça, préparons le jour d'après »,
qui est désormais une pétition, ils demandent que les
750 milliards d'euros débloqués par la Banque centrale
européenne soient conditionnés à la reconversion sociale
et écologique de l'appareil productif et en appellent à
une relocalisation des activités dans l'industrie, dans
l'agriculture et les services. Et d'avertir :
« Lorsque la fin de la pandémie le permettra, nous nous
donnons rendez-vous pour réinvestir les lieux publics et
construire notre "jour d'après". »
Pour Julien Bayou, secrétaire national d' Europe
Écologie-Les Verts (EELV),
« le coronavirus démontre de manière paradigmatique
l'ampleur des transformations que nous allons devoir
engager pour faire face au réchauffement climatique ».
Selon lui, il faut à tout prix éviter « une relance à
l'ancienne qui accroîtrait encore les émissions de CO2
au détriment du climat, de la justice sociale et de la
santé ».
L'ancien ministre Nicolas Hulot de la Transition
écologique et solidaire a estimé sur BFM TV que cette
crise était
« comme un passage de cap pour l'humanité (...),
confrontée à sa vulnérabilité et à ses limites ».
Si
« l'heure est aujourd'hui à l'unité, il va falloir après
réfléchir à l'absurdité d'une globalisation effrénée qui
a fait de la circulation à flux tendu des biens un dogme.
Il faut aller vers une forme de relocalisation qui ne se
confond ni avec le protectionnisme ni avec le
nationalisme ».
Et il tire de la situation actuelle cette interrogation
:« Nous avons reçu une forme d'ultimatum de la nature.
Saurons-nous l'entendre ? »
À méditer.
Tiré de la revue "La vie", article partiel d'Olivier
Nouailas
“La crise du coronavirus donne sens à toutes les
revendications des défenseurs du climat en faveur d'un
changement du système.”
–
Pierre Gleizes
Frédéric LENOIR nous explique qu’être heureux consiste à
découvrir qui nous sommes et ce pour quoi nous sommes
faits ! Derrière les croyances, derrière les visions du
monde et le conditionnement. Qui sommes-nous, que
reste-t-il ? Là, se trouve le bonheur
Frédéric nous conseille donc d’apprendre à « lâcher
prise » sur ces choses qui ne se contrôlent pas et de
privilégier la recherche « du sens » de ces évènements,
tout comme « les messages » qui pourraient s’y trouver…
Attention à ne pas « vouloir » à tout prix le bonheur.
Cette quête intellectuelle est dangereuse car elle
implique un résultat. Le bonheur ne se trouve pas dans «
l’obtention de ». Le bonheur se trouve dans « le moment
», dans l’état interne du moment, en présence.
Frédéric nous rappelle cette différence primordiale
entre le bonheur et le plaisir.
L’époque est dure pour ceux qui souhaitent donner un
sens universel à leur réflexion et leur action. La
mondialisation marxiste par l’union des prolétaires
s’est écroulée. La « main invisible du marché » qui
devait assurer une harmonieuse répartition des richesses
ne cesse de provoquer fractures sociales et chômage.
Quant aux religions, elles succombent trop souvent aux
tentations du fondamentalisme et de l’identification à
un nationalisme agressif. En ces temps désenchantés, les
individus oscillent entre la dépression devenue une des
premières maladies de l’époque, les tentations claniques
et identitaires ou, pour ceux qui en ont les moyens, la
distraction morose dans la consommation.
A l’occasion de la sortie en Europe de son dernier
ouvrage intitulé « Peuple, pouvoirs & profits. Le
capitalisme à l’heure de l’exaspération sociale » (1),
l’Américain Joseph Stiglitz, prix Nobel d’économie
s’exprimait ainsi : « nous avons besoin d'un nouveau
contrat social entre le marché, l'État et la société
civile. Le capitalisme fera partie de l'histoire, mais
pas le capitalisme que nous avons connu ces 40 dernières
années ; c'est-à-dire, un capitalisme égoïste et
débridé, où les entreprises ne font que maximiser leur
valeur actionnariale sans tenir compte des conséquences
sociales. Si l'on fait ça, on se retrouvera avec une
situation comme aux États-Unis, où il y a non seulement
de l'inégalité, mais où aussi l’espérance de vie
décline » (2). En novembre 1999, il avait démissionné de
son poste d’économiste en chef et de vice-président de
la Banque Mondiale. Dans son ouvrage, La grande
désillusion, publié en 2002, il dénonçait une
mondialisation qui impose une vision particulière de
l’économie qu’il appelle « le fanatisme du marché » :
« Au Fonds Monétaire International, la prise de décision
était fondée, semblait-il, par un curieux mélange
d’idéologie et de mauvaise économie, un dogme qui
parfois dissimulait à peine les intérêts privés. Quand
les crises frappaient, le FMI prescrivait des solutions
certes « standard », mais archaïques et inadaptées, sans
tenir compte des effets qu’elles auraient sur les
habitants des pays auxquels on disait de les appliquer.
J’ai rarement vu réaliser des études prévisionnelles de
leur impact sur la pauvreté. J’ai rarement vu des débats
et des analyses réfléchies sur les effets d’autres
orientations possibles. L’idéologie guidait la
prescription » (3).
En 2011, l’Institut bouddhiste Karma Ling d’Avalon en
Savoie organisait un colloque sur le thème « Économie
et Spiritualité ». Edgar Morin, qui parrainait cette
manifestation décrivait ainsi la mondialisation capable
du pire comme du meilleur. « Pour le moment le pire
domine parce que dans cette course effrénée, nous
détruisons notre environnement naturel, la biosphère ;
c’est une course effrénée où nous produisons des armes
de destruction massive, c’est une course effrénée où des
inégalités s’accroissent de façon explosive, c’est une
course effrénée pour la puissance et pour les réalités
matérielles, qui néglige de plus en plus les qualités
morales et spirituelles. En plus nous voyons que ce
qu’on peut appeler la pieuvre de la spéculation
financière, et le réveil de la pieuvre des barbaries
humaines – c'est-à-dire des fanatismes, des haines, des
mépris – tout ceci nous conduit vers des catastrophes
hautement probables » (4).
Ceci dit, la mondialisation peut aussi être une chance
comme l’affirme également Edgar Morin : « Mais le
meilleur, qui ne s’est pas encore réalisé, c’est que
pour la première fois toute l’humanité vit une
communauté de destin, les mêmes problèmes, les mêmes
périls mortels, et les mêmes problèmes vitaux à traiter.
C’est ça qui pourrait nous inciter à trouver une
nouvelle culture, une nouvelle civilisation sur cette
terre qui deviendrait une vraie patrie humaine » (5).
Parmi les sources spirituelles d’une mondialisation
humanisante, l’Évangile invite les hommes « fils d’un
même Père » à vivre leurs différences, non, plus comme
des frontières qui excluent, mais comme l’appel fait à
chacun d’assumer ce qu’il a d’unique. La fraternité
entre des hommes assumant leur singularité constitue un
chemin non totalitaire vers l’universalité de l'humain.
Alors, la mondialisation pourra être autre chose qu’un
champ libre abandonné aux prédateurs financiers et aux
démagogues populistes.
(1) Joseph E. Stiglitz : Peuple, pouvoirs&profits,
éditions Les Liens qui Libèrent, 2019.
(2) Joseph E. Stiglitz : Entretien donné à Euronews, <fr.euronews.com>
18/11/2019.
(3) Joseph E. Stiglitz : La grande désillusion Éditions
Fayard, 2003, page 22.
(4) Edgar Morin : La crise et les quatre nobles
réalités in Une vision spirituelle de la crise
économique. Altruisme plutôt qu’avidité : le remède à la
crise, éditions Yves Michel, 2012, page 25. Cet ouvrage
reprend les propos des 40 intervenants au forum
« Économie et Spiritualité » organisé en septembre 2011
à l’Institut Karma Ling (Savoie). Il a permis la
rencontre entre des acteurs et penseurs de l’économie
altermondialiste et des représentants de nombreuses
traditions spirituelles.
Bernard Ginisty Démocratie et Spiritualité
n°168 du 23 janvier 2020
Hommes et femmes de cultures et de régions diverses
de cette planète, nous voulons exprimer une
conviction que nous partageons :
*
Tous, nous portons la responsabilité d'un meilleur
ordre mondial.
*
Il est absolument nécessaire que nous nous engagions
au service des droits humains, de la liberté, de la
justice, de la paix.
*
La diversité de nos traditions culturelles ne
saurait nous empêcher de nous dresser ensemble
activement contre toute forme d'inhumanité et de
promouvoir plus d'humanité.
*
Les principes que je vais énoncer peuvent être
affirmés par tous les êtres humains qui sont animés
d'une éthique, qu'elle soit basée sur une religion
ou non.
Nous sommes convaincus que l'humanité sur notre
planète forme une seule famille. Pour cette raison
nous rappelons la Déclaration universelle des droits
de l'homme, proclamée par les Nations Unies en 1948.
Ce que ce texte a solennellement proclamé au plan du
droit, nous voulons ici le confirmer et
l'approfondir au niveau de l'éthique: la pleine
réalisation de la dignité intrinsèque de la personne
humaine, sa liberté inaliénable, le principe de
l'égalité de tous les humains, la solidarité
indispensable et l' interdépendance mutuelle de
tous.
Aujourd'hui comme par le passé, partout sur la
planète des êtres humains sont encore traités de
façon inhumaine. Ils sont privés de leurs chances
existentielles et de leur liberté; leurs droits de
l'homme sont foulés aux pieds et leur dignité n'est
pas respectée. Mais la puissance n'est pas le droit!
Face à tout comportement inhumain, nos convictions
éthiques exigent: toute personne humaine doit être
traitée humainement!
Qu'est-ce à dire? Sans considération d'âge, de sexe,
de race, de couleur de la peau, d'aptitude physique
ou mentale, de langue, de religion, d'orientation
politique, d'origine nationale ou sociale - toute
personne humaine possède une dignité inaliénable et
inviolable. Tous sont donc obligés, les individus
comme les Etats, de respecter et de protéger cette
dignité. En matière économique ou politique, dans
les médias, les instituts de recherche et les
entreprises industrielles, l'être humain sera
toujours considéré comme le sujet de droits et comme
une fin en soi, jamais comme un simple moyen ou un
objet au service du commerce et de l'industrie.
Un principe s'est maintenu depuis des millénaires
dans beaucoup de traditions culturelles et éthiques
de l'humanité; c'est la «règle d'or»: Ne fais pas à
autrui ce que tu ne veux pas qu'on fasse à toi. Ou,
exprimée de façon positive: Agis à l'égard des
autres comme tu souhaites qu'on agisse à ton égard!
Cela devrait être la norme irrévocable et absolue
pour tous les domaines de la vie, pour les familles
et les collectivités, les races, nations et
religions
Ce principe contient des critères très concrets
auxquels nous devons rester fidèles. Quatre très
anciennes lignes directrices en découlent, qui se
retrouvent dans la plupart des cultures.
1.L'engagement en faveur d'une culture du respect de
la vie.
La personne humaine est infiniment précieuse: elle
doit être absolument protégée.
2. L'engagement en faveur d'une culture de la
solidarité et d'un ordre économique juste.
S'il s'agit d'améliorer le sort des milliards de
pauvres sur la planète, et notamment des femmes et
des enfants, il faut restructurer l'économie
mondiale dans le sens de plus de justice. Pour
indispensable qu'ils soient, les projets d'aide
ponctuelle et la bienfaisance des individus isolés
ne peuvent suffire. Il faut la participation de tous
les Etats et l'autorité des organisations
internationales pour bâtir des institutions
économiques justes.
3. L'engagement en faveur d'une culture de la
tolérance et d'une vie véridique.
Il est des scientifiques et des chercheurs qui se
font les otages de programmes idéologiques ou
politiques, ou de groupes dirigés par l'intérêt
économique, dont on peut questionner la moralité; ou
qui justifient des recherches lésant des valeurs
éthiques fondamentales.
4. L'engagement en faveur d'une culture de l'égalité
des droits et du partenariat entre les sexes
Le monde d'aujourd'hui est encore plein de formes
condamnables d'une mentalité patriarcale, de la
domination d'un sexe sur l'autre.
Coexister. Quel beau projet ! Co-Exister,
c’est à dire exister avec l’autre, grâce à
l’autre, et pas seulement « vivre
ensemble », ou côte à côte, juxtaposés en
somme.
Exister d’abord, et pas seulement vivre ou
être. Une existence qui dépasse, qui va
au-delà même, qui transcende peut-être,
notre simple vie biologique. Mais exister,
et pas seulement être, cette conséquence du
cogito cartésien ; ou même pas seulement
être là, ici et maintenant, dans son
acception et ses dérives heideggériennes.
Cette existence, qui, pour les plus
existentialistes d’entre nous, précède
l’essence ou qui, pour les autres, doit se
montrer digne de l’essence qui la précède.
Mais Co-Eexister aussi. Car quels que soient
les postulats ou les postures métaphysiques,
dans lesquels risquent toujours de se
ramener les mystiques et spiritualités, dans
ces exclusions mutuelles qui séparent et
ségréguent, porteurs de violences, exister
ensemble, et même mettre en commun nos
existences, pour faire de chaque humain une
part d’une humanité qui ne soit ni un tout
totalitaire, ni une collection d’individus
séparés et isolés. Ces deux tentations de
notre époque, holiste réductrice
d’individualité d’un côté, ou individualiste
émancipée de toute référence à l’Autre,
comme dans toutes les époques de crise.
Coexister, c’est le nom qu’il y a un peu
plus de dix ans et avec quelques amis,
Samuel Grzybovski a choisi pour créer un
nouveau mouvement de jeunesse qui permette à
des adolescents et des jeunes adultes de se
rencontrer sur le terrain de la diversité de
leurs convictions, religieuses ou non. Se
rencontrer au-delà de la laïcité, cette
laïcité qui, en laissant à chacun le droit
d’avoir une religion, ou de ne pas en avoir,
ou encore d’en changer, permet cette
rencontre, mais ne l’organise pas.
Car le dialogue inter-convictionnel,
comme la laïcité,
ne se confondent pas. Celle-ci permet
celui-là, mais la laïcité, concept
juridique, exige la neutralité de la
puissance publique sur les convictions,
alors que le dialogue, concept
philosophique, exige l’écoute et le partage.
Notre inquiétude est
grande. Depuis maintenant de trop nombreuses années, la
laïcité est l'objet de remises en cause qui en faussent
le sens et la portée. Ses plus anciens adversaires
l'utilisent pour exclure une partie d'entre nous et en
font l'étendard de leur haine raciste, tandis que
certains en contestent les fondements et veulent
enfermer chacun dans des identités figées. D'autres,
enfin, y voient l'occasion de mettre en avant le
fantasme d'une société amputée de toute diversité.
Aujourd'hui, ces
discours et ces actes émanent d'acteurs politiques,
associatifs et religieux, de penseurs célébrés, de
femmes et d'hommes de tous horizons. Comme si l'urgence
était à multiplier les atteintes au contrat social ! Car
c'est bien de cela dont il s'agit : adversaires et faux
amis de la laïcité s'acharnent à saper ce que la
République a mis plus de deux siècles à construire. Il
est urgent d'y mettre un terme.
La laïcité est un
principe issu des valeurs fondatrices de notre vivre
ensemble. La liberté, car elle garantit à chacun la
liberté absolue de conscience, de pratiquer, y compris
publiquement, le culte de son choix ou d'en changer,
comme le droit de n'en pratiquer aucun et de contester
les dogmes et leurs pratiques. L'égalité, en assurant la
séparation des cultes et de l'Etat et la stricte
neutralité de celui-ci vis-à-vis de ceux-là, ce qui
implique de respecter les droits et libertés de toutes
et tous sans discriminations. La fraternité, car elle
s'ancre dans l'universelle humanité qui précède, en
chacun de nous, la diversité de nos appartenances.
Ces principes sont
inséparables, malgré les obstacles qu'ils ont rencontrés
et qu'ils rencontrent encore, d'une société ouverte à
l'Autre et respectueuse des choix de chacun. Les
remettre en cause, au nom du soupçon, de l'amalgame ou
de la haine de telle ou telle religion, en désignant
celui ou celle qui serait l'ennemi de la République et
de nos libertés, ne fera qu'alimenter la division, le
ressentiment et la violence.
C'est pourquoi, nous
réaffirmons notre attachement à l'esprit et à la lettre
de la loi de 1905 et à sa conséquence, la neutralité des
institutions et des services publics. Nous en avons plus
que jamais besoin pour affronter, ensemble, les défis
posés à l'époque par l'urgence sociale, l'urgence
environnementale, l'urgence démocratique.
C'est pourquoi nous
condamnons les actes et les propos qui feraient de la
laïcité une arme d'exclusion ou de discrimination ou
l'alibi d'une assignation à résidence, comme ceux qui
justifieraient la prééminence d'un dogme sur les lois de
la République.
C'est enfin pourquoi
nous nous engageons à respecter et faire respecter ces
principes et que nous appelons les pouvoirs publics à
s'engager dans la même voie et à être irréprochables en
la matière.
Nous sommes tous confrontés à un certain nombre de faits
que nous n'avons pas choisis, que nous n'avons pas
voulus, et qui nous sont en quelque sorte imposés, c'est
ce que j'appellerais le « donné de la vie ».
C'est notre lieu de naissance, notre famille, l'époque
où nous vivons ; c'est notre corps, notre personnalité,
notre intelligence, nos qualités, mais aussi nos limites
et nos handicaps. Ce sont aussi les événements qui
surviennent, qui nous touchent directement, mais sur
lesquels nous n'avons pas de maîtrise et que nous ne
pouvons pas contrôler. Ce sont les maladies, les aléas
économiques, la vieillesse et la mort. C'est le «
sort » de l'être humain. On peut le refuser et
vouloir que les choses soient autrement ... Pour prendre
de la distance vis à vis des événements, nous avons
besoin de solitude et de silence. Mais nous en avons
souvent peur. Dans notre monde moderne où nous vivons
cernés par trop de mots, de musique, de bruit et de
clameurs, l'absence de sons nous paraît angoissante ...,
nous avons peur de nous retrouver seuls avec nous -
mêmes, peur du silence intérieur auquel le silence
extérieur ouvre la voie. Le vrai silence est celui que
l'on retrouve au fond de soi. Il ne consiste pas
seulement à éteindre la télé ou la radio, mais surtout à
ne plus être prisonnier de nos pensées et de notre bruit
intérieur, souvent encore plus parasitant que les sons
provenant de l'extérieur. Vivre dans le silence ne sert
pas à grand - chose si notre esprit est agité. De la
même manière que notre corps réclame le repos, notre
mental a aussi besoin de se calmer, de s'apaiser,
d'échapper provisoirement aux tensions. Ce repos lui
permet d'accéder à la contemplation, une activité qui
est selon le philosophe grec Aristote : « le parfait
bonheur de l'homme ». « Plus on possède la
faculté de contempler, déclare-t-il, plus on est
heureux, heureux pas par accident, mais en vertu de la
contemplation même, car cette dernière est par elle -
même d'un grand prix. Il en résulte que le bonheur ne
saurait être qu'une forme de contemplation. » Et il
nous entraîne plus loin dans sa réflexion : La vraie
sérénité, la paix intérieure s'acquièrent à la seule
condition d'accepter le donné de la vie. Dire « OUI
» à la vie consiste à dire oui à l'inéluctable, c'est à
dire : ce sur quoi nous n'avons aucune prise. Or, le
plus inéluctable, c'est la mort. Et quel que soit
l'amour que nous portons à cette vie, nous savons avec
certitude qu'un jour nous cesserons d'exister, au moins
dans ce corps. Nous le savons intellectuellement, mais
rares sont ceux qui parviennent à intégrer réellement
cette idée. Comme le dit Freud, notre mort nous est à
proprement parler « impensable», et nous vivons
comme si nous étions immortels.
Le
livre “Mon bref passage dans l'autre monde”
raconte comment, en 2004, lors d'un malaise cardiaque,
Fabienne Raoul bascule dans un autre monde, sans limite,
et vit un état de félicité. Cette expérience
irrationnelle l'amène à balayer ses croyances en une
science matérialiste et à changer de vie. Jusqu'alors,
l'existence (humaine) se résumait en la matière seule
pour cette ingénieure en nucléaire. Et la mort, au néant.
Devenue depuis thérapeute, elle croit désormais en un
« là-haut », qui agit quand elle l'invoque. Elle
s'appuie sur les dernières recherches scientifiques en
physique quantique, pour tenter d'expliquer comment il
lui est possible de faire le lien entre la matière et le
monde invisible. « Changer notre vision de la mort
pour mieux vivre notre vie, c'est un des messages que je
souhaite faire passer (...). Et le meilleur état
d'esprit pour lire cet ouvrage, c'est d'être sceptique
», écrit-elle.Lecteurs, soyez donc « dans
un doute sain, sans a priori, ni jugement préétabli » !
Pour Fabienne Raoul comme pour le Dr Patrick Theillier,
médecin croyant, il ne fait aucun doute que les EMI, ou
Expériences de Mort Imminente, sont la preuve de
l'existence d'une vie dans l'au-delà. Dans un de ses
livres, le docteur rapporte le témoignage de Madeleine
Litoux qui avait alors 30 ans quand, lors d'une
intervention chirurgicale où elle se voit mourir, elle
vit cette expérience de mort imminente :
“En pleine nuit, avec 41,5° de fièvre, je descendais
calmement, sans peur -je me revois encore ! - dans un
tunnel sombre où je n'avais nulle crainte, attirée par
une clarté inconnue... Par deux fois, je suis arrivée au
bout de ce tunnel, au bord de l'Au-delà. J'ai vu des
arbres magnifiques, une exubérance de fleurs aux teintes
éclatantes, une intense lumière douce, un jardin
merveilleux. Un océan de beauté ! J'étais subjuguée par
l'immense clarté que je voyais au-delà des arbres,
l'extraordinaire atmosphère de paix. J'ai aperçu une
construction blanche sur une montagne, à ma droite, un
bâtiment religieux, m'a-t-il semblé... Je voulais
avancer plus avant... Cependant une force douce mais
irrésistible m'a, par deux fois, fait reculer et, à
regret, je suis "remontée" vers mon corps sur lequel
devaient s'activer les soignants ! J'étais déçue de ne
pouvoir aller plus avant. C'était si beau ! »
Ces phénomènes se sont intensifiés grâce aux progrès de
réanimation médicale. Et des personnes ayant vécu une
expérience à la frontière de la mort appelés «
expérienceurs » qui de peur d'être incompris ou
pris pour des fous se taisaient, osent aujourd'hui en
témoigner. Dans les faits, les EMI surviennent chez des
croyants de toute confession et des non-croyants ;
malgré diverses tentatives de chercheurs, nul ne sait
les déclencher. « Elles n'ont pas été voulues et sont
vécues généralement lors d'un accident ou d'une
intervention chirurgicale qui tourne mal. » Elles se
produisent en cas de mort clinique apparente ou de coma
avancé. Mais ne sont pas systématiques.
Cette vie invisible apparaît plus réelle et plus belle
que la vie terrestre. Mais cette conviction, partagée
par certains chercheurs, rencontre encore de nombreuses
résistances. « Sur le plan scientifique, on ne peut
contester qu'il se passe quelque chose d'absolument
anormal. Si la démonstration était faite, cela
remettrait en cause un des paradigmes les plus
fondamentaux de notre science biologique actuelle qui
considère que la conscience est sécrétée par le cerveau
», explique Patrick Thellier. Or comment expliquer
que la conscience, alors qu'elle s'est détachée du corps
durant une EMI, soit toujours active quand le cerveau ne
fonctionne plus ? Comment un individu est-il capable de
décrire très précisément les situations vécues, les
rencontres faites avec un être bienveillant, les paroles
reçues pendant une période de mort clinique avec un
encéphalogramme plat ? …
La Vie n° 3870
Extrait de l’article “Les EMI, des signes de l’au-delà
?” par V.D.
1
“Mon bref passage dans l'autre monde” Fabienne Raoul (Leduc.s),
Comment faire pour se sentir en paix, en paix alors
qu’on est parfois face à tant de contraintes et d’envies
dans sa vie de tous les jours ? Où trouver la voie pour
se sentir rempli de vie et pas débordé/surchargé ni
rempli mais de vide finalement?
Et plus généralement, comment faire pour ne pas
s’éparpiller se sentir satisfait de chacune de ses
journées alors que :
nous avons des engagements vers l’extérieur,
des souhaits pour nous-même,
ou qu’à priori il y a tant à faire,
que les autres ont l’air d’avoir tant besoin de
nous,
que la tâche est si grande,
que nous ne sommes pas parfaits, nous avons nos
limites…
et les autres aussi.
Comment faire malgré tout pour repartir fier de soi –
fiers de nous quand nous agissons au sein d’un collectif
– sereins même si du travail nous attendra demain,
sereins de ce que nous aurons accompli ?
A PRH*, vous ne serez pas surpris, on va vous inviter à
écouter…
Ecouter quoi ?… Ecouter la Vie qui cherche à advenir
sans cesse dans chacun des actes que l’on pourra poser
ou non. Car finalement on a toujours le choix n’est-ce
pas ? Le choix de faire quelque chose qui nous dessert
finalement et qui par ricochet desservira les autres, le
choix de ne rien faire, le choix de poser des actes
sources de vie pour nous et les autres…
Je ne vous surprendrai pas sûrement en vous disant la
maxime « Il est urgent de prendre son temps ! ». Oui
surtout si on a l’impression que tout s’accélère.
Comment poser un geste juste, un mot juste si tout se
bouscule en nous ?
Alors…d’abord, souffler intérieurement, souffler et
sentir. Respirer, revenir à son corps, prendre contact à
travers son corps avec soi-même : « Où j’en suis ?
Quelle est cette agitation que je vis peut-être
intérieurement ? Y a-t-il d’autres choses en moi ? »
Pas si simple, parfois le Moi-je s’en mêle : « Tu prends
ton temps alors qu’il y a tant à faire, est-ce bien
raisonnable ? Est-ce que c’est vraiment ça qui sera
efficace ? » / « Oui, je t’assure précieux Moi-je que
c’est important : se poser et marquer un temps d’arrêt.
Et je vais avoir besoin de toi dans ce temps d’arrêt car
ce temps va me permettre aussi de faire le point :
Qu’ai-je en moi aujourd’hui face à ma journée ? Face à
ma semaine à venir ? Face aux mois et à l’année qui
vient ? Face à ma vie ? Qu’est-ce qui est
prioritaire ? ».
C’est à partir de ce que nous sentons prioritaire qu’ont
à s’ordonner nos actes. Il s’agit de faire le tour pour
sentir ce qui est prioritaire et ce qu’on a donc à faire
et comment.
De la même manière qu’il est important de faire le tri
physiquement de ses affaires (avez-vous déjà senti cette
satisfaction profonde lorsque tout est à sa place
désencombré, fonctionnel, qu’on y voit clair sur son
bureau ou dans une pièce de sa maison ?), il est bon de
faire le tri à l’intérieur de soi. Il y aura à faire
l’inventaire de ce qu’il y a en soi face à son emploi du
temps : « Qui réagit : mon moi-je ? ma sensibilité ? mon
être ? mon corps ? Qu’est-ce que chacune de ces
instances a à me dire ? » Et il s’agira de prendre un
temps intérieur pour sentir la priorité de chaque chose,
chaque action que nous souhaitons mettre en œuvre.
Organiser vos activités en étant habité du goût de
vous-même, de votre vie précieuse, l’enjeu est de
taille ! Il s’agit que votre vie puisse pousser et se
déployer à partir de ce que vous aurez décidé de mettre
en œuvre et de comment vous aurez choisi d’organiser
votre temps ! Alors je vous propose en cette période de
rentrée d’être particulièrement attentifs aux temps
d’arrêt. Temps d’arrêt pour vous poser dans votre être
malgré ce qui est parfois la course de la rentrée. Temps
pour sentir là où vous avez vraiment à être, ce que vous
avez à faire et comment.
Bonne rentrée !
Karine Gantois, Formatrice agréée PRH,
publié dans Ressources
*PRH, Personnalité et Relations Humaines, est une école
internationale de formation humaine pour adultes. Notre
école de formation s’inscrit dans le courant de la
psychologie positive et se fonde sur une vision
dynamique et positive de la personne. Notre pédagogie
vise le déploiement de la personnalité et de relations
humaines de qualité
« Avec ce projet de loi, qui
prévoit l’ouverture de la PMA à toutes les femmes, nous
passons d’une médecine réparatrice à une médecine visant
à satisfaire des souhaits », explique Karsten Lehmkühler,
membre de la commission[i].
Jusqu’à présent, la PMA permettait de pallier
l’infertilité des couples. Désormais, on basculerait
dans une médecine visant à satisfaire le souhait de
femmes qui ne sont pas infertiles mais ont d’autres
projets de vie.
Peut-on vouloir cela ? D’autant que cette médecine
resterait financée par la collectivité. D’autre part,
toujours selon lui, la question des droits de l’enfant
(on peut aussi dire de son bien) se pose. Ces nouvelles
formes de PMA créent des situations privant
volontairement un enfant de son père. Un divorce ou un
veuvage précoce peuvent amener une femme à élever seule
son enfant. Mais en l’occurrence, on créerait d’emblée
une situation où un enfant grandirait sans père.
Peut-on vouloir cela ? Sachant que la femme seule ou le
couple de femmes qui éduquent l’enfant devront gérer ces
différentes paternités et filiations. Est-ce mauvais en
soi d’avoir une médecine capable de répondre à des
souhaits ? Un enfant ne peut-il pas grandir de façon
heureuse dans ces nouvelles formes de familles ? Il faut
donc se doter de critères de jugement. Le texte propose
ainsi d’évaluer les techniques de procréation à la
lumière de leur capacité à préserver ou non le respect
des liens humains de couple et de filiation. Enfin, nous
insistons sur le droit de l’enfant à connaître ses
origines biologiques.•
Claire Bernole - Réforme n° 3818 du 26 sept 2019
[i]
Commission éthique et société de la Fédération
protestante de France
La
problématique des migrations actuelles de populations ne
devrait pas nous faire oublier celles qui ont concerné
l’Europe pendant des siècles et sans lesquelles celle-ci
serait très probablement le continent le plus pauvre.
Les
Européens ont migré partout, non pour être aidés, mais
pour confisquer. « Poussez-vous ! On prend la place ! »,
a été le précepte appliqué lors de cette spoliation des
ressources et des territoires d’autrui qui s’est faite
sur tous les continents. Les missionnaires «
civilisateurs » ont ainsi investi la planète entière,
cherchant à imposer au monde un certain type
d’évolution. Il me semblait important de rappeler ces
faits, face aux milliers de migrants qui quittent
aujourd’hui leur pays dans la détresse.
Cette vague de naufragés sur les rives de l’Histoire qui
frappe aujourd’hui aux portes des nantis n’est-elle pas
le retour de ce que les « civilisés » ont semé avec
l’idéologie du progrès, de la croissance à tout prix, du
« toujours plus » et de la compétition? La misère que
fuient pour bonne partie ces « migrants » n’est pas due
à l’insuffisance de ressources. Sans souscrire à une
démographie sans limites (ce qui serait insensé), nous
savons que la planète pourrait nourrir dix milliards
d’êtres humains. En outre, l’Afrique est loin d’être le
continent pauvre que nous imaginons souvent : les
précieuses ressources de son sous-sol en font une terre
immensément riche !
Comme le disait Jean Ziegler, la misère est donc « faite
de mains d’hommes ». Les mouvements de population qui en
découlent sont le résultat d’options économiques et
géopolitiques internationales. Par-dessus le destin
collectif de l’humanité se trament tout un tas de
connivences entre les gouvernements, de tractations, de
négociations et de turpitudes dans lesquelles l’appât
d’argent et de pouvoir prime sur le respect de l’humain
et du vivant dans son ensemble.
Nous laissons des dictateurs et des roitelets
sanguinaires s’accrocher au pouvoir tout simplement
parce que, trop intéressés par leurs ressources, nous ne
pouvons nous fâcher avec eux. Il est vraiment dur de
voir ces milliers de migrants vouloir rejoindre la
prospérité en pensant que l’Occident a réussi, et en
oubliant qu’un lopin de terre bien cultivé est bien plus
sûr que des dollars ! Après coup, certains découvrent
que notre monde civilisé est lui-même en crise. Chômage,
épuisement, frénésie stérile, dépression, solitude, etc.
: le bonheur escompté n’est pas au rendez-vous.
Bien heureusement, dans ce chaos ambiant, des élans de
solidarité émergent, signes d’une protestation active et
pacifique qui essaie de dessiner un nouvel avenir…
Merci à tous ces hommes et ces femmes qui posent ainsi
les fondements d’une nouvelle convivialité planétaire.
Car nous sommes arrivés à une phase décisive de
l’Histoire dans laquelle nous sommes appelés à changer
pour ne pas disparaître. Mais au-delà des initiatives
individuelles isolées, chaque gouvernement devrait
s’engager à tout mettre en œuvre pour que les besoins
fondamentaux de ses citoyens soient respectés sur leur
territoire. Il est temps que l’autosuffisance
alimentaire des populations soit reconnue comme étant la
priorité absolue. Et par-dessus tout, c’est l’état
d’esprit qui gouverne notre monde qui est appelé à une
profonde mutation. Il suffirait que tous les efforts et
les budgets consacrés aujourd’hui à la mort et à la
destruction soient désormais alloués à la paix et à
l’autonomie alimentaire pour infléchir le cours de
l’Histoire.
Qu’attendons-nous pour cela ?
« Peut-être ne peut-on vraiment imaginer que ce que l’on
a déjà vécu soi », écrit Charles Juliet. J’en suis
persuadé, pour l’avoir vécu. La peur qui vous paralyse :
pensée, créativité, marche, désir, projets, vie. Du
matin au soir, tout est effort, lassitude, tristesse.
Voudrait-on briser ce cercle vicieux qu’on ne le
pourrait pas. L’enfer est parfait, le monde est
noirceur. Au-dedans, comme au-dehors.
Entre
la peur et la joie de vivre. Un gouffre à combler. Un
lien détruit à reconstruire. À moins qu’inexistant, il
ne faille l’inventer. De la peur du lien au bonheur
qu’il procure. La fadeur de la vie prend enfin des
couleurs. L’abandon est moins prégnant, la vie reprend
ses droits. C’est une chose étrange que de revenir à la
vie. C’est la force des rescapés de ne pas rester dans
le trou. C’est la force des mutilés de rejoindre leur
semblable.
Lorsque tu sais être passé à côté de ta vie. Lorsque la
confusion fait place à la lucidité. Lorsque des mots
sont enfin mis sur l’enfance dévastée. Comment faire
avec l’horreur du manque ? Comment renouer ? Comment
franchir le gouffre ? Doit-on tout recommencer ? Doit-on
vivre mille vies ? Doit-on quitter ce que l’on a
construit tant bien que mal ? Doit-on tout brûler pour
vivre enfin du neuf ? Doit-on retomber amoureux ? Où
commencent la défusion, la liberté, la joie de vivre ?
Ainsi
du désir longtemps refoulé, du manque inavoué, du déni
de la réalité, de la souffrance enfermée. Par incapacité
d’avoir été un enfant, un adolescent, un adulte. À l’âge
où le jeune sort, aime, jouit de la vie. Tant de désirs
inassouvis, mort-nés, impensables. Souffrance de n’avoir
su réaliser ma vie. Comment, aujourd’hui, se sentir
libre, maître de soi et de son destin, en phase avec les
siens ? Sans tout détruire, sans désirer faire table
rase ? Comment être heureux, malgré tout ?
Comment vivre l’insouciance, l’aventure, la légèreté ?
Certains ont tout quitté dans l’espoir de se trouver et
de vivre enfin. D’autres sont demeurés fidèles à ce
qu’ils ont tenté de construire. Besoin de quitter mes
sécurités, de lâcher prise, d’entreprendre. Du neuf, de
l’inédit, du désir de vivre. Jour après jour, réinventer
ma vie.
J’entreprends aujourd’hui ce que je ne pouvais vivre
hier. C’est douloureux, ce sentiment de ne pas avoir
vécu, d’être en décalage avec les autres. De tenter de
vivre aujourd’hui ce qu’il m’aurait fallu entreprendre
hier. C’est un peu le monde à l’envers. Alors, cela
chamboule tout dans ma tête.
Besoin d’oser. Malgré la culpabilité et le sentiment de
trahir. Le désir jusqu’où ? Le désir me fait peur. Il
pourrait m’entraîner dans des chemins inattendus. Vers
des contrées prétendument interdites. Comment se
dépasser ? Comment dépasser ses peurs ? Comment se
réaliser, sans réaliser ce qui a manqué ? Comment
dépasser ses résistances inscrites dans le tréfonds ? Je
tourne autour des mots. Et les maux demeurent. Les
angoisses tapies. La vie encore cadenassée.
Comment sortir de cette tension sans tout briser ?
Comment vivre enfin unifié sans se mentir ? Comment ne
plus étouffer sous le passé ? Quelle décision prendre
pour ne pas rejouer sans fin l’indécision et le malheur
? Comment guérir enfin la blessure ? Comment ne plus
vivre de pis aller et de faux semblants ? Comment aimer
enfin la vie sans retenue ? Comment dire le vrai sans
tout détruire ? Autant de questions qui devraient,
enfin, trouver réponse.
Ce
besoin d’aimer en vérité et d’être aimé. Ce besoin
d’aventure et de réalisation de soi. Ce besoin d’avoir
vécu pleinement avant de mourir. Pour voir clair en soi,
combien nécessaire de sortir de soi. D’oser une parole
vraie, nue, fragile. Sortir de ce lourd silence, des
sentiers de fuite. J’ai tant besoin de l’autre pour
devenir vivant. De ce lien qui m’a trop longtemps manqué
par incapacité d’être. Tant de réminiscences remontent
encore à la surface. Ce sont elles qui me paralysent et
me contraignent à avancer. Pour libérer la source de
vie, pour reprendre ma vie en main.
Prendre conscience de la fracture, en mesurer la
profondeur, en connaître les recoins. Pour la panser,
colmater les brèches, mettre un baume sur l’enfance. Et
qu’ainsi jaillissent, à nouveau, la beauté, l’estime de
soi, le goût de vivre, la joie du lien. Les
retrouvailles avec soi, et l’autre.
Écrire encore des mots, descendre en soi, apaiser ses
pensées, prendre soin de soi, franchir encore ces
espaces clos, revivre d’espérance, ne pas abandonner,
sortir de soi, se remettre à croire et à aimer. Et
parler. Dire à l’autre la blessure, la faille, le doute,
le manque, ses besoins. Qu’il comprenne, entende,
consente. Après le silence, prendre enfin la parole.
Encore et encore, malgré tout. Si tu savais, comme
l’amour peut tout changer.
« Je sais maintenant, grâce aux
récits intimes de mon for intérieur, et aux histoires
des enfances fracassées, qu’il est toujours possible
d’écrire des soleils.
Combien, parmi les écrivains,
d’enfants orphelins, d’enfants négligés, rejetés, qui,
tous, ont combattu la perte avec des mots écrits ?
Pour eux, le simple fait d’écrire
changea le goût du monde.
Le manque invite à la créativité.
La perte invite à l’art, l’orphelinage invite au roman.
Une vie sans actions, sans rencontres et sans chagrins
ne serait qu’une existence sans plaisirs et sans rêves,
un gouffre de glace.
Crier son désespoir n’est pas une
écriture, il faut chercher les mots qui donnent forme à
la détresse pour mieux la voir, hors de soi. Il faut
mettre en scène l’expression de son malheur.
L’écriture comble le gouffre de la
perte, mais il ne suffit pas d’écrire pour retrouver le
bonheur.
En écrivant, en raturant, en
gribouillant des flèches dans tous les sens, l’écrivain
raccommode son moi déchiré. Les mots écrits
métamorphosent la souffrance. »
Vidéo « La grande Librairie » présentant Boris Cyrulnik
et la résilience dans son livre « La nuit, j’écrirai des
soleils » :
Pour l’auteure, la solitude ne doit pas être confondue
avec l’isolement social subi. Elle est en effet source
d’enrichissement et d’ouverture à soi.
La solitude assumée
On cherchera ce sentier de foi qui nous connecte avec ce
qui nous porte, nous traverse et nous dépasse. On
balbutiera sans doute nos pauvres mots parfois hérités
de nos traditions religieuses, mais on s’en excusera,
tant ils peinent à traduire ce qu’aujourd’hui nous
expérimentons.
Car nous voilà intimement conscients de la valeur de
chaque personne, de la dignité de chaque « je » par
lequel advient l’inattendu du Créateur, et du
dépassement inévitable et nécessaire de toute gangue
religieuse pour vivre de la Vie reçue en abondance.
Et demeure ce constat que l’expérience confirme : se
tenir en solitude, avec courage et attention, nous
conduit à la vérité de soi, et de plus grand que soi,
nous éveillant à l’environnement dans lequel nous
évoluons, et donc aux autres. La solitude assumée ainsi
est bénéfique et féconde.
Pourtant, la solitude a mauvaise presse. Des campagnes
charitables prétendent même lutter contre une solitude
perçue comme un fléau, ce qui montre qu’on la confond
avec l’isolement social subi. Et les réseaux sociaux
répandent leur propagande antisolitude à coups
d’invitations à des rencontres, d’incitations à
rejoindre des tribus de toutes sortes, de pressions pour
des sorties, des vacances, des loisirs en groupes, en
bandes, en clubs, en couples, en masses. Et le silence,
dont la belle solitude a besoin, silence des oreilles,
des yeux, est traqué comme s’il était devenu une
insupportable incongruité d’un autre âge.
Or, l’isolement n’est pas la solitude : il est
insuffisance de relations. Souvent, il s’enracine dans
un lien carencé avec soi-même. Les autres sont espérés
comme des distractions de soi, ou des sortes de
prothèses évitant de se coltiner soi-même, ou encore des
faire-valoir attendus pour compenser une piètre estime
de soi.
On peut ainsi être isolé dans un groupe, même dans sa
famille, et souvent aussi dans d’interminables visites
sur les réseaux numériques. Le bruit qu’accompagnent ces
liens qui nous retiennent hors de nous-même devient
véritablement assourdissant. On finit par se perdre de
vue soi-même. Et les autres, si nombreux pourtant,
semblent alors si loin…
À l’inverse, demeurer seul chez soi, en soi, sous son
toit comme dans ses allées et venues, dans les
rencontres comme dans l’ennui du temps vacant, le cœur
ouvert à ce qui se passe en soi et autour de soi, c’est
éprouver de tous ses sens la richesse de vivre.
La solitude heureuse
La solitude heureuse, et elle l’est en réalité, est une
solitude choisie. Et il est bon de la choisir. Et bon
d’apprendre à en devenir l’ami, le familier. Elle nous
tient debout, adulte, dans le mystère de ce que nous
sommes et de l’auteur de qui nous sommes, quel que soit
le nom qu’on lui donne, et même si on ne lui en donne
pas. Elle appelle le silence intérieur capable de faire
surgir la Parole au travers de nos mots et de nos gestes
quotidiens. Elle nous relie en vérité, à soi, aux
autres… à l’essentiel.
Lorsqu’on perd des êtres qu’on aimait tendrement, on est
renvoyé, comme en rappel, à cet espace intérieur où « Je
suis » et où personne d’autre ne peut accéder sinon
Celui qui en connaît la clef.
Ce lieu, inévitablement, est celui où l’on se tiendra au
moment du dernier souffle. Dès maintenant, on y trouve
nourriture et consolation.
Il est notre plus sûre demeure de vivant d’éternité.
Chaque être humain a, chevillé au
corps, le besoin de trouver un sens à sa vie. Je ne
reviendrai pas sur les croyances religieuses qui
rassurent face aux aléas de l’existence – la mort étant
le dernier, le plus redoutable sans doute –, mais n’ont
jamais été une nourriture qui nous libère de nos
superstitions et de nos entraves en tout genre.
Je désire donc, en vérité, aller
au cœur du sujet. Malgré la mort, à cause d’elle, et de
la peur dans son sillage. En effet, si nous étions
immortels la question de notre finitude ne se poserait
pas. Nous serions, tout simplement. Ma mort, notre mort,
celle de nos proches nous poussent donc à chercher un
sens à l’incroyable : nous sommes là et nous ne serons
bientôt plus. Croyants comme incroyants se sont cassé
les dents depuis la nuit des temps sur cette étrange
« anomalie ». Mais précisément, une chose m’apparaît
avec évidence : toute réponse est désormais vouée à
l’échec, à la relativité, à l’ignorance. Nous ne savons
pas, et nous ne saurons pas – pas plus vous et moi, que
les religieux patentés.
Plus de dieu «
promesse de Vie éternelle » !
À défaut de certitude, il nous
faut lâcher la question. Il nous faut abandonner la mort
à son sort. …
Le Monde vient de faire le
point sur le ravage écologique causé par le transport
aérien. Ainsi un aller-retour Paris-New-York émet plus
de gaz carbonique par passager qu’une année entière de
chauffage, ou qu’une année zéro déchet, ou qu’une année
de consommation « locale et responsable ».
L’avion est quarante fois plus polluant que le train.
Et l’on prévoit que le trafic va connaitre encore une
croissance phénoménale. Il double tous les quinze ans.
Constat accablant. Mais il se trouve que ce type de
transport est utilisé abondamment par nos nouveaux
maitres à penser, intellectuels, conférenciers, bobos
parisiens, etc., qui nous donnent constamment des leçons
pour la préservation de l’environnement et la défense de
l’écologie. A quoi sert, à côté des faits susdits,
d’utiliser la trottinette pour aller jusqu’à l’aéroport,
ou de grignoter une carotte bio, sinon pour se donner
bonne conscience ? On s’achète à bon compte une
virginité.
J’ai toujours pensé que chacun devrait mettre en
cohérence ses idées et son comportement. Les enfants
d’ailleurs sont les premiers à se rendre compte du
décalage qu’il y a entre les admonestations qu’ils
reçoivent, et la conduite de ceux qui les leur font :
parents, éducateurs, etc. Ils percent à jour le double
langage, l’hypocrisie ne leur échappe jamais. Aussi
c’est par l’exemple que l’on donne qu’il faut
convaincre, et non par le discours que l’on tient.
Ce n’est pas en fermant le robinet d’eau quand on se
lave les dents qu’on fera du bien à la planète, mais
bien en refusant de prendre l’avion pour faire du
tourisme, grand pourvoyeur de pollution à tous égards.
Les gens ne voient pas le rapport entre les choses
qu’ils jugent tout à fait éloignées les unes des autres.
En quoi ils manquent d’intelligence : cette dernière est
bien la capacité de faire des liens (inter-legere)
entre des choses à priori jugées étrangères.
Commençons donc par unifier nos actes et nos paroles,
par scruter sans complaisance tous nos comportements,
par nous examiner nous-mêmes. Comme le disait Gandhi :
« Soyez vous-même le changement que vous voulez voir
dans le monde ».
Il m’arrive d’entendre à la radio
ou à la télévision des propos « pieux ». Je ne crois
plus d’emblée à une parole qu’on me dit être « parole de
Dieu ». Je ne crois pas plus à un discours, pour la
seule raison qu’il a traversé les siècles…
Je n’hésite pas à tailler le bois
mort dans mes héritages reçus et je ne retiens que les
branches prometteuses. Je ne confonds pas les doctrines
qui systématisent, dogmatisent et peuvent impressionner
par leur imposante devanture avec la sève initiale. Je
ne me préoccupe pas du « qu’en dira-t-on » et je ne suis
pas les sentiers balisés ou du moins déclarés comme tels
par les hommes des doctrines officielles.
Je m’efforce de suivre mon chemin.
J’y rencontre d’autres chemineaux comme moi. Nous
échangeons, nous enrichissons de nos questions, de nos
recherches, de nos trouvailles, de nos balbutiements. Et
chacun reprend incessamment sa route. Chemin faisant,
je découvre, sur des terres qui m’étaient étrangères,
que partout jaillissent des sources et qu’entre les
puits profonds qu’elles alimentent, les eaux, si
particulières que soient leurs goûts, tirent leur
origine des mêmes nappes souterraines. Si chaque terroir
donne à l’eau une saveur singulière, celle où je
m’abreuve habituellement vient d’un ailleurs invisible
et commun. De quoi relativiser les prétentions de ceux
qui croient que l’eau qui les désaltère est la seule
authentique et que les autres ne sont que de seconde
qualité.
(Pourquoi la puissance publique doit bannir toute forme
d’humiliation de ses propos et attitudes).
Depuis la publication de « La société décente »
d’Avishaï Margalit (1996), j’ai fait mienne sa thèse que
nous devons avant tout chercher à constituer une société
dont les institutions ne seraient pas humiliantes. S’il
est difficile de faire une société plus juste, ce que
nous pouvons tenter, tout de suite, c’est de faire
qu’une société soit la moins humiliante possible.
La
puissance publique doit faire la chasse à toute forme
d’humiliation dans les institutions (scolaires,
hospitalières, pénitentiaires, sociales, sécuritaires,
etc.) qui sont de son ressort. Et la parole publique,
depuis le chef de l’État jusqu’à celle de tous les
citoyens, se doit de n’être jamais humiliante à l’égard
de qui que ce soit. Regarder les autres avec
considération, laisser une porte de sortie à la
discussion sans obliger l’autre à perdre la face, ne pas
l’écarter comme nul et disqualifié, ne pas l’exposer à
la risée ni le mettre à l’index, etc.
Le
christianisme et le stoïcisme, pour une fois conjugués,
nous ont appris à être humbles, détachés, modestes.
C’est bien, mais cela nous a rendus très insensibles à
l’humiliation. Pourtant l’humiliation est souvent bien
plus grave que la violence : elle s’attaque à la parole
et au visage, elle ruine la confiance en soi et la
confiance en l’autre. Pire peut-être : elle engendre,
par ses effets en cascade (les humiliés deviennent
humiliants), une violence future aux effets
dévastateurs.
Pour
que nul ne se sente superflu, d’avance jugé et jamais
écouté, il nous faudrait des institutions qui ne soient
pas tant des administrations gestionnaires que des
théâtres pour nos paroles et nos actions éphémères. Ces
théâtres, et nos Églises par excellence, doivent offrir
à chacun non pas une fois, ni sept fois, mais sans
cesse, à la fois l’autorisation à montrer qui il est, et
l’autorisation à diminuer et s’effacer pour laisser la
place aux autres.
Il
faut avoir été autorisé à se montrer pour pouvoir
vraiment s’effacer. Il faut avoir été autorisé à
s’effacer pour pouvoir vraiment se montrer. L’autorité
n’existe que par la reconnaissance que nous lui avons
donnée de nous avoir ainsi doublement autorisé.
Etre et avoir … Que suis-je si je
n’ai rien … sans toit, sans droit, sans amis, sans
corps, sans rien … Des bras, une tête, des outils,
quelques sous et me voilà quelqu’un ! Je suis celui qui
a quelque chose à proposer au commerce des hommes.
Encore faut-il que quelqu’un s’intéresse à ce que j’ai,
à ce que je peux faire, à l’argent que j’ai dans mes
poches. Je ne suis riche que de ce que les autres
m’envient. De ce que j’ai et qu’ils n’ont pas. Dans un
monde de repus, je ne trouve pas ma place. Le petit coin
que j’occupe me sera contesté. Pas de bouche inutile. Je
n’ai même pas la place d’être. Un coup de balai et rien
ne reste. Heureux suis-je, si avant de m’abandonner à la
poubelle du néant, quelqu’un me met de côté en disant :
on ne sait jamais, ça peut peut-être servir ! Heureux
suis-je si une société me donne le droit d’être, de
vivre, de parler, de faire. Heureux suis-je si je
rencontre quelqu’un qui s’intéresse à moi pour rien,
simplement pour être avec lui, sans condition, sans
loyer à payer, sans service à rendre. Lui, moi,
d’autres, chacun reçoit des autres son être même.
Dis-moi, ça peut exister ? Etre sans avoir, n’est-ce pas
ça l’amour ?
(À l'ombre du vieux noyer;
Éditeur Médiaspaul France)
Est-ce que, de la part d’autrui,
je suis reconnu aimable, dans le sens de digne d’être
aimé, et est-ce que l’on m’aime comme je suis, tel que
je suis ? Et, de ma part, est-ce que je m’aime, par-delà
mes qualités et mes défauts, deux faces indivisibles de
mon unique personnalité, sans effectuer de dichotomie ?
« Tu aimeras ton prochain comme Toi-même».
Est-ce qu’autrui, avant toute
référence possible, dont une certaine référence
religieuse, reconnaît d’abord en moi l’humanité, mon
humanité ? Et moi, est-ce que je donne la préférence à
cette humanité, préalable à toute idéologie, à toute
croyance, avec toute la fragilité et toute
l’imperfectibilité inévitables ?
Est-ce que les personnes
rencontrées perçoivent chez moi un être humain libéré
d’entraves ? Et, de mon côté, est-ce que je constate la
volonté personnelle de me délivrer de tout ce qui
emprisonne, empoisonne, aveugle, endurcit, emmure :
coutumes bien ancrées, pensées dominantes, formatages,
etc ?
Est-ce que l’on trouve en moi un
être singulier, unique et non un être « comme tout le
monde », selon un modèle standard du moment ? Et moi,
est-ce que je fais l’effort d’éviter la copie conforme
de tel ou tel, le moule permettant de multiples
reproductions à l’identique, pour devenir moi-même ?
Est-ce que mes capacités
personnelles, mes talents, même modestes, mes sources de
vie, sont reconnus par les autres au point d’y faire
appel ? Et moi, est-ce que je les reconnais
personnellement, m’efforçant de les développer, en
pensant à leur possible utilité pour quelques personnes
?
Est-ce que l’on est en mesure de
constater chez moi quelqu’un heureux de s’accomplir dans
cette aventure sans fin du « Devenir soi-même » ? Et, de
mon côté, est-ce que je ne me culpabilise pas de vivre
cette aventure, simplement, sans angoisse ni souci d’une
performance, comme celle d’apprendre une langue « sans
peine », selon le slogan bien connu ?
Est-ce que l’on se rend compte que je m’autorise des
façons singulières de voir, de juger et d’agir ? Et moi,
est-ce que j’éprouve un soulagement de pratiquer
lesdites façons, débarrassé de la peur du « diable » et
d’un châtiment éternel, qui ont aveuglé tant d’êtres
humains, pour enfin penser juste et vivre vrai ?
Ed.
Flammarion
(Quelques
interrogations extraites du message)
Notre foi en l'humain
est affaire d'expérience. Elle se joue de façon concrète
dans la relation à autrui, elle est souci de l'autre, et
non pas de nos croyances ou de nos théories. Elle est
dans notre façon de croire en lui, dans le regard,
l'écoute, la main qui soutient ou qui donne. A ce titre,
elle a quelque chose de premier, elle n'est pas la
conséquence ou l'application de ce qu'il faut croire,
par exercice de raison ou de conviction religieuse. Elle
est comme une naissance d'humanité.
Elle concerne sans
doute le rapport à soi-même comme, au-delà des proches,
à toute l'humanité, mais c'est dans la même lumière.
Cela dépasse
l'éthique, ou en tout cas lui donne un autre ton. Car ce
n'est pas d'abord de l'ordre du devoir, qui peut être si
froid, mais c'est dans la chaleur du don. C'est au
principe d'une convivialité nécessaire pour que la vie
humaine puisse être goûtée come bonne.
On pressent qu'une
telle attitude rencontrera des obstacles. Mais ce qui
apparait déjà, c'est que cette relation-là doit être
respectée, qu'il faut en garder ce qu'on pourrait
appeler sa transcendante naïveté.
C'est bien pourquoi
la conséquence en est qu'en un sens, il ne faut rien y
ajouter. S'avancer dans son déploiement, supporter ce
qui la met à l'épreuve, combattre ce qui la meurtrit,
mener à l'extrême ses exigences ou plutôt sa puissance
de vie - soit. Mais ce qui interviendrait du dehors,
fût-ce pour expliquer, justifier, régler, c'est en trop;
c'et à dire que cela réduit et diminue. La foi en
l'humain ne se connait et ne se justifie que par
l'être humain lui-même, dans sa présence toute concrète,
quand par lui l'humain se dégage de l'inhumain, de cette
violence profonde qui peut tout corrompre, y compris les
idées les plus nobles et les comportements les plus
dignes.
Conséquence de la
conséquence : il ne faut pas ajouter Dieu.
Il y a des jours où je voudrais prendre ma retraite.
Pas longtemps. Trois ou quatre ans. Le temps de voir
davantage mes enfants grandir. Le temps d’en perdre avec
eux. Le temps de prendre soin de mon couple au tournant
de la quarantaine. Du temps, aussi, pour la santé :
arrêter de courir à droite et à gauche, pour aller
courir un peu. Le paradoxe est là : je vois des burn-out
chez les collègues de ma génération et d’autres qui, à
60 ans passés, partent à la retraite en belle forme et à
regret. Et encore, j’ai de la chance : enseignant, je
passe l’été avec mes enfants. Et puis nous avons des
anges gardiens qui nous ouvrent régulièrement leur
maison pour un temps familial hors du temps. Enfin, je
travaille à quelques pas de chez moi, quand d’autres
rongent leur frein dans les embouteillages. Quitte à
personnaliser l’âge de départ à la retraite, ne
gagnerait-on pas des actifs en
meilleure santé s’ils pouvaient s’arrêter deux ans aux
alentours de la quarantaine ? Est-il fou d’imaginer, sur
l’échelle d’une société, une telle respiration
professionnelle ?
Respirer : tel est l’enjeu. Nicolas Hulot nous
dit que la Terre est une étuve. Que nous ne respirons
plus. Que lui-même n’en peut plus. De quoi ne peut-il
plus ? De ne pas pouvoir, justement. De ne pas faire ce
qu’il faudrait. Il ne prend pas sa retraite : il
démissionne du gouvernement. Le geste impressionne ou
déçoit. La démission, c’est à la fois un acte de
résignation et de résistance. De résignation : on ne
peut rien changer... Et de résistance : mais cette
inertie est scandaleuse. La démission, c’est
l’expression puissante d’une impuissance. Un aveu
d’impuissance, oui, mais décidé et audacieux. À moins
qu’elle ne soit le point final d’une phrase qui
balbutiait depuis trop longtemps. On peut démissionner
mollement, quotidiennement, comme on dit de parents qui
laissent tout faire à leur enfant : « Ils
démissionnent. » L’ambiguïté est là : est-ce au nom
de sa mission, ou bien à son encontre, qu’on «
dé-missionne » ? Quand Benoît XVI démissionna, était-ce
pour dénoncer activement cette Église dont la réforme,
pour parler comme son successeur, s’apparente à «
nettoyer le Sphinx d’Égypte avec une brosse à dents » ?
Ou bien était-ce de guerre lasse, parce que ni son
corps, ni son cœur n’y suffisaient plus ? Il est vrai
qu’un pape qui démissionne appelle un autre pape. De
même pour un ministre de la Transition écologique. En
revanche, un père qui démissionne laisse une famille
orpheline. Quand Benoît et Nicolas ont renoncé,
était-ce, stratégiquement, pour hâter des jours
meilleurs ? Ou bien, tragiquement, pour dire qu’ils ne
les voient plus venir ? Était-ce pour préparer la relève
? Ou bien avec le sentiment de faire des orphelins ?
S’agissait-il de dénoncer une impossibilité ? Ou
seulement de l’énoncer ?
Il y a peut-être une troisième voie, entre la
dénonciation et l’abandon de poste,
entre le poing sur la table et les bras baissés.
Démissionner, c’est d’abord dire qu’on ne peut pas tout.
C’est donc indiquer un régime d’action autre que celui
de la toute-maîtrise.
Pour un pape, dire : « J’abandonne », c’est aussi
dire avec confiance : « Je m’abandonne à Toi. »
Pour un ministre de l’Écologie, dire : « J’arrête »,
c’est faire de la décroissance une réalité concrète : on
détruit aussi le monde à force de s’agiter pour le
sauver. Un jardinier sauve plus sûrement ce qu’il reste
de la nature que les avions qu’on prend pour dire qu’il
faudrait plus de jardiniers. La démission rappelle à
l’homme que l’essentiel de cette vie n’est pas à
conquérir, mais à recevoir et que, pour cela, il faut
parfois cesser d’être actif. En attendant la retraite.’
Martin
STEFFENS
(enseigne la philosophie en classe prépa)
D'où vient cette capacité inouïe à rebondir après des
épreuves ?
Réponse de la psychologue Ariane Calvo , psychologue qui
publie un livre* sur le sujet.
Comment vous êtes-vous intéressée à l'"élan vital" ?
J'ai vécu à un an d'intervalle deux rencontres qui m'ont
marquée. La première se déroule en 2013. J'effectue
alors mon stage de psychologue clinicienne dans le
service de néonatologie d'une maternité des
Hauts-de-Seine. La journée a été éprouvante pour les
équipes : un bébé est mort, une mère a failli décéder…
J'aperçois une infirmière, le regard perdu, devant une
couveuse qui abrite deux prématurés de quelques
centaines de grammes. Leur pronostic vital est engagé.
Elle me confie : « C'est incroyable. Rien qu'en les
regardant, je sais lequel va vivre et lequel va mourir.
» Le lendemain, sa prédiction s'est avérée juste…
D'où vient cette capacité à rester vivant ? J'ai décidé
d'en faire le thème de ma recherche.
Un an plus tard, je travaille en maison de retraite. Je
parle avec le médecin gériatre de deux résidentes âgées
de 101 ans et 102 ans, entre la vie et la mort. Elles
sont bien entourées, elles ont des constantes médicales
équivalentes, une constitution physique comparable. Le
médecin me dit : « C'est étonnant : je vois que l'une
cherche à grappiller la vie jusqu'à la dernière seconde,
et que l'autre va partir. » Qu'est-ce que ces soignants
ont bien pu identifier ? D'où vient cette capacité à
rester vivant ? J'ai décidé d'en faire le thème de ma
recherche. J'ai interrogé trente personnes qui toutes
possèdent cette force exceptionnelle. Je les ai appelées
les « élans ». Toutes ont traversé des épreuves, parfois
terribles, et ont un lien très fort à la vie. Je me suis
aperçue qu'en dépit de leurs âges, de leurs milieux et
de leurs parcours très différents, elles présentaient
des similitudes étonnantes.
Quels sont ces points communs ?
Bébés, elles ont été confrontées à une indisponibilité
parentale qui provenait soit du parent lui-même, soit de
circonstances particulières que traversait la famille :
mère psychotique ou orpheline, parents en prison,
contexte de guerre… Pour ne pas mourir, elles ont
déployé toute leur énergie pour « réveiller » leur mère
en cherchant à créer du lien (par des pleurs ou des
maladies à répétition, par exemple). Une fois adultes,
les « élans » possèdent une capacité de gratitude et
d'émerveillement devant les petites choses : une
promenade dans la nature, un repas entre amis… Est
inscrit en eux une sorte de « droit au bonheur ». Je
pense à cette femme qui était battue par son mari, et
qui continuait à se dire : « Ma vie, ce n'est pas ça ;
il y a forcément autre chose. »
Ils savent donner du sens à ce qu'ils vivent.
Ils savent donner du sens à ce qu'ils vivent, même si
celui-ci se dévoilera bien plus tard. Ils sont intuitifs
et hypersensibles : ils perçoivent les émotions des
autres et leurs cinq sens sont très aiguisés. Comme ils
sont hyper connectés aux autres, ils ont besoin de se
retrouver seuls pour reprendre des forces. Enfin, ils
ont foi dans une bonne étoile qu'ils nomment univers,
ange gardien ou Dieu…
Y a-t-il des périodes où se manifeste particulièrement
cet élan vital ?
Oui, à chaque crise de vie. Entre 2 et 4 ans, l'enfant
se décolle de sa maman et veut décider par lui-même
(c'est la période du « non »). Entre 12 et 15 ans,
l'adolescent se détache de ses parents pour pouvoir
ensuite se relier à eux différemment. Un ado qui claque
les portes fait très bien son travail ! La crise de
milieu de vie, autour de la quarantaine, se résume en
une phrase : « C'est maintenant ou jamais le moment de
vivre ce que j'ai envie de vivre. » Le passage à la
retraite puis l'approche de la mort sont aussi des
périodes où se manifeste cet élan. C'est un moment où
l'on peut « clôturer des dossiers », comme appeler un
fils qu'on n'a pas vu depuis des années et lui demander
pardon…
Quelles circonstances le mobilisent ?
Ce sont des poussées intérieures qui, dans des moments
de crise, nous portent à la vie : sortir de la
dépression, prendre ses distances avec un conjoint ou
des parents toxiques, quitter un travail qui ne nous
correspond pas… Certains comportements, qui peuvent
sembler à première vue destructeurs, témoignent aussi de
cet élan. Ils sont les seuls aménagements possibles que
la personne a trouvés pour ne pas mourir. La drogue aide
le toxicomane à ramener sa douleur intérieure à un
niveau acceptable. Le schizophrène se débranche du réel
pour continuer à vivre malgré tout. Nous ne sommes pas
face à des personnes qui se détruisent mais qui
déploient des attitudes dysfonctionnelles – parce que
douloureuses – qui leur permettent de rester à tout prix
en vie. Tout mon travail consiste à trouver, avec elles,
d'autres manières d'honorer ce désir de vie.
Quand apparaît l'élan vital ?
Dès la naissance, qui est son premier mouvement spontané
manifeste. Puis, sa façon spécifique de s'incarner se
fixe avant dix-huit mois, quand l'enfant est encore en
symbiose avec sa maman. Tous les « élans » évoquent une
sorte de bouillonnement volcanique intérieur qui jaillit
dans un cri. Antérieur à l'acquisition de la parole, il
signifie : « J'ai le droit de vivre ! »
Peut-on transmettre cette force ?
On peut transmettre notre joie et notre appétit de
vivre, une juste estime de soi. Mais l'élan vital ne se
transmet pas car il est inscrit en chacun de nous. La
bonne nouvelle, c'est que nous ne dépendons de rien ni
de personne pour le trouver. Le chemin le plus exigeant
est d'entrer en soi-même pour nous relier à cet élan.
Contrairement à la résilience, cette faculté ne dépend
pas d'une enfance ayant fourni une base de sécurité
suffisante. C'est même tout le contraire : confrontés
dans leur petite enfance à des épreuves qui auraient pu
les tuer, au sens propre comme au figuré, les « élans »
ont développé des capacités vitales extraordinaires.
Y a-t-il des « élans » qui vous ont davantage touchée ?
Certains d'entre eux m'ont vraiment émue soit parce que
leur histoire de vie était terrible, soit parce qu'elle
pouvait faire écho en moi. Je me souviens avoir senti
mes larmes couler sans pouvoir les retenir durant un
entretien avec Luce (NDLR : une de ses patientes),
lorsqu'elle décrivait à quel point, alors que tout le
monde la considérait comme une enfant difficile, et même
impossible, elle avait pu sentir que son grand-père la
voyait telle qu'elle était. Il comprenait sa
sensibilité, ses aspirations, son intelligence, son
plaisir à vivre, sa créativité. Il comprenait que tout
était compliqué pour elle et il l'aimait telle qu'elle
était. Cela m'a renvoyée de plein fouet à mon histoire.
J'ai connu moi-même un démarrage de vie délicat...
J'ai connu moi-même un démarrage de vie délicat, et,
parfois, j'ai eu le sentiment d'une grande
incompréhension. J'ai aussi la sensation d'avoir arraché
à l'existence un droit au bonheur. Je ne peux pas en
dire davantage sur les récits que m'ont confiés les «
élans ». Ce sont des histoires de vie pour la plupart
difficiles, douloureuses et très intimes. Parce que le
milieu dans lequel ils sont nés était hostile, ils se
sont construits avec un élan vital très fort. Cela rend
très délicat leur témoignage : ils ne veulent pas
heurter ceux qu'ils ont cherché à protéger, en racontant
comment certaines relations, en particulier parentales,
ont pu les blesser.
La dixième clé que vous donnez pour se connecter à
l'élan vital est la spiritualité. Quel lien
entretenez-vous avec celle-ci ?
Je suis chrétienne et ma religion d'origine est le
protestantisme, bien que je ne m'en revendique plus
spécifiquement aujourd'hui. Le Christ incarne à la
perfection cette bienveillance et cet amour
inconditionnel que nous recherchons. Mais, en France,
quand on fait mon métier, il est difficile de parler de
spiritualité sans être accusée de prosélytisme, voire
même de manipulation. En tant que psychothérapeute,
j'encourage mes patients à observer et à déployer cette
part d'eux-mêmes, de la façon qui leur convient. Car du
point de vue clinique, je constate combien la
spiritualité est une aide précieuse au déploiement de
notre élan vital.
Le mot « féministe » ne devrait
pas exister. Il est de trop, comme toutes les
injustices. Mais il faudra rester vigilant aussi
longtemps que nécessaire. Sans doute jusqu’à la « fin
des temps ». C’est que les discriminations à l’égard du
sexe dit « faible » ne sont pas près de disparaître.
Pourtant, je ne suis pas à la hauteur. Je ne l’admets ni
par humilité ni par autoflagellation. C’est une réalité.
J’ai longtemps considéré la femme comme devant être au
service de l’homme. C’était inscrit dans mon
inconscient, dans mes croyances, dans l’air du temps. La
femme ne pouvait être libre et disposer d’elle-même
comme bon lui semble. Égale à l’homme en théorie,
certes, mais non en pratique. Une femme se doit d’être
douce, dévouée et belle si possible. C’est ainsi depuis
la nuit des temps, c’est naturel et immuable. Ce sont
les hommes qui décident de la marche du monde. Et
« Dieu » bien sûr, selon sa Volonté ! Les textes
religieux sont unanimes sur ce point. L’humanité est
déchue par la faute de la femme tentatrice. J’ai
longtemps cru en ces superstitions. J’ai changé d’avis.
Pourquoi ?
Je ne pouvais plus endurer ces croyances sans vivre
encore dans un profond mal-être. C’est en abandonnant la
religion et ses « schèmes mentaux » que j’ai pu remettre
en question ma manière de penser le monde et la femme en
particulier. C’est en apprenant à penser par moi-même,
dans une profonde solitude et au prix de grandes
souffrances que je me suis libéré du joug de la « pensée
unique ». Par authentique fidélité à soi, je trahissais
ce en quoi j’avais toujours cru. Comme le dit justement
un proverbe arabe : « Il n’y a que ceux qui ont le
pied sur la braise qui en ressentent la brûlure. »
Les monothéismes, une catastrophe pour la femme
Comme le dénonce Houria
Abdelouahed, psychanalyste franco-marocaine :
« Toutes
les religions monothéistes ont essayé de dompter le sexe
féminin. Si l’on prend le christianisme, cela ne s'est
pas passé du vivant de Jésus qui lavait les pieds de
Marie-Madeleine la pécheresse, et qui était l'exemple de
la tolérance même, mais voyez ce que les Pères de
l’Église ont ensuite fait de la femme ! On retombe
toujours sur les mêmes clichés, les mêmes règles. Le
monothéisme a été une catastrophe pour la femme. »
Quand j’y songe un instant, il est proprement effroyable
de reléguer la moitié de l’humanité dans la servitude.
C’est un scandale qui ne dit pas son nom – une
oppression cachée et assumée par les hommes. Désormais
conscient de cet intolérable « ordre naturel », je ne
peux que souhaiter la femme libre, à l’égale de l’homme.
Et je peste d’autant plus lorsque c’est la femme
elle-même qui perpétue sa propre « servitude
volontaire ». Au nom des dieux et des hommes, au nom de
la Tradition.
Voyez vos sœurs de lutte !
Elles paient le prix fort de votre indolence. Elles
seules vivent dans leur chair le prix de l’authentique
liberté. Celle que vous refusez de défendre. Après
d’innombrables lectures et un retour sur soi, je ne peux
concevoir qu’un féminisme universel, qui ne
dépende ni du lieu ni de l’époque de la naissance. Il
est des valeurs humaines qui transcendent les cultures
et les croyances particulières. Pour le dire autrement :
l’humanité s’est construite sur le modèle de la
domination patriarcale. Et la religion est le fait de
l’homme. Un puissant vecteur de soumission. C’est
une réalité : face à leur condition de perpétuelles
servantes, les femmes doivent se rebeller. De cela, les
hommes et les religions ne veulent évidemment pas…
Je n’étais pas féministe, je le deviens
La féministe américaine Letty Cottin Pogrebin l’exprime
sans détour : « Quand les hommes sont opprimés, c’est
une tragédie, quand les femmes sont opprimées, c’est la
tradition. » Mais, bon sang, qu’y a-t-il de si
dangereux chez la femme qu’il faille sans cesse la
bâillonner ? Le simple fait d’être femme fait d’elle la
coupable idéale… L’homme aurait-il peur du sexe dit
pourtant « faible » ? Elle naît femme, je nais homme. À
égalité. Rien d’autre à laisser croire.
Et c’est là une réalité qui ne cesse de m’étonner : plus
mes certitudes s’effondrent, et plus la femme
m’enrichit. Pour reprendre les mots de Fatiha Agag-Boudjahlat :
« Je n’étais pas féministe, je le suis devenue. »
Emeutes de la faim d’un côté, gaspillage alimentaire de
l’autre … La nourriture est-elle une simple marchandise
ou un bien commun ?
Alors que la
production mondiale de nourriture est plus que
suffisante pour nourrir la population mondiale, 800
millions de personnes souffrent toujours de la faim,
selon l’Organisation des Nations unies pour
l’alimentation et l’agriculture (FAO). Dans le même
temps, un tiers des aliments produits pour la
consommation humaine est gaspillé dans le monde, ce qui
correspond à environ 1 300 millions de tonnes chaque
année. De quoi s’interroger.
A titre
d’exemple, les pertes liées au gaspillage en Europe
pourraient à elles seules nourrir 200 millions de
personnes. Ces pertes ont lieu tout au long de la
chaîne, depuis les sites de production agricole jusqu’à
l’assiette du consommateur. Les ressources et les
intrants nécessaires à la production agroalimentaire
comme la terre, l’eau et l’énergie sont également
gaspillés, entrainant une augmentation des émissions de
gaz à effet de serre.
Le gaspillage
alimentaire représente donc un enjeu majeur qui se
répercute directement sur le système alimentaire mondial
et, dans une moindre mesure, sur le changement
climatique. Par ailleurs, les productions agricoles sont
aujourd’hui soumises à la spéculation sur les marchés
mondiaux. Alors même qu’elles sont vitales, elles sont
considérées comme des simples marchandises et vendues à
des prix artificiels bien souvent non rémunérateurs pour
les producteurs eux-mêmes.
En 2008, les
émeutes de la faim nous ont aussi rappelé que tant que
des hommes et des femmes connaitront la faim sur notre
planète, il existera toujours des sources de conflit. De
ce constat est née notre réflexion pour déterminer si la
nourriture ne devrait pas être un bien commun.
Les jeunes
de la délégation du CCFD-Terre solidaire rassemblés au
FSM (Forum social mondial) Magazine Faim et
Développement N° 295
Note : Le
premier Forum social mondial est né à Porto Alegre, au
Brésil, en 2001, en réponse au forum économique de
Davos. Ce forum s’inscrit dans le prolongement du
mouvement altermondialiste qui a pris son essor après le
sommet de l’OMC (Organisation mondiale du commerce) de
Seattle en 1999.
Dans nos sociétés occidentales, la mort est souvent
occultée. Peu de corbillards traversent nos villes.
Pourtant, la mort a frappé ces derniers temps,
médiatiquement parlant. Simone Veil, Mireille Darc,
David Bowie, Françoise Héritier, Jean d’Ormesson, Johnny
Halliday… Si besoin en était, ces femmes et ces hommes «
hors du commun » nous rappellent notre finitude.
Certains s’affirmaient catholiques, d’autres
agnostiques, voire athées. Quatre pieds sous terre, et
puis après ?
Plus je vieillis et plus je reste perplexe. Des origines
de la vie et de sa fin. Tant la réponse « bouche-trou »
– un « Dieu » créateur et sauveur – reste
insatisfaisante, servant seulement à combler, depuis la
nuit des temps, notre ignorance et à pacifier nos
angoisses de mortels. …
Ceux qui disent avoir la « foi » n’ont, au fond
d’eux-mêmes, que des certitudes de pacotille. Ils
ressemblent comme deux gouttes d’eau à ces agnostiques
qui ne savent pas. En réalité, nous pensons avec nos
représentations mentales du monde, selon notre époque,
le lieu de notre naissance, nos multiples influences et
conditionnements.
Autrement dit, nous sommes, pour une part au moins, le
produit de notre éducation, de nos croyances et de nos
conventions sociales.
Bref, nous naissons, nous marchons, nous courons, et
puis après ? Si « Dieu » n’est pas dans les religions,
où se cache-t-il donc ? …
Quitter nos croyances religieuses, c’est quitter un
« monde imaginaire ». Non pas pour trahir « Dieu » comme
trop longtemps soutenu, mais pour être fidèle à soi.
Enfin. Je sais le bond « mental », vertigineux… Un
véritable bond dans le vide…
Comme la plupart j’imagine,
j’aimerais vivre de certitudes. À commencer sur mes
« fins dernières ». Mais, si
« Dieu » était évidence – comme nous le sommes, vous et
moi –, cela se saurait. C’est bien peu pour espérer en
« l’au-delà », énorme pour vivre « l’ici-bas » : il
n’est plus besoin des croyances, d’une humanité soumise
aux dieux. Il n’est plus de crainte de l’enfer ou de
paradis à mériter par grâce ou à la force des poignets.
Il devient possible de vivre désenchaîné des dieux,
libre sur son chemin d’intériorité. C’est immense pour
qui aime une vie libre et responsable. Une vie
égalitaire entre les femmes et les hommes, entre tous
les humains. Une vie émancipée, débarrassée de la pensée
unique et des guerres de religion. Imaginez, un instant,
un monde sans croyance religieuse ni idéologie d’aucune
sorte. Un monde seulement uni par notre humanité commune
…
Comment donner un sens à cette vie ? Telle est la
véritable question à laquelle je peux donner, sans
attendre, une réponse pleinement satisfaisante. Comment,
si ce n’est en aimant ? C’est
véritablement le plus difficile et
le plus urgent.
Aimer sans plus diviser le monde, les humains.
Soudan, Syrie, Irak, Turquie,
Corée du Nord, Arabie Saoudite… Migrants en déshérence,
viols des femmes, terrorisme international, régimes
totalitaires, esclavagismes modernes, fanatismes
religieux… Notre monde crève d’un manque d’amour. La
peur de l’autre engendre la haine. La peur de la
différence, exacerbée par les fous de dieu. La peur
engendre le repli sur soi, la mort de l’autre. Etty
Hillesum, déportée à Auschwitz, sait de quoi elle
parle : « Notre unique obligation morale, c’est de
défricher en nous-mêmes de vastes clairières de paix et
de les étendre de proche en proche, jusqu’à ce que cette
paix irradie vers les autres. Et plus il y a de paix
dans les êtres, plus il y en aura aussi dans ce monde en
ébullition. » Là gît la véritable conversion
intérieure, l’authentique « esprit religieux ». C’est
peu, mais c’est énorme.
Trop de personnes se sentent éparpillées, écartelées
entre le travail, la vie familiale ou amicale, les
activités bénévoles, mais aussi agressées par de
multiples tensions proches ou plus éloignées qui les
perturbent. De plus, la communication numérique, qui
laisse peu de place à la nuance et fait disparaître la
perception des expressions de l’interlocuteur, encombre
notre quotidien et engendre souvent du stress. Ces
stimulations permanentes s’inscrivant dans la dictature
de l’urgence et la tyrannie de la performance nous
obligent à réagir vite à de multiples messages et à
traiter de multiples informations sans pouvoir toujours
distinguer l’essentiel, le superficiel et le faux.
Nous avons alors de plus en plus de mal à prendre le
temps de vivre à notre rythme, à faire silence, à mûrir
nos décisions, à équilibrer nos vies, à nous rendre
disponibles pour entretenir des relations de qualité, à
nous mettre à l’écoute de ce qui nous entoure et de la
nature... Par ailleurs, la « toile numérique » nous
piège avec la multiplication des « faux amis » et des
messages liés à « notre profil » qui nous rendent
imperceptibles des réalités importantes et dérangeantes.
A tout ceci s’ajoute la multiplication des désirs
engendrés par une société de consommation qui, en
proposant toujours plus de gadgets et produits jetables,
nous embringue dans une course à une croissance vide de
sens et d’humanité.
Comment décélérer et sortir de l’immédiateté et/ou de
l’hyperactivité qui nous entraînent dans le cercle
vicieux de faire et vouloir « tout, tout de suite » ?
Comment vivre l’instant présent en se mettant à l’écoute
de son être et de son corps pour se rendre disponible à
ce qui advient comme à ce qui nous dérange ? Comment
prendre le recul nécessaire pour donner du sens à nos
vies ?
S’il importe de s’engager dans la vie et d’agir sur le
réel, cet engagement et cette action ne peuvent être
féconds que grâce à une prise de distance régulière
permettant, dans la gratuité du moment, de se relier à
la profondeur de notre être et au ressenti de notre
corps. Nous proposons donc de mettre en priorité la
capacité de prendre le temps nécessaire chaque fois que
nous avons à nous engager dans des processus requérant
écoute, observation et discernement pour agir juste :
« Se donner régulièrement des temps de pause pour
réfléchir au sens de son action et à l’équilibre de ses
responsabilités ».
Cet éditorial*
de l’association Démocratie et Spiritualité correspond
tout à fait à la recherche d’Ecoute et Partage car il
contribue à ce qu’il faut bien appeler une résistance,
en nous aidant, d’une part, à nourrir notre vie
intérieure pour être à la fois en accord avec nous-même
et en relation ouverte avec autrui, d’autre part, à
cheminer ensemble pour discerner les façons de se mettre
au service des autres et de faire vivre une vie
démocratique de qualité.
Notre société a besoin de respirer autrement, de
retrouver le sens du temps, devenu aujourd’hui trop
compressé ou trop vide.
*Editorial proposé par le bureau de
l’association Démocratie et Spiritualité
(http://www.democratieetspiritualite.org) pour le mois
d’avril 2018
Tant qu’on sera prisonnier d’un
imaginaire qui confond accord et uniformité, le terrain
sera miné par la violence, feutrée, mais bien réelle,
qui cherchera à réduire l’autre au même
(1),
soi-même étant au fond l’idéal vers lequel on cherchera
à amener, sinon à réduire, l’autre. C’est terrifiant.
Comme si l’Esprit ne pouvait pas souffler chez l’autre
aussi, quand bien même il me dérange ! Et comme si, de
mon côté, ce que je dis, prétends, défends, relevait
seulement de cet Esprit, sans aucun mélange d’intérêt
personnel, de vanité, de pauvreté intellectuelle et
spirituelle. Quel aveuglement ! Qui suis-je pour te
juger ? Qui es-tu pour me juger ? Et si on faisait
plutôt un bout de route ensemble ? Sans chercher à
convaincre. Juste essayer de comprendre. Cette
invitation nous concerne tous.
Marie-Christine Bernard,
théologienne spécialisée en anthropologie
Entetien avec le journal
Golias Hebdo N°516
·(1)"comme moi, tout pareil";
Quand on aspire à ce que tout le monde soit "comme moi",
(et par extension, comme "nous" = notre parti, notre
église, notre mouvement, notre sensibilité, etc.),
on opère une réduction de l'autre "au
même".
C'est un refus d'altérité.
Dans Cet instant-là,
l’écrivain Douglas Kennedy a l’art de poser les bonnes
questions. Pas les questions secondaires, mais les
questions véritablement existentielles :«
Voilà peut-être la question la plus difficile de toute
l’aventure humaine : est-il réellement possible de
toujours regarder en avant, comme on nous encourage sans
cesse à le faire, ou bien devons-nous garder certains
vestiges essentiels de notre passé, si douloureux
soient-ils, comme un rappel que certains aspects de la
vie nous transforment si profondément qu’ils nous
habitent à jamais ? Pouvons-nous vraiment refermer la
porte sur ce qui continue à nous hanter ? »
À chacun de répondre, bien sûr. Une réponse sans doute
évolutive, tout en nuance, selon nos expériences du
moment et les épreuves que la vie nous imposera.
Douglas, lui, a grandi entre un père catholique
autoritaire et une mère maniaco-dépressive qui lui
répétait à l’envi qu’il n’était pas désiré. Difficile
ensuite de trouver une estime de soi non cabossée. Par
la suite, il devra affronter un divorce, avec tout ce
qu’il entraîne comme remises en question et
chamboulements dans une vie. Il découvrira également que
son enfant est autiste, ce qui l’amènera à voir combien
la vie pouvait être fragile. Tout le monde souffre et se
débat comme il peut. La question incontournable est :
qu’allons-nous faire de cette souffrance, de cette
épreuve ? Et si c’était le moment de comprendre qu’il
n’est pas de vie idéale, de contes de fées ? Que
l’existence humaine nous embarque inévitablement vers
l’inconnu, le plus difficile : apprendre à vivre,
trouver un sens à sa vie, traverser des bourrasques
imprévues. Le bonheur n’existe pas, seulement des
instants de bonheur. Comment capter ces moments, sans
s’enfoncer irrémédiablement dans le malheur ? Une vie
intéressante n’est pas une vie sans stigmate, sans heurt
ni bosse. Nous l’oublions trop souvent. Une vie
intéressante est faite de vraies rencontres, avec soi,
avec les autres. Ne pas avoir peur des moments de
bonheur, ne pas avoir peur du malheur. Avoir peur, c’est
d’emblée fuir ce qu’il nous faudrait vivre dans
l’instant. C’est d’emblée passer à côté de la vie,
rajouter une peine inutile. Douglas affirme, non sans
une pointe d’humour : « Tout
le monde est névrotique, tout le monde souffre et lutte…
Celui qui prétend être toujours zen et connaitre
l’équilibre parfait, c’est un scientologue ».
C’est tellement vrai, partie prenante de notre condition
humaine.
En prendre conscience, l’admettre, n’est-ce pas déjà se
sentir moins seul ? Ne plus avoir honte de son état
d’impuissance, ne plus culpabiliser de ne plus être « à
la hauteur », ne plus croire que cela n’arrive jamais
qu’à soi. Oui, au besoin, oser vivre l’effondrement
lorsque soudain la vie se dérobe sous nos pas. Oui, oser
une parole de vérité auprès de ses proches ou de ses
amis. Ne plus fuir, ne plus se fuir. Ne plus se retenir,
ne plus faire semblant, ne plus sauver les apparences
derrière un sourire forcé. Faire enfin naufrage. Oser
prendre soin de soi. Se rejoindre peut-être pour la
première fois. La fragilité n’est pas une faiblesse,
encore moins une tare.
Se reconnaître tel quel, s’aimer tel quel, oser enfin la
bienveillance à son égard. Quel changement d’attitude
peut soudain s’opérer ! Une révolution ! Sortir du
rythme effréné, de la compétition, de la loi du plus
fort ! Souffler, se connaître, renaître. Souvent forcés,
au pied du mur, n’en pouvant plus : burnout, cancer,
alcoolisme, divorce, dépression, vieillesse, crises
existentielles en tout genre. S’arrêter un instant, pour
de vrai, pour de bon. Il n’est jamais trop tard. Il faut
parfois une vie avant de prendre soin de soi. Il n’est
pas de vie idéale, il n’est de vie qu’en marche,
enracinée dans ses contradictions, ses inlassables
prises de conscience et remises en cause. Dégagés de
tout idéal, il devient possible de s’émerveiller de ces
petits « riens ». De soi, du monde, de l’autre. De
l’instant présent qui s’offre à nous. Les événements, la
vie n’ont pas changé. Ce qui peut changer, c’est le
regard porté sur eux. Et cela change tout. Cela apaise,
cela fait du bien. Au moins un instant. Au fond, je suis
profondément touché par la réponse de Douglas à la quête
du bonheur : « Le bonheur est peut-être simplement ceci
: un instant où l’on arrive à mettre de côté tout ce qui
inquiète, tourmente, trouble le sommeil, et à
s’abandonner à l’émerveillement », écrit-il dans
Toutes ces grandes questions sans réponse
(1).
S’abandonner à l’émerveillement… Au fond, ne
cherchons pas à changer les choses qui ne peuvent l’être
– les événements ou les gens. Tâchons seulement de vivre
sur ce chemin – le nôtre ! – que nous découvrons à
mesure de nos pas. Ne cherchons plus à convaincre autre
que nous-mêmes. Apprenons seulement à nous faire
confiance et à vivre notre vie, avec les moyens du bord.
Au fond, consentons enfin à vivre avec nos blessures,
elles sont aussi notre richesse et notre force. Cela
semble bien peu, mais à vrai dire, c’est énorme au point
que notre vie en est transformée…
Qui dit « vie » dit « vieillissement ». Etre
jeune, ce n’est pas s’évertuer à le rester : c’est aimer
la vie à chacun de ses âges, fidèlement. L’aimer
jusque-là. Jusqu’où ? La limite n’est pas donnée.
« Jusque-là », c’est-à-dire faire avec elle le pas de
plus.
J’avais un ami. Il n’avait pas 25 ans, un cancer
l’emportait. Je n’avais pu le voir pendant un long
mois : ce fut pour lui un mois de lutte intense contre
la maladie. Quand enfin il me fut possible de me rendre
à son chevet, il était mort depuis une vingtaine de
minutes. Au milieu des couvertures défaites, il était
là, avachi, blême, sans vie. Un cadavre, comme ceux
qu’on voit entassés dans les Camps de la Mort. La scène
était choquante. La phrase qui, spontanément, m’est
alors venue est celle-ci : « Désormais, tu devras aimer
la vie jusque-là. » Jusqu’à cette mort qu’on porte dans
notre chair et qui emporte les meilleurs d’entre nous.
J’ai senti, immédiatement, que ce « jusque-là » était
synonyme d’amour : il est la fidélité à la vie, dans ses
hauts et ses bas, comme il est, en couple, la fidélité à
la personne aimée, qu’elle soit malade ou au meilleur de
ses forces, qu’elle soit jeune ou tassée par les ans.
C’est peut-être même là, je veux dire dans
l’épreuve, que l’amour se manifeste le mieux : aime-t-on
la vie quand on n’aime d’elle que ce qui nous agrée ?
Aime-t-on une personne, si c’est aux conditions que l’on
lui a fixées (qu’elle soit de bonne humeur, jolie, en
bonne santé …) ?
L’amour plein et véritable, signe à l’être aimé un
chèque en blanc. Quand on dit « Je t’aime », on
introduit dans notre vie l’inconditionnel et l’absolu :
on envoie paître toutes les circonstances, toutes les
conditions, tous les bémols qu’on pensait mettre à son
amour. On ne dit pas : « Je t’aime les samedis matins »,
ou bien : « Je t’aime quand j’ai un peu bu, quand tu
mets cette robe, etc. » Mais « Je t’aime » tout court,
tout simplement, absolument, c’est-à-dire : j’ouvre tout
grand les bras à ce que tu es, je te promets de
m’émerveiller toujours de ce que je n’ai pas prévu que
tu serais, de te suivre dans tes détours et malgré
toutes tes chutes. Bref, de me passionner pour
l’aventure que tu es. Je t’aimerai jusque-là.
L’épreuve qu’on traverse met au jour les réserves
que l’on mettait à l’amour de la vie, les objections
qu’on lui faisait. Elle révèle les clauses cachées de
notre amour : on aimait la vie, mais quand même pas dans
la maladie, dans le conflit, dans le quiproquo, et
surtout pas dans ce monde qui va mal. On aimait la vie,
mais sur l’écran lisse du dessin animé qui nous chante
les monstres gentils et les enfants heureux. On aime la
vie en rose, pas en bleu, qui est sa vraie couleur. Nos
bras étaient ouverts, mais encore trop peu. Ils
n’embrassaient que ceci ou cela. Ce qu’il faut alors,
c’est les ouvrir pleinement, jusqu’à les clouer au bois
de notre croix, je veux dire de notre épreuve. Ainsi
chaque contrariété est ou bien l’occasion de
rétrécir l’angle que nos bras circonscrivent (jusqu’à
l’annuler : on les croise alors, en signe de
mécontentement) ; ou bien au contraire
l’invitation à ouvrir plus encore la voie d’accès à
notre cœur, à l’exposer plus encore, ce cœur, aux
morsures de la vie.
Martin Steffens (La vie en bleu ;
Pourquoi la vie est belle même dans
l’épreuve) Marabout
« Vous
êtes des zozos ! » Alors que nous formons un cercle
de silence comme chaque dernier mardi du mois, un
passant se lâche. Des personnes qui, durant une heure,
se tiennent sans parler, cela intrigue ou dérange
certains ; d’autres s’intéressent. C’est que l’enjeu est
de taille ! Défendre le droit d’asile et le respect de
celles et de ceux qui ne demandent qu’à vivre dans de
bonnes conditions peut être considéré comme une
provocation dans une société qui a tendance à se replier
dans ses frontières. Tous ces migrants qui arrivent chez
nous ne sont-ils pas une menace pour notre économie,
notre sécurité, notre culture ? Une personne sort du
cercle et la conversation s’engage avec des passants ;
des tracts sont distribués qui expliquent le sens de
l’action.
Loin des
manifestations bruyantes, le silence a quelque chose
d’original. Une seule prétention pour les silencieux du
mardi : être des éveilleurs de conscience, provoquer
pour susciter des réactions, découdre ce qui risque de
devenir pensée commune dans la bouche de certains
politiques : migrants = danger. Accepter d’engager le
dialogue, répondre aux objections, accueillir les peurs,
c’est faire de grands pas pour un vivre ensemble
possible et enrichissant.
Par tous
les temps, les « zozos » sont au rendez-vous de la
fidélité et comptent bien faire entendre leur voix pour
dire que tout homme mérite de vivre dignement. S’engager
dans la défense des plus vulnérables n’est pas une mince
affaire. Je peux comprendre que certains aient crainte
de rejoindre le cercle, d’être visibles dans leurs
convictions, de subir la contradiction voire des
agressions, de s’engager dans un chemin de fidélité,
mais la justice n’est-elle pas à ce prix d’un combat
non-violent pour les Droits de l’Homme ? Que
préférons-nous ? Passer pour des « zozos » ou rester au
chaud dans l’indifférence ?
Il y a,
bien sûr, plusieurs voies d’engagement pour défendre le
droit à la vie dans la dignité. Le cercle de silence en
est une. Des citoyens de toutes convictions politiques
et religieuses peuvent y trouver leur place dans un
coude à coude fructueux.
Alors,
pourquoi pas toi ?
Jean-François
Blancheton,
Mensuel de Evangile et Liberté n°312; Oct 2017
« Etre vieux
représente une tâche aussi belle et sacrée que celle
d’être jeune »,
écrit Hermann Hesse
Chacun sait que la vieillesse apporte avec elle son lot
de douleurs et que la mort nous attend au bout de la
course. Année après année, il faut accomplir des
sacrifices, accepter des renoncements. Il faut apprendre
à se défier de ses sens et de ses forces. Enfin, il y a
toutes ces infirmités et ces maladies, l’amenuisement
des sens, l’affaiblissement des organes, les nombreuses
douleurs que l’on ressent plus particulièrement pendant
les nuits souvent longues et angoissées. Tout cela,
Hermann Hesse l’admet. C’est l’amère réalité. Cependant
il rappelle que ce serait pitoyable et triste de
s’abandonner exclusivement à ce processus de
dépérissement, sans voir que la vieillesse a aussi ses
bons côtés, ses avantages, ses sources de consolation et
ses joies. Lorsque deux personnes âgées se rencontrent,
elles ne devraient pas simplement parler de leur maudite
maladie de la goutte, de leurs membres qui raidissent et
de leurs essoufflements lorsqu’elles gravissent des
marches. Elles ne devraient pas seulement se raconter
leurs douleurs et leurs contrariétés, mais aussi les
évènements et les expériences qui les ont ravies et
réconfortées, et ils sont nombreux.
« Nous autres
qui portons des cheveux blancs, nous puisons force,
patience et joie à des sources qu’ignorent la jeunesse.
Regarder, observer, contempler devient progressivement
une habitude, un exercice et insensiblement l’état
d’esprit, l’attitude que cela entraîne influencent tout
notre comportement ».
… Notre cœur reste jeune et nous pouvons découvrir une
autre façon d’aimer. Tout ce chemin nous conduit à une
forme d’accomplissement. Nous nous sentons allégés, nous
avons le désir de nous élever.
« A une certaine
heure de la vie, il faut sauter dans le vide avec pour
seul parachute le désir de s’élever »,
écrit Lorette Nobécourt.
Dans un entretien donné alors qu’il entrait dans le
troisième âge, Michel Serres disait vivre son avancée en
âge « comme un détachement » de tout ce qui faisait
poids : le poids de la tradition, des vérités
enseignées, de la famille, du groupe, de la société.
« Vieillir est le contraire de ce que l’on croit, c’est
rejeter les idées préconçues, être plus léger ».
Marie de Hennezel (tiré du livre La chaleur du cœur
empêche nos corps de rouiller. Robert Laffont)
La majorité
de la jeunesse est en rupture radicale avec le monde
dans lequel elle a grandi : elle veut être inspirée par
quelque chose de bien plus grand, de bien plus vaste –du
sens, elle veut du partage, elle veut du
collectif à la place de l’individualisme régnant.
Elle ne ressent donc que désintérêt, voire dégoût et
mépris pour un système qui, dès le plus jeune âge à
l’école et tout au long de la vie, conditionne à cet
individualisme. Premièrement, chaque petit élève apprend
trop souvent à travailler uniquement pour sa propre
réussite, presque jamais en équipe, le plus souvent tout
seul devant sa feuille de contrôle … autrement dit
jamais donc dans la coopération, toujours dans la
comparaison et la rivalité. Deuxièmement, toute
l’existence sociale se passe à conquérir laborieusement
sa petite place au soleil, ce qu’on a nommé mille fois
le règne de l’avoir et du paraitre, au détriment de
l’être : avoir sa voiture, son bout de
jardin, sa maison, son bouquet numérique,
ses joujoux à la pointe de la technique, etc. Ce
n’est pas l’être humain par nature qui est égoïste, mais
notre civilisation qui le conditionne à vivre replié sur
son confort et ses petits plaisirs privés, tel un
Bernard-l’hermite réfugié dans une étroite coquille !
Abdennour
Bidar ; Les Tisserands
"Je suis, tu es, vous êtes, nous sommes Tisserands",
c'est-à-dire de ceux qui œuvrent aujourd'hui à réparer
tel ou tel pièce du grand tissu déchiré du monde humain
: fractures sociales, conflits religieux, guerres
économiques, divorce entre l'homme et la nature, etc…Éditeur :
Les liens qui libèrent
En cette période d’incertitude où il est difficile de se
rassembler autour de convictions fortes communes, il est
important de discerner nos parts respectives de
« conservatisme », de « libéralisme » et de
« socialisme ». Nous sommes « conservateurs quand,
attachés aux héritages stimulants de notre culture et
aux beautés des œuvres de nos prédécesseurs, nous
prenons appui sur nos racines pour nourrir nos
initiatives. Nous sommes libéraux quand nous promouvons
nos libertés individuelles et collectives sans tomber ni
dans l’individualisme égoïste, ni dans le collectivisme
moutonnier. Nous sommes socialistes quand nous nous
efforçons, à temps et à contretemps, de construire un
pacte social et
civique intégrant la dimension
écologique qui propose un futur désirable à chacun et à
tous. Tout ceci peut être recoupé avec des sentiments
d’appartenance à la droite ou à la gauche, d’où
l’importance de trouver les bons équilibres entre
respect de l’ordre et justice
égale pour tous,
discipline et épanouissement des capacités d’expression,
liberté d’entreprendre et recherche de la prise en
compte des divers talents,
héritage des sagesses et
utopie d’un progrès émancipateur.
Article de Monique Rabin
(Députée de Loire-Atlantique) paru dans
« Bulletin de Chrétiens en Forum »
(2016.11)
Je ne sais pas qui tu es, ni
d’où tu viens. Je ne sais pas ce que tu
fuis : la guerre ? La faim ? La torture ? Le
souci des tiens confrontés à l’extrême
pauvreté ? Je sais que forcément ce fut pour
toi un déchirement absolu de quitter ta
famille, ta maison, ton métier. Pour venir
chez nous, tu as affronté la cupidité des
passeurs, les mers, le froid, la rue.
Le 25 août …, il pleuvait
terriblement sur Calais. Je t’ai aperçu dans
la « jungle ».
Instantanément tu es devenu, au creux de mon
ventre, non plus « la crise migratoire »
mais une personne. J’ai eu très mal de ta
souffrance si visible, si honteuse.
Certains Français chez nous
trouvent que ta place est là-bas sur les
champs de bataille ou dans les bidonvilles.
Plus triste encore, des Français ont oublié
que certains des nôtres, comme toi, ont dû
quitter notre pays pour échapper aux trains
de la mort avant d’être accueillis par des
Justes, dans des pays qui leur ont ouvert
les bras. Sache que ces Français-là ne
reflètent pas l’âme de la France.
Ici sur notre pays de Retz,
terre de modération et d’humanité, des
collectifs généreux sont nés pour
t’accueillir, toi et les tiens. Dans nos
communes, des élus se sont engagés depuis le
premier jour et le représentant de l’Etat a
pris sa juste part, avec le concours d’une
association expérimentée, pour t’offrir à
St-Brévin-les-Pins, un lieu de repos et pour
t’accompagner dans tes démarches et ta
reconstruction personnelle. Ces engagements
divers sont cet autre visage de la France.
Pour répondre à la haine qui
a pu se manifester, sans naïveté je veux te
redire, à toi et aux tiens, que nous n’avons
pas peur de vous. Vous êtes nos amis, nos
frères, nos pères, des êtres humains, avec
vos faiblesses et vos forces. Entendre que
les migrants seraient forcément des
criminels me fait horreur. Je voudrais au
contraire vous aider à retrouver votre
dignité bafouée sur les mers et dans les
broussailles de Calais. A toi, migrant
inconnu, je souhaite la bienvenue. Je serai
heureuse de te rencontrer, de t’entendre, de
partager. La fraternité créée t’aidera, je
l’espère, à surmonter les obstacles qui
subsistent. Car bientôt tu recevras les
papiers actant la régularité de ta présence
parmi nous. A ce moment précis tu seras sans
doute très heureux. Mais ton combat ne sera
pas achevé : les tiens seront encore exposés
à l’extrême pauvreté, à la mort peut-être.
Tu voudras travailler dur pour les aider. Tu
vivras alors douloureusement le manque de
reconnaissance, car tes diplômes n’auront
aucune valeur aux yeux de ceux qui devront
reconnaître tes compétences
professionnelles. Il te faudra peut-être
accepter des petits boulots pour survivre.
Dans la fatigue et la solitude, tu perdras
parfois ton esprit combatif. Tu liras alors
dans les yeux, au pire l’ignorance et le
mépris, au mieux la pitié.
Trop souvent ces questions
sont abordées de manière unilatérale comme
si seul l’étranger avait besoin de nous.
Mais moi je veux que tu saches combien nous
avons besoin de toi. La relation humaine,
vraie, ne se construit que dans l’échange.
Dans ce monde occidental, qui abandonne
progressivement sa philosophie des droits de
l’Homme au profit de biens plus matériels,
et qui préfère la circulation des biens et
des capitaux à celle des personnes
étrangères, nous avons besoin de toi. Tu
peux nous aider à un sursaut salutaire.
C’est par les actions que
nous mènerons chacun de notre côté et c’est
dans l’amour de l’être humain que nous
retrouverons toi et moi, toi et le peuple de
France, notre dignité. Pour tout ce monde à
renaître je te remercie.
Les générations qui arrivent veulent trouver du sens à
leur vie et lui en donner. Elles cherchent des
convictions fortes, du sacré partageable ou de l’idéal
universel vécus comme tels dans de grands
rassemblements, de grandes occasions d’être ensemble, de
fraterniser et de communier.
Elles sont en demande de tout ce qui ranime la flamme de
l’espérance personnelle et de tout ce qui rassemble les
peuples par-delà les frontières. Comment donc
allons-nous aider toutes les jeunes consciences de notre
temps à nourrir leur aspiration à plus de sens ?
Qu’avons-nous à leur apporter ? Où sont aujourd’hui les
éducations au questionnement sur le sens de la vie ?
Comment allons-nous faire pour qu’en la matière nos
jeunesses ne soient pas tentées de revenir à des
traditions religieuses de moins en moins adaptées au
temps présent ? Comment allons-nous éviter durablement
que certains se radicalisent en écoutant les sirènes de
tel ou tel Jihad, prétendue « guerre sainte » ?
On aurait tort de penser, au sujet de ces jeunes
« radicalisés », qu’ils sont des cas isolés. Ils sont
très révélateurs de ce qui manque aujourd’hui
cruellement à notre jeunesse : quelque chose de grand à
quoi consacrer sa vie. Un ou des idéaux qui
susciteraient des convictions fortes, un ou des grands
récits qui réenchanteraient l’existence en ouvrant
devant nous un horizon d’espérance, de sens profond, de
fraternité ou de communion sans frontières.
Abdennour Bidar « Les Tisserands »
(collection Les liens qui libèrent 2016)
L'angoisse de la mort, la peur
de souffrir, celle de ne plus se sentir respecté comme
individu et celle de la perte de contrôle sont parmi les
plus grandes préoccupations des malades en fin de vie.
C'est pourquoi, à travers cet ouvrage, les professeurs
Borasio et Aubry nous aident à porter un regard lucide
et serein sur la finitude de notre existence. Ils
s'adressent aussi aux aidants, en leur donnant des
conseils et des principes pour accompagner au mieux les
personnes en fin de vie.
Les auteurs proposent un
éclairage réaliste sur la prise en charge de la fin de
vie en France. Critiques avec une médecine "techniciste"
qui parfois s'acharne à allonger artificiellement la
vie, refusant la banalisation de l'assistance au
suicide, ils défendent la voie tracée par la médecine
palliative, qui combine l'apaisement des souffrances
physiques et l'accompagnement social et spirituel du
mourant et de ses proches.
Ce livre est une invitation à
réfléchir, dans le calme et sans tabou, à nos priorités,
nos valeurs et nos espoirs. Au cours de notre existence,
ces réflexions restent rares et nous nous y consacrons
souvent tardivement. C'est notre liberté de prendre, ici
et maintenant, le temps nécessaire à cette
introspection.
«
Beaucoup de similitudes rapprochent la naissance et la
mort… Dans les deux cas, la nature a tout prévu : elle a
pris des mesures pour que les processus physiologiques
se déroulent le mieux possible ; elle fait d’autant
mieux son travail que la médecine ne s’en mêle pas. Or,
la réalité est tout autre. Dans les deux cas, la
médecine moderne intervient toujours plus souvent, de
façon toujours plus invasive et souvent inutile.
» Autrement dit,
laissez-nous mourir en paix !
Les auteurs affirment que 90 % de personnes en fin de
vie pourraient sans problème être prises en charge par
des médecins de famille, avec l’aide de soignants
professionnels et de bénévoles formés. Au lieu de cela,
en France, 13 000 personnes âgées décèdent par an aux
urgences des hôpitaux. Or, tous ceux qui ont fréquenté
les urgences lesavent, ce n’est pas un endroit pour
mourir paisiblement.
"Un ouvrage que tout
médecin, tout soignant, et probablement chacun d'entre
nous, humains vivants, devrait lire." -
Pr. Didier Sicard
Depuis les
attentats de janvier 2015, le trouillomètre s’est
emballé. Les Français ont peur. On veut des boucs
émissaires. Pour certains, ce sont les migrants. Un
tsunami d’exilés nous menacerait-il ? La réalité est
pourtant différente. Moins de 9 % de la population
vivant en France est immigrée (Insee). Et pour 10 000
habitants, l’Allemagne d’Angela Merkel accueille 74
réfugiés, tandis que la France de François Hollande n’en
accueille qu’1,51 (chiffres Le Monde). Pour d’autres
lanceurs d’alerte, la cause de tous nos maux serait les
musulmans. Ils font mine d’ignorer que l’immense
majorité de nos concitoyens qui se réclament de l’islam
boostent l’activité, la créativité, la mixité
culturelle. Enfin, la religion est également au banc des
accusés, surtout lorsqu’elle s’affiche. L’essayiste
Jean-Paul Brighelli a publié à ce sujet un pamphlet
rageur, Liberté, égalité, laïcité (2015). Il affirme : «
La laïcité, c’est cela : le droit à toutes les croyances
en tant qu’individu, l’obligation de n’en rien affecter
ostensiblement en tant que citoyen. » (p. 21). Ah bon ?
La religion, c’est juste pour la sphère privée ? Cette
privation n’est pourtant pas constitutive du projet
laïc. Selon la loi de la République, l’exercice du culte
est public. Les acteurs religieux, comme les acteurs
commerciaux, syndicaux, politiques, culturels, ont droit
à l’expression publique, y compris pour débattre et
convaincre, comme le rappelle l’Observatoire de la
laïcité conduit par Jean-Louis Bianco. Mais la peur
ambiante brouille les repères.
Le sondage
BVA sur « Les Français et les religions » commandé par
le Conseil national des évangéliques de France (CNEF)
livre un résultat qui étaye cette hypothèse d’une montée
de l’intolérance contre la parole religieuse publique.
Seuls 48 % des Français(e)s interrogé(es) estiment «
normal que les chrétiens communiquent leurs idées »,
tandis que 38 % valident l’énoncé contraire : « La foi
est une affaire privée, il n’est pas normal que les
chrétiens souhaitent communiquer leurs idées et leurs
croyances avec quiconque. » Cette intolérance illustre
une confusion entre laïcisme séculariste, qui discrimine
la différence religieuse, et la laïcité française qui
reste d’abord une liberté, et non un bâillon. On parle
d’enseigner le fait religieux à l’école… Il serait grand
temps aussi de relancer l’éducation à la laïcité !
Sébastien
Fath -
Extrait de Réforme 20 10 2016
-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-
Je
rêve d’une laïcité
Je
rêve d’une laïcité où la fraternité ne soit pas
seulement inscrite aux frontons de nos monuments mais
mise en œuvre au quotidien sur tous nos territoires et
dans toutes nos institutions. Une laïcité qui
nous fasse accueillir l’autre, sans aucune condition,
d’un sourire et d’une promesse de rencontre sans
violence. Une laïcité où, dans chaque quartier, dans
chaque village, chacune et chacun s’implique pour
« faire ensemble société ». Une société où tous les
adultes, quels qu’ils soient, se vivent comme
responsables collectivement de l’éducation de tous les
enfants et adolescents. Une société où le partage des
savoirs et la transmission de la culture n’intimide plus
personne. Une société où les connaissances de chacune et
de chacun puissent être échangées avec toutes et tous,
tout au long de la vie. Une société où notre École soit
attentive, dans son organisation comme dans sa
pédagogie, à tout ce qui unit les êtres, contre tout ce
qui les divise, et à tout ce qui les libère, contre tout
ce qui les assujettit. Une société où la solidarité soit
le principe de tous nos systèmes sociaux et nos
organisations politiques. Une société où chacune et
chacun puisse découvrir que ce qui aide les plus faibles
enrichit le monde et prépare un avenir meilleur pour
tous.
Après cinquante ans de
vie
dominicaine, il fait part de sa frustration ...
« Le célibat ecclésiastique neprofite (spirituellement, affectivement,
intellectuellement, socialement) qu’à une infime
minorité d’entre eux [les prêtres], et encore ai-je
l’impression que ce n’est vrai que de manière
exceptionnelle et provisoire, le temps d’une probation
consentie, d’un retrait hors la grande ville, d’un
effort spécial, d’une maladie ou d’une épreuve d’une
autre sorte. Hormis ces cas, dont j’admets volontiers
que toujours il y en aura, il me paraît de plus en plus
absurde de croire que les Occidentaux mâles de notre
temps, fussent-ils remplis de l’amour de Dieu et du
prochain, soient en état de s’engager à vie dans une
forme d’existence aussi peu naturelle et équilibrante
que la continence, supposée perpétuelle, liée au
célibat. Donc je suis partisan, non sans réflexion mais
sans la moindre hésitation résiduelle, de la levée de
l’obligation formelle, durable et généralisée, et par
conséquent pour le retour, en ce domaine, au libre
choix, quitte à diversifier les engagements et à
inventer des vœux de célibat temporaire (un an, deux
ans, trois, cinq, dix ans, chaque durée étant
renouvelable) publiquement prononcés. »
Extrait
p. 58du livre
"Pourquoi j’ai quitté l’Ordre… et comment il m’a quitté",
128 p., 15 €
Manuella et Sylvain, membres d'Ecoute et Partage,
participaient à la cérémonie de remise de
diplôme de leur fils au campus HEC. Ils ont été
agréablement surpris par ce
discours qui répondait à la question
" Qu'est ce qui m'a le plus marqué
pendant mes 4 ans
d'étudiant à HEC ?"
et ils nous l'ont transmis ;
Emmanuel Faber,
patron de Danone, prône la justice sociale aux diplômés
d'HEC.
Il a
littéralement stupéfait l'assistance avec un discours
émouvant dans lequel il raconte l'histoire de son petit
frère schizophrène. Il a aussi donné des conseils
précieux aux élèves fraîchement diplômés.
Dans mon jardin, les pivoines ont éclos. Merveille de la nature. Je
m’arrête un instant pour les admirer avant de partir travailler. À
Paris, le soleil est revenu, la Seine a commencé sa décrue,
davantage de trains ont retrouvé le chemin des rails. La ville
semble respirer à nouveau, en dépit des poubelles entassées (grève
des éboueurs) et avant les pics de pollution. Cette fleur fragile
me pousse à la réflexion.
Pourquoi est-il si difficile de rendre grâce et si habituel de
râler ? Individuellement, nous aimons nous plaindre, du temps, des
retards, des voisins, des élus, du bruit. Collectivement, nous
sommes devenus maîtres ès plaintes, reconnus dans le monde entier
pour ce trait. Serait-il envisageable de renverser la vapeur et
d’imaginer une journée, juste une, où la bienveillance, la
reconnaissance, le verre à moitié plein seraient obligatoires ?
Ainsi les médias, au lieu de souligner le manque d’anticipation des
services d’État, montreraient combien nous sommes privilégiés, en
termes d’équipements, en regard des dégâts commis par les eaux au
Pakistan ou au Bangladesh. Concernant les transports, nous nous
réjouirions de ces milliers de trains et d’avions qui arrivent à
l’heure. Nous aurions sous les yeux tous ces gestes formidables
d’entraide, de solidarité, de bienveillance, comme ceux posés par le
réseau Ésaïe à Grenoble (lire en p. 10).
Personnellement, j’irai même jusqu’à me féliciter du début de
l’Euro, pour ces moments de liesse collective. Je pourrais même
oublier « les montagnes de fric » et éviter de penser au
terrorisme... Une journée, une seule journée, nous ne ferions que
saluer le travail des infirmières et des chercheurs, la créativité
de tant d’artistes, la profusion de livres disponibles dans les
bibliothèques, la possibilité de faire du sport, l’accès à
l’électricité et à l’eau, sans coupures. Cesser de se plaindre pour
tout nous aiderait alors à mieux discerner quels sont les combats à
mener. Ceux qui comptent vraiment.•
Nathalie Leenhardt; Editorial,Revue Réforme
n°3661 du 9 juin 2016
(Avec l'émancipation des femmes, les nouveaux pères ont parfois du
mal à comprendre et à tenir leur place dans la famille).
"Autrefois, l'autorité était prise en charge au niveau
institutionnel, par la société. Aujourd'hui dans un monde complexe,
sans cesse mouvant, être parent est beaucoup plus difficile. Les
pères doivent réinventer leur place aux côtés des mères",
souligne Christine Castelain-Meunier, sociologue au CNRS. "Etre
l'âme du foyer, ce n'est plus désormais l'apanage des femmes, et
c'est tant mieux. Les nouveaux pères ont plus accès à leur
subjectivité, ils sont moins contraints par les normes sociales et
peuvent enfin mieux s'occuper de leurs enfants."
De fait, toutes les études le confirment : les jeunes papas, s'ils
ne participent guère plus aux tâches ménagères que leurs pères,
partagent bien mieux qu'eux la fonction éducative. Et n'hésitent
plus à pouponner leurs enfants, à laisser libre cours à leur fibre
affective. Ils entendent être de "bons pères". Des pères présents.
Quitte à donner moins de place que leurs ainés à la réussite
professionnelle.
Au risque de devenir un "papa poule" qui ne sait plus marquer les
limites quand il le faut ? A force d'accepter leur part de féminité,
les nouveaux pères ne sauraient plus dire non, ils seraient
démissionnaires. Et ils se laisseraient tyranniser par leur
progéniture. C'est la thèse du psychanalyste Aldo Naouri.
Selon lui, les pères doivent, peu ou prou, reprendre le pouvoir aux
mères et les parents, aujourd'hui déboussolés, jouer chacun leur
rôle, sans confusion des sexes, pour l'équilibre de l'enfant. Moins
catégorique, Marcel Rufo n'en considère pas moins que "les pères
qui veulent jouer les mamans se trompent". Le médiatique
pédopsychiatre de Marseille estime qu'un "bon père est un morceau
de héros" auquel l'enfant a besoin de s'identifier et met en
garde contre un dévoiement de la paternité. Pour sa part, le
philosophe chrétien Matin Steffens en appelle à des "hommes
consistants" en face des femmes émancipées. Des hommes qui ne
soient pas "interdits de l'être", à la virilité retrouvée.
Non pas celle, caricaturale, du machisme, mais cette étoffe
intérieure qui fait "que les êtres avec lesquels nous nous lions
sentent qu'ils peuvent compter sur nous". Coauteur avec Marcel
Steffens du Nouvel âge des pères, Chantal Delsol considère
que l'émancipation des femmes est une révolution sociale positive,
déjà contenue à l'état de promesse dans le christianisme. Mais
qu'elle a pour conséquence "la disparition des pères".
Disparus les papas, en mal d'autorité ? Ce n'est pas l'avis de Guy
Corneau. Ce psychanalyste est de ceux qui battent en brèche la
famille dite traditionnelle. "En réalité, la famille nucléaire,
et sa stricte répartition des rôles, la maman au foyer, le papa au
travail, est une construction tardive liée à l'émergence du
capitalisme industriel au XVIIIe siècle", rappelle-t-il.
Fondateur des groupes de paroles pour hommes, il se félicite que ces
derniers soient désormais capables d'exprimer à eux-mêmes et aux
autres leur ressenti profond, leurs peurs aussi bien.
Ce conférencier revendique "le droit des hommes à ne pas être des
héros", dénonce la prégnance du
modèle du mâle guerrier,
toujours prêt à en découdre, et met en garde la gent masculine :
face à la montée en puissance des femmes, qui occupent de plus en
plus, et avec talent, des postes et des responsabilités autrefois
réservés aux hommes, ces derniers n'ont d'autres choix que d'occuper
à leur tour les territoires traditionnels des femmes : la
préservation et l'accueil de la vie, l'attention à l'autre, la
gestion de la maison, l'espaces des émotions. Et bien sûr, le soin
des enfants. Des territoires jusque-là socialement dévalorisés à
tort. Et d'inviter les garçons à convertir leur
puissance masculine
via une plus grande maitrise de leurs impulsions, de leur sexualité
en particulier, en une autre approche du pouvoir, conçu comme
service des autres et non comme moyen de les asservir, un autre
rapport à l'argent, etc. "Les anciens modèles du masculin sont
caricaturaux et somme toute peu respectables. Plutôt que d'investir
leur énergie dans des combats d'arrière-garde, les hommes seraient
mieux inspirés de l'employer à dessiner de nouvelles visions de la
société, à œuvrer par exemple pour une sortie de l'impasse
écologique et sociale", plaide-t-il.
Des propos sur lesquels rebondit Christine Castelai-Meunier. A
l'argument : les pères se féminisent trop face à des femmes
guerrières, elle objecte qu'ils s'humanisent, tout simplement, au
contact de leurs jeunes enfants avec qui ils partagent plus de
temps. La confusion des
rôles ? La sociologue préfère évoquer la
mobilité des identités, une réorganisation du sens ou le respect du
droit des femmes, trop longtemps infériorisées. Et, par conséquent,
la transformation des relations dans les couples parentaux, plus
désireux et à même de communiquer. "Au final, la sortie des
sstéréotypes est une libération pour chacun", argumente-t-elle.
Non sans convenir que cette situation n'est pas toujours facile à
vivre pour les pères, sommés de s'adapter et d'abdiquer leur ancien
pouvoir. Quant aux
femmes, elles "doivent apprendre à lâcher
leurs prérogatives et admettre que les hommes font autrement dans la
maison et avec les gosses, mais pas forcément plus mal".
Jean-Claude Noyé, Revue La Vie N° 3694 du 22 juin 2016
Libéralisme économique et
libéralisme des mœurs
2016 04
Michel Houellebecq pose un
regard d’une lucidité décapante sur notre société en
faisant le parallèle entre le libéralisme économique et
le libéralisme dans le domaine des mœurs : dans les deux
cas, les forts s’enrichissent et les faibles
s’appauvrissent. « Dans un système économique où le
licenciement est prohibé, chacun réussit plus ou moins à
trouver sa place. Dans un système sexuel où l’adultère
est prohibé, chacun réussit plus ou moins à trouver un
compagnon de lit. En système économique parfaitement
libéral, certains accumulent des fortunes considérables
; d’autres croupissent dans le chômage et la misère. En
système sexuel parfaitement libéral, certains ont une
vie érotique variée et excitante ; d’autres sont réduits
à la masturbation et la solitude. Le libéralisme, c’est
l’extension du domaine de la lutte, son extension à tous
les âges de la vie et à toutes les classes de la
société. De même, le libéralisme sexuel, c’est
l’extension du domaine de la lutte, son extension à tous
les âges de la vie et à toutes les classes de la
société. »
La première qualité d’un modèle
conjugal qui se construit sur la fidélité est qu’il
apporte une sécurité affective en accordant le droit
d’être faible et fragile. Un modèle qui ne repose que
sur la séduction est un modèle réservé aux forts, aux
forts de la beauté, du charme, de l’aisance et de
l’intelligence… et tant pis pour les autres ! À
l’inverse du modèle purement libéral, le couple fidèle
est le refuge où l’on affronte les événements difficiles
de l’existence : blessures, maladies, deuils, épreuves,
accidents, chômage… qui sont autant de déchirures dans
le temps d’une vie. Il est un lieu sécurisé où on a le
droit d’être en souffrance sans être menacé, où l’on
apprend à vivre sa fragilité.
Comment ne pas y voir une
analogie avec l’Évangile qui accorde une place
particulière aux petits, aux fragiles, aux malades et
aux exclus ? Non que les autres sont moins importants
mais ces autres – les grands, les forts – n’ont pas
besoin de protections. Le commandement nous accorde
l’immense privilège d’avoir le droit d’être fragiles.
Puisque les politiciens Français prennent toujours
l'Allemagne en exemple et que nos hommes politiques
nous parlent sans cesse du modèle allemand, voici
QUELQUES PRÉCISIONS :
en bleu, les
résultats pour la France
en vert,
les résultats pour l’Allemagne
Gouvernement :
Président de la République
1 Premier Ministre
25 Ministres
9 Secrétaires d'état
TOTAL : 36
1 Chancelier(e)
+ 8 ministres
TOTAL : 9
Coût d’un ministre
17 millions d'Euros par an
3 millions d'Euros par an
Le soir après le" boulot"
A Paris, le 1er Ministre se
détend dans son logis de fonction(310m²) à Matignon
tandis que ses collègues regagnent en limousines les
hôtels particuliers que la République met généreusement
à leur disposition
Angela MERCKEL rentre dans
son appartement, dont elle paie le loyer,
les factures d'eau et
d'électricité. Comme chacun de ses 8 ministres
Personnel
906 personnes travaillent à
la Présidence de la République
A peu près 300 personnes en
Allemagne
Parc auto
Élysée : 121 véhicules
Chancellerie : 37 véhicules
Déplacements
1 «AirbusA330-200
2 « Falcon7X
2 « Falcon900
2 « Falcon 50
et 3 Hélicoptères Super Puma
Systématiquement en train ou
sur des lignes aériennes régulières
Le dimanche comme jour de repos pour tous est de plus en
plus contesté. Au-delà d’un certain nombre de services
publics qui doivent fonctionner sans interruption, ce
furent d’abord certaines usines qui avaient besoin de
tourner en permanence, car il y a des machines qu’on ne
peut arrêter. Puis l’industrie du tourisme travaille le
dimanche, car, quand on est en vacances, il faut
consommer sept jours sur sept. Maintenant, ce sont les
magasins qui sont de plus en plus ouverts afin de
pouvoir dépenser le week-end l’argent qu’on a gagné
pendant la semaine. Dans cette remise en question du
dimanche, qu’est-ce qu’on gagne et qu’est-ce qu’on perd
?
On gagne de l’argent, de la productivité, une meilleure
adaptation à la demande : la société marchande est
contente. On perd de la relation, le fait de pouvoir
passer une journée en famille ou avec des amis, aller à
l’église, faire un sport collectif.
L’argent ou la relation : la société a choisi… est-ce
aussi notre choix ?
Le burn-out est une façon de griller son équilibre au travail.
Maladie des temps modernes, il est le symptôme d’un mauvais rapport
au labeur.
L’homme raconte d’une voix blanche : « Ce jour-là, j’ai garé ma
voiture, attrapé ma sacoche, et suis sorti en direction de l’école
où je devais récupérer mes enfants. De tout ça je me rappelle.
Ensuite… je n’ai plus de souvenir. Je me suis réveillé à l’hôpital.
On m’avait ramassé sur le trottoir, effondré, inconscient. Je
revenais avec mes enfants vers la voiture, j’avais traversé l’avenue
avec eux et ne m’en rappelle pas. Étais-je encore conscient de ce
que je faisais ? Je n’en sais rien, mais d’y repenser m’effraie : je
n’étais pas en mesure de m’occuper d’eux, de veiller sur eux. Il
aurait pu arriver n’importe quoi… »
Diagnostic médical ? Burn-out.
Le rapport au travail est devenu tel que de plus en plus de
personnes grillent leur équilibre jusqu’à être hors d’état d’agir,
ce qui est la traduction du terme burn-out. Dans toutes les
professions, le phénomène se répand à grande échelle.
Le burn-out est un message du corps. Le corps signifie qu’il jette
l’éponge, dernière possibilité qui s’offre à lui pour protéger la
vie qu’il porte et qui le porte. Tout se passe comme s’il n’avait
pas pu se faire entendre en amont à travers tous les signes qui
pourtant ne manquent jamais, avertissant du danger. Ces signes, on
les connaît : dérégulation progressive du sommeil, du rapport à la
nourriture (et à la boisson !), de l’humeur ; douleurs articulaires
diverses ; métabolisme en souffrance ; mal-être diffus où l’on
s’éprouve toujours un peu trop débordé, un peu trop dépassé, un peu
trop préoccupé, etc.
Intelligence du corps
Le corps humain est d’une intelligence fine. À qui sait en
déchiffrer les signaux, il est de manière habituelle, hors
pathologie avérée, d’un grand secours pour savoir où l’on en est
intérieurement, et repérer si l’allure qu’a prise notre quotidien
respecte notre personne. Fait partie de la sagesse que d’en tenir
compte avec discernement.
Il ne s’agit pas de devenir obsédé par son nombril et verser dans
l’hypocondrie, attitude à l’exact opposé de celle qui néglige, non
sans orgueil, tout respect dû à son équilibre physique et mental !
Il suffit juste d’intégrer cette réalité-là dans l’écoute globale de
ce qui fait notre réalité. Et de refuser de se mentir en jouant la
méthode Coué, la tête dans le sable, ou la croyance irrationnelle en
une hypothétique invulnérabilité dont le destin nous aurait
exceptionnellement gratifiés.
Certes, il arrive qu’on soit obligé de se défoncer, d’aller au bout
de ses limites, pour faire face à un moment d’une densité de travail
particulière. Mais en aucun cas ce peut être la manière habituelle
de vivre son engagement professionnel. S’il l’on respecte le sens
humain du travail, ce devrait rester l’exception.
Il est vrai par ailleurs qu’on peut vivre un engagement extrême, que
l’on sait flirter dangereusement avec notre santé physique et
mentale, mais que, par choix, on assume en connaissance de cause, au
nom de valeurs que l’on estime supérieures à celle de sa santé. On
trouve par là le sens du sacrifice, dont la possibilité demeure l’un
des traits spécifiques de l’humain. Mais, cohérence éthique oblige,
on en intègre alors les conséquences pour soi-même et pour son
entourage : le choix de se sacrifier implique liberté et sens de la
responsabilité. Du reste, cela ne se traduit pas nécessairement par
un burn-out, lequel reste le signe d’un excès, d’une possible
présomption, qui ne peut qu’interroger en retour les motivations
réelles d’un tel engagement.
Dans le cas des méthodes de management conjuguant manipulation,
cynisme et pression excessive, les victimes, souvent liées par la
nécessité de gagner leur vie dans le contexte de chômage qu’on
connaît, peinent à trouver d’autres alternatives à celles de subir
ou de partir. Et subir sans le choisir est contraire à la liberté,
donc à la dignité humaine. C’est ainsi qu’on en revient à la
situation absurde où travailler devient inhumain, à l’instar de ces
époques où c’était physiquement que l’on brisait les travailleurs
par la dureté des conditions de travail. Aujourd’hui, c’est
nerveusement.
Qu’on cesse d’invoquer la fragilité des personnes ! La fragilité,
alliée de sa puissance vitale, fait partie de l’humain. Elle n’est
donc pas en soi une tare. Un manageur, s’il est compétent, sait
l’intégrer.
Marie-Christine
Bernard
enseignante à la faculté de théologie d’Angers, coach de dirigeants,
conférencière, auteure.
Au lendemain des attentats de Paris du 13 novembre 2015
Lettre sereine aux musulmans ouverts, modérés et
libéraux
J’imagine votre embarras et votre confusion face à cette
horreur, que vous condamnez sans doute du plus profond
de vous-mêmes. Vous sentez bien cependant que c’est
l’islam lui-même qui est incriminé, car c’est bien aux
cris d’ « Allahou akbar » que s’est perpétuée cette
tragique agression.
N’essayez surtout pas d’exonérer l’islam de ce qui s’est
passé. Ne continuez pas à répéter ce refrain bien connu,
suite à toutes les horreurs commises par les islamistes
dans le monde : « Tout ça n’a rien à voir avec l’islam
». Ne criez surtout pas à l’« amalgame », manière
élégante de dédouaner l’islam des violences récurrentes
perpétrées en son nom.
C’est incongru d’affirmer que tout ce qui se passe comme
atrocités au nom de l’islam n’a rien à voir avec
l’islam. Un certain occident « libéral » et une certaine
Eglise catholique, tous deux partisans de l’ouverture et
du dialogue, ne cessent de ressasser de tels slogans,
sans chercher à aborder les vrais problèmes, dans un
dialogue franc et ouvert.
L’« heure de vérité » a sonné, et il est grand temps de
reconnaître que l’islam a un problème. Un problème qu’il
doit avoir le courage de regarder en face et de tenter
de résoudre en toute objectivité et lucidité. Ce n’est
pas en enfouissant sa tête dans le sable qu’on peut
espérer trouvera une solution.
Je ne doute nullement de la sincérité et la bonne
volonté des musulmans ouverts et modérés. Mais là n’est
pas la question. On peut être pleinement sincère tout en
étant dans l’erreur.
Il est trop facile pour les musulmans d’incriminer
l’occident « corrompu » et « impérialiste » comme étant
la source de tous leurs maux. Il est trop facile
d’accuser ceux qui instrumentalisent l’islam pour leurs
propres intérêts. C’est dans l’islam même que gît le
problème. Les musulmans ont toujours eu tendance à
chercher des boucs émissaires partout, sauf en
eux-mêmes. Il est grand temps qu’ils se posent certaines
questions cruciales et se rendent compte que « le ver
est dans le fruit. » S’ils condamnent et rejettent ce
radicalisme barbare qui les embarrasse, qu’ils fassent
un petit effort pour en chercher la cause.
Ils découvriront alors que la cause se trouve dans les
textes fondateurs de leur religion – Coran, Sunna,
Hadiths – qui regorgent d’appels à l’intolérance, au
meurtre et à la violence. Ces textes sont encore
enseignés aujourd’hui à l’Azhar, la plus haute instance
de l’islam sunnite, chargé de la formation des
prédicateurs et ulémas à travers le monde. Cette
doctrine atteint le petit peuple à travers les prêches
du vendredi – souvent incendiaires – et rejoint les
élèves via les manuels scolaires.
Vers le dixième siècle, l’islam a eu le choix entre la
voie mystique, modérée et ouverte, celle de La Mecque,
et la voie violente, radicale et conquérante, celle de
Médine. Il a malheureusement opté pour la seconde, en
privilégiant les versets médinois aux mekkois, dans la
fameuse doctrine de « l’abrogeant et de l’abrogé » (An
nâsékh wal mansoukh).
Pour éviter alors que quiconque ne revienne sur cette
décision, les ulémas de l’époque ont décrété que « la
porte de l’ijtihad » était désormais close. Ce qui
signifie que tout effort de réflexion critique
susceptible de remettre en question une telle décision
était pour toujours interdit.
Les nombreuses tentatives de réforme de l’islam, tout au
long de son histoire, se sont heurtées à ce décret
considéré comme immuable et irréversible. Le grand
cheikh soudanais, Mahmoud Taha, pour avoir proposé
d’inverser la doctrine de l’abrogeant et de l’abrogé, en
privilégiant les versets mekkois aux médinois, a été
pendu sur la grande place de Khartoum, le 18 janvier
1985.
L’islam est dans la souricière, une souricière dans
laquelle il s’est lui-même mis. Une souricière dont il
ne parvient pas à sortir. Tel est le drame qui met les
musulmans dans une angoissante situation.
« Les nouveaux penseurs de l’islam » - comme on les
appelle aujourd’hui - rêvent d’une réforme et d’un islam
compatible avec la modernité. Les émouvantes tentatives
d’un homme aussi brillant que Abdennour Bidar n’en sont
qu’un exemple. Malheureusement, la pensée de ces hommes
courageux ne fait pas le poids face à l’islam rigoureux
et borné qui domine depuis quatorze siècles.
J’imagine à quel point cela doit être douloureux pour
ces penseurs, qui aimeraient tant trouver une issue à
l’impasse dans laquelle ils se trouvent.
L’Eglise est passée par la même crise. Mais elle est
parvenue à la dépasser grâce au Concile Vatican II. Il
est grand temps que l’islam en fasse autant et procède
au même aggiornamento. Vœu pieux ? utopie, wishful
thinking ?... L’islam peut-il se réformer sans se
dénaturer ?
Je ne le pense pas. Mais c’est aux musulmans eux-mêmes
de répondre.
En ce
vendredi 13 novembre 2015…, vendredi noir pour
l’humanité, la barbarie a encore frappé l’Europe en
plein cœur de Paris !
Après la
stupeur, c’est l’incompréhension, mais surtout la colère
qui m’envahit.
En
effet, nos démocraties, pratiquant généreusement la
tolérance et l’ouverture aux autres cultures, n’ont pu
empêcher le développement et l’infiltration masquée du
cheval de Troie de l’intégrisme islamiste le plus
radical, une idéologie porteuse de mort totalement
incompatible avec toute notion de liberté et de
démocratie.
Je suis
en colère parce que ces tragiques attentats montrent,
une fois de plus, à quelles horreurs peut mener
l’instrumentalisation de "Paroles de Dieu" prétendument
dictées par Dieu lui-même, que les autorités religieuses
ont figées, sacralisées et mises en conserve dans leurs
livres déclarés saints et donc intouchables.
Jean
Kamp*
nous montre l’ambiguïté de ces révélations divines
souvent très divergentes et les conflits qu’elles ont
engendrés entre les trois monothéismes.
Quand
donc les responsables de ces religions remettront-ils en
question leur conception théiste d’un dieu extérieur à
l’homme et la manière dont celui-ci lui dicte ses
volontés ?
Il ne
peut y avoir de paroles de Dieu, il n’y a que des
paroles d’hommes sur Dieu.
Et il
n’y a pas de parole sans hommes !
Parole
et humanité, au fond, n’est-ce pas la même chose ?
Il est
intéressant de constater avec Alain Dupuis*,
comment, dans l’évolution des hominidés, le passage à
l’humanité coïncide avec la lente apparition du langage
articulé. Celui-ci permettra à l’homme de nommer ce qui
l’entoure, de verbaliser sa pensée, de s’interroger et
d’apporter des réponses à ses questions.
La
parole, qui lui donne accès à la conscience de soi et de
l’autre, est donc bien le propre de l’homme. Et c’est
parce qu’il ne sait pas qui il est, qu’il pose la
question de Dieu.
C’est de
cette interrogation sur le sens de la vie et des
réponses qu’elle peut apporter que témoigne, depuis des
siècles, toute la littérature mondiale : que ce soit
celle des philosophes, des théologiens, des prophètes,
des mystiques, mais aussi des politiques, des
essayistes, des romanciers et, très modestement, de LPC.
L’humanité n’arrête pas de se dire !
N’avons-nous pas à écouter cette parole qui se dit
partout et toujours en ce monde ?
Et si
Dieu n’arrêtait pas de parler à travers le grand murmure
de nos paroles humaines ?
A
chacun, d’y discerner des paroles positives qui
pourraient devenir vraiment "vivantes" pour lui si,
comme celles de Jésus, elles sont porteuses de vie,
d’amour, de liberté, de justice et de fraternité.
Le mal n’est
pas un problème à résoudre, mais un mystère à endurer.
L’amour est-il une
solution efficace face aux barbares ?
L’amour n’est pas une solution, car la barbarie, ou le Mal, n’est
pas un problème à résoudre, mais un mystère à endurer. Et nous
l’endurons à la faveur d’un autre mystère, plus ample et plus
profond : le mystère du Bien, le mystère, discret, mais efficace, de
cet amour qui quotidiennement, gratuitement, se donne et se reçoit.
Extrait du livre
:
Rien que l’amour, Repères pour le martyre qui
vient
Martin Steffens, Salvator, 94 p., 10 €.
Dieu est dans l’égout
Sans Édith Stein, sans Maximilien Kolbe, sans Dietrich Bonhoeffer,
sans Etty Hillesum, sans tous ces êtres morts sans témoins, la
victoire des Alliés n’aurait été rien d’autre que la victoire de la
Force sur la Force (le colosse américain, le colosse communiste
contre le colosse de l’Axe). Preuve en est : les communistes
libérateurs tueront dix fois plus que le nazisme. L’empire américain
[…] aura été, somme toute, un empire. Par ces deux colosses, le mal
nazi a été défait. Mais alors, qu’est-ce qui autorise qu’on parle
ici de victoire ? Une chose est requise ; que ce soit la main de
Dieu qui ait écrit cette histoire.
Or Dieu écrit l’Histoire par le bas de façon mystique. C’est Édith,
Etty, Dietrich, Maximilien, ce sont ceux qui n’ont pas su ce qu’ils
faisaient de grand, ce sont eux qui nous permettent d’appeler «
victoire » la défaite du nazisme, eux, qui ont sauvé le monde
européen d’un définitif affaissement. Les gazés, les pendus, les
réduits en cendre et en poussière, mais dont les cendres sont
d’encens et la poussière encore une prière. On regarde les étoiles :
on trouve des héros, et cela compte. Mais Dieu est dans l’égout.
L’icône de ces saints est aujourd’hui priée quand les statues des
héros prennent la fiente.
(p. 75).
...
Il m’a été donné, à l’invitation de
Acteurs d’Economie, de participer avec Jean
Peyrelevade, banquier, Roger-Paul Droit,
philosophe, à une table ronde sur le thème
l’argent est-il sale.
L’argent sale, n’est-il pas celui de la fraude
fiscale, des économies parallèles qui
entretiennent et développent les addictions
jusqu’à détruire ceux qui s’y adonnent.
Jean Peyrelevade, agnostique, citait le Livre de
l’humanité rappelant l’obligation de ne point
voler, une sale façon de s’enrichir rapidement.
Le vol peut être très sophistiqué tant sont
nombreuses les façons de détourner de l’argent
prenant la route de ces espaces, dénommés les
paradis fiscaux.
Il est aussi un argent futile qui s’éloigne de
l’argent fertile si nécessaire pour bâtir,
innover, instruire, construire l’avenir.
Ce qui est sale ce n’est pas l’argent, mais ceux
qui l’instrumentalisent dans des directions
dommageables, l’éloignant du bien commun.
L’argent est un marqueur social. Ne marque-t-il
pas salement des quartiers – qu’on nomme avec
beaucoup de pudeur, sensibles – De quelle
sensibilité parle-t-on, si ce n’est de la
violence que la ghettoïsation fomente pour
enfermer l’avenir de ceux qui habitent ces lieux
du ban.
Roger-Paul Droit appelait l’attention sur la
démesure de l’argent qui enfle à un tel niveau
qu’elle crée une accumulation des richesses se
concentrant dans les même mains, alors que
derrière le miroir, il y a l’accumulation des
dettes si considérables qu’elles ne seront
jamais remboursées.
L’argent est en conflit avec l’éthique quand il
ne la met pas chaos, là où l’insatiabilité de
l’avoir cause le naufrage des devoirs moraux.
L’argent n’est qu’un moyen mais encore faut-il
veiller à ce qu’il ne nous gouverne pas.
L’argent est un mauvais maître mais un bon
serviteur, nous rappelle Matthieu,
l’évangéliste, qui n’en a pas manqué.
Quand les 500 premières sociétés américaines,
cotées en bourse versent en 2014 à leurs
actionnaires 95% de leur résultat ou rachètent
leurs actions ‑ ce qui réduit le capital ‑ ne
peut-on pas s’interroger sur le manque
d’imagination pour investir en vue de nouvelles
richesses.
Les 1000 milliards distribués répartissaient les
résultats d’hier, mais quelle attention aux
dividendes de demain. Un sale temps pour
l’avenir.
Ce constat fait apparaître une fracture entre la
société et l’entreprise.
Les dividendes distribués répondent à la
définition de la Société : se réunir en vue de
partager les bénéfices, observant alors le vide
juridique de l’entreprise alors qu’elle a des
responsabilités infiniment plus importantes,
plus longues que celles de la société.
L’argent n’a pas d’odeur. Il brille et parfois
coule à flot jusqu’au bling-bling de la
vulgarité mais l’argent peut aussi donner
couleur à ces causes qui n’ont pas d’autres
objectifs que le respect et la dignité de la
personne.
La question pour tous, et pour tous les temps,
est de se battre contre la fascination du ‘veau
d’or’. Faute de le détruire, il nous détruit.
"(...) On ne peut plus supporter ce système, les paysans
ne le supportent pas, les travailleurs ne le supportent
pas, les communautés ne le supportent pas, les peuples
ne le supportent pas (...) Et la Terre non plus ne le
supporte pas, la sœur Mère Terre comme disait saint
François (...) l’interdépendance planétaire requiert des
réponses globales aux problèmes locaux ...
(...) On est en train de châtier
la terre, les peuples et les personnes de façon presque
sauvage. Et derrière tant de douleur, tant de mort et de
destruction, se sent l’odeur de ce que Basile de Césarée
appelait «le fumier du diable» ; l’ambition sans retenue
de l’argent qui commande. Le service du bien commun est
relégué à l’arrière-plan. Quand le capital est érigé en
idole et commande toutes les options des êtres humains,
quand l’avidité pour l’argent oriente tout le système
socio-économique, cela ruine la société, condamne
l’homme, le transforme en esclave, détruit la fraternité
entre les hommes, oppose les peuples les uns aux autres,
et comme nous le voyons, met même en danger notre maison
commune.
(...) J’ose vous dire que
l’avenir de l’humanité est, dans une grande mesure, dans
vos mains, dans votre capacité de vous organiser et de
promouvoir des alternatives créatives, dans la recherche
quotidienne des 3T (travail, toit, terre) et aussi, dans
votre participation en tant que protagonistes aux grands
processus de changement, nationaux, régionaux et
mondiaux. Ne vous sous-estimez pas. Il est indispensable
que, avec la revendication de leurs droits légitimes,
les peuples et leurs organisations sociales construisent
une alternative humaine à la globalisation qui exclut.
Vous êtes des semeurs de changement.
(...) La première tâche est de
mettre l’économie au service des peuples : les êtres
humains et la nature ne doivent pas être au service de
l’argent. Disons NON à une économie d’exclusion et
d’injustice où l’argent règne au lieu de servir. Cette
économie tue. Cette économie exclut. Cette économie
détruit la Mère Terre.
(...) La juste distribution des
fruits de la terre et du travail humain n’est pas de la
pure philanthropie. C’est un devoir moral. Pour les
chrétiens, la charge est encore plus lourde : c’est un
commandement. Il s’agit de rendre aux pauvres et aux
peuples ce qui leur appartient. La destination
universelle des biens n’est pas une figure de style de
la doctrine sociale de l'Église. C’est une réalité
antérieure à la propriété privée. La propriété, surtout
quand elle affecte les ressources naturelles, doit
toujours être en fonction des nécessités des peuples. Et
ces nécessités ne se limitent pas à la consommation.
(...) La deuxième tâche est
d’unir nos peuples sur le chemin de la paix et de la
justice. Les peuples du monde veulent être artisans de
leur propre destin. Ils veulent conduire dans la paix
leur marche vers la justice. Ils ne veulent pas de
tutelles ni d’ingérence où le plus fort subordonne le
plus faible. Ils veulent que leur culture, leur langue,
leurs processus sociaux et leurs traditions religieuses
soient respectés. Aucun pouvoir de fait ou constitué n'a
le droit de priver les pays pauvres du plein exercice de
leur souveraineté et, quand on le fait, nous voyons de
nouvelles formes de colonialisme qui affectent
sérieusement les possibilités de paix et de justice
parce que «La paix se fonde non seulement sur le respect
des droits de l’homme, mais aussi sur les droits des
peuples particulièrement le droit à l'indépendance»
(...) Le nouveau colonialisme
adopte des visages différents. Parfois, c’est le pouvoir
anonyme de l’idole argent : des corporations, des
prêteurs sur gages, quelques traités dénommés «de libre
commerce» et l'imposition de mesures d’«austérité» qui
serrant toujours la ceinture des travailleurs et des
pauvres. «Les institutions financières et les
entreprises transnationales se fortifient au point de
subordonner les économies locales, surtout, en
affaiblissant les États, qui apparaissent de plus en
plus incapables de conduire des projets de développement
au service de leurs populations».
(...) De la même façon, la
concentration sous forme de monopoles des moyens de
communication sociale qui essaie d’imposer des
directives aliénantes de consommation et une certaine
uniformité culturelle est l’une des autres formes que le
nouveau colonialisme adopte. C’est le colonialisme
idéologique.
(...) Le colonialisme, nouveau et
ancien, qui réduit les pays pauvres en de simples
fournisseurs de matière première et de travail bon
marché, engendre violence, misère, migrations forcées et
tous les malheurs qui vont de pair (...) précisément
parce que, en ordonnant la périphérie en fonction du
centre, le colonialisme refuse à ces pays le droit à un
développement intégral. C’est de l’injustice et
l’injustice génère la violence qu’aucun recours
policier, militaire ni aucun service d’intelligence ne
peuvent arrêter. Disons NON aux vieilles et nouvelles
formes de colonialisme. Disons OUI à la rencontre entre
les peuples et les cultures. Bienheureux les artisans de
paix.
(...) La troisième tâche,
peut-être la plus importante que nous devons assumer
aujourd’hui est de défendre la Mère Terre. La maison
commune de nous tous est pillée, dévastée, bafouée
impunément.
(...) Pour finir, je voudrais
vous dire de nouveau : l’avenir de l’humanité n’est pas
uniquement entre les mains des grands dirigeants, des
grandes puissances et des élites. Il est
fondamentalement dans les mains des peuples ; dans leur
capacité à s’organiser et aussi dans vos mains qui
arrosent avec humilité et conviction ce processus de
changement. Je vous accompagne. Disons ensemble de tout
cœur : aucune famille sans logement, aucun paysan sans
terre, aucun travailleur sans droits, aucun peuple sans
souveraineté, aucune personne sans dignité, aucun enfant
sans enfance, aucun jeune sans des possibilités, aucun
vieillard sans une vieillesse vénérable. Continuez votre
lutte et, s'il vous plaît, prenez grand soin de la Mère
la Terre."
Joseph thomas était
agriculteur et habitait Saint-George-d'Espéranche.
Cette lettre était destinée à son fils âgé de quinze
mois. Joseph n'avait plus que huit mois à vivre
puisqu'il fut tué le 30 mars 1916 à Verdun.
5 août 1915
A mon petit Armand
Tu es encore bien jeune et ne peux
comprendre ce qui se passe en ce moment : la guerre, ses
horreurs, ses souffrances. Cette carte sera un souvenir
de ton père, et il souhaite qu'à l'avenir les hommes
soient meilleurs, et que semblable chose ne puisse plus
arriver. Que jamais tu n'aies besoin, et sois forcé, de
mener la vie que je subis en ce moment en compagnie de
beaucoup de papas qui ont laissé, comme moi, de petits
anges chez eux.
Pour t'élever, tu te trouves
d'être bien pénible, mais tu te rattraperas de cela en
étant dans quelques années un petit garçon bien gentil
et obéissant. Le moment venu, je serai sûrement auprès
de toi pour te diriger, mais si mon espoir était déçu,
en mémoire de ce père que tu n'auras pas connu, redouble
de gentillesse pour ta mère et pour ceux qui
t'élèveront. Devenu un homme, sois du nombre de ceux
qu'on appelle les honnêtes gens. Sois bon pour ton
prochain, ne fais pas ce que tu ne voudrais pas qu'il te
fût fait. Vénère ta mère; sois pour elle un soutien
véritable.
Rappelle-toi aussi que le vrai
bonheur ne se trouve pas dans la richesse et les
honneurs, mais dans le devoir vaillamment accompli,
ainsi que les bonnes actions.
Si le destin te donne des épreuves
à subir, sois courageux et tu les surmonteras, mais si
par malheur tu te laisses entrainer par le vice, les
passions, relis vite mes conseils, ne te laisse pas
aller à la dérive. Il n'y a que le premier pas qui
coûte; une fois entrainé par le courant, on roule de
chute en chute, et il arrive qu'on ne peut plus se
relever. C'est trop tard. Alors, arrivé à ce point, la
vie est finie. Gâchée par sa faute. Et on n'est plus bon
qu'à être la risée, ou montré du doigt par tout le
monde, suivant le penchant qui a perdu l'homme.
J'espère ne pas avoir à rougir de
toi car je sens que tu suivras le chemin de l'honneur.
En attendant de pouvoir te choyer
et caresser, je te fais, mon petit fanfan, de grosses
bises.
Voici un
témoignage
que Michel Benoît a reçu dans son blog et sa réponse à
la suite :
Bonjour Mr
Michel Benoît
J’ai 24 ans, je
m’appelle A., je suis français né à Paris de parents
musulmans. Mon père est Berbère Marocain
J’ai grandi à
Paris. Le Maroc, ce sont mes racines mais je me sens
français. J’y passe mes vacances quelques semaines par
an, comme j’irais au soleil de Thaïlande ou de Rio.
J’aime la cuisine locale et les sucreries, mais je me
fous royalement de la religion : je suis un athée qui ne
croit ni en Jésus, Abraham ou Mohammed, ni au peuple élu
et en la terre promise d’Israël.
Je suis un
athée, donc pas musulman !
Pourtant j’ai
reçu une éducation islamique, appris le Coran, fréquenté
des salafistes, j’ai été à la Mecque. Le premier grand
traumatisme fut ma circoncision forcée à l’âge de 5 ans.
Enfant, avec mes copains et copines on ne voulait pas
aller à la mosquée mais sortir, faire du shopping : nos
parents nous obligeaient à y aller. On priait ou on
faisait le ramadan uniquement pour leur faire plaisir.
Je n’ai pas choisi l’islam, j’étais donc musulman par
une sorte d’héritage, de filiation. C’est une de ces
obligations bizarres qu’il a inventé pour mieux
contrôler ses adeptes.
L’abatage rituel
pour l’Aïd fut un second traumatisme, qui a fait de moi
un végétarien.
J’ai été élevé
dans un catéchisme : Dieu est parfait, le Prophète est
parfait, nous sommes la meilleure communauté, nous irons
au Paradis, les autres sont dans l’erreur.
Je vis dans le
mensonge et ne sais ce que ma famille va penser, surtout
mes parents qui prient tous les jours. Ils croient que
je suis encore musulman. Que faire ? Ils m’aiment, ils
veulent mon bien, je n’ai pas envie de leur faire du
mal. Comme vous le savez, l’apostasie est taboue dans
les pays dits « musulmans ». Dans nos familles beaucoup
se disent « musulmans » mais ils ne le sont que par le
nom, en réalité ils ne croient pas.
J’ai beaucoup
d’amis athées, chrétiens, Juifs qui ont osé le dire à
leurs parents, mais moi pas. J’ai peur des représailles,
ou de choquer ma famille, ou de me sentir ostracisé. Je
respecte les croyances et religions des gens, jamais je
n’irai profaner un lieu de culte comme les Femen !
Français-humaniste ? Français-Juif ? Français-musulman ?
Apostat, hérétique ? ‘’Arabe’’ alors que je ne parle pas
cette langue ? Je ne sais pas où me situer. Je voudrais
dire, comme Socrate : « Je ne suis ni Athénien, ni Grec,
mais un citoyen du monde. »
Je suis quoi, au
final ?
Je ne sais pas
de quoi mon avenir sera fait ici. Intégration, à qui, à
quoi ? Assimilation ? Je ne comprends plus rien !
Français pour certains, immigré pour d’autres. Je suis
en train de lire Les Penseurs libres dans l’Islam
classique : je remets tout en cause ! L’islam m’apparaît
comme une terreur mentale basée sur la peur d’Allah et
des mythes prophétiques. Je prédis la fin de cette
religion dans 30 ans, la jeunesse égyptienne et
saoudienne la quitte déjà et remet en cause le caractère
sacré du Coran.
Voici la réponse de Michel Benoit, « sur la pointe des
pieds » :
Ami,
Votre témoignage me touche parce que j’ai vécu la même chose
que vous. Dans Prisonnier de Dieu, je raconte comment j’ai
été ‘’racolé’’ dans une communauté catholique, et comment
j’en ai été sorti parce que je ne pensais pas comme il faut.
Il m’a fallu ensuite vingt ans pour découvrir que les
religions, toutes les religions, se servent de ‘’Dieu’’ pour
prendre le pouvoir. Que ‘’Dieu’’ n’a rien à voir avec ce
qu’en ont fait les théologiens de Jérusalem, de Rome ou de
La Mecque.
Nous
sommes une génération sacrifiée – celle qui est née
dans une tradition, et découvre l’imposture de cette
tradition. Alors, j’ai travaillé les textes, publié quelques
livres. J’ai découvert la réalité qui se cache derrière le
mot ‘’Dieu’’, et ma vie a enfin pris tout son sens.
Vous
êtes Berbère. Pendant 600 ans, vos ancêtres ont été
paisiblement chrétiens puis ils ont été convertis de force
par les conquérants Arabes. Jamais les Berbères n’ont
accepté l’impérialisme idéologique arabe, vos frères Kabyles
se sont révoltés contre les dirigeants Arabes d’Alger.
Berbère, vous êtes né dans un pays qui lutte depuis deux
cents ans pour ce qu’il appelle la laïcité. Pour vous
c’est une chance d’être né là, le combat de la France est le
vôtre. Vous entendez nos politiciens parler d’un « islam de
France » : ça prouve qu’ils ne comprennent rien ni à
l’islam, ni surtout au Coran. Il m’a fallu dix ans pour
écrire Naissance du Coran. Pour comprendre comment, et
pourquoi l’islam coranique ne peut être qu’universaliste et
dominateur.
Autrefois, les français ont tenté de faire un ‘’catholicisme
de France’’, ça s’appelait le Gallicanisme et ça n’a
pas pris. Il n’y a pas plus d’islam de France que de
catholicisme de France. Il y a deux religions qui possèdent
– et elles seules – toute la vérité, qui l’ont
imposée aux Berbères d’un côté comme aux indiens d’Amérique
de l’autre. Deux superpuissances idéologiques qui se battent
depuis 13 siècles pour prendre ou conserver le pouvoir
mondial.
Encore une fois, ‘’Dieu’’ n’a rien à voir avec tout ça.
Nous
sommes une génération sacrifiée, parce qu’elle est à
la charnière de deux mondes : celui des mythes dominateurs,
et celui d’une expérience intime, secrète, qui s’accorde
avec la raison.
Une
génération naufragée, parce que les navires
idéologiques sur lesquels voguaient depuis toujours nos
ancêtres ont sombré. Nous flottons sur un océan couvert des
débris de ces grandes civilisations qui furent celles de nos
Pères.
Une
génération de combattants : peut-on rêver qu’un jour
proche ces anciens chrétiens, anciens Juifs, anciens
musulmans, se rencontrent, se retrouvent, s’unissent dans un
même combat pour la liberté de penser, d’expérimenter les
chemins de l’invisible, de vivre dans la paix et l’harmonie
?
Oui
l’islam évoluera, comme le christianisme a évolué. Cela
prendra beaucoup de temps, comme pour le christianisme, et
ce sera encore plus sanglant parce que le Coran est un livre
intrinsèquement violent. Il y aura d’autres convulsions,
d’autres souffrances. Vous dites 30 ans ? Je crains que ni
vous ni moi n’en voyions la fin. Nos petits-enfants,
peut-être ?
« Il
n’est pas nécessaire de réussir pour entreprendre. »
Sujet tabou pour tout parent qui
se respecte, la question « du préféré » est pourtant
admise par les psys et les enfants eux-mêmes.
Faites le test autour de vous.
Demandez à des amis ou à des proches qui ont le bonheur
d’être parents s’ils ont un chouchou. Très vite, et sans
sourciller, ils vous répondront du tac au tac : «
Quelle idée ! Nous les aimons de la même façon. » La
phrase est pleine de bons sentiments, mais elle donne
matière à réflexion si l’on veut bien s’interroger sur
cette thématique aux ressorts multiples. Car, si l’on
reconnaît le droit à chaque être humain d’avoir des
affinités et des inimitiés les uns envers les autres, la
question semble taboue pour les parents. L’égalité
sentimentale s’impose envers leurs progénitures.
Pourtant, lorsque l’on pose la question aux enfants, ils
désignent d’emblée celui ou celle qui était le chouchou
dans leur fratrie et y vont même de leurs analyses,
souvent pertinentes. À croire que la clairvoyance des
enfants s’annihilerait quand ceux-là mêmes deviennent
parents.
« Dans l’idéal des bons
parents, on ne veut pas qu’il soit dit qu’on ferait des
différences, assure la psychanalyste Catherine
Vanier. Mais le monde des bisounours n’existe pas.
Les parents ont tous des préférences, consciemment ou
inconsciemment. Le fait de le nier tient à l’idéologie
dominante actuelle selon laquelle, dans un monde
incertain et violent, la seule chose qui soit sûre,
c’est le lien parent-enfant non dissociable. Du coup, on
investit énormément les enfants. Pas question alors de
faire des différences entre eux. » ...
Fausse égalité
Si donc le cœur a ses raisons,
pas facile de l’assumer clairement sous peine d’être
taxé de parent indigne. « Cette notion d’égalité est
fausse, mais pour les parents, c’est très culpabilisant
de l’admettre, assure Françoise Peille, ancienne
attachée de psychologie à l’hôpital
Saint-Vincent-de-Paul. Pourtant, il est normal de
vivre l’arrivée d’un nouvel enfant différemment car on
n’a pas le même âge, ni le même ressenti, sans compter
que le contexte familial est à chaque fois différent et
que l’enfant a son propre tempérament. » …
Les parents confondent équité et
égalité. Oui, on se doit d’être équitable avec chacun de
ses enfants, mais ce n’est pas vrai que l’on aime tous
ses enfants de la même façon. Il y a des affinités et
des préférences. Mieux vaut les identifier et les dire
plutôt que les camoufler dans un déni auquel personne ne
croit. Le problème, c’est que l’amour familial a été mis
sur un piédestal et que cette notion de préférence est
transgressive et incompatible avec l’image d’Épinal de
la famille vécue comme un refuge. Aujourd’hui, l’idée
que l’on aime plus un enfant qu’un autre est
insupportable. Les parents se sentent coupables de
ressentir une affinité et plutôt que le reconnaître, ils
se taisent et le vivent mal.
Vous avez l’honnêteté de reconnaître vos préférences…
Il est plus sage de les
reconnaître que de les nier. Dans notre société, il est
convenu de les aimer tous pareils, ce qui me paraît être
une formule illusoire. En fonction des moments de la vie
et même de la journée, il peut m’arriver d’aimer
davantage l’un de mes enfants. C’est culpabilisant, mais
c’est intéressant de voir que nos enfants peuvent nous
agacer ou nous décevoir. On ne le dit pas, car c’est
blessant, donc les parents leur laissent croire qu’ils
sont tous aimés à la même enseigne, mais c’est faux.
L’amour parental relève plus d’un travail d’adoption que
d’un réel instinct. Ils doivent reconnaître les limites
de leurs amours.
Extrait partiel du dossier
« Ma préférence à moi » réalisé par Fanny Bijaoui du
journal Réforme N° 3600 du 12 mars 2015
Notre époque ne montre que trop de signes d’épuisement
et ceci à tous les niveaux : écologiquement nous sommes
face à un monde surpeuplé, surexploité et surchauffé où
des espèces animales et végétales disparaissent tous les
jours et où l’espèce humaine aurait l’occasion de
s’infliger la même chose ; psychologiquement, les gens
sont de plus en plus en souffrance au point où certains
parlent de « borderlinisation » de la société ;
spirituellement, les églises perdent leur rôle
d’inspiration et, lorsque les lieux de culte se
remplissent, souvent l’intégrisme est de la partie. Nous
sommes bien dans le Kali Yuga, l’Âge de Fer des Hindous
ou peut-être même pire. En effet, nous sommes plus bas
que le fer, nous sommes à l’ « Âge de Plastique », ère
où cette matière vulgaire et envahissante pollue notre
environnement naturel et même notre organisme. C’est
d’ailleurs une matière qui, à la différence de la
pierre, du bois ou du métal façonné par les artisans,
n’est pas conductrice, ne vibre pas. Autrement dit, elle
est opaque et ne laisse donc pas passer la lumière :
c’est une matière ahrimanienne par excellence. Il n’est
donc pas étonnant que notre époque où ce plastique
s’amasse jusqu’à l’horizon soit aussi celle où l’on ne
voit plus la lumière de l’Orient, l’Horizon de l’âme, si
chère à Henry Corbin.
Dans ce marasme spirituel et matériel, ce dernier
n’avait pas attendu l’âge mûr pour s’inquiéter et se
révolter. Lorsqu’il faisait partie, dans les années 30,
des jeunes intellectuels non-conformistes, il savait
déjà que l’homme n’était plus en quête de sagesse : homo
sapiens devenait homo oeconomicus, « machine imbécile à
produire et à consommer » et le règne du quantitatif
était né. Et certainement, depuis le début de ce règne,
une quantité de désastre a eu lieu. Il a alors cherché
une issue dans ces ténèbres, en se réorientant vers la
lumière de l’âme, et l’a trouvée révélée dans le Mundus
Imaginalis ou ‘Âlam al-Mithâl, monde médian et médiateur
entre notre monde sensible et le monde intelligible.
C’est le monde « entre Ciel et Terre » où le contact
entre Dieu et l’homme se fait. Ainsi, l’âme peut être
réorientée et sauvée, notamment par l’entremise de
l’Ange ou, mieux dit, de son Ange, figure par excellence
de ce monde intermédiaire. Ainsi, le monde phénoménal
prend origine et trouve son sens au-delà de lui et évite
alors de tomber dans l’historicisme du temps horizontal
qui le rendrait absurde car instantanément dépassé,
perpétuellement périmé par rapport à lui-même. La «
sénescence programmée » des appareils électroniques, les
starlettes érigées en idole planétaire du jour au
lendemain avant de finir dans l’oubli, les ressources
financières ou même naturelles qui peuvent disparaître
en un clin d’œil (ou un clic de souris) sont peut-être
autant de symptômes de cet historicisme, de ce temps
sans fondement qui ne peut que se désintégrer à peine
apparu. Corbin a raison, il faut aller plus loin que cet
horizon de l’historicisme qui, dans notre monde actuel
de l’instantané, est tellement près qu’il est finalement
déjà derrière nous et voilà pourquoi nous perdons pied,
nous ne pouvons plus nous orienter, car nous ne reposons
sur plus rien, nous sombrons dans l’abîme. Evidemment,
après la mort de Dieu annoncée par Nietzsche, nous ne
pouvions qu’arriver à la mort du monde créé par Dieu.
Hors de la hiérohistoire donc, point de salut ! Il faut
retrouver l’Ange, le sacré, la verticalité pour
régénérer ce temps qui s’épuise, sinon l’eschatologie,
qui est en réalité une résurrection, deviendra
véritablement une fin du monde. Corbin nous rappelle
d’ailleurs la belle prière zoroastrienne (Yasna XX ,9) :
« Puissions-nous être ceux qui œuvrent pour la
Réjuvénation du monde. »
Parallèlement, Carl Gustav Jung a lui aussi constaté que
l’homme avait abandonné, quasiment dénié, son âme au
point d’en faire une farce. Ainsi il s’étonne du fait
que, lorsque nous parlons d’une chose en la définissant
de psychologique, c’était comme si nous disions qu’elle
était irréelle, factice (pensons par exemple en médecine
à la « douleur psychologique » qui veut dire dans la
bouche de certains une douleur simulée). Nous retrouvons
là en écho une indignation toute corbinienne face à la
confusion entre l’imaginal et l’imaginaire. Car pour
Jung, comme pour Corbin avec l’imaginal, l’âme est
quelque chose de réel, d’objectif avec laquelle il faut
composer. Le titre d’une de ses œuvres, De la Réalité de
l’Âme, est assez explicite. Il faut ainsi écouter la
psyché inconsciente ou plutôt, vu que l’Inconscient est
par définition inconnaissable, observer ses
manifestations et les interpréter pour évoluer. Pour
prendre un terme cher à Corbin, j’oserai dire qu’il
faut, en tant que jungien, faire un ta’wîl vers l’âme,
en l’âme et avec l’âme, comme les soufis voyagent vers
Dieu, en Dieu et avec Dieu. Et Jung a trouvé le moyen de
le faire en étant guidé par ce qu’il a appelé le Soi ou,
mieux dit, son Soi, qui serait d’une certaine façon le
centre absolu de sa psyché et aussi sa totalité. Le Soi
de Jung est donc comme l’Ange de Corbin, qui complète
l’âme, car « l’âme terrestre est en déficience, en
retard sur elle-même, c’est-à-dire sur la totalité de
son être » (Eranos Jahrbuch 1951, p176).Nous
sommes là loin de la psychiatrie biologique, si en vogue
de nos jours, qui enferme l’âme dans le monde phénoménal
ou, pire encore, dans le monde infra-phénoménal des
molécules du cerveau et qui essaie de la sauver par la
pharmacologie, chimie de guerre qui ne fait que trop de
dégât collatéraux avec ses effets secondaires. Nous
sommes aussi à distance de Freud et de son archéologie
psychanalytique qui aime à remonter à l’enfance, aux
premiers traumatismes, aux conflits inconscients
refoulés et bloqués du passé : il ne cherche pas
l’Orient de l’âme mais fouille plutôt l’Occident, là où
est tombée la lumière.
Bien évidemment, Corbin et Jung ne pouvaient que se
rencontrer et, au cercle Eranos à Ascona, où plusieurs
penseurs tentaient tant bien que mal de sauver ce qui
nous restait d’âme humaine, ils ont partagé leur vision.
Mais qu’en est-il de ce partage ? Parlent-ils le même
langage ? L’âme et la psyché sont-elles identiques ? Le
Monde de l’Inconscient est-il le Mundus Imaginalis ? Le
Soi est-il l’Ange, le représentant de Dieu ?
Je n’aurai certainement pas l’audace de répondre à ces
questions mais essaierai seulement de dégager quelques
pistes de réflexions et de montrer l’articulation que
ces deux réalités peuvent avoir avec un point de vue
très personnel. Très personnel donc sûrement peu
orthodoxe mais je me défends déjà en disant que je ne
fais que répondre à l’appel que Denis de Rougemont
aurait entendu de la bouche de Corbin : « hérétiques de
toutes religions, unissez-vous ! » …
Dr Alexandre Ahmadi
7e Journée Henry CORBIN - 17 décembre 2011 - ENS Ulm
Je ne suis pas une « compagne de
prêtre » au sens classique du terme. Mais… j’aime un prêtre depuis trente ans et
cet amour est réciproque. Je voudrais crier à quel point l’amour entre un homme
et une femme peut avoir de la force… et combien il est nuisible d’imposer un
célibat définitif aux prêtres ! Ce sont avant tout des hommes comme les autres
munis de ces richesses que Dieu a mises au cœur de chaque homme et chaque femme
: l’élan mystérieux vers un/une autre, la tendresse, le désir de transmettre la
vie.
J’ai rencontré Y. quand il a été
nommé dans notre paroisse. J’étais alors mariée et mère d’un jeune enfant.
J’avais de l’estime pour mon mari, sans plus… en fait je me suis mariée pour
échapper à la solitude…
Y. et moi avons travaillé
ensemble avec toute une équipe pour le bien de la paroisse et ce pendant une
bonne décennie. Pour ma part, j’ai eu le « coup de foudre » sur le champ quand
il a prononcé une phrase que j’ai oubliée mais qui m’a fait dire « Qui est donc
cet homme ? ». Je me suis d’abord battue contre ce sentiment, mais la guerre n’a
pas été très longue… J’ai fini par dire oui à cet Amour contre lequel je ne
pouvais rien. Je l’ai accepté dans le silence… et avec l’aide d’un médecin parce
que j’étais tombée malade… J’ai eu avec mon mari un deuxième enfant.
Après toutes ces années, lorsque
Y., selon les directives diocésaines, est parti pour une autre paroisse, je lui
ai écrit mon Amour : c’était pour moi une question de vie ou de mort ! J’ai
éprouvé un fort sentiment de libération en postant ma lettre. Par ailleurs, il
n’y avait plus de « danger » ni pour lui ni pour moi, puisque théoriquement nous
ne devions plus nous voir.
Il m’a répondu au bout de deux
mois… C’est un homme réfléchi et mesuré qui ne fait rien à la légère. Il est
venu me voir chez moi et m’a fait cette déclaration simple et tellement belle :
« Je t’aime, je suis heureux. ». Cette phrase-là je ne l’oublierai jamais. Elle
a fait basculer ma vie vers une profondeur sans nom, vers Dieu…
Nous nous sommes expliqués, cette
fois-là et plusieurs autres fois, sur cette relation unique et sur la façon de
la vivre. Nous n’avons fait que parler. Jamais nous n’avons fait usage de notre
corps pour communiquer, ce qui est complètement inhumain. Mais il faut dire que
nous avons reçu tous deux une éducation très catholique très pratiquante… et la
chape de plomb est trop lourde à soulever…
Notre relation d’Amour s’est donc
arrêtée là, non pas arrêtée avec un point final : elle est comme suspendue en
l’air en attendant… en attendant quoi ?... La vie éternelle ?... Les arguments
de Y. sont : « Je ne reprends pas la parole donnée » « Je ne veux pas trahir
Jésus-Christ ». Mon propre argument (je n’en avais qu’un) est : « Je ne veux pas
rendre malheureux mon mari : qu’est-ce qu’un Amour qui engendrerait le malheur
de quelqu’un ? »
Mon mari est décédé alors que nos
enfants étaient encore adolescents. Quelque temps après, je leur ai révélé
l’Amour qui nous unissait, Y. et moi. Ils ont fort bien accueilli cette nouvelle
et m’ont dit qu’ils savaient cela depuis toujours. L’un des deux m’a déclaré : «
Je me suis toujours demandé pourquoi tu avais épousé Papa. Ma relation à lui
n’était pas bonne et je me demandais ce que tu lui trouvais. J’ai cru que tu
restais à cause de nous, les enfants, et j’ai pensé que j’étais responsable de
ton malheur… ». Il y a sûrement des conséquences psychologiques chez les enfants
qui ont vécu une telle situation. Mais finalement, je suis très fière de mes
enfants qui sont devenus des adultes équilibrés, et avec lesquels je m’entends
fort bien.
Y. m’a demandé de ne pas le
tenter… Je respecte son souhait car je crois que je le tuerais si je lui
demandais de renoncer à être prêtre. Nous continuons de nous voir, mais très
peu, une fois ou deux par an… Il m’a avoué : « Ce serait trop triste de ne plus
nous voir. » Nous échangeons quelques cartes à Noël, à
Pâques etc. dans lesquelles nous
nous embrassons « de tout cœur » par écrit... Quand nous nous voyons, c’est
toujours en présence des enfants qui d’ailleurs prennent l’initiative de ces
retrouvailles.
L’initiative… c’est moi qui l’ai
prise au départ et je ne l’ai jamais regretté. Cet « Amour en suspension » m’a
construite, il m’a soutenue tout au long de ma vie. Y. m’a dit : « J’ai eu peur
que penser ainsi à toi me gêne dans mon ministère… en fait il n’en a rien été,
c’est plutôt le contraire qui s’est passé… ».
Maintenant, Y et moi arrivons à
la fin de notre vie. L’Eglise peut être satisfaite : l’un de ses prêtres n’est
pas parti, l’un de ses prêtres est resté fidèlement à la tâche. Et en plus, je
n’ai pas divorcé. Cependant, j’aimerais que l’Eglise ne soit pas si satisfaite
que cela… à cause de la souffrance de deux êtres humains. Nous n’avons pu vivre
ce que nous avions de meilleur en nous, ni le mettre à l’épreuve d’une réalité
quotidienne… et ceci est très grave !
Je n’ai jamais eu l’impression de
trahir Jésus-Christ en aimant Y. Dieu est tout Amour et il n’est que cela. Nous
entrons dans le plan de Dieu quand nous nous aimons les uns les autres : c’est
ce que Jésus s’est tué à dire lors de son passage sur terre. Aimer ceux que nous
rencontrons ne veut pas dire les aimer tous de la même manière. Chaque relation
est unique puisque nous sommes tous des êtres humains uniques. Je crois avoir
aimé mon mari dans la limite de mes moyens, je crois aussi avoir aimé mes
enfants le mieux possible, même si tout cela a été plein d’imperfections.
L’amour fraternel privilégié par l’Eglise est incontournable, mais il est
d’autres sortes d’amour tout aussi incontournables. Ce que je vis avec Y. est
unique et ce que je ressens est incomparable de profondeur… et pourtant cet
amour est rejeté par l’Eglise. Il serait temps que celle-ci ouvre les yeux sur
une véritable culture de l’Amour qui ne peut souffrir l’exclusion.
-
Il y a des règles auxquelles nous devons tous nous soumettre
pour vivre en société : dire
bonjour, pardon, merci sont de simples signes de bienséance
qui ne peuvent être remis en question. Vos enfants ne
doivent absolument pas s’y soustraire. Et cela dès le plus
jeune âge, dès 2 ans.
-Pourquoi ?
Notre monde ne peut tourner rond qu’en prenant appui sur les
règles du "vivre ensemble" qui nous servent de repères
communs, qui guident notre société. Laisser croire à
l'enfant qu'il peut s'y soustraire consiste à l'élever (ou
plutôt le rapetisser) dans le mensonge. Très jeune,
l’'enfant est à même de comprendre ces règles et s’il s'y
soustrait, ce n'est pas du fait de son incompréhension mais
de sa recherche de limites. Pourquoi lui mentir sur le monde
? Pourquoi lui faire croire qu'en grandissant les
contraintes seront plus faciles à accepter ? Quel sportif
commence par jouer un match de championnat s'il n'a pas
acquis les règles du jeu collectif ? Quel musicien peut
imaginer jouer de son instrument sans jamais avoir accepté
la règle du solfège et le travail de ses gammes ?
Pourquoi imaginer que votre enfant est différent ?
-Vous pensez souvent que
votre enfant est précoce, surdoué, hyper actif.
En réalité, il exploite naturellement une liberté et les
stimulations que vous lui avez simplement accordées. De
fait, l’enfant va être tenté très tôt de se servir de ces
stimulations pour exercer sa liberté.
-Il s'agit
d'abord de considérer que nos enfants évoluent dans un monde
sidérant d’incitation. Par
conséquent, lorsque vous regardez votre enfant, ne regardez
pas votre enfance à vous ! Les petits actuels sont beaucoup
plus vifs à divers égards que nous ne pouvions l'être
nous-mêmes lorsque nous étions enfants. Ils ne sont pas
surdoués ou précoces pour autant, ils sont juste soutenus de
toutes parts et ce, depuis leurs premières heures de vie
extra-utérin, voire même parfois intra-utérine.
-Les seules personnes qui
peuvent vous aider à avoir un avis neutre
sur votre enfant sont vos proches qui ont déjà élevé
d'autres enfants, vos ainés qui font preuve de bon sens et
d'un certain recul ainsi que les professionnels qui
travaillent avec d'autres enfants de la même cohorte d'âge.
Ces personnels sont formés mais peu émettent un avis
objectif pour vous aiguiller. Comment imaginer la
connaissance d'un sujet aussi vaste que celui de la petite
enfance, de surcroît lorsqu'il s'agit de la chair de votre
chair ?
Ne craignez pas de vous tromper ;
Aucune éducation n’est totalement parfaite et l’on peut se
tromper même en essayant de faire pour le mieux. Aussi, en
ce qui concerne certaines règles, il n’y a pas d’hésitation
à avoir, pas d’alternative à laisser …
« Si tu ne dis pas bonjour à ta maitresse, tu ne rentres
pas en classe, tu restes dehors … »
« Si tu refuses de répondre à ma demande pendant 5
minutes, tu resteras 5 minutes à attendre quand tu me
poseras une question … »
« Si tu prétends ne pas aimer le lait et la pomme que je
te propose, la pomme et le lait t’attendront car
vitamines et calcium sont indispensables … »
Sachez refuser les caprices ;
Accepter
les caprices d’un
enfant qui compliquent votre vie, c’est céder à ses
fantaisies et briser en réalité ses désirs profonds ...
-Tout
petit, l’enfant manifeste sa personnalité en cherchant à
transgresser les règles qui bâtissent son cadre de vie. Il
refuse par exemple de dire bonjour, il crée des fantaisies
pour exprimer sa personnalité …
-
Un peu plus grand, il sera sans cesse confronté à des
limites, à la recherche de son désir. Lui faire croire que
tout est possible, que le monde tourne autour de lui risque
de le conduire à se mettre dans une posture permanente de
recherche des limites. Des sensations fortes. Au risque
de mentir, de monter des stratèges pour imposer sa liberté
inavouée …
-Plus
grand encore, adolescent, il cherchera à briser le cadre qui
le gêne … Peut-être fuguera-t-il ? ; Ou il fumera
inconsidérément, se droguera même …
-
Jeune adulte, il ne sera pas satisfait, n’aura pas confiance
en lui ; il jalousera ses copains, critiquera ses parents
tout en cherchant à revenir à la maison par facilité … Et
même parfois, après avoir réalisé de brillantes études,
après avoir largement bénéficié d’innombrables privilèges,
il sera malheureux, déprimé … et hélas, pensera comme
certains de ses copains, à fuir ce monde par des actes de
bravoure ou même … le suicide.
Les conditions de vie ont rapidement évolué ;
En une génération nous
sommes passés de l'ère où les enfants avaient peur que leurs
parents ne les aiment pas à celle où les parents ont
clairement peur que leurs enfants ne les aiment pas !
Mais de quoi avez-vous
donc peur ?
Les parents ont peur de manquer d’amour en étant trop
exigeants, en ne comblant pas les originalités de leur
enfant … et manifestent ainsi en réalité leur manque de
confiance en eux-mêmes.
Pourquoi est-il devenu si
terrible de contrarier ses enfants ?
Est-ce acheter la paix et la
tranquillité ? Est-ce gagner un diplôme de "cool daddy", de
"cool mamy" ? Questionnez alors sincèrement le plus profond
de vous-même pour savoir si une limite est si perturbante
que cela ! Dire non, montrer le chemin, n'est-ce pas là
justement le rôle de l'adulte par rapport au jeune qui
découvre le monde ?
S'intéressant aux enfants les
plus en difficulté qui ont vécu de réels traumatismes liés à
leurs parents, à des violences ou à des sévices inouïs, les
professionnels de la petite enfance sont tous unanimes : un
enfant cherche l'amour de ses parents et ce, quel que soit
le vécu même terrible qui les unit.
N'ayez donc pas peur de
perdre le lien avec votre enfant sinon ce dernier
pressent cela et va s'engouffrer dans cette brèche !
Donnez-lui des racines pour qu'il puisse construire ses
branches et s'envoler dans la vie. Ne lui faites pas croire
qu'un arbre peut tenir dans le sol sans racines.
Tous ces repères éducatifs
passent parfois effectivement par la contrainte (mais
qui vit en société sans contrainte ?), sont une véritable
boîte à outils pour aider votre enfant à résoudre les
problèmes qu’il rencontrera fatalement en société et lui
permettront de se sentir fier, libre et léger !
PREMIÈRE PARTIE « LES PAUVRES SONT COUPABLES. » IDÉES REÇUES SUR LES PAUVRES Sur la pauvreté en général 1. « La définition de la pauvreté est subjective. »
- Pas si simple.
La grande pauvreté est une situation de rupture profonde et globale qui
n’a rien de relatif ni d’artificiel. 2. « En France, il y a moins de pauvreté et d’inégalités qu’ailleurs en
Europe. » - Cela dépend. 3. « La pauvreté augmente moins que l’on ne le dit. » -
Faux. La
hausse est nette depuis 2002, particulièrement pour les plus pauvres …
dans un des pays les plus riches du monde. 4. « Plus que la pauvreté, ce sont les inégalités qui progressent. »
- Faux. Ce sont les deux qui progressent. 5. « Avec la crise, tout le monde va plus mal de toute façon. »
-
Faux. Le niveau de vie des plus riches continue de croître depuis 2008. 6. « Les pauvres creusent nos déficits. »
- Oui, la misère coûte cher
humainement et financièrement. Si elle n’existait plus, toute la société
y gagnerait, sans doute même financièrement. 7. « Les pauvres ne peuvent pas s’intégrer à la société. »
- Faux.
Ils vivent dans le même monde que nous et partagent nos valeurs et nos
aspirations. Sur les sans-abri 8. « Les gens qui vivent dans la rue l’ont choisi. »
- Faux pour la
majorité des personnes concernées. 9. « Les sans-abri ne veulent pas travailler. »
- Pas si simple. Un
quart d’entre eux travaillent et deux cinquièmes recherchent un emploi. 10. « Faire la manche, ça rapporte. »
- Faux. 11. « N’importe qui peut se retrouver un jour à la rue. »
- Faux.
C’est un fantasme entretenu par les médias et par notre crainte face à
l’avenir. 12. « Les sans-abri sont des alcooliques. » - Pas si simple. 13. « Les sans-abri sont des personnes seules. »
- Faux. Les familles
représentent la moitié des demandes d’hébergement au 115. 14. « Les gens qui vivent à la rue ne peuvent pas s’en sortir. »
-
Faux. Il n’y a pas de fatalité à la vie dans la rue. 15. « Les sans-domicile refusent des hébergements sans raison. » -
Pas si simple. 16. « Il suffit d’appeler le 115 pour trouver un hébergement. » -Faux.
Deux tiers des demandes sont rejetées et certaines populations sont plus
victimes de ces refus que d’autres. 17. « Les sans-abri atteints de troubles mentaux sont violents. »
-
Faux. Le trouble mental n’est pas en soi facteur de violence. Sur les minima sociaux 18. « Les pauvres font tout pour toucher des aides. »
- Faux. Au
contraire, beaucoup ne sollicitent pas les aides auxquelles ils ont
droit. 19. « Les pauvres ont des droits, mais ça va avec des devoirs. »
-
Bien sûr. Mais dans le domaine de l’emploi notamment, l’accompagnement
produit de meilleurs résultats que la contrainte et l’obligation. 20. « On peut gagner plus avec le RSA qu’avec le SMIC. »
- Faux dans
plus de 90 % des cas. Sur le budget des familles 21. « On ne vit pas trop mal avec le RSA. »
Faux. Il n’est pas
possible de vivre dignement avec le RSA aujourd’hui. 22. « Les pauvres s’en sortiraient s’ils savaient gérer un budget. »
- Faux. 23. « Les pauvres ont des écrans plats et des téléphones portables. »
- C’est souvent vrai. Mais cela ne signifie pas pour autant que les gens
vivent dans le luxe. 24. « On est moins pauvre à la campagne. »
- Faux. Sur le travail 25. « Les pauvres ne veulent pas travailler. »
Au contraire, une
majorité d’entre eux souhaite travailler. 26. « Si l’on veut travailler, on trouve. »
Faux. Avec plus de 8
millions d’emploi manquants, ce n’est pas si simple. 27. « Il y a 200 000 à 400 000 offres d’emploi non pourvues. »
-
Faux. Il existe seulement 100 000 à 150 000 offres non pourvues faute de
candidats. Sur la Sécurité sociale et la santé 28. « Les pauvres font des enfants pour toucher des aides. »
- Faux.
Plus on a d’enfants, plus on s’appauvrit. 29. « Les pauvres sont des fraudeurs. » - Faux. Ils fraudent beaucoup
moins que les autres. 30. « Les bénéficiaires de la CMU en profitent pour faire des soins de
confort. » - Faux. Leur consommation de soins est légèrement
supérieure, mais leur état de santé est moins bon. 31. « Les pauvres consomment beaucoup d’alcool, de tabac et de drogues.
» - Pas si évident. En situation de précarité, on consomme en moyenne
plus de tabac, mais pas plus d’alcool ni de drogues. 32. « Les pauvres ne font pas ce qu’il faut pour se nourrir correctement
et être en bonne santé. » - Pas si simple. La mauvaise alimentation
concerne de plus en plus de monde dans les pays riches et on n’y répond
pas seulement en éduquant les gens. Sur les enfants 33. « Les enfants pauvres sont maltraités par leurs parents. »
-
Faux. Les maltraitances n’épargnent aucun milieu social. 34. « Les pauvres sont incapables d’élever leurs enfants. »
- Pas si
simple. Sur la violence et la prostitution 35. « Les pauvres sont violents. » -
Pas si simple. Ils sont plus
victimes qu’auteurs de villences, et parviennent parfois à y faire face
mieux que d’autres. 36. « La prostitution est un moyen de sortir de la misère. »
- Faux.
Elle renforce au contraire l’exclusion sociale des personnes
prostituées. Sur la fiscalité et les impôts 37. « Les pauvres ne paient pas d’impôts. »
- Faux. Ils participent à
la moitié des recettes fiscales de l’Etat. Sur l’école et l’éducation 38. « Les parents pauvres se désintéressent de l’école. »
- Faux. Ils
fondent au contraire de grands espoirs pour leurs enfants dans l’école. 39. « Les enfants pauvres sont moins aptes que les autres. »
- Faux.
Ils ont plus de difficultés au départ, mais il n’y a pas de fatalité.
40. « Il n’y a rien à attendre des décrocheurs. » - Faux. Une partie
d’entre eux réussissent par d’autres voies que l’éducation
traditionnelle. 41. « Les enfants d’immigrés sont plus en échec scolaire que les autres.
» - C’est vrai, mais parce qu’ils appartiennent à des milieux
sociaux en moyenne plus défavorisés. Sur le logement 42. « Les ‘‘ménages Dalo’’ n’apportent que des problèmes dans les
immeubles. » - Faux. Il n’y a pas de « ménages Dalo ». Sur la culture et les loisirs 43. « Se loger et manger, c’est plus important que la culture. »
-
Faux. 44. « Les vacances, c’est pour ceux qui travaillent. » - Faux. Les
vacances sont vitales pour toute personne. Sur la participation et la politique 45. « Les pauvres ne s’intéressent pas à la vie commune. » - Pas si
simple. Il faut aussi créer les conditions d’une réelle participation de
tous à la vie locale et aux politiques publiques. 46. « Les pauvres se désintéressent de la politique. »
- Faux. 47. « Les plus pauvres votent Front national. » -
Faux. Les plus
précaires votent plus à gauche su’à droite. Sur l’environnement 48. « Les pauvres polluent. »
- Faux. Non seulement ils polluent
moins que les autres mais ils sont davantage exposés à la pollution. Sur l’immigration 49. « L’immigration augmente en France. » - Faux. Elle n’a augmenté
que d’un point en 1975 et 2010, mais les pays d’origine ont en partie
changé. 50. « Les immigrés prennent des emplois aux Français. »- Faux. Les
immigrés apportent au contraire de la richesse au pays d’accueil. 51. « L’immigration tire les salaires vers le bas. »
- Pas si simple.
L’impact est faible et plutôt positif. 52. « Les étrangers sont attirés par notre protection sociale. » -
Faux. Ils sont avant tout attirés par la perspective d’un travail. 53. « Il suffit d’être demandeur d’asile pour bénéficier de tous les
droits. » - Faux. La plupart des demandeurs subissent une grande
précarité. 54. « Ce sont les étrangers les plus pauvres qui immigrent en France. »
- Faux. Pour migrer, il faut avoir un minimum de ressources. 55. « L’immigration coûte cher à la France. »
- Faux. Selon les
études, elle ne coûte presque rien ou, au contraire, rapporte. 56. « Les migrants viennent profiter de notre système de santé. »
-
Faux. Ils viennent avant tout pour fuir les difficultés économiques ou
politiques dans leur pays d’origine. 57. « L’aide médicale d’état coûte cher à la France. »
- Faux. Elle
coûte moins cher … que si elle n’existait pas. Sur les Roms 58. « Les Roms sont en situation irrégulière en France. »
- Faux. Ils
séjournent dans les mêmes conditions que les autres ressortissants de
l’UE. 59. « Les Roms ne veulent pas travailler. » - Faux 60. « Les Roms sont des nomades. » - Faux 61. « Les Roms ne veulent pas s’intégrer. » - Faux 62. « Les enfants roms font partie de bandes organisées. »
- Faux.
Les bandes organisées sont le fait de réseaux spécialisés et ne
concernent qu’un petit nombre d’enfants. 63. « Le nombre de Roms augmente en France. »
- Faux 64. « Il faut évacuer les campements illégaux. » - Oui, pour des
raisons d’urgence humanitaire. Mais pas n’importe comment. 65. « Les Roms vont prendre les emplois des Français. » - Faux. Sur les gens du voyage 66. « Les gens du voyage s’installent n’importe où. »
- Ce ne serait
pas vrai si la loi du 5 juillet 2000 était mieux appliquée par toute les
collectivités. 67. « Les gens du voyage roulent en Mercedes. » - Pas si simple.
SECONDE
PARTIE « C’EST BIEN BEAU, MAIS ON NE PEUT PAS FAIRE AUTREMENT. » IDÉES
REÇUES SUR LES SOLUTIONS Sur la pauvreté en général 68. « Avec la mondialisation, la hausse de la pauvreté est inéluctable.
» - Faux. Certains pays sont plus mondialisés que nous et, pour
autant, moins touchés par la pauvreté. 69. « L’objectif d’éradiquer la misère est un rêve. » - Faux. Seules
manquent la volonté citoyenne et la volonté politique. 70. « On donne déjà beaucoup pour l’aide alimentaire et ça ne change
rien. » C’est assez vrai. Les aides alimentaires ne s’attaquent pas
aux causes de la misère. Sur la protection sociale 71. « L’état dépense trop pour la protection sociale. » - Pas si
simple. La protection sociale est importante en France, mais elle
profite à tous. Et la lutte contre la pauvreté ne représente qu’une
infime partie de ses dépenses. 72. « La protection sociale creuse la dette publique. »
- Non, ce
sont surtout le manque de recettes fiscales et la crise qui creusent la
dette. 73. « En France, les prélèvements obligatoires sont très élevés à cause
des financements des dépenses sociales. » - Pas si simple. Les
prélèvements obligatoires sont plus élevés en France que dans la moyenne
des pays européens, mais ils ne correspondent pas toujours aux mêmes
dépenses d’un pays à un autre. 74. « Les citoyens paient trop d’impôts. » - Faux. On en paie moins
qu’il y a quelques années. Et on ne mesure pas assez leur utilité. 75. « La lutte contre la pauvreté coûte cher aux classes moyennes. »
- Faux. Elle ne coûte pas aux classes moyennes « inférieures », même si
celles-ci sont moins aidées en France que dans d’autres pays. 76. « Notre protection sociale est inefficace. » - Faux. Elle est
très efficace et réduit de moitié la pauvreté et les inégalités. 77. « Notre modèle de solidarité enferme les pauvres dans l’assistanat.
» - Faux. Les personnes confrontées à la pauvreté ne sont pas
« accrocs » à l’assistance. 78. « La France distribue des minima sociaux élevés. » - Faux. La
France est dans la moyenne européenne. 79. « On devrait obliger les bénéficiaires du RSA à travailler. »
-
Non, ce discours cache les vrais problèmes. 80. « Augmenter le RSA ou les allocations chômage décourage les gens de
travailler. » - Faux. Des études déconstruisent cette idée simpliste. 81. « Le RSA jeunes, c’est de l’assistanat. » - Faux. Le RSA ne
décourage pas les jeunes de travailler. Sur le travail et l’économie 82. « Quand une société s’enrichit, ça profite aussi aux pauvres. »
-
Pas forcément. Ce qu’il faut surtout éviter, c’est l’accroissement des
inégalités. 83. « Il vaut mieux un petit travail que pas de travail du tout. »
-
C’est en effet ce qui se pratique dans de nombreux pays … et ce qui
produit des millions de travailleurs pauvres. 84. « Les difficultés des entreprises ont pour cause le coût du travail
en France. » - Pas si simple. C’est sans compter la baisse des
commandes, le prix de l’énergie et le cours élevé de l’euro. Autant de
leviers sur lesquels il faudrait agir. 85. « Pour réduire le chômage et la pauvreté, il faut baisser les
cotisations sociales. » - Pas si simple. Une telle mesure semble
relativement coûteuse et son impact sur la création d’emploi limité en
période de croissance faible ou nulle. 86. « Pour réduire le chômage et la pauvreté, il faut baisser les impôts
des entreprises. » - Faux. Il n’y a pas de relation de cause à effet. 87. « Pour réduire la pauvreté, il faut de la croissance économique. »
- Faux. La croissance ne suffit pas pour résorber la pauvreté. Et même
sans croissance, nous avons des moyens d’agir. 88. « Pour réduire le chômage et la pauvreté, il faut réduire les
déficits, et donc les prestations sociales. » - Faux. En période de
faible croissance, une politique d’austérité accroit au contraire les
déficits, le chômage et la pauvreté. 89. « L’état n’a plus les moyens de créer de l’emploi. » - Faux. On
peut trouver l’argent de différentes façons … ou utiliser les dépenses
de gestion du chômage de longue durée pour créer des « emplois utiles ». 90. « Contre le chômage, on a tout essayé. » - Faux. 91. « On ne pourra jamais trouver du travail pour tout le monde. » -
Peut-être. Mais il est possible de faire beaucoup mieux qu’actuellement
en créant des emplois répondant à des besoins non satisfaits. 92. « S’il existait vraiment des travaux utiles à réaliser, le
‘‘marché’’ aurait déjà créé les emplois correspondants. » - Faux. Il
existe des travaux utiles, sans qu’existe toujours une clientèle capable
d’en payer le coût. Sur la santé et l’accès aux droits 93. « Avec la CMU, tout le monde a accès aux soins. » - Faux. Il faut
continuer d’agir contre les inégalités en matière de prévention et
d’accès aux soins. 94. « Il n’est pas si compliqué d’accéder à ses droits. » - Faux.
C’est parfois un vrai parcours du combattant et c’est l’une des
explications des non-recours. 95. « Ce sont les plus riches qui financent les tarifs sociaux du gaz et
de l’électricité. » - Faux. Tous les consommateurs fiancent ces
tarifs sociaux … et une partie des moins fortunés n’en bénéficient pas. Sur le placement des enfants 96. « Il vaut mieux placer les enfants pauvres. » - Faux. D’autres
réponses existent et peuvent être apportées. Sur l’école 97. « Le rôle de l’école n’est pas de régler les inégalités sociales. »
- Non. Mais elle a aussi une mission d’intégration et de socialisation. 98. « La mixité sociale nuit à la réussite scolaire. »
- Pas si
simple. Avec la mixité sociale à l’école, les plus forts y « perdent »
un peu et les plus faibles y « gagnent » deux fois plus. Au total, n’y
gagne-ton pas tous ? 99. « Les élèves en difficulté doivent aller vers l’enseignement
professionnel le plus tôt possible. » -Non. L’orientation doit
attendre la fin du collège et être vraiment choisie. Sur le logement 100. « Les HLM sont accessibles aux plus pauvres. » - Faux. Ils s’en
voient souvent refuser l’accès pour manque de ressource. 101. « Le droit au logement opposable (Dalo) est inefficace. » -
Faux. Il se heurte dans certaines zones à de fortes tensions sur
l’immobilier, mais il permet des dizaines de milliers de relogements. 102. « Les pauvres sont de mauvais payeurs. » - Faux. Payer son loyer
est une priorité pour les familles aux revenus modestes. Sur la politique de la ville 103. « Avec les démolitions-reconstructions, on remet de la mixité
sociale dans les quartiers. » - Malheureusement non. 104. « On donne déjà beaucoup aux banlieues. » - Faux.Les
crédits de la politique de la ville sont parfois moins généreux dans les
quartiers « prioritaires !
Merci aux
organismes qui ont participé à cette nouvelle édition : l’Amicale du
Nid, Amnesty International, les Apprentis d’Auteuil, la CFDT, la CGT, la
Cimade, la Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme, le
Défenseur des droits, Emmaüs, l’association Georges Hourdin, la FNARS,
la FSCF, la Grande Loge de France, la Grande Loge féminine de France, le
MAN, Médecins du monde, la MSA, NDH, l’Ordre de Malte, les Scouts et
guides de France, le Secours Catholique, le SNES ...
- J'accepte complètement et sans aucune arrière pensée
tout ce qui s'est jamais produit dans ma vie, et ce qui arrive en ce
moment dans mon existence, et tout ce qui peut se produire dans l'avenir
me fournit des occasions précieuses pour apprendre et grandir.
Personne d'autre n'est à blâmer pour la négativité ou la douleur dont ma
nature émotionnelle fait l'expérience. Je ne chercherai aucune exception
à cette croyance, même quand la cause apparente de mon problème est
totalement indépendante de moi.
- Je chercherai toujours à assumer entièrement ma responsabilité, tout
en refusant ma culpabilité. Plutôt que de chercher des excuses pour ce
qui marche mal, je m'efforcerai de comprendre ce qui se passe, puis
chercherai des moyens pour corriger la situation.
J'assume la responsabilité de mes choix. J'affirme que nulle personne ou
situation ne peut me faire sentir inférieur, rejeté, inadéquat sans mon
consentement, et que j'ai le libre choix de donner ou de refuser ce
consentement.
- Je refuse la croyance au hasard, qui est un des principaux mécanisme
de déresponsabilisation dans notre culture. Je suis conscient que je
crée ma propre réalité par ma façon d'accueillir et d'interpréter les
évènements de la vie. Dans toute les circonstances de la vie, je
chercherai systématiquement les moyens et les solutions plutôt que les
excuses et les refuges. Je préfererai l'ouverture et le risque plutôt
que la passivité et la sécurité.
- Je choisis de me respecter totalement, en toute circonstances, quelles
que soient les erreurs que je puisse commettre, et d'accorder ce même
respect à toute forme de vie - humaine, animale ou végétale - que je
rencontre.
- Je dis OUI à la vie, oui oui, et encore oui.
Les jours
où je me réveille devant le spectacle de
gueules hirsutes prêtes à massacrer au
nom d’Allah et où je m’endors avec le
bruit des explosions diffusées sur fond
de versets coraniques.
Les jours
où je regarde les cadavres joncher les
rues de Bagdad ou de Beyrouth par la
faute des kamikazes; où des cheikhs
manchots et aveugles s’arrogent le droit
d’émettre des fatwas parce qu’ils sont
pleins comme des outres de haine et de
sang; où je vois des petites filles, les
unes courir protéger de leur corps leur
mère qu’on lapide, et les autres revêtir
la robe de mariée à l’âge de 9 ans.
Et puis
ces jours où j’entends des mamans
chrétiennes confier en sanglotant que
leur progéniture convertie à l’islam
refuse de les toucher sous prétexte
qu’elles sont impures.
Quand
j’entends pleurer ce père musulman parce
qu’il ne sait pas pourquoi son garçon
est allé se faire tuer en Syrie. À
l’heure où celui-ci parade dans les
faubourgs d’Alep, kalachnikov en
bandoulière, en attendant de se repaître
d’une gamine venue de la banlieue de
Tunis ou de Londres, à qui l’on a fait
croire que le viol est un laissez-passer
pour le paradis.
Ces jours
où je vois les Bill Gates dépenser leur
argent pour les petits Africains et les
François Pinault pour les artistes de
leur continent, tandis que les cheikhs
du Golfe dilapident leur fortune dans
les casinos et les maisons de charme et
qu’il ne vient pas à l’idée des nababs
du Maghreb de penser au chômeur qui
crève la faim, au poète qui vit en
clandestin, à l’artiste qui n’a pas de
quoi s’acheter un pinceau.
Et tous
ces croyants qui se prennent pour les
inventeurs de la poudre alors qu’ils ne
savent pas nouer une cravate, et je ne
parle pas de leur incapacité à fabriquer
une tablette ou une voiture.
Les mêmes
qui dénombrent les miracles de la
science dans le Coran et sont dénués du
plus petit savoir capable de faire
reculer les maladies.
Non !
L’Occident, ces prêcheurs pleins
d’arrogance le vomissent, bien qu’ils ne
puissent se passer de ses portables, de
ses médicaments, de ses progrès en tous
genres.
Et la
cacophonie de ces « révolutions » qui
tombent entre des mains obscurantistes
comme le fruit de l’arbre.
Ces
islamistes qui parlent de démocratie et
n’en croient pas un mot, qui clament le
respect des femmes et les traitent en
esclaves.
Et ces
gourdes qui se voilent et se courbent au
lieu de flairer le piège, qui
revendiquent le statut de coépouse, de
complémentaire, de moins que rien !
Et ces «
niqabées » qui, en Europe, prennent un
malin plaisir à choquer le bon Gaulois
ou le bon Belge comme si c’était une
prouesse de sortir en scaphandrier !
Comme si c’était une manière de grandir
l’islam que de le présenter dans ses
atours les plus rétrogrades.
Ces jours,
enfin, où je cherche le salut et ne le
trouve nulle part, même pas auprès d’une
élite intellectuelle arabe qui sévit sur
les antennes et ignore le terrain, qui
vitupère le jour et finit dans les bars
la nuit, qui parle principes et se vend
pour une poignée de dollars, qui fait du
bruit et qui ne sert à rien !
Voilà,
c’était mon quart d’heure de colère
contre les miens. Ouf !
Fawzia Zouari, (écrivaine et
journaliste tunisienne, docteur en
littérature française et comparée de la
Sorbonne)
Article publié dans « Jeune Afrique » du
02 mai 2014
La Terre
n’appartient pas
aux hommes, ce
sont les hommes
qui
appartiennent à
la Terre
(sagesse
amérindienne par
Sitting Bull).
Retrouvons la
place qui est la
notre.
Tout sur Terre
est fait pour
durer, année par
année, siècle
par siècle,
millénaire par
millénaire.
Léguons à nos
enfants une
Terre qui leur
permet de
continuer à
vivre dans des
conditions
enviables.
La Terre possède
une biodiversité
incroyable où
tout est à sa
place.
Arrêtons le
crime contre la
Création qui
fait disparaître
des milliers
d’espèces à
jamais.
La Nature a ses
mystères que
l’homme moderne
ne sait pas
comprendre. Pour
lui, tout ce
qu’il ne sait
pas – n’existe
pas. Or,
l’Amérique a
existé avant
Christophe
Colomb ... !
Dans la Nature,
tout est propre,
il n’y a pas de
déchets, rien ne
se perd, il n’y
a pas de
mauvaises
herbes.
L’homme moderne
pollue tout :
l’eau, l’air, la
terre, et le
climat se
réchauffe.
Dans la nature,
il y a des
récoltes à
l’automne, et il
n’y a rien à
manger en hiver.
Le poids des
animaux sauvages
varie de 25 % au
cours d’une
année, en
fonction de la
nourriture
disponible.
L’homme moderne
mange toute
l’année. Le
poids monte tout
le temps.
Dans la nature,
il fait chaud en
été, et il fait
froid en hiver.
Les animaux font
de réserves de
graisse à
l’automne – pour
les brûler en
hiver.
L’homme moderne
est climatisé en
été et chauffé
en hiver : il
fait des
réserves chaque
automne et il ne
les brûle
jamais.
Dans la nature,
les jours sont
longs en été, et
en hiver les
nuits : les
animaux s’y
adaptent par
l’hibernation.
L’homme
moderne, avec la
lumière
artificielle,
vit en hiver
comme en été :
mêmes heures de
travail, de
télévision et
toujours qu‘un
minimum de
sommeil : le
corps ne peut
jamais recharger
ses
accumulateurs.
Dans la nature,
la survie
nécessite une
activité
physique
permanente pour
assurer ne reste
que le minimum
vital.
L’homme moderne
a réussi à
éliminer toute
nécessité de
travail physique
de la vie de
tous les jours :
même la brosse à
dents peut être
équipée d’un
moteur...
A chaque fois, nous
avons gagné une
bataille. Mais
maintenant, nous
sommes en train de
perdre notre guerre
contre la Terre.
Or :
la Terre n’a pas
besoin de nous,
c’est nous qui avons
besoin de la Terre.
Souvent, nous échouons dans notre désir
de former un couple car nous cherchons
le partenaire idéal au lieu d’accueillir
et d’aimer l’autre tel qu’il est.
Ils sont trois qui se rencontrent :
Claudia, Louis et Justin. Leurs
histoires sont à la fois très
différentes et proches.
Tous les trois sont à la recherche d’un
partenaire. Un homme ou une femme qui
enfin s’engage, qui accepte de vivre du
quotidien, de fonder une famille. Tous
les trois ont fait des tentatives
malheureuses qui leur laissent un goût
amer, d’impossible, parfois d’abus,
générant une colère envers l’autre
partenaire avec des jugements hâtifs et
partiels.
Trois histoires de solitude
Claudia a trente-sept ans. Cadre
supérieure, elle a consacré une grande
partie de son existence à sa réussite
professionnelle. Portée par les attentes
de son père, elle s’est soumise à ses
injonctions et a tout fait pour lui
plaire. Sauf qu’aujourd’hui, fatiguée de
courir les salons, les aéroports et les
hôtels, elle a décidé de changer de vie.
Elle s’est mise en quête d’un homme qui
réponde à ses aspirations.
Louis a orienté sa vie de façon
différente. Il a choisi de profiter de
l’existence. Il s’est passionné pour son
travail, comme pour la reliure, puis
pour le VTT qu’il a pratiqué
intensément. Sa vie est une succession
de passions, d’enthousiasmes crépitants,
de passions à durée déterminée. Il a
suivi le même scénario avec les femmes
qu’il a rencontrées, dans un plaisir et
une intensité souvent partagés, mais
sans construction à long terme, ce qu’il
ne voulait pas d’ailleurs. Sa joie était
cette succession de possibles, de
rencontres intelligentes, construites,
mais sans projets à long terme.
Justin revient de voyage. Dans l’avion,
il a rencontré une femme. Ils ont passé
la nuit ensemble. Il ne cesse de maudire
cette rencontre et son comportement car
une fois de plus, « elle » est partie,
le laissant sans nouvelles, sans suite
de cette rencontre dont il pensait
qu’elle serait le début d’une vraie
histoire. Pour Justin, cette situation
n’est que la répétition d’une multitude
d’autres, espoirs déçus, rencontres sans
suites, vaines, décevantes.
Et chacun de déplorer l’inconstance, la
non-fiabilité des partenaires
rencontrés, leur manque d’engagement.
Ces trois compagnons se retrouvent. Au
fil de la discussion, chacun prend
conscience qu’il y a une illusion à
vouloir changer l’autre. Justin raconte
comment il avait rencontré une femme
qu’il aimait profondément. Mais certains
côtés d’elle l'insupportaient. Il
s’était mis en tête que l’amour
l’aiderait à la changer. Très vite, il
s’est rendu compte de sa méprise et a
préféré la quitter. Voilà une prise de
conscience fondamentale. Trop de couples
échouent par ce projet illusoire d’un
des partenaires de vouloir changer
l’autre.
Dans leurs échanges, ils admettent aussi
que leurs attentes sur des partenaires
sont une manière de les enfermer. Comme
s’ils avaient chacun une check-list qui
permettrait de valider si le/la
candidat/e du moment est le/la bon/ne.
Ils mesurent qu’ils ne sont pas dans la
rencontre mais dans l’objectif. L’autre
en tant que personne passe après des
critères rédhibitoires et donc exclusifs
de la relation possible.
Réussir son couple, et donc le choix
d’un partenaire, semble s’inscrire dans
les mêmes catégories que réussir sa vie
professionnelle, ses vacances ou un
bricolage selon une logique à quatre
temps : objectifs-moyens-résultats-degré
de satisfaction. Quelle est la place
laissée à l’autre et à la rencontre ?
Devoir de lucidité
Au fil de leurs échanges, ils se
racontent leurs histoires et regardent
le bénéfice pour chacun à ne pas
s’engager.
Car finalement, ce qu’elle ou
ils reprochent à leurs partenaires
potentiels les autorise chacun à
poursuivre la vie qu’ils ont construite.
Reprocher à l’autre de ne pas s’engager
leur permet aussi de poursuivre les
priorités qu’ils se sont données
jusque-là.
Ouf ! Les jeunes générations sortent
sans doute du mythe romantique où il
suffit de s’aimer pour réussir son
couple ! Mais alors, comment mesurer le
renoncement et le bénéfice d’une vie de
couple ? Comment accepter l’autre avec
inconditionnalité, sans clauses de
réserve ? Comment aimer l’autre pour ce
qu’il est et pas pour ce que nous
voudrions qu’il soit ? Comment enfin
vivre un engagement qui ne soit pas un
enfermement ? La réponse n’est pas dans
un mode d’emploi et appartient à chaque
couple. C’est l’aventure amoureuse !
Jean-Paul Sauzède,
thérapeute de couple, Revue Réforme
La laïcité, dans ses fondements les plus
profonds, est un principe universel. La
séparation du religieux et du politique
représente un progrès de l’humanité vers
le respect de l’individu, de ses libres
choix, de ses croyances ou de son
absence de croyance, et de son droit
d’en changer. C’est aussi la condition
incontournable du vivre ensemble.
Là où la laïcité n’est pas reconnue, les
libertés de conscience et d’expression
sont bafouées, les droits des femmes
sont inexistants ou en recul, l’égalité
des droits entre les femmes et les
hommes est niée.
La laïcité se voit attaquée à la fois
par tous les fanatismes religieux et les
fanatiques d’une dérégulation du monde
qui, sous couvert de loi du marché, vise
à asservir les plus faibles.
A travers le monde, des forces
intégristes porteuses d’une idéologie
totalitaire utilisent l’intimidation,
les assassinats et le terrorisme pour
tenter d’imposer leur hégémonie.
Aujourd’hui, l’intégrisme islamiste est
la menace principale contre les
libertés, non seulement dans ce qu’il
baptise « terre d’Islam », mais dans
toutes les parties du globe, de
l’Extrême-Orient à l’extrême Ouest, du
nord baltique au Sud africain.
Face aux menaces et aux assassinats que
subissent aujourd’hui ceux qui, dans les
pays démocratiques, critiquent
l’islamisme de conquête,
Face aux menaces et aux assassinats dont
sont victimes, au nom de la religion,
ceux qui aspirent à la liberté en pays
sous lois musulmanes,
Face aux exécutions et aux lapidations
que subissent des femmes et des hommes
au nom d’une conception barbare de la
religion,
Face au discours islamiste, aux
communautarismes et à leurs suppôts, qui
divisent les populations et les «
communautés » et qui avivent la haine
des autres,
Face aux offensives réitérées des
réseaux islamistes pour tenter
d’embraser le monde musulman contre les
pays démocratiques,
Face au lobbying des intégrismes auprès
des instances internationales (ONU et
ses institutions) pour bâillonner la
liberté d’expression en voulant
instaurer, à l’échelle mondiale, un
délit de blasphème,
Face à
cette montée des périls
Une mobilisation mondiale est
indispensable.
C’est pourquoi nous lançons cet Appel à
la constitution, à travers le monde,
d’un rassemblement laïque universel.
Dans un monde interdépendant, il est
désormais impossible de séparer la
liberté de conscience de la notion
universelle de laïcité, et de celle
d’égalité entre les hommes et les
femmes. Les populations sous lois
musulmanes aspirent, elles aussi, à une
liberté et à une démocratie, ce qui est
incompatible avec une hégémonie
religieuse.
Nous appelons les femmes et les hommes,
dans tous les pays, à constituer une
force de résistance pour un mouvement
laïque international :
Pour la
laïcité
Contre tous les formes de racismes,
d’intégrismes, les communautarismes
diviseurs
Pour l’égalité des droits pour toutes et
tous quelle que soit l’origine
Contre toutes les discriminations
ethniques, sociales ou sexuelles,
Pour les libertés de conscience et
d’expression,
Pour
l’amitié entre les peuples
Sur ces objectifs, un collectif
d’initiative (ouvert) s’est constitué.
La méditation de pleine conscience est
une voie vers la simplicité, cette
simplicité dont nous avons si grand
besoin. Que nous dit-elle ? Juste ceci :
arrête-toi. Arrête-toi de te compliquer
la vie en t'alourdissant sans cesse de
possessions et d'objectifs. Arrête-toi
et assieds-toi, ferme les yeux et
respire. Respire, sans rien attendre, ni
espérer, ni vouloir. Observe juste ce
qui est là, ici et maintenant ...
Houria monte à la gare St
Charles dans le train qui va de
Marseille à Bordeaux. Toute de noir
vêtue, coiffée du niqab, c’est une
Palestinienne. La place qu’elle a
réservée se trouve dans un carré avec
trois autres voyageuses. Elle s’attend à
leurs questions.
Houria ouvre son livre de
poèmes. Face à elle, une femme et sa
fille qui a ouvert son ordinateur.
La dame engage la
conversation : « Vous avez un beau
visage. Votre voile noir le met en
valeur. »
Houria remercie. « On dit
généralement qu’une femme musulmane est
obligée de se voiler. Ce n’est pas
toujours le cas. Moi, c’est mon choix.
Je suis fière de présenter ainsi mon
identité. Signe religieux ? oui, en
partie, avec une touche de coquetterie.
La dame se souvient des « voiles » que
portaient les femmes de son enfance à
l’église. Par respect.
Houria souligne qu’on est
obsédé par la question du signe
religieux et son interdiction dans les
lieux publics. « Votre femme de ménage
qui porte une chaîne avec une croix,
doit-elle l’enlever ? Mes amies
françaises converties à l’Islam
s’habillent comme moi pour revendiquer
leur choix libre. Vous vous mobilisez
pour soutenir une loi contre le voile,
mais vous restez silencieux sur
l’excision. »
La dame interroge: « Vous
êtes maman ?
- Pas encore ! J’attends.
Je travaille à la libération de la
femme. Et plus généralement de la
société.
Nous sommes en avance,
nous, les Palestiniens, malgré nos
conditions de vie difficiles. »
La fille à l’ordinateur
est branchée. Elle écoute tout en
consultant. Houria lui lance : « Appelez
soufisme dans votre barre de recherche.
Vous allez trouver les grands courants
poétiques de l’Islam, et les valeurs de
tolérance, de paix, de dialogue. On n’en
parle pas beaucoup et pourtant c’est
réel.
Nos préceptes rejoignent
les vôtres : N’est véritablement croyant
que celui qui souhaite pour son frère ce
qu’il souhaite pour lui-même. En mettant
ensemble le meilleur de nous-mêmes, nous
construisons le monde à venir. Bien sûr,
il ne faut pas rêver ! Ce n’est pas un
conte ou un poème qui vont changer le
monde dans l’immédiat. La lecture des
textes fondamentaux est essentielle.
« Le Coran ! Il renferme
de la violence », dites-vous. Et la
Bible, alors ! Chaque écrit inspiré est
de son temps, de son époque. Il faut
aller au-delà des circonstances, de
l’actualité et chercher l’enseignement.
Il faut que nous sortions de nos
préventions… Nous avons tous à y gagner.
Je vais participer à des rencontres
poétiques à Lodève. On y déclame des
textes dans tous les lieux de la ville.
Je fais partie du mouvement « La Paix
maintenant ». Je vais porter la parole
surtout de Mahmoud Darwich qui se
définit lui-même comme le « poète des
vaincus. Il ne cesse de chanter la
nostalgie de la patrie perdue »…
Ton Christ est juif
Ta voiture est japonaise
Ton couscous est algérien
Ta démocratie est grecque
Ton café est brésilien
Ton chianti est italien
Et tu reproches à ton voisin
d'être un étranger
Ta montre est suisse
Ta chemise est italienne
Ta radio est coréenne
Tes vacances sont tunisiennes
Tes chiffres sont arabes
Ton écriture est latine
Et tu reproches à ton voisin
d'être un étranger
Tes figues sont turques
Tes bananes viennent du Cameroun
Ton saumon vient de Norvège
Ton Tchantchè vient de Liège
Uylenspiegel vient de Damme
Du Zaïre vient ton tam-tam
Et tu reproches à ton voisin
d'être un étranger
Tes citrons viennent du Maroc
Tes litchis de Madagascar
Tes piments du Sénagal
Tes mangues viennent de Banghi
Tes noix d' coco d' Côte
d'Ivoire
Tes ananas d' Californie
Et tu reproches à ton voisin
d'être un étranger
Ta vodka vient de Russie
Ta bière de Rhénanie
Tes oranges d'Australie
Tes dattes de Tunisie
Ton Gulfstream vient des
Antilles
Tes pommes de Poméranie
Et tu reproches à ton voisin
d'être un étranger
Ton djembé vient de Douala
Ton gingembre vient d'Uganda
Ton boubou vient d' Tombouctou
Tes avocats du Nigéria
Tes asperges viennent du Chili
Ton ginseng vient d' chez Li
Peng
Et tu reproches à ton voisin
d'être un étranger.
On dit de quelqu’un qu’il a
repris confiance en lui. En
fait, il « fait confiance ».
Voilà tout le paradoxe de cette
qualité. On la pense comme un
état, alors qu’elle est un
mouvement. On veut en avoir,
alors qu’elle est une manière
d’être. Etre en confiance, c’est
oser. Oser s’appuyer sur un
regard qui nous montre une autre
image de nous, oser entendre
cette parole qui vibre au fond
de notre désir, oser avancer à
la lumière d’une envie.
A
l’origine ? Le bébé qui se voit
dans le regard de ses parents.
De cet échange va naître la
prise de conscience qu’il est
bon - ou indigne - d’exister.
« Se sentir réel, disait le
pédiatre D. Winnicott, c’est
plus qu’exister, c’est exister
soi-même. »
Il suppose un double mouvement,
celui d’une juste connaissance
de soi face aux autres et la
construction d’un espace
intérieur rien qu’à soi.
Si cette expérience est
négative, l’enfant va quêter un
regard aimant autour de lui. Il
renonce à se connaître lui-même
pour correspondre à l’image
attendue.
Il construit un « faux soi ».
La vie communautaire est une
épreuve de vérité. Elle apprend
à regarder à l’intérieur de soi
et surtout à s’accepter tel que
l’on est, avec ses forces et ses
faiblesses. Seul le miroir
respectueux des autres rend
possible d’habiter l’ensemble de
notre être.
Donner confiance à un enfant
sera lui apprendre à considérer
tous les éclats de sa
personnalité comme une matière
avec laquelle il va se
construire. Nos défauts sont nos
défenses, ils ont un sens. Ils
ont à être entendus, respectés.
L’agressivité peut devenir de la
combativité, la timidité une
aptitude à l’écoute…
La confiance ne se nourrit pas
de perfection ou d’orgueil qui
la prive du soutien des autres.
Mais plutôt de compassion et de
simplicité.
Son pire ennemi est la moquerie,
qui « casse » ce lien à soi dans
l’ouverture à l’autre et tarit
la joie d’être reconnu comme
l’on est.
Enfin, qui dit foi dit doute.
Oser la confiance, c’est
outrepasser le doute pour nous
appuyer sur ceux qui croient en
nous, afin d’intérioriser ces
regards et devenir notre propre
parent. S ‘aimer comme les
autres nous aiment, ou comme
nous aimons les autres.
Geneviève de Taisne
(psychanalyste) ; revue
Panorama (juin 2013)
"Penser, agir autrement en
démocratie et inventer un futur désirable pour tous"
Un diagnostic
La crise
que nous subissons nous fait
prendre conscience des limites
de
la nature,
de l’intérêt personnel, de
l’accumulation des désirs et la
multiplication des démesures.
Pour en faire une opportunité de
changement, il s'agit de
mobiliser de nouveaux potentiels
humains, mal reconnus, mais
disponibles. Voilà pourquoi un
Pacte civique est lancé pour
élargir le débat et rassembler
les énergies. Les forces
humanistes, spirituelles et
politiques doivent œuvrer
ensemble pour améliorer la
qualité de notre démocratie.
Une approche nouvelle du
changement
Pour changer les mentalités, le
Pacte civique privilégie quatre
impératifs pour orienter
l’action :
• la créativité pour donner du
sens plutôt que pour gagner plus
d’argent,
• la sobriété pour économiser
les ressources, et distinguer
l’essentiel du superflu,
• la justice pour assurer le
respect des droits et le partage
équitable des richesses,
• la fraternité pour renforcer
nos solidarités et rehausser la
qualité de notre démocratie.
Le Pacte civique relie trois
formes de changements :
changements des comportements
personnels ; des modes de
fonctionnements des
organisations ; des régulations
institutionnelles et politiques.
Ces trois formes de changement
se conditionnent mutuellement,
aucune n’est suffisante à elle
seule.
Une démarche fondée sur
l'engagement et la coopération
Pour concrétiser cette volonté
de changements individuels et
collectifs, le collectif Pacte
civique vous demande de répondre
à leur appel à adhérer à 32
engagements exigeants, mais
nécessaires pour avancer
ensemble. Ces engagements nous
demandent à la fois :
• d'être nous-mêmes le
changement que nous voulons pour
la société ;
• de promouvoir dans les
organisations qui structurent la
vie sociale, ensemble et à tous
les niveaux, des pratiques de
créativité, de sobriété, de
justice et de fraternité
démocratique ,
• de militer pour améliorer la
qualité de notre démocratie pour
renforcer les actions contre les
inégalités, les exclusions et
discriminations, les
maltraitances, pour revivifier
le vivre ensemble, pour rendre
l’Union européenne plus
démocratique, plus sociale et
plus active à l'intérieur comme
à l'extérieur.
Le Pacte civique s’adresse à
toutes les organisations et à
toutes celles et ceux qui sont
prêts à coopérer pour améliorer
notre vivre ensemble et notre
démocratie. Si l'on adhère
globalement à la démarche,
chacun se centre sur les
engagements auxquels il veut
apporter sa contribution.
Des groupes thématiques et des
groupes locaux se mettent en
place pour favoriser les
expérimentations et
coopérations, ancrant sur les
territoires la démarche du Pacte
civique. Un collectif, assurant
la coordination de la démarche,
veille à favoriser l'implication
de toutes les volontés et à
l'évaluation des efforts
accomplis afin de décider des
suites à donner fin 2013.
Le véritable engagement n’est
pas l’obstination à réaliser un
projet coûte que coûte. Car les
aléas de la vie, les prises de
conscience, les rencontres
conduisent de toutes manières à
le modifier, à le vivre
autrement, voire à bifurquer sur
des voies imprévues.
Le véritable engagement est
celui d’une vie qui s’efforce
d’entendre les exigences
intérieures qui montent à la
conscience. Elles ne coïncident
pas forcément avec ce que
l’autorité dit, avec ce que la
loi déclare, avec ce que les
habitudes sociales imposent.
Le véritable engagement renvoie
chacun au plus intime de
lui-même, dans un souci de
vérité et d’authenticité. Ce
n’est pas un chemin de facilité
mais une voie exigeante.
Le véritable engagement d’une
vie peut très bien s’allier à
des changements extérieurs de
parcours ; seule la personne
concernée sait et peut dire ce
qui fait l’unité de son
existence.
Le véritable engagement est
celui qui se prend dans la
lucidité, d’une manière
responsable. Il ne craint pas
le qu’en dira-t-on, les
reproches, les calomnies.
Le véritable engagement est
libre des pressions extérieures
et intérieures (dont la
culpabilité). Sa source est la
fidélité à sa conscience après
mûre réflexion.
Le véritable engagement libère
des schémas tout faits et
appelle chacun à tracer sa
voie personnelle et singulière
qu’il est seul à identifier et
choisir.
Le véritable engagement se
reconnaît à la longue par ses
fruits d’humanité et aussi par
la paix et la joie
intérieure.
« Quand l’eau déborde, les digues sont
rompues … » prévient le proverbe.
La colère n’a pas bonne presse.
« Heureux les doux » avons-nous entendu
dans notre enfance. Pourtant, elle est
là au creux de chacun d’entre nous. Nous
la fuyons, la dénions, l’évitons ou la
déguisons sous des bonnes actions, mais
nous ne pouvons pas la nier : la colère
fait partie de notre nature.
A-t-elle un rôle positif ou est-ce la
bête tapie dont Dieu parle à Caïn ?
« Le processus de la colère, nous
dit le psychanalyste Jacques Sédat,
fait partie du processus d’individuation
et de séparation. Elle permet à l’enfant
d’acquérir la conscience de son
individualité. » Alors, à eux ans,
on veut bien la comprendre, mais
ensuite ?
Au fil de ma pratique analytique, j’ai
appris à aimer la colère, à l’écouter
avec soin. En germe, dans tout lien
affectif, elle exprime nos blessures
les plus intimes, celles qui n’ont pu
avoir les mots pour se dire.
Julie sanglote de rage : « Ma mère
rentrait dans la salle de bain sans
frapper. Quand elle me regardait,
c’était insupportable. Si je lui disais
de sortir, elle se moquait de moi. »
La colère est un signe. Elle nomme les
abus de pouvoir face auxquels nous
n’osons pas dire « non », l’indifférence
ou l’humiliation.
Annick de Souzenelle dit d’elle :
« La colère fait accéder l’humain à
cette semence indestructible de vie en
lui. » L’"en-deçà" de la
colère est le repli, le
non-investissement de soi, la
dépression.
Reprenons ce que Dieu a dit à Caïn :
« Lève ton visage et parle. »
Il ne lui dit pas d’étouffer sa colère,
mais de la nommer. De mettre des mots
sur la douleur. La laisser devenir
violence, voilà la bête tapie.
Alors, oui, il y a une bonne colère, une
sainte colère, celle qui vient nommer
les injustices, les souffrances
enfouies, subies. Celle qui dit le droit
à exister aux yeux des autres, à avoir
droit à son espace vital, à sa propre
pensée. Elle est positive quand on prend
le temps de l’entendre pour mettre des
mots sur ce que l’on ressent, sur ce
qu’elle nous dit de ce besoin en nous
qui n’a pas été reconnu.
La colère est notre syndicat intérieur !
Ecoutons-le et soyons dans la divine
douceur avec nous-mêmes.
Le jour où je me
suis aimé pour de vrai, j’ai compris
qu’en toutes circonstances, j’étais à la
bonne place, au bon moment. Et alors,
j’ai pu me relaxer. Aujourd’hui je sais
que cela s’appelle… l’Estime de soi.
Le jour où je me suis aimé pour de vrai,
j’ai pu percevoir que mon anxiété et ma
souffrance émotionnelle n’étaient rien
d’autre qu’un signal lorsque je vais à
l’encontre de mes convictions.
Aujourd’hui je sais que cela s’appelle…
l’Authenticité.
Le jour où je me suis aimé pour de vrai,
j’ai cessé de vouloir une vie différente
et j’ai commencé à voir que tout ce qui
m’arrive contribue à ma croissance
personnelle. Aujourd’hui, je sais que
cela s’appelle… la Maturité.
Le jour où je me suis aimé pour de vrai,
j’ai commencé à percevoir l’abus dans le
fait de forcer une situation ou une
personne, dans le seul but d’obtenir ce
que je veux, sachant très bien que ni la
personne ni moi-même ne sommes prêts et
que ce n’est pas le moment… Aujourd’hui,
je sais que cela s’appelle… le Respect.
Le jour où je me suis aimé pour de vrai,
j’ai commencé à me libérer de tout ce
qui n’était pas salutaire, personnes,
situations, tout ce qui baissait mon
énergie. Au début, ma raison appelait
cela de l’égoïsme. Aujourd’hui, je sais
que cela s’appelle… l’Amour propre.
Le jour où je me suis aimé pour de vrai,
j’ai cessé d’avoir peur du temps libre
et j’ai arrêté de faire de grands plans,
j’ai abandonné les méga-projets du
futur. Aujourd’hui, je fais ce qui est
correct, ce que j’aime quand cela me
plait et à mon rythme. Aujourd’hui, je
sais que cela s’appelle… la Simplicité.
Le jour où je me suis aimé pour de vrai,
j’ai cessé de chercher à avoir toujours
raison, et je me suis rendu compte de
toutes les fois où je me suis trompé.
Aujourd’hui, j’ai découvert …
l’Humilité.
Le jour où je me suis aimé pour de vrai,
j’ai cessé de revivre le passé et de me
préoccuper de l’avenir. Aujourd’hui, je
vis au présent, là où toute la vie se
passe. Aujourd’hui, je vis une seule
journée à la fois. Et cela s’appelle… la
Plénitude.
Le jour où je me suis aimé pour de vrai,
j’ai compris que ma tête pouvait me
tromper et me décevoir. Mais si je la
mets au service de mon cœur, elle
devient une alliée très précieuse ! Tout
ceci, c’est… le Savoir vivre.
Il
est mort, elle est morte ! Dans ma
poitrine, c’est un trou
béant… Est-ce que c’est fini pour
toujours ? Est-ce la fin des relations,
de la complicité d’une vie entière ? N’y
a-t-il plus que le néant de l’absence ?
Au moins, est-ce que la personne défunte
m’entend ou peut lire mes pensées ?
Depuis toujours, les humains se posent
douloureusement cette question. Je n’ai
pas la prétention d’y répondre, mais de
résumer brièvement les traditions qui
ont vu le jour sur cette planète. Elles
se rejoignent toutes dans deux
principales.
…
Interrogez
autour de vous : les cas de personnes
ayant ''vu'' des défunts, les ayant
''entendu'' ou ayant eu la sensation
très forte de leur présence peu après
leur mort sont innombrables – mais
personne n’ose en parler, car c’est un
tabou du christianisme.
L’Orient semble avoir vu juste : pendant
le Bardo – quelques jours – nos morts
sont capables de signaler leur présence
à ceux qui les ont aimés, et ils le font
souvent, de façon très différente selon
les récepteurs.
S’ils doivent renaître, ce contact cesse
: alors il y a, quelque part sur la
planète, un nourrisson qui pleure devant
la vie de souffrance qui s’offre à lui.
S’ils n’ont plus besoin de renaître, ils
restent en relation avec l’ensemble du
cosmos – donc avec nous. Mais ils ne se
manifestent plus ou rarement – peut-être
pour ne pas intervenir dans notre combat
pour la purification du karma, que nous
sommes les seuls à pouvoir mener à son
terme.
Comment savoir si une personne
très-aimée a repris naissance, ou bien
si elle vit désormais pour toujours dans
un autre espace-temps que le nôtre, mais
reste attentive à chacune des secondes
de notre existence ?
Hélas, c’est impossible. Il faut nous
contenter de l’espérance qu’elle n’a pas
repris naissance après le Bardo. Et
souhaiter que si, pour son malheur, elle
a dû renaître, là où elle est, elle
parviendra à positiver son karma pour
cesser de souffrir, au terme de cette
nouvelle vie qui s’ouvre devant elle.
Un anthropologue a
proposé un jeu aux
enfants d’une tribu
africaine. Il a posé un
panier plein de fruits
près d'un arbre et il a
dit aux enfants que
celui qui arriverait le
premier remporterait les
fruits sucrés. Quand il
leur a dit de courir,
ils ont tous pris les
mains les uns des autres
et ont couru ensemble,
puis il se sont assis
ensemble, jouissant
ainsi de leurs
friandises. Quand il
leur demanda pourquoi
ils avaient couru comme
ça, alors que l’un d’eux
aurait pu avoir tous les
fruits pour lui seul,
ils ont dit: UBUNTU ! UBUNTU
dans la culture Xhosa
signifie: “Je suis parce
que nous sommes."
Comme tous les
mouvements laïques l'observatoire
chrétien de la laïcité souhaite la
suppression du concordat en Alsace -
Moselle et l'application à ces trois
départements français de la loi de 1905.
Nous l'avons fait savoir dans le
communiqué de presse suivant :
« L'OCL
(Observatoire Chrétien de la Laïcité) se
félicite de la volonté de Mr François
Hollande, s’il est élu président de la
République, d'introduire les articles
fondateurs de la Loi de 1905 sur la
séparation de l’Eglise et de l’Etat dans
la Constitution de la République
Française, mais déplore l'information
selon laquelle ce candidat se
préparerait aussi à rendre
constitutionnelle l'exception
concordataire en Alsace-Moselle.
Ces exceptions,
dues à des circonstances historiques
particulières, n'ont plus de raison
d'être aujourd’hui et doivent donc
disparaître même si pour cela des
négociations et des étapes peuvent
s’avérer nécessaires.
L'OCL affirme
que c'est la Loi de 1905 qui doit
devenir la loi de l'ensemble de la
République française »
Comme vous le
savez l'OCL regroupe des associations
qui font partie de la fédération des
réseaux du Parvis : or un groupe
important d'amis alsaciens et mosellans
font partie de cette fédération.
Certains de ces amis sont proches des
idées de l'OCL, mais il faut aussi
reconnaître qu'il y a aussi des
réticences de la part de chrétiens
alsaciens pourtant ouverts et
progressistes. Il y a des raisons à ces
réticences. Une raison fortement
instrumentalisée par les partisans du
maintien du statut quo, est que le
statut local ne concerne pas que les
cultes mais d'autres aspects importants
de la vie sociale. Cet argument doit
être considéré et des réponses claires
apportées car il n'est pas impossible de
séparer le problème concordataire des
autres questions.
N'oublions pas que
dans tous les autres départements
français les religions sont de fait
subventionnés plus ou moins directement
: entretien des églises, réduction
d’impôt pour le denier du culte,
contrats des écoles, subventions aux
associations, etc.. Une réflexion
s'impose donc aussi aux associations
laïques pour que les lois françaises
soient clairement définies sur tout le
territoire national et que nous nous
interrogions sur les rapports parfois
mal délimités entre culte et culture :
opération qui est parfois assez
difficile.
L'autre argument
est que l'application brutale de la loi
de 1905 provoquerait en Alsace-Moselle
des conséquences financières et donc
organisationnelles rudes et à certains
égards difficiles à supporter pour des
institutions religieuses qui jouent un
rôle social important (sur les plans
universitaires, humanitaires ou dans les
associations de jeunes) et sont
habituées à profiter de la manne
gouvernementale. Notamment certaines
personnes proches de nous par ailleurs
m'ont demandé si j'étais prêt à demander
la suppression des ressources (en fait
les salaires) des prêtres, pasteurs et
laïcs (chargés de famille pour partie)
salariés dans le cadre du concordat. Il
y aussi des propositions claires à faire
dans ce domaine pour que des mesures
transitoires soient envisagées.
Il nous est apparu
que l'application de la loi de 1905 à
ces trois département-qui ne sont pas
actuellement dans l'illégalité mais dans
une situation qui échappe à la
République laïque que définit la
constitution, dans la mesure où le
bénéfice du concordat leur est
actuellement reconnu par l'Etat
français-demanderait pour le moins des
échanges aboutissant à des propositions
sur ces points et sans doute d'autres
qui en m'apparaissent pas pour le moment
Il faut donc prendre le temps
nécessaire. Il en est de même dans
d'autres territoires où ne s'applique
pas la loi républicaine.
On ne saurait donc
se contenter du mot d'ordre qui serait
ressenti par les alsaciens et les
mosellans comme un slogan provocateur et
peu productif : abroger "sans autre
forme de procès" comme dirait la
Fontaine, le statut concordataire d'Alsace-Moselle.
Point de
vue par
Jacques
Caplat, Pierre Rabhi, Jean-Jacques
Boutrou, Marie-Paule Jammet et Jean
Huet, Hugues Toussaint, Bob Brac de la
Perrière, Xavier Bonvoisin…
Les crises sociales, environnementales,
sanitaires et économiques que traverse
notre société sont connues, mais leur
dimension alimentaire et agricole n’est
pas toujours mise en lumière : effets
dramatiques et désormais irréfutables
des pesticides dans la progression de
nombreuses maladies (cancers, maladies
neurodégénératives et auto-immunes,
allergies, etc.), atteintes à
l’environnement (destruction des
paysages, pollution des eaux dont le
coût de traitement risque d’exploser,
érosion, appauvrissement des sols) et en
particulier à la biodiversité dont les
abeilles sont un témoin alarmant,
contribution majeure de l’agriculture
industrielle à l’effet de serre,
déstructuration du tissu rural en France
et en Europe, paupérisation des
paysanneries au Nord comme au Sud,
pénuries alimentaires apparentes (dues
aux problèmes d’accès à la nourriture)…
Des décisions récentes risquent de
renforcer les dégâts de cette
agriculture déshumanisée : la loi sur
les obtentions végétales votée en
novembre 2011 interdit aux paysans de re-semer
leur récolte et va renforcer la mainmise
des multinationales sur les choix
agricoles ; la modification des règles
d’épandage de l’azote va augmenter les
rejets des élevages hors-sols dans
l’environnement des zones dites
“sensibles” ; l’annulation de la
“clause
de sauvegarde” française sur les
OGM et le délais pris avant l’adoption
d’une nouvelle interdiction mettent
directement en danger la production de
miel en raison des contaminations
prévisibles du pollen.
Pourtant, l’agriculture peut également
être porteuse d’espoirs, à condition de
changer en profondeur notre politique
agricole, qui n’est actuellement ni
durable, ni efficiente.
Les techniques alternatives de
production agricole et de transformation
alimentaire, et en particulier celles
issues de l’agriculture biologique,
prouvent chaque jour leur pertinence
agronomique, économique, sociale et
environnementale à l’échelle mondiale.
Elles créent ou maintiennent des emplois
ruraux, préservent les ressources en eau
et la biodiversité, réduisent la
dépendance énergétique des exploitations
et réconcilient les cycles du carbone et
de l’azote, évitent la dissémination de
substances toxiques dans l’environnement
et les aliments, remodèlent des paysages
cohérents, ré-ancrent les entreprises
agro-alimentaires dans les territoires,
permettent aux populations de disposer
de ressources alimentaires locales et
accessibles (tant dans les pays du Nord
que du Sud)…
Une agriculture biologique, paysanne et
insérée dans un tissu économique local
peut parfaitement nourrir l’humanité –
et elle le fera sans détruire les moyens
de production que sont la terre, l’eau,
les semences et les humains. Il n’y aura
pas de durabilité agricole sans
durabilité environnementale. Par
ailleurs, des initiatives citoyennes
comme les AMAP (associations pour le
maintien d’une agriculture paysanne) ou
Terre de liens témoignent à la fois de
l’inventivité maintenue de l’agriculture
française, et de la volonté des citoyens
de s’impliquer dans son évolution. Plus
de 40 000 d’entre eux ont pu le
démontrer récemment en participant aux
campagnes de mobilisation
“Osons la
bio !” et
“Développons l’agriculture biologique”.
Il n’est plus concevable de nier qu’une
autre agriculture est possible, et il
est temps pour les élu(e)s et pour les
candidat(e)s aux élections de prendre
conscience de la volonté des citoyens de
se réapproprier collectivement les
politiques agricoles, alimentaires et
rurales, dans un objectif de
souveraineté alimentaire, de respect du
vivant et de vitalité des territoires.
Pour paraphraser Clémenceau,
“l’agriculture est une chose trop
sérieuse pour être confiée aux seuls
agriculteurs et à l’agro-industrie”.
Nous, organisations agricoles et
rurales, associations de solidarité
internationale, mouvements de
l’éducation populaire, organisations de
défense de l’environnement ou de la
santé, réseaux de citoyens, demandons
instamment aux candidats de s’engager
à :
• réformer en profondeur la gouvernance
de l’agriculture, afin que la société
civile soit enfin associée à toutes les
instances de décision agricole (CDOA,
SAFER, Chambres d’Agriculture, etc.) ;
• mettre en œuvre les moyens nécessaires
pour atteindre impérativement 20 %
d’agriculture biologique en 2020 :
formations agricoles, recherche
agronomique, accompagnement technique,
financier et humain des paysans en
conversion vers la bio, soutien aux
filières bio en construction, etc. ; •
préparer la transition technique de
l’ensemble des agriculteurs, notamment
en réduisant de 50 % l’usage des
produits phytosanitaires et en
interdisant les plus polluants et
rémanents ;
• faire de l’installation une priorité
absolue face à l’actuel agrandissement
continu des exploitations agricoles
françaises, qui empêche les
transmissions et met en danger le
renouvellement des générations ;
• abroger la loi sur les semences du 28
novembre 2011 et la remplacer par une
législation qui reconnaisse le rôle des
paysans dans la sélection évolutive et
conservatrice ;
• prendre toutes les mesures pour
interdire les OGM sur le territoire
français, de façon à protéger les
pollinisateurs, les semences paysannes
et les consommateurs ;
• défendre résolument une Politique
Agricole Commune verte et solidaire, où
toutes les aides inciteront au respect
de l’environnement (avec des montants
progressifs en fonction des pratiques)
et à l’emploi agricole, et ne
favoriseront pas des exportations
portant préjudice aux paysans du Sud ;
• consacrer une part importante de
“l’aide publique au
développement” au soutien à
l’agriculture familiale et biologique
des pays du Sud ;
• créer, maintenir et renforcer des
outils de gestion et de régulation des
marchés agricoles, et lutter activement
contre la spéculation sur les produits
agricoles et alimentaires.
Les outils et dispositifs qui
permettront d’atteindre 20 % des
surfaces françaises en agriculture
biologique sont les mêmes que ceux qui
aideront l’ensemble des agriculteurs
français à évoluer vers une meilleure
intégration de l’environnement et de
l’emploi rural… et qui aideront les
paysanneries des pays en développement à
construire leur nécessaire et urgente
souveraineté alimentaire.
Un jour viendra où
les armes vous tomberont des mains à
vous aussi !
Un jour viendra où
la guerre paraîtra aussi absurde et sera
aussi impossible entre Paris et Londres,
entre Saint Petersburg et Berlin, entre
Vienne et Turin, qu’elle semblerait
absurde aujourd’hui entre Rouen et
Amiens, entre Boston et Philadelphie.
Un jour viendra où
vous France, vous Russie, vous Italie,
vous Angleterre, vous Allemagne, vous
toutes nations du continent, sans perdre
vos qualités distinctes et votre
glorieuse individualité, vous vous
fondrez étroitement dans une unité
supérieure, et vous constituerez la
fraternité européenne …
Un jour viendra où
il n’y aura plus d’autres champs de
bataille que les marchés s’ouvrant au
commerce et les esprits s’ouvrant aux
idées. Un jour viendra où les boulets et
les bombes seront remplacés par les
votes, par le suffrage universel des
peuples, par le vénérable arbitrage d’un
grand sénat souverain qui sera à
l’Europe ce que le parlement est à
l’Angleterre …ce que l’assemblée
législative est à la France !
Un jour viendra où
l’on montrera les canons dans les musées
…en s’étonnant que cela ait pu être !
Un jour viendra où
l’on verra ces deux groupes immenses,
les Etats Unis d’Amérique, les Etats
Unis d’Europe, placés en face l’un de
l’autre, se tendant la main par-dessus
les mers, échangeant leurs produits,
leur commerce, leur industrie, leurs
arts, leurs génies … (…)
Et ce jour là, il ne faudra pas quatre
cents ans pour l’amener car nous vivons
dans un temps rapide. (…)
"Peut-on sortir
du nucléaire ?" est une question aussi
vaine que "Peut-on abolir les
privilèges ?". Non, nous ne le pouvions
pas ; et pourtant, nous l’avons fait.
Les seules questions valables sont donc
les suivantes : "Doit-on abolir les
privilèges ?" ; "Doit-on abolir la
peine de mort ?"; "Doit-on interdire
l’utilisation de l’énergie nucléaire ?".
La véritable
question est celle de la légitimité de
la politique nucléaire civil. Notre
thèse est simple et claire : cette
acceptabilité est nulle. Nulle, car on
n’a pas le droit de prendre un risque
aussi incommensurable que celui d’un
accident nucléaire majeur à l’échelle du
territoire national ; nulle, car on n’a
pas le droit de léguer à la nation
française future des déchets radioactifs
de très longue vie, dont chacun ignore à
ce jour s’il est possible d’en faire
quelque chose de raisonnable (et dont
tout porte même à croire que rien de
raisonnable ne peut en être fait) ;
nulle, car on n’a pas le droit de faire
dépendre la nation française de
l’importation de minerai d’uranium
situé pour l’essentiel dans des zones
géopolitiquement instables. Nulle donc,
car on n’a pas le droit de rendre les
citoyens d’un Etat prétendument libre à
ce point dépendants qu’en cas de crise
majeure, non seulement ils n’auront plus
ni éclairage, ni chauffage, mais qu’ils
ne pourront même plus accéder aux
informations officielles par le biais de
la radio, de la télévision ou
d’Internet. La politique nucléaire
française, qui a poussé jusqu’à
l’extrême l’expérience des moutons de
Panurge vers le confort facile de la
falaise dorée, n’a plus qu’une
solution : accepter sa remise en cause
radicale. Nier cela, ce serait nier
l’exigence minimale du socle
républicain, celui de la protection du
territoire national et de ses membres.
…
Article de J-C
Mathias, paru dans les "Cahiers de l’Entre-Deux-Mers"
n°100
M (garçon),
12 ans, arrivé en France il y a 18 mois,
élève en 6ème,
logeant à l’hôtel dans la même chambre
que ses deux sœurs, sans poste de
télévision, sans connexion Internet,
avec une petite table à « partager »
entre eux pour faire les devoirs.
Premier devoir de
SVT[1]
à rendre la semaine suivante :
Sujet très intéressant mais qui commence
ainsi : « Allez sur Internet et
connectez-vous pour obtenir la carte
d’État-major à l’échelle X sur laquelle
apparaît le collège ».
Et toutes les questions suivantes font
appel à la lecture de cette carte… En
plus de la connexion Internet, il manque
à M une aide (traducteur) pour saisir
complètement et de façon précise
l’intitulé des questions qui ne font pas
toujours appel au langage courant….
Deuxième sujet de SVT, toujours à rendre
la semaine suivante : Choisir un exemple
d’activité de l’homme qui modifie son
environnement en positif ou en négatif :
construire un panneau d’informations
explicatives sur ce sujet. Ballotté
depuis sa naissance sur les routes de
l’exil, M n’a jamais eu accès à
l’information sur ces problèmes liés à
l’activité humaine et à l’environnement
dans une langue qu’il maîtrise
parfaitement. Réchauffement climatique,
effet de serre, pollutions en tout
genre… il n’en avait jamais entendu
parler auparavant.
Une aide à la maison serait nécessaire,
mais il n’y a pas de maison, il y a un
hôtel où l’accès est interdit à toute
personne non-résidente.
D (fille),
en France depuis environ 18 mois, élève
de 3ème en juin 2011.
Problème de maths posé en devoir
surveillé au collège : Monsieur X
possède un jardin en forme de trapèze
(un trapèze, elle sait ce que c’est,
elle l’a vu en classe) qui comporte deux
parties dont il est dit que l’une,
rectangulaire est un potager et l’autre
une pelouse. La question est de
déterminer la position de la limite
entre « la partie cultivée et le gazon
pour que les deux
soient égales ». Elle n’a pas su
résoudre le problème et a eu 0 n’ayant
pas compris que la partie cultivée,
c’est le potager et que le gazon, c’est
la pelouse. Une fois éliminé ce problème
de vocabulaire, la solution était très
vite fournie (et exacte).
D, russophone,
avait choisi au collège le russe comme
LV[2]2
de façon à concentrer ses efforts sur
les autres matières. En fin de 3ème,
elle est orientée vers un lycée
professionnel en vue d’un bac pro
comptabilité, et, mauvaise surprise à la
rentrée, pour un bac pro, les deux
langues vivantes obligatoires doivent
être choisies parmi anglais, allemand,
espagnol ou italien (nouvelle loi !).
Elles doivent être enseignées de
préférence dans l‘établissement sinon
une formation par correspondance est
autorisée, mais il faut s’assurer auprès
du rectorat que l’on pourra passer la
langue choisie.
Aucune formation
n’est donc dispensée par le CNED[3]
en russe LV2. Donc pour le bac pro, en
avant
pour l’échec.
Dans l’école de la République, des
bonnes volontés existent, mais les
difficultés des enfants des migrants ne
sont pas toujours perçues et, à
fortiori, les réflexions sur des
solutions manquent.
Hélas, beaucoup d’enfants français de
milieux défavorisés se heurtent aux
mêmes problèmes.
En utilisant la métaphore de l'aimant et
de la limaille de fer, Olivier Clerc
montre que la médecine moderne, depuis
Pasteur, s'est développée selon les
mêmes "lignes de force" que la religion
chrétienne, et plus particulièrement
catholique, dont elle a adopté les
croyances, les dogmes, les rites et
pratiques, sous des formes à peine
différentes, devenant ainsi une sorte de
religion masquée :
- le médecin a pris la place du prêtre ;
- la recherche de la santé remplace la
quête du salut ;
- l'espoir de l'immortalité (par
clonage, manipulations génétiques, etc.)
l'emporte sur l'attente de la vie
éternelle ;
- la vaccination joue le même rôle
initiatique que le baptême ;
- et un hypothétique vaccin universel
sauvera demain l'humanité de toutes les
maladies, comme le Sauveur a racheté
tous les péchés du monde.
Le pouvoir médical est aujourd'hui allié
à l'État, comme l'était hier l'Église.
Les « charlatans » sont poursuivis comme
les « hérétiques » d'autrefois, et le
dogmatisme prévaut sur l'ouverture à des
théories « pas catholiques ». Un même
esprit de déresponsabilisation
caractérise le discours médical actuel
et les sermons du passé. L'homme est
aujourd'hui aliéné de son corps comme
hier de son âme. Il continue d'être
manipulé par la peur et par des espoirs
infantiles
Médecine, religion et peur par
Olivier Clerc, Editions Jouvence.
… La question de l’explosion de la
pauvreté, est devenue un phénomène aussi
banal que la rentrée des classes ou le
passage de l’heure d’été à l’heure
d’hiver. Jusqu’à quand va-t-on tolérer
que les pays développés créent des
pauvres à marche forcée, comme s’il
s’agissait d’une fatalité maléfique ? En
France, l’Institut national de la
statistique relevait récemment que le
nombre de pauvres avait franchi un
nouveau record pour atteindre 8,2
millions de personnes. Faut-il se
contenter de les envoyer aux Restos du
cœur ou agir pour les sortir de
l’engrenage de la misère de masse ?
Pleurer sur le sort des plus démunis
sans passer les choix publics au tamis
du jugement afin d’en évaluer les
conséquences concrètes, c’est le comble
de l’hypocrisie. Faire des « marchés »
les juges suprêmes de la politique
économique, laisser le capitalisme fou
imposer sa loi, refuser de mettre les
banques à la raison, puis verser une
larme sur les retombées d’un tel jeu de
massacre, c’est tomber sous le coup du
paradoxe de Bossuet qui disait :
« Dieu se rit des hommes qui se
plaignent des conséquences alors qu’ils
en chérissent les causes. »
Au sein de l’élite, nombreux sont ceux
qui espèrent ainsi reconstituer leur
prestige moral à bon compte. Les
bourgeois d’antan avaient leurs
pauvres, à qui ils versaient une pièce
au sortir de la messe. Leurs descendants
déduisent de leurs impôts les quelques
sous versés aux associations
humanitaires. L’histoire n’en est pas
plus morale pour autant.
Tard dans la soirée du 1er mai, le Président
Obama déclare à la télévision : « Je suis en mesure
d’annoncer aux Américains et au monde que les États-Unis
ont mené une opération qui a tué Oussama Ben Laden. (…)
Justice a été faite. Justice has been done. »
Oui, mais quelle justice a été faite ? Le Président
américain précise qu’il avait « autorisé une opération
destinée à capturer Oussama Ben Laden et à le présenter
devant la justice. » Si tel était bien l’objectif
recherché, alors l’opération conduite par les militaires
des forces spéciales américaines a échoué. La mort de
Ben Laden signifie au contraire qu’il ne rendra jamais
compte de ses actes devant la justice. Ben Laden n’a pas
été capturé, il a été tué. Il n’a pas été jugé, il a été
exécuté. On nous dit que la photo de son cadavre est
« atroce ». Son meurtre est un acte de violence, il
n’est pas un acte de justice. La justice des hommes
civilisés est un acte d’humanité et non de violence.
Il y a tout lieu de penser que l’objectif des Américains
n’était pas de capturer Ben Laden, mais de le tuer.
Détenir comme prisonnier le leader d’Al Quaïda aurait
posé à l’État américain des problèmes ingérables. Et
pouvait-il se permettre d’instruire le procès de Ben
Laden devant un tribunal dont il aurait fait une tribune
? Tout compte fait, sa disparition l’arrange bien. Trop
bien. Le 16 mars 2010, Eric Holder, le ministre de la
Justice américain, avait déclaré devant le Congrès
qu’Oussama Ben Laden ne serait « jamais traduit devant
un tribunal américain » parce qu’il serait tué au moment
de son arrestation. « La réalité, avait précisé le
ministre, est qu’on lira ses droits au cadavre d’Oussama
Ben Laden. »
La mort de Ben Laden correspond à une certaine logique,
mais c’est seulement la logique de la vengeance. Ce
n’est pas la justice qui a été faite, mais la vengeance.
Quelle autre motivation à ce meurtre que la seule
recherche de la vengeance ? Quel autre bénéfice le
peuple américain peut-il espérer de cette mort que la
satisfaction de son désir de vengeance ? Quand la plus
grande puissance militaire du monde tue un homme désarmé
qui vit dans une maison de campagne, où est le progrès
de la justice ? Où le progrès de la liberté ? Où celui
des droits de l’Homme ? Où l’avancée de la
civilisation ? Où celle de la paix ? Où celle de la
démocratie ? Tuer un homme, ce n’est pas défendre une
cause, c’est tuer un
homme.
L’immersion en mer du corps de Ben Laden, quelles que
soient les précautions qui ont pu être prises, est non
seulement contraire aux règles de l’islam, elle est
contraire aux lois de l’humanité. Comme si le meurtre de
l’ennemi ne suffisait pas et qu’il fallait pourvoir à
son anéantissement.
Certes, nul ne peut avoir oublié l’horreur des attentats
du 11 septembre 2001 qui a traumatisé le peuple
américain. Ben Laden, comme l’a souligné Barack Obama,
était « responsable du meurtre de milliers d’hommes, de
femmes et d’enfants innocents ». Mais en quoi le meurtre
de Ben Laden rend-il justice aux victimes et à leurs
familles ? Ce meurtre ne satisfait que la justice
archaïque de la loi du talion dont la caractéristique
est précisément de redoubler la violence. Ce meurtre ne
fait que banaliser la mort.
Certes, le terrorisme islamiste fait peser une réelle
menace sur les démocraties et celles-ci ont le droit et
le devoir de se défendre. Mais le meurtre de Ben Laden
mérite-t-il d’être salué comme une grande victoire de la
démocratie sur le terrorisme ? Est-il de nature à
renforcer la sécurité des démocraties ? Rien n’est moins
sûr. L’élimination de Ben Laden ne saurait affaiblir
l’idéologie du terrorisme. D’aucuns vont certainement
vouloir venger la mort de celui qui a été martyrisé.
Point n’est besoin d’être un grand expert pour penser
qu’une radicalisation des réseaux terroristes est fort
probable et que, de ce fait, les risques d’attentats
sont accrus. Là encore, tout cela est conforme à la
logique de la violence.
Aussitôt, peu après minuit, de Washington à New York des
milliers d’Américains sont
descendus dans la rue et se sont rassemblés pour fêter
cette mort comme on fête une magnifique victoire. La
télévision américaine nous a montré des images de foules
en liesse chantant et dansant pour hurler leur joie.
« USA, USA ! », criaient en riant à gorge déployée ces
femmes et ces hommes pour exprimer leur fierté d’être
Américains.
En France, tous ceux qui s’appliquent à tenir un langage
politiquement correct ont affirmé qu’ils se
réjouissaient de la mort de Ben Laden qui signifiait à
leurs yeux une victoire de la démocratie sur le
terrorisme. Tous semblent s’accorder avec le communiqué
publié le 2 mai par la Présidence de la République
française : « Justice est faite ». Et tous semblent se
satisfaire de cette justice expéditive.
Certes, il suffit d’un peu de psychologie pour
comprendre la satisfaction et le soulagement ressentis
par ceux-là mêmes qui ont été douloureusement meurtris
par les agissements criminels de Ben Laden. C’est
« humain », « bien humain ». Mais cette compréhension
compatissante ne saurait venir donner raison aux
manifestations exorbitantes qui ont eu lieu. La décence
aurait voulu que cette satisfaction soit retenue au lieu
qu’elle laisse place à une explosion débridée de
jouissance. En ces circonstances, il faut nous
ressouvenir des paroles d’humanité du poète : « Seul le
silence est grand ; tout le reste est faiblesse… »
Si j’osais, j’ajouterais : danser, chanter, crier, est
également lâche…
Comment l’homme peut-il fêter la mort en criant de joie
? Ne faut-il pas pour cela que la violence soit
profondément ancrée dans son cœur et dans son esprit ?
Ne faut-il pas pour cela que la violence ait détruit
toute une part de l’humanité en lui ? Comment l’homme
peut-il respecter l’humanité en lui s’il ne respecte pas
l’humanité en l’autre, fut-il son pire ennemi ? Le sang
de l’ennemi est toujours le sang de l’humanité. Le
meurtre est toujours un échec, un drame et un malheur.
La tragédie de la violence c’est précisément qu’elle
enferme chacun des deux adversaires dans un engrenage où
l’un et l’autre finissent par perdre le sens sacré de la
vie. Chacun reste prisonnier de la logique de la
violence qui est une logique de mort.
Jean-Marie Muller, Philosophe et écrivain. porte parole
du Mouvement pour une Alternative Non-violente ( MAN :
www.nonviolence.fr
"Le motif de base de la Résistance était l'indignation.
Nous, vétérans des mouvements de résistance et des forces combattantes de la
France libre, nous appelons les jeunes générations à faire vivre, transmettre
l'héritage de la Résistance et ses idéaux. Nous leur disons : prenez le relais,
indignez-vous ! Les responsables politiques, économiques , intellectuels et
l'ensemble de la société ne doivent pas démissionner, ni se laisser
impressionner par l'actuelle dictature internationale des marchés financiers qui
menace la paix et la démocratie.
Je vous souhaite à tous, à chacun d'entre vous, d'avoir
votre motif d'indignation. C'est précieux. Quand quelque chose vous indigne come
j'ai été indigné par le nazisme, alors on devient militant, fort et engagé. On
rejoint le courant de l'histoire et le grand courant de l'histoire doit se
poursuivre grâce à chacun. Et ce courant va vers plus de justice, plus de
liberté ..."
Tiré de "Indignez-vous" par Stephan HESSEL Editions
Indigène
Ancien déporté et résistant, ancien ambassadeur,
co-rédacteur de la Déclaration Universelle des Droits de l'homme, Stéphan Hessel
a 93 ans.
Indignations :
"L'injustice, en particulier dans le choix
des hommes. Et l'utilisation quasi éhontée, quotidienne, du mensonge."
Général J. L. Georgelin;
"La souffrance en général, et plus particulièrement
celle des enfants. L'injustice ... La trahison .... La désinvolture ... " J.
C. Casadesus;
"Ce qui m'indigne, c'est que l'école ne joue plus son
rôle d'ascenseur social." M. Erra;
"Je suis indigné que l'on puisse faire fortune en
faisant de la politique". Marc Blondel;
"Je suis horrifié par les dégâts que le trio industrie
agroalimentaire - grande distribution - publicité commet sur notre agriculture
paysanne et notre artisanat". Y Camdeborde, cuisinier;
"Je suis indigné que, dans un pays comme la France, on
puisse mourir de froid dans la rue". C Féral-Schuhl;
"Penser que les parents sont responsables de la
pathologie de leur enfant, les rendre coupable de leur maladie." A. Kidjo;
La pauvreté est une question de revenus, mais aussi de conditions de vie. Si
être pauvre, c’est être victime de privations, quelles sont celles que les
Français jugent "inacceptables" ?
Quelles sont les privations qui sont
jugées les plus acceptables et celles qui sont inacceptables ? " Le consensus
n’est net que sur un petit nombre de privations, témoignant d’une vision
restrictive de la pauvreté limitée aux privations alimentaires sévères, aux
manques fonctionnels relatifs à l’habillement, à la très mauvaise qualité du
logement et aux difficultés à se soigner ", expliquent les auteurs d’une
étude réalisée à partir de l’enquête " Standards de vie " de l’Insee menée en
janvier 2006 auprès de 5 900 personnes.
Logiquement, l’accès des enfants à ces
éléments de base est largement perçu comme une nécessité : 90 % des personnes
interrogées jugent inacceptable de " ne pas pouvoir payer à ses enfants des
vêtements et des chaussures à leur taille ", 89 % de " ne pas pouvoir payer des
appareils dentaires à ses enfants " et 86 % de " ne pas avoir assez de rechange
pour envoyer ses enfants à l’école avec des vêtements toujours propres ". Pour
l’ensemble de la population, " se priver régulièrement d’un repas plusieurs fois
par semaine ", " être obligé de vivre dans un logement sans eau chaude ", " ne
pas pouvoir se payer de prothèses auditives " sont les items jugés les plus
inacceptables.
A l’opposé, tout ce qui relève du loisir,
des communications ou des nouvelles technologies n’est pas jugé le plus souvent
comme indispensable. Ainsi, 3 % seulement des personnes interrogées pensent
qu’on ne peut se passer d’un lecteur de DVD, 4 % d’un lave-vaisselle et 7 % d’un
téléphone mobile.
… Le 8 août 1945, deux jours après l’explosion
de la bombe atomique sur Hiroshima, un jour avant qu’une seconde bombe ne soit
lancée sur Nagasaki, Albert Camus publie dans Combat un article dans
lequel il s’indigne des « commentaires enthousiastes » qui saluent cette
performance technologique. Une telle célébration lui paraît indécente. Il résume
son commentaire d’une phrase : « La civilisation mécanique vient de parvenir à
son dernier degré de sauvagerie. »
… Ne nous y trompons pas : l’enjeu de l’arme
nucléaire n’est pas d’abord militaire ; il est moral, il est politique et, en
premier lieu, il est spirituel. Il est existentiel. Il ne s’agit pas d’abord de
savoir par quels moyens nous devons défendre notre société, mais de savoir
quelle société nous voulons défendre. Il s’agit de savoir quelles valeurs
donnent sens à notre existence et à l’aventure humaine, et pour la défense
desquelles il convient que nous prenions des risques. La menace de l’arme
nucléaire, qui implique par elle-même le consentement au meurtre de millions
d’innocents, est le reniement de toutes les valeurs d’humanité qui fondent notre
civilisation. Par la préméditation du meurtre nucléaire, nous avons déjà nié les
valeurs que nous prétendons défendre. Comment pourrions-nous, sans nier la
dignité de l’humanité de l’homme, consentir au meurtre nucléaire ?
Le caractère criminel de l’emploi de l’arme
nucléaire a été clairement dénoncé par la résolution de l’ONU du 24 novembre
1961. L’Assemblée Générale déclare : « Tout État qui emploie des armes
nucléaires et thermonucléaires doit être considéré comme violant la Charte des
Nations Unies, agissant au mépris des lois de l’Humanité et commettant un crime
contre l’Humanité et la civilisation. » Vous conviendrez que la condamnation est
sans appel. Face à la possibilité du crime nucléaire, l’humanité est sommée de
se réveiller de son inconscience et de résister à sa barbarie intérieure.
L’humanité, c’est-à-dire chacun de nous. Dès lors, ne sommes-nous pas mis au
défi de défendre l’Humanité et la civilisation contre le crime nucléaire ?
…. Par son consentement au meurtre nucléaire,
l’homme nie et renie la transcendance de son être spirituel. Par cet
assentiment, il « perd son âme », comme on disait naguère. En refusant de rendre
un culte idolâtre à l’arme nucléaire, l’homme redevient maître de son propre
destin et il lui est alors possible de recouvrer sa part de transcendance.
…. Dans la société laïque et républicaine qui est la
nôtre, vous avez encore le rare privilège de pouvoir faire entendre votre voix
dans la cacophonie des bruits médiatiques qui asphyxient notre démocratie. Dès
lors, n’est-il pas de votre responsabilité de faire écho à la voix du jeune
prophète de Nazareth qui, il y a quelque deux mille ans, a délégitimé toute
violence, a demandé à ses amis de ne pas résister au mal en imitant le méchant
et de remettre leur épée au fourreau ? Durant toute sa vie, avec une liberté
magnifique, il a osé défier le pouvoir des puissants. Vous savez qu’il en est
mort. Il eut la sagesse d’abroger la loi du talion qui continue pourtant d’être
la règle de conduite des États nucléaires dont les menaces réciproques font
peser sur l’humanité tout entière le risque de l’anéantissement.
Je ne sais pas si nous sommes encore beaucoup à
attendre de vous que vous fassiez écho aux paroles de compassion, de douceur, de
justice et de paix que le Nazaréen fit entendre sur la Montagne des Béatitudes…
Mais si vous en aviez l’audace, alors soyez sûrs que, dans ce monde malade de la
violence à en mourir, ils seraient nombreux, très nombreux, parmi celles et ceux
qui sont sans voix, qu’ils croient au ciel, qu’ils n‘y croient pas ou qu’ils y
croient mal, à se réjouir de vous entendre parler haut et fort pour délégitimer
l’arme nucléaire. Dans ce monde enténébré, vous auriez contribué à entretenir la
petite flamme fragile de l’espérance.
Le 28 novembre 2010
Extraits de la lettre ouverte adressée aux évêques de
France par Jean-Marie MULLER
Je me suis pâmé, il y a huit
jours, devant un campement de Bohémiens qui s’étaient établis à Rouen. Voilà la
troisième fois que j’en vois. Et toujours avec un nouveau plaisir. L’admirable,
c’est qu’ils excitaient la Haine des bourgeois, bien qu’inoffensifs comme des
moutons. Je me suis fait très mal de voir de la foule en leur donnant quelques
sols. Et j’ai entendu de jolis mots à la Prudhomme. Cette haine-là tient à
quelque chose de très profond et de complexe. On la retrouve chez tous les gens
d’ordre. C’est la haine qu’on porte au Bédouin, à l’Hérétique, au Philosophe, au
solitaire, au poète. Et il y a de la peur dans cette haine. Moi qui suis
toujours pour les minorités, elle m’exaspère. Du jour où je ne serai plus
indigné, je tomberai à plat, comme une poupée à qui on retire son bâton.
Dès qu’il dépasse 60/65 ans, l’homme vit plus longtemps
qu’il ne produit et il coûte alors cher à la société ; il est bien préférable
que la machine humaine s’arrête brutalement, plutôt qu’elle ne se détériore
progressivement.
On pourrait accepter l’idée d’allongement de l’espérance
de vie à condition de rendre les vieux solvables et de créer ainsi un marché.
Je crois que dans la logique même du système industriel
dans lequel nous nous trouvons, l’allongement de la durée de la vie n’est plus
un objectif souhaité par la logique du pouvoir.
L’euthanasie sera un des instruments essentiels de nos
sociétés futures dans tous les cas de figure. Dans une logique socialiste, pour
commencer, le problème se pose comme suit : la logique socialiste c’est la
liberté, et la liberté fondamentale c’est le suicide ; en conséquence, le droit
au suicide direct ou indirect est donc une valeur absolue dans ce type de
société.
L’euthanasie deviendra un instrument essentiel de
gouvernement.
Extraits de L’homme nomade, Jacques ATTALI ; Ed. Le Livre
de Poche, 2005 –
7
juillet 2010, 17h25, Gare de l’Est. Je m’installe dans le TGV qui doit me
ramener à Strasbourg. La voix quelque peu métallique qui devrait nous annoncer,
par le biais du micro, un départ imminent, diffuse alors un message plus
inattendu : « Mesdames et messieurs, des Roumains sesont introduits
dans le train. Veuillez prendre garde à vos bagages… » Je sursaute, et
observe autour de moi : aucune réaction, si ce n’est quelques passagers qui
mettent leur serviette en sécurité.
Ce petit
incident, trop vite oublié, m’inspire les réflexions suivantes. L’éthique
sociale est provoquée lorsque, comme le dit Paul Ricoeur, les institutions Ne
sont pas « justes ». Le troisième terme de sa définition de l’éthique («
…dans des institutions justes ») est ici mis à mal : la parole officielle
des régulations sociales dans l’espace public a failli à sa mission. À
l’intersection des relations courtes de l’éthique interpersonnelle et des
relations longues du politique, l’institution, qui, comme on le sait, est
composée d’individus, a manqué à son devoir de prudence et d’égalité.
Le
mécanisme du bouc émissaire est à l’œuvre dès lors qu’une personne ou une
communauté se trouve stigmatisée, non pour ce qu’elle a fait mais pour ce
qu’elle est. René Girard a clairement montré que ce phénomène multiséculaire et
inconscient a pour effet, sinon pour fonction, d’unifier le groupe majoritaire
lorsque celui-ci est parcouru de tensions internes. Les rivalités mimétiques qui
menacent l’équilibre social ne trouvent leur dépassement (toujours provisoire)
que dans une forme sacrificielle d’exclusion d’une « victime émissaire »,
choisie sur une base purement arbitraire.
Le
processus d’imposition d’une idéologie délétère et de persécution d’une minorité
ne peut se déployer que grâce au consentement tacite des citoyens. La Boétie le
disait déjà en son temps : aucun pouvoir, même le plus tyrannique, ne pourrait
s’exercer sans la servitude volontaire de la population. En l’occurrence, la
passivité des passagers (et la mienne en premier !) ne laisse pas d’étonner.
Cela semble bien indiquer que, conformément aux analyses de Noam Chomsky et
Edward S. Herman, le consentement se fabrique selon des procédures précises,
subtiles et redoutablement efficientes.
Enfin,
l’incident du 7 juillet m’incite à penser les limites de l’arbitraire. Si la
voix avait indiqué que « des Noirs » ou « des Juifs » s’étaient
introduits dans le train, Il y aurait eu à l’évidence des protestations
indignées. Or, nous savons qu’une telle stigmatisation était courante, sans
pratiquement aucune réaction de la part de la population, dans d’autres pays que
le nôtre et même en France, il n’y a pas si longtemps que cela. La relativité de
ce qui fait scandale à nos yeux devrait nous conduire à interroger les
compensations secondaires que nous prodigue, ou non, le consentement à
l’arbitraire. L’approche psychanalytique, proposée par exemple par Thierry de
Saussure, pourrait à cet égard s’avérer précieuse, pour analyser, comprendre et
surmonter l’ambivalence de notre rapport à l’étrange étranger. C’est dire tout
l’intérêt d’une réflexion éthique largement interdisciplinaire, susceptible de
nourrir notre responsabilité et notre engagement citoyens.
Frédéric
Rognon - Membre du CEERE - Professeur de philosophie - Faculté de
théologie Protestante - Université de Strasbourg. (Tiré de la revue de la
Faculté de Théologie de Strasbourg)
Dans l'Est Républicain du 24 août
un article intitulé « L'Eglise et l'Etat, vieux débat», soulève la
question de la séparation de l'Eglise et de l'Etat à l'occasion des prises de
position hostiles de la hiérarchie catholique -entre autres- à l'égard de la
politique gouvernementale à l'égard des Roms.
Pour permettre à chacun de se décider en conscience, il me semble utile de
rappeler quelques principes de base de ce qu'est une société laïque et
démocratique.
La séparation de l'Eglise et de l'Etat a mis heureusement fin, en France, en
1905, à la politique concordataire qui consistait à reconnaître deux pouvoirs de
nature politique , l'un temporel (celui de l'Etat et de ses institutions )
l'autre spirituel voire divin (celui de L'Eglise ou des institutions religieuses
en général) et à institutionnaliser leur collaboration et leur
instrumentalisation réciproque ( alliance
parfois conflictuelle d'ailleurs du trône et de l'autel). La laïcité consiste à
ne reconnaître l'autorité politique qu'à l'Etat et aux collectivités publiques
démocratique. C'est la base même de la démocratie. Les religions et autres
associations de conviction doivent être exclues en tant que telles de l'exercice
du pouvoir. Elles ne peuvent revendiquer d'autorité que sur les personnes qui
reconnaissent librement cette autorité.
On notera au passage que l'exercice de cette autorité interne à l'institution
religieuse reste pour le moins problématique dans le cadre d 'une Eglise
catholique aux structures hiérarchique voire monarchiques et qui ne respecte pas
en son sein certains droits humains, notamment ceux des femmes. Il est
symptomatique à cet égard que le langage courant lorsque l'on parle des
positions de l'Eglise désigne les prises de parole de la seule hiérarchie:
évêques et-ou Pape.
La laïcité proclame la liberté de conscience personnelle. Les religions n'ont
pas à revendiquer au nom d'une vérité qu'elles affirment transcendante le droit
d'imposer à tous des décisions politiques qui relèvent en dernier ressort de la
volonté des citoyens. Ceux ci doivent avoir juridiquement l'entière liberté de
décider de leur choix de vie et donc de leur choix politique, dans le respect
des lois démocratiquement élaborées, quelle que soient leur conviction
religieuse ou philosophique.
Cela dit il est non moins évident qu'en démocratie toutes les convictions
personnelles ou partagées dans des associations, organisations, institutions de
toute nature ont le droit de s'exprimer. Il n'y a donc aucune atteinte à la
laïcité quand des groupes de croyants ou des associations agnostiques
s'expriment collectivement y compris sur tel ou tel aspect de la politique
gouvernementale. Jean Luc Mélanchon sur ce point est à la fois laïque et
démocrate, ce qui devrait être une tautologie, quand il affirme « ne pas être
hostile au fait que des religieux s'expriment ». Il va de soi que tous
les citoyens ont aussi de ce fait le droit de dire leur accord ou leur désaccord
avec les expressions en question. Dans une société pluraliste et
multiconvictionnelle telle que la nôtre la laïcité est à l'évidence le seul
moyen juridique de vivre ensemble et d'éviter les ghettos communautaristes ou
les tentatives de prise du pouvoir par des idéologies absolutistes voire
totalitaires, religieuses ou non.
Jean Riedinger
secrétaire national de l'Observatoire Chrétien de la Laïcité.
Le
collectif nancéien* contre la guerre et pour une paix juste et durable au Proche
et Moyen Orient a décidé de relayer la campagne « N’achetons pasles
produits de la colonisation du peuple palestinien, Boycott
Désinvestissement Sanctions (BDS) ». Elle s’inscrit dans le combat pour
l’application des résolutions des Nations Unies au Proche-Orient et pour une
paix négociée établissant un Etat palestinien aux côtés de l’Etat d’Israël, dans
des frontières sûres et reconnues, celles de 1967, avec Jérusalem-Est comme
capitale.
Le
collectif appelle sur cette base à la solidarité avec les forces progressistes
palestiniennes et israéliennes engagées dans ce combat non-violent.
Qu’est-ce que la campagne BDS ?
B…comme Boycott des produits en provenance des colonies illégales dans les
Territoires Palestiniens occupés.
D…comme Désinvestissement du capital des entreprises israéliennes ou
internationales qui participent à la colonisation des Territoires Palestiniens
occupés (y compris Jérusalem-Est) et à la destruction du patrimoine ou des
infrastructures palestiniens, par la fourniture de matériel ou de technologies
servant dans l’industrie israélienne d’armement ou par le biais de financements.
S…comme Sanctions, en particulier suspension de l’accord d’association entre
l’Union Européenne et Israël, jugement par des tribunaux internationaux
appropriés des responsables de crimes de guerre et crimes contre l’humanité.
* Il réunit
13 organisations, associations et
partis politiques
par
Nicolas G. Hayek, le patron de la Swatch Group
Né au Liban en 1928 et agé maintenant de 82 ans,
à la tête du plus important groupe horloger du monde, avec 25 000 employés, N.
G. Hayek, d’origine libanaise et marié à une descendante d’huguenots français, a
été interviewé sur son éthique de chef d’entreprise par le mensuel de l’Eglise
protestante vaudoise, “Bonne Nouvelle ” (paru en mai 2010, Cahier La Côte, La
Morges, Suisse). Il se révolta contre la croyance en Dieu à l’âge de 12 ans car
il n’existe aucune preuve de l’existence de Dieu ; puis, maintenant, de nouveau
il croit en Dieu car “ il n’y a pas d’autre possibilité de comprendre la
création de ce monde ”.
“ Je suis un passager à bord d’un vaisseau
spatial qui s’appelle la planète Terre. Lorsque je vois que ce vaisseau spatial
est menacé par des gens qui veulent y faire des trous ou le détruire,
j’interviens. Je saute immédiatement de mon siège pour aller aider à réparer les
dégâts, avec mes moyens et avec d’autres passagers. Ensuite, lorsque c’est
terminé, je reviens m’asseoir à ma place ” (allusion à l’Exposition nationale de
2002 où le Conseil fédéral a fait appel à lui). Il se définit comme un homme
d’action et non de pouvoir : “ Je suis un homme d’action. Mais la politique, non
… Toute ma vie, j’ai été un serviteur de la communauté ”
Bien que
riche, il préfère vivre sobrement : “ Je suis un chef d’entreprise parmi les
plus riches de Suisse. Je n’ai pas d’avion privé, je ne dépense pas l’argent des
actionnaires, je refuse d’encaisser les salaires trois fois plus élevés que les
autres empochent. Je traite mes employés comme mes amis. Lorsqu’il y a une
crise, je ne renvoie pas le personnel, je les garde tous. Cela nous a coûté 150
millions de francs de plus de salaires. C’est pour cela que je suis crédible. ”.
“ (…) J’ai créé des richesses avec des artisans suisses, avec les qualités
suisses, avec la précision suisse, avec l’honnêteté suisse. Car il y a beaucoup
de Suisses honnêtes. Nous ne sommes pas tous des gangsters, comme trop de gens
le pensent. Même si nous devons reconnaître que certains de nos banquiers se
sont conduits comme des gangsters ”. “ Si je dis quelque chose aux jeunes, c’est
de ne pas planifier leur vie uniquement dans le but de devenir riches, en jouant
à la Bourse. Il faut avoir l’esprit d’entreprise, créer des choses nouvelles,
servir tout le monde. Cela donne beaucoup de plaisir ”.
Le mécénat ? Il a lancé Belenos, une
entreprise pour le développement d’énergies propres, avec le Groupe E, la
Deutsche Bank, George Clonney, l’Ecole Ammann – “ Je
dépense une partie de ma fortune pour ce genre de chose ”.
Pour en savoir plus, un livre : “ Au-delà de la saga
Swatch. Entretiens d’un authentique entrepreneur avec Friedemann Bartu ”,
éditions Albin Michel : et le site de son groupe
www.swatchgroup.ch
Tiré
de Correspondance unitarienne n° 106, août 2010
Nombreux
sont celles et ceux qui se souviennent de Sœur Sourire. Son nom était déjà comme
un rayon de soleil. Ses chansons à la guitare, Dominique … nique … nique,
Fleur de cactus, et beaucoup d’autres, ont animé pendant des années les
rassemblements de jeunes chrétiens. Elle était sœur dominicaine et chantait, au
début, pour les jeunes filles venues en retraite, dans son couvent. Quand son
premier disque fut épuisé, et qu’il s’avéra un succès également au niveau des
ventes, sa supérieure l’encouragea à en produire d’autres, et lui fit en même
temps signer un contrat, qui en attribuait, d’office et sans restriction, les
bénéfices à son ordre. Quelques années plus tard, alors que la contestation
gagnait aussi les couvents, sœur Sourire décida de quitter la communauté et de
vivre une vie laïque. Elle avait une amie qui partageait ses objectifs. Elles
aimaient la transparence. Elles ne cachèrent pas leur relation homosexuelle. La
supérieure et son couvent la rejetèrent, bien sûr, mais gardèrent le bénéfice de
la vente des disques. Et quand il se fut agi de payer les contributions sur ces
bénéfices, les sœurs répondirent à l’Etat de s’adresser aux intéressées.
Celles-ci travaillèrent avec acharnement, mais ne parvinrent pas à faire face
aux huissiers. Epuisées, déconsidérées, méprisées, et finalement dégoutées,
elles décidèrent de mettre fin à leurs jours. On retrouva leurs deux corps sans
vie, dans la petite maison qu’elles habitaient, au sein d’un quartier ouvrier.
Je n’ai aucune envie d’ajouter un commentaire.
Jacques MEURICE (tiré de "Adieu
l’Eglise" Editions L’Harmattan)
«Je
suis amoureuse de ce qui est, non parce que je suis une personne spirituelle,
mais parce que cela me fait du mal quand je conteste la réalité. Nous pouvons
savoir que la réalité est bonne telle qu’elle est, parce que lorsque nous la
contestons, nous faisons l’expérience de la tension et de la frustration. Nous
ne nous sentons alors ni naturels ni équilibrés. Lorsque nous cessons de
contester la réalité, l’action devient simple, fluide, bienveillante et sans
peur.»
– Byron Katie, extrait de Aimer ce qui est
Si je vous dis que vous êtes
absolument parfait tel que vous êtes, quelle est votre première réaction?
Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais il semble que la perspective de nous
aimer ou d’aimer notre vie telle qu’elle est nous effraie. Personne n’aime être
insatisfait, personne n’aime être frustré et se sentir limité... Or, bien que
l’on aspire tous à vivre un bonheur profond et complet, on est les premiers à
l’étouffer en cultivant des «je devrais» et des «il aurait dû» qui entrent en
conflit avec la réalité. On déplore la peur et la douleur, mais on compte sur
celles-ci pour nous amener à changer...
Question du jour: Qui serions-nous sans cette drôle d’idée? Et si on n’avait pas
besoin de rejeter et de juger une chose pour la changer? Et si le meilleur
carburant était non pas l’insatisfaction, mais un doux mélange de gratitude et
de sérénité? Je peux me tromper, mais j’observe que le fait d’aimer notre vie
telle qu’elle est – exactement telle qu’elle est – l’aide en fait à se
transformer en une version encore plus belle, encore plus magique, encore plus
appropriée...
Il n’est pas question de ne rien faire et de ne rien changer, mais d’effectuer
les changements dans la paix plutôt que dans le jugement. On n’abandonne pas
vraiment notre idéal, en réalité... On abandonne notre guerre contre le
moment présent.
Si on carbure au stress, à la peur ou au dégoût, on crée du stress, de la peur
et du dégoût – même si notre intention est de nous en libérer. Si on carbure à
l’amour, on crée différentes manifestation d’amour et on ouvre les portes à
travers lesquelles il pourra se manifester. Voilà le vrai sens de «semer ce
qu’on veut récolter»...
Sur ce, je vous souhaite une magnifique journée! Et merci de partager la magie
en si grand nombre!
2010 : une année d'actions offensives et
déterminées pour construire une société plus juste
Depuis le 1er janvier 2010, de nombreux
équipiers de La Cimade ont dû quitter la moitié des centres de rétention au sein
desquels La Cimade intervenait depuis 25 ans. C'est l'issue d'un long bras de
fer initié par le Gouvernement depuis fin 2007 pour affaiblir la capacité des
associations à défendre efficacement les droits des étrangers et à s'exprimer
publiquement sur les dégâts humains engendrés par une dangereuse politique du
chiffre.
La Cimade est déterminée à poursuivre son
action auprès des migrants, des demandeurs d'asile, des réfugiés et des exclus.
Avec les travailleurs sans-papiers en grève
et les syndicats, auprès des personnes privées de liberté, avec les associations
et mouvements qui agissent au Maghreb et en Afrique, avec les demandeurs d'asile
que nous défendons et accueillons, avec les couples mixtes franco étrangers et
avec de multiples partenaires associatifs ou réseaux œcuméniques en Europe, un
autre présent et un autre demain se construisent, une autre façon de penser et
de réaliser une société plus fraternelle.
C'est à cette utopie concrète que nous nous
attelons ensemble.
Le 7 novembre 2004, nous étions quelques
dizaines de militants sur le pont de la gare de Nancy pour huer au passage du
train chargé de déchets nucléaires. Ce train est passé à proximité de voyageurs
en attente de leur correspondance !
Quelques heures plus tard, Sébastien, 22 ans,
est mort à Avricourt, en Lorraine, renversé par la locomotive de ce convoi de
déchets nucléaires partant vers l’Allemagne. La mort de ce jeune homme plein
d’ardeur ne doit pas passer pour lettre morte. L’appel de Sébastien à refuser
l’industrie nucléaire et ses déchets éternels dangereux pour les générations
futures doit être entendu.
Voici ci-dessous, le communiqué de ses amis ;
Bichon est mort pour ses convictions
Quelques semaines auparavant il s’était
décidé avec plusieurs d’entre nous à agir pour rendre publique la vulnérabilité
d’un tel convoi. Le fait qu’il soit mort ne doit pas faire oublier que cette
action était non violente, réfléchie et volontaire.
Contrairement à ce que ce drame peut laisser
transparaître, en aucun cas notre acte était irresponsable et désespéré. Notre
engagement est le fruit de convictions profondes quant au danger certain et réel
que représente le nucléaire depuis trop longtemps. Cette action était
parfaitement planifiée, collectivement, incluant des repérages précis des lieux,
et en respectant des procédures d’arrêt éprouvées. Nous avions longuement
envisagé toutes les possibilités y compris un non arrêt du convoi. Placés en
sortie de courbe, nous pouvions être amenés à quitter les rails très rapidement,
du fait d’une visibilité réduite. Nous étions quatre couchés sur les voies ayant
chacun un bras passé de part et d’autre d’un tube d’acier glissé sous le rail
extérieur de la voie permettant ainsi un départ d’urgence plus rapide. En aucun
cas nous n’étions cadenassés et nous avions la possibilité de nous dégager
rapidement de ces tubes.
Malheureusement l’équipe chargée de stopper le train 1500m en amont n’a pas pu
agir. L’hélicoptère de surveillance précédent en permanence le convoi était
absent, « parti se ravitailler en kérosène » ; or cette équipe comptait
essentiellement sur sa présence qui signalait l’arrivée du train. Enfin,
conformément à ce qui était convenu les stoppeurs ont renoncé à arrêter le
convoi car il était accompagné de véhicules de gendarmerie le précédent à vive
allure sur le chemin les séparant de la voie.
Le convoi est donc arrivé à « 98 km/h » selon le procureur n’ayant pu être
arrêté par les militants ni averti par l’hélicoptère. Ces multiples causes
réunies nous mettaient en danger. De ce fait, les personnes couchées sur les
rails n’ont bénéficié que de très peu de temps pour s’apercevoir que le train
n’avait pas été stoppé et par conséquent n’avait pas réduit son allure. Nous
nous étions entraînés à une évacuation d’urgence de l’ordre de quelques
secondes. Sébastien à été percuté alors qu’il quittait les rails, et en aucun
cas, son bras n’est resté bloqué à l’intérieur du tube. La vitesse de
l’événement nous a dépassé et personne parmi nous n’a eu le temps de lui venir
en aide.
Avant que cela n’arrive, nous sommes restés dix heures de suite cachés en
lisière de bois à trente mètres de la voie, gelés et ankylosés par le froid.
Durant cette attente, nous n’avons pas été détecté par le dispositif de
sécurité, ni les guetteurs postés à une quinzaine de kilomètres du lieu du
blocage et chargés de nous prévenir de l’arrivée du train, ni les stoppeurs
chargés de l’arrêter, ni les bloqueurs qui avaient préalablement installé les
deux tubes sous le rail aux environs de cinq heures du matin. Il est clair que
la part de responsabilité de chaque protagoniste doit être établie. Y compris la
nôtre.
Pour l’heure nous sommes face à l’un des pires moments de notre existence.
Malgré ce que beaucoup de personnes peuvent penser nous avions des raisons
certaines d’être là. En premier lieu la sauvegarde de la planète, dont nous
assistons au déclin d’années en années, mais également le rejet de cet État
monolithique refusant toute remise en question. Nous n’avons pas décidé
d’arrêter ce train par immaturité ou par goût de l’aventure, mais parce que dans
ce pays, il faut en arriver là pour qu’une question de fond, enfin, entre dans
le magasin de porcelaine.
Sébastien est mort par accident, il ne l’a pas choisi, personne ne l’a souhaité.
Il n’est pas mort au volant en rentrant ivre de discothèque, mais en agissant
pour faire entendre ses convictions. Et c’est sans conteste pour cela que son
décès ne sera jamais, pour nous, un fait divers.
Face à une situation où nous étions si perdus, nous n’imaginions pas recevoir
tant de soutien. Nous remercions particulièrement amis et parents, de nombreuses
associations, mais également les milliers d’anonymes allemands et français ayant
organisé des manifestations et des commémorations en sa mémoire. L’ampleur de la
solidarité nous dépasse autant qu’elle nous touche. Le plus important, nous
semble de pleurer un frère et de soutenir sa famille et non d’instrumentaliser
son image. Bichon était certes à la recherche d’un monde moins fou, mais avant
tout un jeune homme rempli de joie de vivre, d’énergie et amoureux des gens. Ce
texte n’est ni une confession, ni une agression, nous voulons seulement par
celui-ci rétablir la vérité des faits.
Je m’appelle “Convention” quand les adultes décident qu’il y a des choses qui
ne se font pas... mais qui se font quand même.
Je m’appelle “mineur” comme un délit, comme moins que majeur.
Je m’appelle “naturel” quand mon père ne m’a pas reconnu et “illégitime” quand
il s’est égaré.
Je m’appelle “objet” pour le ramassage scolaire.
Je m’appelle “rationnaire” pour l’intendant du collège.
Je m’appelle “marché” pour les publicitaires du yaourt
Je m’appelle “salaire d’appoint” quand je vais chez ma gardienne
Je m’appelle “ton gosse” quand le concubin, qui s’estime chez lui, veut
regarder la télé
Je m’appelle “alibi” quand le couple bat de l’aile, et m’engendre pour se
persuader du contraire.
Je m’appelle “prestation” quand les fins de mois sont difficiles.
Je m’appelle “demi-part” pour les services fiscaux.
Je m’appelle “effectif” à l’école qui risquerait de fermer si je ne venais pas
le jour de mes deux ans.
Je m’appelle “valise” le dimanche à 18 heures, quand mon père divorcé me
ramène et me dépose au pied de l’immeuble.
Je m’appelle “à charge” ou “ayant droit” pour les organismes sociaux.
Je m’appelle “inceste” quand mon père mélange les générations.
Je m’appelle “recueilli temporaire” à défaut d’être accueilli par ma mère.
Je m’appelle “petits métiers” au Caire, “enfants soldats” en Iran ou au Sri
Lanka, “avion” (passeur de drogue) au Brésil.
Je ne sais plus comment je m’appelle... pour vous, les adultes, faiseurs
d’histoires et de guerres, et dont les bouches sont pleines de “l’intérêt
supérieur de l’Enfant”.
Parlez-en moins et soyez vous-mêmes des adultes, capables de m’accueillir dans
l’écriture de mon histoire, pas celle dont vous rêvez pour moi parce que vous
regrettez la vôtre.
Je m’appelle Victor, Livia, Noé, Selma...
Je m’appelle “demain” si aujourd’hui, nous pouvions continuer à naître à la
vie que nous avons reçue de vous, mais qui ne vous appartient pas. Comme nous,
vous l’avez reçue.
ALORS LES DROITS, POUR LES UNS ET POUR LES AUTRES, POURRONT SERVIR DE
CADRE À UNE HISTOIRE À VIVRE ENSEMBLE.
Texte présenté dans le cadre du 20ème anniversaire de la
Convention des Droits de l'Enfant à Vaux le Pénil en Seine et Marne, près de
Melun.
Un parrainage permet
de manifester concrètement sa solidarité envers les enfants et leurs parents
sans papiers, le plus souvent des réfugiés qui ont dû fuir leur pays où ils
étaient menacés,
Tous ont choisi
notre pays comme terre d'accueil et demandent la protection de notre République
; en leur proposant de les parrainer, une communauté leur dit ainsi et le plus
fortement: "Vous êtes des nôtres". Ceci représente aussi la plus
nette des réponses, très pédagogique, aux discours racistes et xénophobes.
Qu’est-ce qu’un parrainage ?
Les enfants de couples « sans papiers »
sont accompagnés, lors du parrainage, d'une marraine ou d'un parrain citoyen(ne)
et d’une marraine ou d’un parrain élu(e). Le parrainage est un acte symbolique.
• Un parrainage permet de
manifester concrètement sa solidarité envers ces enfants. Leurs parents sont
parfois des réfugiés qui ont dû fuir leur pays où ils étaient menacés,
emprisonnés, recherchés, en grand
danger. Dans d’autres cas, leurs parents ont voulu quitter un pays où ils ne
connaissaient que la misère, où ils ne pouvaient pas faire soigner leur enfant
gravement malade. Certains adolescents ou jeunes majeurs ont également vécu ces
situations mais se retrouvent seuls en France après avoir fui leur pays. Tous
ont choisi notre pays comme terre d'accueil et demandent la protection de notre
République ; une communauté leur dit ainsi et le plus fortement: "Vous êtes
des nôtres". Ceci représente aussi la plus nette des réponses, très
pédagogique, aux discours racistes et xénophobes.
• Il apporte à nos filleuls
un réconfort, un honneur, une reconnaissance... qui sont pour eux un espoir.
• Il brise enfin l'isolement
de ces enfants et leur expulsion éventuelle devient dès lors plus délicate.
C’est donc également une façon de les protéger. Ce sera l’occasion de dire
qu’au-dessus des lois de circonstances, nous plaçons les principes de solidarité
et de fraternité.
Il va de soi que ce parrainage
n’implique aucunement l’engagement pour les élus volontaires de loger eux-mêmes
ou de pourvoir aux besoins vitaux de ces personnes ou familles. Cet acte est
avant tout politique. À chacun ensuite d’utiliser au mieux ses réseaux et
compétences pour aider à l’intégration et à la régularisation des parrainés.
Les marraines et parrains sont
totalement libres de donner à cet acte l’ampleur, la constance... qu’ils (elles)
décident et peuvent mettre en œuvre. Ce, dans le respect de tous, toute aide,
même la plus minime, sera de toute façon extrêmement précieuse.
A leur arrivée en Franceles
familles sont « demandeurs d’asile » mais malheureusement, elles n’obtiennent
que rarement le statut de réfugiés, d’où des situations dramatiques lorsqu’elles
reçoivent une OQTF
Elles logent dans des foyers de type
Sonacotra, pour partie en charge de la préfecture. En fonction de leur statut,
elles sont dans des « lieux de vie » du CADA ou de l’AUDA. Faute de place, elles
sont aussi logées dans des hôtels payés par la préfecture.
Accepter de
parrainer implique de prendre le temps de savoir où en est la famille dans ses
démarches de régularisation, la soutenir en cas de rejet de sa demande ou des
recours entrepris et, en cas d’arrestation, être une des personnes qui
pourraient la soutenir, faire jouer la solidarité, faire des démarches auprès
des autorités, etc. Le parrain n’est pas seul. Les démarches , les
actions de solidarité se font en lien avec les autres militants de RESF. En résumé, parrainer c’est permettre à une famille, venue chez nous de
tisser des liens (c’est parfois plus facile quand il y a des enfants car le
barrage de la langue est vite dépassé) qui faciliteront son intégration et lui
feront découvrir un visage accueillant de la France.
Combien de temps faudra-t-il regarder passivement les
catastrophes dites "naturelles" de plus en plus fréquentes (tornades,
inondations, sécheresses, avancée des déserts, recul des glaciers, marées
noires…) avant de réagir ? Peut-on les déplorer alors qu’elles ne sont que la
conséquence des excès humains ?
Face aux constats de l’augmentation des dévastations de
l’écosystème, des gaspillages des ressources naturelles, on peut baisser les
bras tant l’ampleur des dégâts est effrayante, on peut s’en remettre aux
pouvoirs publics, aux collectivités… Mais je veux croire encore en la
puissance desactions individuelles -les petites gouttes d’eau font
les océans- et donc au pouvoir personnel du consommateur.
Il ne s’agit pas de faire du "catastrophisme", mais depuis
longtemps déjà, je nous imagine au bord du précipice, un pas de plus et … Comme
pour le corps humain, nous pouvons poser le principe de stimuler ses capacités
naturelles à se défendre sans attendre tout d’un médicament miracle, pour notre
terre nous pouvons favoriser ses ressources à nourrir tous ses habitants, si
nous ne l’appauvrissons pas par des méthodes qui ne la respectent pas.
Je dois donc faire des choix et en consommant le plus
possible bio, je veux exercer mon pouvoir de consommateur en essayant
d’être cohérente avec mes convictions :
- pour la santé de la planète :
l’agriculture biologique est respectueuse de l’environnement, de la
biodiversité...
- en soutenant les paysans qui ont fait le choix de
cette agriculture, choix courageux, pastoujours évident à
une époque où notre sociétéprône le "toujours plus"
- pour ma santé, car je pense qu’un produit
exempt de chimie a beaucoup d’avantages
- parce que ça ne me revient pas plus cher : mon
budget alimentation n’a pas augmenté
. en consommant localement
et de saison
. en diminuant la viande
(dont la production est 7 fois plus gourmande d’énergie que la même quantité de
végétal) pour privilégier le duo légumineuses céréales, équivalent en protéines
. en cultivant mon jardin
. en n’achetant
essentiellement que les produits de base
Ce sont les produits
non-bio qui devraient coûter plus cher si on calculait ce qu’ils reviennent
réellement aux contribuables que nous sommes, en coût de dépollution de l’eau,
subventions, problèmes de santé…
Et puis une de mes préoccupations depuis longtemps :
comment faire pour que ces produits sains soient abordables par tous (ainsi que
dans les écoles, les maisons de retraite et même dans les associations
humanitaires de distribution alimentaire…) et ne soient pas limités à
uneclientèle privilégiée. Plus il y aura de demande de produits bio, plus de
moyens devront être pris pour répondre à cette demande et plus ils seront
accessibles au plus grand nombre, d’où notreresponsabilité
de consommateurs.
Comment ne pas s’interroger aussi sur le plan mondial
quand tant de produits exotiques sont sur nos tables et refuser une agriculture
qui prive les pays en voie de développement de leurs cultures vivrières (pour
nourrir nos animaux)? Il est reconnu maintenant que dans les pays pauvres,
l’Agriculture biologique se révèle un atout pour la subsistance des populations,
leur santé et leur indépendance. La FAO, très sérieuse Organisation des Nations
Unies pour l’alimentation et l’agriculture, ne peut que me conforter dans mes
convictions quand elle reconnaît que l’AB peut nourrir le monde touten préservant les qualités environnementalesbien sûr et
surtout en permettant ledéveloppement de systèmes alimentairesautonomes et performants. «L’agriculture conventionnelle moderne
est réservée aux riches car elle a recours à des intrants hors de prix »,
constate Pierre Rabhi, grand défenseur de l’agroécologie.
Alors comment avoir une vision globale des
questions préoccupantes de notre époque ? Quelavenir voulons-nous
prôner pour nous, nos enfants, notre planète ? Il en est de notre responsabilité
dans nos modes alimentaires, mais aussi dans nos comportements, nos petits
gestes de tous les jours pour gérer nos déchets, pour nous soigner, nous
chauffer, nous déplacer… consommer moins, consommer mieux,consommer
autrement…
Nous savons, mais nous ne voulons pas croire !... Changer
nos habitudes, ce n’est pas facile, mais c’est urgent … et avons-nous encore le
choix ?
« Où cours-tu ? Ne sais-tu pas que
ciel est en toi ?
Il est difficile au milieu du
brouhaha de notre civilisation qui a le vide et le silence en horreur,
d'entendre la petite phrase qui, à elle seule, peut faire basculer une vie :
"Où cours-tu ?"
Il y a des fuites qui sauvent la
vie : devant un serpent, un tigre, un meurtrier.
Il en est qui la coûtent : la fuite
de soi-même. Et la fuite de ce siècle devant lui-même est celle de chacun de
nous.
"Où cours-tu ?"
Si au contraire nous faisions halte
- ou volte-face - alors se révélerait l'inattendu : ce que depuis toujours nous
recherchons dehors veut naître en nous. »
Christiane SINGER(tiré du livre
"Où cours-tu" Albin Michel)
J'ai écrit ce poème voici quelques années; il est un message
d'espoir que j'offre à toutes celles et à tous ceux qui souffrent d'une façon ou
d'une autre; je souhaite qu'il leur donne un peu de réconfort....
Claudie
C’est vrai, je
suis tout nu,
L’automne a jeté
mes feuilles jusqu’à terre,
Pourtant je survivrai !
C’est vrai, je
suis tout nu,
Dans le vent,
sous la pluie, mon corps souffre,gémit ;
Les yeux du
passant découvrent mes blessures,
Mon écorce ridée, pourtant je survivrai !
Un jour viendra tu sais,
Où sous le chaud soleil d’un
printemps retrouvé,
Mon corps épanoui vivra
intensément….
Tu vois je suis image, image
d’une vie,
Où tout peut s’assombrir, où le jour
devient nuit,
Et l’on pense injustice, et l’on
devient tristesse,
Et l’on souhaite
revanche….
Soudain une heure sonne, une
aube se dessine,
Sa faible lueur doucement nous
réveille,
L’on pense espoir, l’on devient
soleil,
Et l’on
souhaite toujours….
Tu vois je suis l’image, l’image
d’une vie ;
Ecoute,
n’oublie pas :
Il faut vivre un automne pour
aimer un printemps,
Et vois- tu, sans hiver il n’y
aurait pas d’été.
Claudie Rolland
Second prix aux Jeux
Floraux de la Lyre d’Or Nîmes
J'ai rencontré l'extrème détresse, celle du Travailleur
Pauvre, de cette nouvelle pauvreté que l'on découvre de nos jours avec
stupéfaction.. et cette situation, c'est dans mon école que je l'ai découverte,
c'est celle d'une employée de l'Etat, exerçant une mission dans le cadre de la
Fonction Publique !
Souvenez vous, il y a une dizaine d'années, la gauche au
pouvoir avait institué les « Emplois Jeunes », ils travaillaient (entre autre )
dans les écoles, à remplir des tâches administratives ou d'encadrement éducatif
sous le contrôle des enseignants ; ils recevaient une formation et un soutien à
leur recherche d'emploi.
Ces contrats existent toujours, mais sont ouverts à un
public très divers, non qualifié ; la formation professionnelle et un suivi pour
la recherche d'emploi leur sont inexistants ; ces personnes travaillent 24
heures par semaine, toujours sur des tâches administratives ou d'appui aux
enseignants. Ils gagnent 800 € par mois, et ne sont pas payés lorsqu'ils sont
malades. Dans mon école, elles sont deux ; l'une a la trentaine, un projet
professionnel qu'elle gère sans aucun soutien officiel. L'autre a la
cinquantaine, un passé professionnel de secrétaire comptable, et de chômage. Et
elle accumule les difficultés. Elle est travailleur handicapée: (surdité
partielle appareillée mais d'une façon très inconfortable : son appareil siffle
lorsqu'il y a du bruit.. ) c'est déjà une belle erreur de casting de l'avoir
proposée dans une école peuplée d'enfants qui ne communiquent pas vraiment en
chuchotant. Divorcée, seule avec son fils dont elle redoute de se voir retirer
la garde à cause de ses problèmes financiers. Des soucis pour sa fille mariée
avec un homme violent. Et puis ce contrat pourri dans l'Education Nationale, où
elle redoute de tomber malade car elle ne sera pas payée ; elle me l'a expliqué
lorsque je lui ai demandé avec stupéfaction pourquoi elle venait travailler avec
une otite.
Elle a malheureusement dû se faire hospitaliser puis
rester en congés maladie plusieurs semaines pour une hernie cervicale ;et le
service payeur ( c’est le service comptabilité d’un lycée qui a hérité de la
gestion de ces contrats ),a fait des erreurs de trop perçu, ce qui peut arriver.
Mais cette personne a voulu régulariser en se trompant à nouveau dans la somme à
réclamer : elle en demandait le double, presque un ½ mois de salaire, et ne
voulait rien entendre des protestations de l’intéressée. C’est sans doute tout
cela qui a déclenché la crise de spasmophilie qui l’a fait tomber, juste en face
de ma classe un matin avant l’arrivée des élèves... elle est restée allongée une
heure, dans mes bras, par terre, raide et secouée de tremblements d’angoisse.
Et un matin, elle m’a expliqué que la secrétaire
comptable avait reconnu son erreur, mais lui avait retiré d’un coup le trop
perçu, ce qui lui laissait 300 € pour vivre le mois, alors qu’elle avait déjà
une facture de 700 € qui l’attendait. Elle m’a dit qu’elle allait démarrer une
grève de la faim. Nous l’avons soutenue et réconfortée comme nous pouvions ;
elle n’est pas venue travailler l’après midi ; et le lendemain elle a fait une
tentative de suicide qui l’a laissée plusieurs jours en réanimation.
C’est évident que cette personne, de santé physique et
mentale fragile cumulait les difficultés sociales ; mais j’ai pu mesurer son
immense sentiment d’abandon en essayant de l’aider : la plupart de mes
interlocuteurs ( service social de l’E.N., cadre du Rectorat, syndicat…) m’ont
dit ne pas être compétents pour sa situation et « ne pouvoir rien faire » :
ce statut privé au sein d’un service public lui ferme toutes les portes.
Le SGEN, consulté aussi, m’a conseillé de faire appel au médiateur de
l’Education Nationale ( ça existe ?!) Les services sociaux extérieurs se
mobilisent, heureusement…mais … faut – il boycotter et refuser dans nos
écoles ces postes pourris ?
"Nous
souffrons d’un mal incurable qui s’appelle l’espoir. Espoir de libération et
d’indépendance. Espoir d’une vie normale où nous ne serons ni héros, ni
victimes. Espoir de voir nos enfants aller sans danger à l’école. Espoir pour
une femme enceinte de donner naissance à un bébé vivant, dans un hôpital, et pas
à un enfant mort devant un poste de contrôle militaire. Espoir que nos poètes
verront la beauté de la couleur rouge dans les roses plutôt que dans le sang.
Espoir que cette terre retrouvera son nom original : terre d’amour et de paix.
Merci pour porter avec nous le fardeau de cet espoir.
Celui qui
m’a changé en exilé m’a changé en bombe… Palestine est devenue mille corps
mouvants sillonnant les rues du monde, chantant le chant de la mort, car le
nouveau Christ, descendu de sa croix, porta bâton et sorti de Palestine".
Mahmoud Darwich
(Comme des fleurs d’amandiers ou plus loin)