Accueil
Ecoute et Partage
Rond Point
Horizon
Agenda
Grains de vie
Echo des chemins
Clins d'oeil
Services

                           

REFLEXIONS      

 

Articles documentaires, culturels ou philosophiques ...

 

                                                                              Dernière mise à jour le  lundi 27 juin 2022   

 

Rond Point Réflexions Nouvelles Activités Infos

 

      Arrête, où cours-tu donc, le ciel est en toi ... Angélus Silesius

 

TABLEAU DES ARTICLES  PARUS :

 

 

- Estime de soi et souci de l’autre ; E. Godinot 2022 07

- La télévision et la liberté d’expression 2022 06

- Lettre à un paysan 2022 04 -

- Dossier  "esclavages" 2022 03 -

- Des songes pour ensemencer les siècles... Rabhi 2022 01 -

- L’hiver  par Jacques Musset 2022 01 -

- L'écologie par le Pape François 2021 10 -

- Entretien avec Pierre Rabhi, Transition intérieure 2021 10 -

- Incapable de créer la moindre libellule - Edgar Morin 2021 09-

- Ces enfants qui changent de sexe 2021 07 -

- Face aux défis contemporains - M. Calvez 2021 05 -

- Déni de la mort et Covid19 - M. de Hennezel 2021 05 -

- Le transhumanisme, sauveur ou fossoyeur de l’humanité F. Brillet 2021 05 -

- Convivialité planétaire P. Rabhi 2021 04 -

- Conséquences psychosociales de l'épidémie par B-M Duffé  2021 04 -

- Avancer dans ma vie P.R.H. 2021 04 -

- Coronavirus, dernier avertissement  par P. Lagnel 2021 03 -

- Naissance, vie … et mort par Gilles Farcet 2021 02 -

 

- Prolongement du bail  par G. Farcet 2020 12 -

- Le bonheur 2020 12 -

- Jean Jaurès, prophète laïc par E. Godinot 2020 12 -

- Distinguer l’essentiel du superflu par M.M. Egger 2020 11 -

- Liberté par M. Théron 2020 11 -

- Eugénisme (différents auteurs) 2020 10 -

- Songe à l’ami et reviens au silence P. Hubert 2020 09 -

- Notre laïcité M. Théron 2020 06 -

- Bénédiction  C. Pedotti 2020 05 -

- Penser une nouvelle société O. Nouailas 2020 04 -

- Les secrets du bonheur  F. Lenoir 2020 04 - 

- Pour un chemin non totalitaire  B. Ginisty -

- Ethique Planétaire d’après Hans Küng -

- Coexister  J.B. de Foucauld et D. Lenoir 2020 03 -

- Laïcité D. Lerch 2020 01 -

 

- Dire « oui » à la vie par F. Lenoir 2019 12

- L'expérience de Fabienne Raoul 2019 11

- C’est la Rentrée  K. Gantois 2019 10

- Circonspection  C. Bernole 2019 10

- Les migrants, le regard de P Rabhi 2019 09

- De la peur à la joie de vivre  P. Hubert 2019 07

- La solitude, n’est pas isolement M-C Bernard 2019 05

- Le sens de la vie  P. Hubert 2019 04

- Hypocrisie par M. Théron 2019 04

- Penser librement  J. Musset 2019 03

- L'humiliation !  O. Abel 2019 02

 

- Etre sans avoir ?  J. Noyer 2018 12

- Sauvez votre peau ! Devenez narcissique F. Midal 2018 11

- Notre foi en l'humain par M. Bellet 2018 10

- Mission impossible par M. Steffens 2018 09

- L'élan vital est inscrit en chacun de nous; A. Calvo 2018 08

- Féminisme  P. Hubert 2018 06

- La nourriture, un bien commun  CCFD 2018 05

- Donner un sens à cette vie  P Hubert 2018 05

- Préserver notre capacité à prendre le temps 2018 04

- Pourquoi y a-t-il un monde ?  J. d'Ormesson 2018 04

- Accord et uniformité par M.-C. Bernard 2018.03

- Toutes ces grandes questions par P. Hubert 2018.01

 

- Jusque-là par M. Steffens 2017.12

- Le cercle des "zozos" par J-F Blancheton 2017.11

- Vieillir est le contraire de ce que l'on croit  M de Hennezel 2017.10

- La jeunesse veut du sens, du partage, du collectif A Bidar 2017 10

- Pourquoi naitre s'il faut mourir ?  H Meunier 2017 05

- Dépasser nos affrontements par JC Devèze 2017.04

- Bienvenue chez nous, tu y seras chez toi  M Rabin 2017.02

- En recherche de sens par A Bidar 2017.01

 

- La fin de vie  G D Borasio et R Aubry 2016 12

- Mieux former à la laïcité S Fath et R Meirieu 2016 11

- Le célibat ecclésiastique  F Boesflug 2016 10

- Pour garder nos valeurs M Elain 2016 09

- Un discours poignant  E Faber 2016 08

- Sortir de nos plaintes  N Leenhardt 2016 07

- Etre père aujourd'hui  JC Noyé 2016 06

- Libéralisme par A Nouis 2016 04

- France et Allemagne, quelques précisions 2016 03

- Vers la semaine continue par A. Nouis 2016 02

- Syndrome d'épuisement professionnel  MC Bernard 2016 01

 

- L'heure de vérité par H Boulad 2015.12

- Vendredi noir : Paroles de Dieu ? H V den Meersschaut 2015 11

- Face à la barbarie, le mystère du Bien 2015 11

- L'argent est-il sale ? par B Devert 2015 11

- On ne peut plus supporter ce système par François 2015 10

- Un père écrit à son fils, il y a 100 ans par J Thomas 2015 08

- Être musulman-français aujourd’hui 2015 05

- Peut-on assurer le même amour à ses enfants ? 2015 03

- A quoi sert le sol ? 2015 03

- Hérétiques de toutes religions, unissez-vous ! A Ahmadi 2015 02

- Amour en suspension par Dorothée 2015 01

 

-  Quelques réflexions à tous les parents 2014.12

En finir avec les idées fausses sur les pauvres 2014.12

Ma déclaration de responsabilité dans la vie P Pradervand 2014 10

-  Il y a des jours où je regrette d’être née arabe  F Zouari 2014 09

36 raisons pour changer de style de vie 2014 08

Cherche désespérément couple à construire  JP Sauzède 2014 06

La laïcité 2014 04

Arrête-toi, assieds-toi 2014 01

 

Houria, la Palestinienne 2013 12

Ton Christ est juif 2013 10

Le pacte civique 2013 08

Etre en confiance, c'est oser 2013.07

Engagement 2013.06 

Sainte colère 2013.01

Le jour où je me suis aimé 2013.01

 

Rester en communication avec les morts 2012.12

Vive le marché 2012 07

Une Belle leçon à intégrer 2012 05

Prendre le temps 2012 04

Réorienter l’agriculture française 2012 03

Un jour viendra 2012 03

Peut-on sortir du nucléaire 2012 02 

Jeunes migrants scolarisés 2012 01

 

Médecine, religion et peur 2011 11

Le pauvre et l’hypocrite 2011 09

Le meurtre de Ben Laden 2011 05

Indignez-vous 2011 01

 

C’est quoi, être pauvre ? 2010 12

L’urgence de délégitimer l’arme nucléaire 2010 12

Bohémiens et bourgeois 2010 11

L’euthanasie - un instrument de gouvernement ? 2010 11

Comment fabriquer des boucs émissaires ? 2010 10

L'Eglise et l'Etat, vieux débat 2010 09

La campagne BDS 2010 08

Le sens des valeurs, l’esprit d’entreprise 2010 07

L’Eglise et Sœur Sourire 2010 05

Matin Magique 2010.04

La Cimade nous invite 2010.01

Hommage à Sébastien BRIAT 2010.01

 

L’enfant aux cent noms, l’enfant sans nom 2009.12

Parrainage d'enfants sans papiers 2009.11

Consomm' Acteurs 2009.10

Pour que la terre soit un jardin 2009.10

Où cours-tu ? Ne sais-tu pas que le ciel est en toi ? 2009.09

Un arbre m’a parlé 2009.08

Drame à l'école 2009.05 -

Espoir, exil, Palestine  2009.05

Nous y sommes 2009.01

Petites réflexions méditatives de l’An 9 2009.01

 

Un nouveau centre de rétention à Metz 2008.12

Rachel a perdu la vie pour la justice 2008 11

Un an de Cercle du silence 2008 11

Des ponts, pas des murs 2008 10

Guerres et torture 2008 10

Une enfant de 13 ans à l'ONU 2008 07

Prière secrète d’un enfant à sa mère et à son père 2008 07

Je me souviens 2008 07

Le pouvoir des étoiles 2008 06

Le principe de la grenouille chauffée 2008 04

Assez de morts ! 2008 04

Fraises espagnoles/ scandale écologique 2008 04

Santé et jeûne 2008.02

Dans quel monde vivons-nous ? 2008.02

Un voisin répugnant 2008.01

Être jeune 2008.01

 

Etre en paix 2007.12

La faim progresse ! 2007.12

Plus d’égalité pour créer une société plus heureuse 2007.11

Histoire d'un amour  2007.11

Sorti de prison grâce à Amnesty International

Quelques lignes pour se distraire

Quelle Europe pour quelle planète ?

Principes de l'Association Unitarienne Universaliste

 

 Et si vous donniez un avis à la suite de votre lecture !

Un commentaire, une appréciation ou une critique ?

Vous aimeriez nous les communiquer ? N'hésitez pas !

Cliquer :

https://framaforms.org/mon-avis-1571301208

(Les observations déjà exprimées sont  présentées dans "Résultats publics")

 

Ou cliquer en précisant la rubrique et l'objet : réflexion, souhait, critique ...

Contact@ecoutetpartage.fr

Vos observations seront portées rapidement dans la rubrique "Messages"

 

Nous vous remercions à l'avance pour votre participation

 

 

      Extraits du Livre d'Or

"C'est drôle parce qu'il y a quelques temps j'ai reçu par une copine de la région un lien pour aller lire un texte sur "écoute et partage", qu'elle avait eu elle-même par une autre copine... ça m'a fait rire ! Quel boulot et quel talent. ! En tout cas j'ai toujours beaucoup de plaisir à me promener là dedans ! "   

Céline

 

"De temps en temps je vois des extraits du site dans une sélection de textes hebdomadaire que je reçois. j'aime cette circulation souvent souterraine qui alimente, sans qu'on sache qui, des chercheurs d'humanité et de voie spirituelle."

Jacques

 

Libre-et-vivant-ACML

 

"La vie est une procession" Pierre Pourchez

 

                                       Estime de soi et souci de l’autre

                                                           Etienne Godinot  (Cahiers de la Réconciliation – MIR –)

Membre du Mouvement pour une alternative non-violente (MAN)

et de l’Institut de recherche sur la résolution non-violente des conflits (IRNC)

 

Comment trouver l’équilibre entre travail personnel et action politique ? Etienne Godinot propose de travailler à un « changement tridimensionnel » et d’oser les « pourquoi ? » qui nous permettront d’échapper aux routines et aux automatismes.

 

Pour Jacques Généreux, refonder la vision de l’homme sous-jacente à la société actuelle est un enjeu de survie. Il y a en effet de quoi être préoccupé par l’individualisme ambiant, par le courant du « Moi d’abord ! ». Le culte du corps voulu beau et parfait, de l’éternelle jeunesse, de la performance physique obligatoire amène à dépenser sans compter en cures d’amincissement, en viagra ou en chirurgie esthétique. Ce qui fait société, ce n’est plus la recherche de l’intérêt collectif à long terme, c’est la mobilisation de courte durée par l’émotion, orchestrée par les médias, ou les mobilisations de petites communautés, de micro-réseaux, voire de clans. Sans parler de la course effrénée aux biens matériels et du modèle économique qui menace les écosystèmes naturels.

 

Jacques Généreux pose aussi une question redoutable : Pourquoi et comment des millions d’individus persuadés que la coopération solidaire est cent fois préférable à la compétition solitaire restent-ils impuissants à refonder sur elle leur système économique et politique ?

 

De l’individu au collectif

 

Un trait apparaît évident dans le débat et dans le combat pour transformer l’homme et la société, un trait marquant et préoccupant : c’est le manque d’une vision globale du processus de changement. Certains prônent la transformation personnelle, l’intériorité, la conversion du regard, mais sont réticents envers l’engagement politique. D’autres agissent dans leur entreprise ou leur commune, mais font l’impasse sur l’action politique dans le cadre national ou international. D’autres sont engagés en politique, mais oublient de travailler sur eux-mêmes ou de commencer l’action dans leur milieu de travail ou de vie. Or l’action, pour être cohérente, efficace, durable, doit être menée dans les trois champs à la fois :

-          le champ personnel,

-          le champ des organisations de vie et de travail,

-          le champ politique national et mondial, ou champ sociétal.

On pourrait appeler cela le changement tridimensionnel. Il est possible d’agir dans les trois domaines à la fois, avec des niveaux d’implication évidemment différents dans chacun d’eux, selon le charisme de chacun. C’est là une déclinaison de la maxime « Penser globalement, agir localement ».

 

Un développement personnel qui ne génère pas un nouveau regard sur le monde ni une action de transformation de la société est une masturbation psychologique. Inversement, une critique ou une action sociétales qui n’intègrent pas les dimensions culturelle et spirituelle risquent de déboucher sur un néo-matérialisme. Entre ces deux écueils, il y a place pour un développement personnel et collectif qui articule écologie, solidarité, non-violence et spiritualité.

 

Un monde désenchanté

 

L’essence du néo-libéralisme consumériste n’est pas seulement la course aux biens matériels, mais la réification, c'est-à-dire la transformation en objet de tout ce qui existe : les êtres humains, les peuples, la nature. L’arbre est réduit à un paquet de molécules, la conscience à un paquet de neurones et le vivant à un paquet de gênes. Une issue à ce système est le ré-enchantement de tous les domaines : l’économie, l’agriculture, la science, l’architecture, l’éducation, la défense etc. Pour que l’être humain soit générateur de vie et de transformation du monde, il importe qu’il ait suffisamment confiance en soi et qu’il soit suffisamment relié à son être profond pour mettre en valeur ses potentiels. Cela nécessite un effort permanent d’introspection et de formation personnelle qui puisse aider chacun à être plus consistant et solide, plus à l’écoute de ses émotions et de ses intuitions profondes, plus critique et lucide sur ses propres faiblesses, misères, dysfonctionnements et contradictions, sur ceux de ses proches et de ses contemporains.

 

Foules embrigadées

 

Du nazisme au stalinisme, les régimes totalitaires ont réussi à convaincre des millions d’individus qu’ils incarnaient une vie nouvelle basée sur le travail, le dévouement, le courage, l’honneur et la communauté. L’évolution des sociétés a été principalement conditionnée par le fait que l’immense majorité des humains a laissé quelques individus particuliers prendre en main la destinée de la collectivité. Depuis l’aube de l’humanité, le pouvoir de changer le monde a été laissé aux dirigeants, aux héros et aux experts. Mais l’hypnotisme qu’Hitler, Mao ou Milosevic exerçaient sur les foules montre tout autant le manque de consistance de leurs admirateurs que le déséquilibre psychologique de leur héros. Hitler lui-même a désigné ses armes principales comme étant « la confusion mentale, les sentiments contradictoires, l’indécision et la panique ». Tant que chaque individu n’aura pas compris qu’il possède lui aussi le pouvoir de changer le monde, les choses ne pourront pas évoluer.

 

Pour cela, il faut être capable d’observer notre quotidien d’une manière neuve et totalement différente. Réfléchir à nos actes coutumiers comme si on les pratiquait pour la première fois. Voir les couleurs de nos actions et de nos décisions quotidiennes. Introduire dans notre vie de tous les jours une dimension poétique au sens étymologique du mot, c'est-à-dire un pouvoir de création et de transformation.

 

Réinventer le quotidien

 

La condition première pour changer le monde est d’agir soi-même en être libre :

-          Repérer les bifurcations, les carrefours dans notre vie, les possibilités de faire un choix qui influencera la suite des événements. Tout homme est confronté à ce type de décisions, pas seulement dans le choix d’un métier ou d’un conjoint, mais dans la banalité de son quotidien.

-          Oser les pourquoi, qui nous permettent d’échapper aux routines et aux automatismes.

-          Devenir moins prévisible, être capable de modifier de manière inattendue sa façon de penser ou d’agir face à une situation nouvelle ou une bifurcation dans sa vie.

 

Comment pouvons-nous alors agir ? En tant que consommateurs, notre pouvoir tient en une question : « Pourquoi acheter tel article plutôt qu’un autre ? ». En tant que citoyens, notre pouvoir individuel ne se trouve pas en priorité dans l’élaboration de nouvelles lois, mais dans la manière d’utiliser au quotidien celles qui existent. Qu’il s’agisse de refuser ou non l’ordre d’arrêter des Juifs ou de torturer des Algériens, qu’il s’agisse d’écrire ou non une lettre à un prisonnier d’opinion, la question à se poser est alors : « Mon attitude envers les lois, les ordres, ou les sollicitations que je reçois me rend-elle les autres hommes proches ou lointains ? »

Nous pouvons enfin agir dans le domaine de nos relations avec nos proches. Notre manière d’exercer notre pouvoir sur nos proches, ou de le subir, peut nous aider à changer le monde, dans la famille, dans l’entreprise, à l’école. D’où l’importance de la communication non-violente et de la gestion positive des conflits interpersonnels.

 

Une éthique non-violente

 

Il y a des méthodes simples pour vivre mieux au niveau personnel : chercher à habiter le moment présent, prendre trois minutes trois fois par jour pour se relier à soi-même, ressentir de la gratitude pour ce qui va bien afin d’affronter mieux ce qui va mal, soigner son acuité de conscience et de cœur, développer l’estime de soi etc. De même pour mieux coopérer dans les groupes : cultiver la confiance en soi et en l’autre, accueillir la différence, s’ouvrir aux désaccords, prendre soin de nos colères, apprendre à dire non et à accueillir le non de l’autre sans soumission ni agression, partager ses propres valeurs, expliquer le sens et le bien fondé des règles.

 

Ce dynamisme personnel, appelé empowerment en anglais, se fonde sur l’estime de soi, le sentiment de sa compétence, la participation à l’action collective et la conscience critique. L’individu relié à ses forces de vie et à ce qui le nourrit intérieurement (et que chacun appelle à la façon : Dieu, l’Univers, la Transcendance etc.) est alors apte à s’approprier ou à se réapproprier son pouvoir tant au niveau social que psychologique.

 

« Ce qui fait vraiment la démocratie, disait Henry-David Thoreau, ce n’est pas le type de bulletin de vote que je glisse tous les cinq ans dans l’urne, c’est le type d’individu que je glisse tous les matins hors de mon lit ».

 

Haut de page

 

 
par Rodolphe Bacquet Alternatif Bien-Être

Il n’aura échappé à personne que nous sommes entrés dans une époque de sérieuse remise en question de ce qui semblait acquis il y a encore à peine quelques mois. Ce phénomène touche tous les pays dits « développés ». Après la seconde guerre mondiale, après l’horreur des guerres d’ex-Yougoslavie, il semblait invraisemblable qu’au XXIème siècle une nation européenne puisse lancer ses chars à l’assaut du pays voisin. … C’est pourtant ce qui se passe depuis le mois de février entre la Russie et l’Ukraine. Après des décennies de lutte féministe, il semblait inimaginable que « le pays de la liberté », à savoir les États-Unis d’Amérique, envisage sérieusement de renoncer au droit à l’avortement. … C’est pourtant ce qui est en train de se jouer actuellement à la Cour suprême des États-Unis. De même, après des siècles de lutte affichée contre les discriminations – qu’elles soient liées à l’origine ethnique, au genre ou aux préférences sexuelles – il semblait impossible que les sociétés occidentales engendrent une nouvelle et inédite discrimination, avec un aplomb extraordinaire. … C’est pourtant ce qui s’est produit, en 2021, avec la création de deux classes de citoyens n’ayant pas les mêmes droits en fonction de leur statut vaccinal. Il y a un phénomène commun à toutes ces remises en cause des acquis : c’est celui du pouvoir grandissant de la censure, pour « garantir » ces reculs. Et c’est, donc, celui d’une liberté d’expression se réduisant comme peau de chagrin.

       Cela touche tous les sujets – y compris la santé
Cette censure, et d’une manière générale ce contrôle par le pouvoir médiatique et/ou politique de ce qu’il est possible de dire et d’écrire ou non, sont à l’œuvre dans nos pays soi-disant démocratiques. En Russie, vous le savez peut-être, il est depuis la mi-mars interdit d’employer dans les médias, au sujet de l’Ukraine, le mot « guerre » – il faut parler d’« opération militaire spéciale » – et les manifestations contre le conflit sont officiellement interdites et durement réprimées. Les autorités de l’Union Européenne ont beau jeu de se scandaliser de ces pratiques « totalitaires » … alors que dans le même temps elles ont purement et simplement interdit les médias Russia Today et Sputnik, accusés de diffuser la propagande russe. Autrement dit : on répond à la censure… par la censure.
Vous qui avez, avec moi, vu et vécu :
. l’omerta sur les effets secondaires des injections anti-Covid ;
. l’absence de débat démocratique sur l’instauration du pass sanitaire puis vaccinal ;
. le silence assourdissant des grands médias autour de ma pétition contre ce pass vaccinal, qui a atteint plus d’un million de signatures en 10 jours ;
. les attaques informatiques et journalistiques à l’encontre de cette même pétition…
… vous n’avez probablement pas été surpris de voir se multiplier ces méthodes à la fois autoritaires et terriblement hypocrites, puisqu’elles sont l’œuvre d’instances et de personnalités se posant par ailleurs en garants de la liberté d’expression ! Cette censure, on le voit, s’illustre désormais dans tous les domaines : la géopolitique, les débats de société et, spectaculairement depuis deux ans, la santé. Mais le pire est sans doute ailleurs.

       La contagion de la censure
La censure et la chasse aux récalcitrants trop éloignés de la doxa en vigueur, comme au temps de l’Inquisition espagnole, dispose d’un « second effet kiss cool », bien plus insidieux et dangereux : c’est celui de l’auto-censure. Lorsqu’une chape de plomb autoritaire s’abat sur la libre parole, son meilleur relai, c’est la peur individuelle et collective – au-delà donc des instances du pouvoir – de mal dire. L’auto-censure est nécessaire quand elle nous protège de la haine – c’est ce qui nous épargne des injures racistes à tout bout de champ, par exemple – mais elle est mortelle lorsqu’elle revient à étouffer dans l’œuf tout débat, toute discussion. Et cela, par crainte de représailles, aussi bien de la société que des pouvoirs publics. Or cette auto-censure qui touche donc, elle aussi, la santé, dépasse la seule question du Covid et des injections.
Un exemple.
Le Huffington Post nous apprenait, mardi dernier, que France 2 a déprogrammé une émission consacrée à l’endométriose, « face à la colère d’associations et de scientifiques. » L’endométriose est un problème de santé dont on ne reconnaît l’ampleur que depuis quelques années, puisqu’elle toucherait 10 à 15% des femmes en âge de procréer, ce qui est considérable.
Qu’est-ce qui a bien pu provoquer l’ire de ces scientifiques et de ces associations, au point d’annuler une émission sur ce sujet de santé publique ?
La réponse, c’est Natacha Calestrémé. Vous avez dû voir ces temps-ci son visage et ses ouvrages, La Clé de votre énergie et Trouver ma place, en tête de gondole dans toutes les librairies et points presse de France.
Sur le plateau de l’émission, N. Calestrémé aurait répondu à une femme atteinte d’endométriose et ayant vécu plusieurs fausses couches : « Vous avez hérité de cette grand-mère ou arrière-grand-mère qui ont fait des enfants, qui ont perdu des enfants. L’endométriose, pour tous ceux qui nous écoutent, c’est un message de notre corps qui nous dit qu’avant, il y a eu une souffrance énorme d’une personne qui a associé le mot enfance et mort, et enfance et mort, ça ne va pas ensemble. Il y a une culpabilité, il y a une tristesse et on doit s’en libérer » A la suite de la diffusion de cet extrait, des commentateurs ont qualifié les propos de N. Calestrémé de « bouillie » et de « charlatanerie ». L’AAERS, un collectif pour la recherche scientifique autour de l’adénomyose et l’endométriose, a surenchéri : « Il n’y a aucune preuve scientifique que l’endométriose aurait une origine pareille. Aucune, alors qu’on manque cruellement de recherche fondamentale. Ce type de discours induit en erreur pour une maladie physique qui peut être grave » Ce même collectif a demandé l’annulation de l’émission. Il a obtenu gain de cause. La Miviludes a, par-dessus le marché, été saisie au titre de « dérive sectaire ».

      La perspective glaçante du point de vue unique
Que l’on trouve pertinents ou non les propos de Natacha Calestrémé, l’auto-censure de France 2, qui a déprogrammé l’émission, est symptomatique ; elle pose de sérieuses questions sur le traitement médiatique actuel des problèmes de santé dans notre société. Car N. Calestrémé n’a été ni invitée, ni interrogée, en tant que médecin, dans cette émission : elle l’a été en tant que journaliste et autrice s’intéressant à l’origine émotionnelle des maladies, et notamment aux blessures transgénérationnelles. Lui reprocher de tenir des propos s’écartant de la science, mais reposant sur son expérience de femme et ses propres travaux d’investigation, est donc aussi absurde que d’inviter un musicien et lui reprocher de ne pas parler de littérature. En d’autres termes, la position et l’analyse de N. Calestrémé ne se posent ni comme une explication ni comme une solution génériques à l’endométriose, mais en tant que lecture assumée comme étant différente du cas de la personne à laquelle elle répondait ; interprétation nourrie par la propre expérience personnelle de l’auteure.
Cette auto-censure est donc, à mon sens, doublement grave :
. elle démontre que toute interprétation et tout point de vue sur un problème de santé s’éloignant des canons « scientifiques » en vigueur n’a pas droit de cité à la télévision, pis encore sur une chaine du service public ;
. cette censure a été influencée par des tweets de personnes privées exprimant des avis personnels, illustrant de façon tragique la régression de la liberté d’expression, sous l’influence d’une poignée de happy few ayant voix au chapitre.

     Twitter, les réseaux sociaux et l’inquiétante régression de la libre parole
Le fait que cette censure ait été provoquée par des tweets, c’est-à-dire des messages publiés sur le réseau social twitter, est un signe caractéristique de notre époque. Jamais, dans toute l’histoire de l’humanité, la communication entre êtres humains d’un bout à l’autre de la planète n’a été aussi puissante et facile. Cette puissance n’est ni morale ni immorale en soi. Elle donne simplement une caisse de résonance disproportionnée à des évènements anodins, voire intimes… et à nos propres travers. Ces jours-ci, les détails sordides du procès opposant Johnny Depp à son ex-femme Amber Heard sont suivis instantanément en vidéo par des dizaines de millions de spectateurs dans le monde entier. Ce phénomène ne nous raconte rien de nouveau sur les tendances voyeuristes de l’être humain, ni sur sa fascination pour l’intimité d’un couple célèbre qui se déchire : les séparations du couple Elizabeth Taylor/Richard Burton ou, plus près de nous, Angelina Jolie/Brad Pitt, ont été avidement suivis par des millions de curieux. La vertigineuse nouveauté, ici, c’est le spectacle d’une intimité livrée « en direct » en pâture publique chaque jour et commentée par des millions de fans respectifs des deux comédiens ; une sorte de télé-réalité mondialisée par smartphone.

J’en reviens à la censure. C’est dans ce contexte de puissante caisse de résonance socio-technologique que la moindre prise de parole sur les réseaux sociaux, à partir du moment où elle devient virale, engendre des réactions irrationnelles… y compris en termes de censure. Des plateformes comme facebook, instagram et twitter, à mesure qu’elles se sont développées, ont donc mis en place de puissants outils de censure, au départ déterminés par leur puritanisme natif américain (cachez ce sein que je ne saurais voir !), puis par un contrôle de plus en plus idéologique de ce qu’il est « correct » de dire ou non. Ces réseaux ont commencé par supprimer des photos de mère allaitant leur enfant, et ont fini par bannir des utilisateurs pour des motifs souvent opaques.  C’est ainsi que tout message mettant en doute l’efficacité des injections anti-Covid, ou dénonçant le caractère coercitif des politiques nationales les imposant à leur population, a rapidement été taxé « d’antivax », de « complotiste » et a conduit à la désactivation du compte de l’auteur desdits messages. Nous en sommes donc là : les algorithmes de ces réseaux sociaux, utilisés quotidiennement par des centaines de millions de gens, se sont de facto transformés en police de la pensée, censurant toute information (ou tout informateur) dérogeant à la « ligne du parti ». Je parle bien de « parti » car, de façon insidieuse et ironique, la liberté affichée de ces outils et les riches possibilités de communication qu’ils offrent, est en train de produire le même résultat que les pires régimes totalitaires du siècle dernier, où toute parole jugée transgressive était impitoyablement censurée, et son auteur, mis au ban de la société.

      Elon Musk et la liberté d’expression
Un homme a bien compris ce « totalitarisme » rampant à l’œuvre dans les réseaux sociaux : c’est le milliardaire Elon Musk, qui vient de racheter le réseau twitter pour des tombereaux de dollars – 44 milliards très exactement. Je n’ai aucune sympathie particulière pour le fondateur de SpaceX et directeur de Tesla, dont la vision de l’avenir humain passe par la colonisation de Mars. Néanmoins, la raison pour laquelle il déclare avoir racheté twitter est intéressante à deux titres. D’abord, parce que cette raison affichée consiste précisément à rendre aux utilisateurs de twitter leur liberté d’expression, y compris dans le domaine du Covid et de la santé : « La liberté d’expression est le fondement d’une démocratie qui fonctionne et Twitter est la place publique numérique où sont débattues des questions vitales pour l’avenir de l’humanité. » Ensuite – et surtout – parce que cette déclaration d’intention a immédiatement engendré une réaction épidermique de la part de l’Union européenne, par l’intermédiaire de son commissaire au marché intérieur, Thierry Breton, qui s’est dit résolu à forcer la modération de twitter.   Et ce, alors même qu’Elon Musk dit vouloir garantir la liberté d’expression tout en respectant la loi (comprenez : en continuant à ne tolérer ni incitations à la haine, ni propos négationnistes). Je trouve éloquent, et tragique, le fait que l’Union européenne se sente menacée dès que l’on parle de liberté d’expression. En toute franchise, je ne sais pas si le rachat par Elon Musk de twitter permettra de résoudre le problème de transparence que nous subissons depuis plus d’une année, notamment sur la question du Covid et des injections. Ce dont je suis sûr, en revanche, c’est que cet évènement exprime en termes clairs la question que doit se poser chaque citoyen s’il souhaite faire en conscience les choix qui concernent sa santé : dispose-t-il de toutes les informations auxquelles il a, en tant qu’être humain, le droit d’accéder ? Et si tel n’est pas le cas, qui l’en empêche, et pourquoi ? Portez-vous bien,

      Rodolphe Bacquet
 

Haut de page

 

 

Lettre à un paysan

Selon Fabrice Nicolino

L’essentiel est que tu saches écouter. Et que tu aies élevé des bêtes. Les bêtes comptent. La bête, c’est l’Homme. Les animaux de ferme, traités comme vermine, ont toujours été les brins de paille de nos espoirs enfouis … Je crois pouvoir te parler sans détour …

La paysannerie n’a jamais été un pays enchanté où tout le monde sifflotait. On marchait. Tu as toi-même fait plusieurs fois le tour de la Terre à pied, dans les limites de ton foutu canton. Sans beaucoup cesser de porter quelque chose sur le dos. Une bête. Des branches. Un outil. Tout était beaucoup plus lent, car le transport était assuré au rythme de l’âne, ou du cheval, ou du bœuf. Même fin 1914, quand les wagons ramenaient au village les cercueils des premiers tués de la guerre, ils allaient au pas d’un cheval fourbu. Comme les autocars de la génération suivante, ils s’arrêtaient au milieu des champs, auprès du moindre hameau.

 

Entre 1926 et 1939, les campagnes refusaient l’industrialisation, exactement comme les chevaux refusent l’obstacle. Les esprits n’étaient pas prêts à la grande mécanisation. Une révolution se préparait dans ton dos, qui allait détruire ton monde.

J’ai croisé la route d’André Pochon. Il est né en 1931. Il n’est pas beaucoup sorti de son canton où se trouve son village de naissance. C’est un paysan, un vrai. A 6 ans, Dédé garde les vaches. A 13, il laboure. A la sortie de la guerre, il est tout juste adolescent. La famille est pauvre, comme tout le monde ou presque. L’eau courante est rare, les sols en terre battue, omniprésents, jusque dans les cuisines. Les maitres de son école, frappés par son esprit délié, tentent de convaincre ses parents de l’envoyer à l’Ecole Normale pour qu’il devienne lui-même instituteur. Il refuse. Obstinément. Il veut demeurer à la terre. Cela ne l’empêche pas d’œuvrer. Il entre à la Jeunesse agricole catholique (JAC), qui est alors une belle structure d’éducation populaire. Dédé dira bien plus tard : « C’était formidable. Nos principes étaient limpides : voir, juger, agir. D’abord les faits, ensuite la discussion, parfois à la lumière de l’Evangile, enfin l’action. »

Oui, il faut agir. Contre les conservatismes, contre la répétition du même, contre la sottise, contre le passé. Toutes les jeunesses ont entonné le même refrain. Il fallait bouger ! Il fallait secouer le carcan et les habitudes d’un monde en partie prostré, vaincu avant d’avoir songé à combattre. Il fallait imaginer un sort différent et meilleur. Mais lequel ?

Dédé s’installe à côté de son père et le convainc d’acheter un tracteur, synonyme de progrès. Il faut agrandir les exploitations, mécaniser, produire toujours et encore plus. Il réalise en quelques années qu’il existe une autre manière de gagner sa vie dans une ferme. La sienne est toute petite -huit hectares-, mais il parvient à produire autant que sur vingt et même vingt-cinq hectares, en conservant du temps pour sa famille et … les siestes. Je sais. Trop beau pour être vrai. Sauf que c’est vrai. L’une de ses plus grandes trouvailles consiste à planter ses prairies avec un assemblage de ray-grass et de trèfle blanc. Le trèfle blanc est dans ces conditions un incroyable fertilisant, qui permet d’entretenir des prairies abondantes sans recours aux engrais azotés. La thèse officielle était pourtant qu’une graminée ne pouvait pousser correctement sans apport extérieur d’azote.

En 1957, les douze vaches de Dédé croissent et embellissent, produisant un lait abondant. La ferme Pochon, pourtant la plus petite de la commune, est aussi celle qui entretient le plus de porcs, nourris avec le lait écrémé du troupeau, un peu d’orge et des betteraves cultivées sur place. L’élevage aurait donc pu se développer autrement, grâce à une herbe perpétuellement renouvelée en quantité, sans le soja transgénique et le maïs d’aujourd’hui, et sans dégueulasser les sources. En cette année 2014, Dédé boit toujours l’eau qui coule sous ses champs, désormais cultivés par son gendre et sa fille. Les nitrates, malédiction de la Bretagne intensive, en sont presque absents.

J’entends encore la grandiose formule de Dédé, mille fois répétée par lui. Il la tenait du célèbre agronome René Dumont : « Regardez bien votre vache, c’est un animal extraordinaire ; elle a une barre de coupe à l’avant, et un épandeur à l’arrière. Si vous flanquez cet animal dans le milieu d’un pré, elle fait le travail toute seule. »

Au début des années 1990, quand je parlais avec lui, Dédé évoquait volontiers le « bon progrès ». Celui de « la méthode à Pochon ». Celui de la recherche humble, quotidienne, de la mesure, de la coopération. Je ne prétendrais jamais que tout aurait été réglé si on avait confié les rênes au club des « Amis de Dédé ». Mais le sûr est qu’à la fin des années 1950 la station de Quimper de l’INRA a testé les découvertes culturales de Dédé. Avant de tout enfouir à double tour dans je ne sais quel bureau. Pardi ! Cela marchait trop bien. Que seraient devenus les marchands d’engrais et de matériels, qui font toutes les lois agricoles ou les sabotent ?

C’était comme cela. D’un côté, le Progrès en marche, devant lequel tous se prosternaient, et, de l’autre, un petit paysan malin, doté de son seul brevet élémentaire. Même si Dédé Pochon avait raison -et il avait raison-, il fallait pour finir qu’il ait tort. Cinquante ans plus tard, nos autorités agronomiques ont redécouvert ce qu’elles avaient sous le coude, au coffre. La « méthode à Dédé » est cent fois validée, admirée, enseignée, mais la roue a tourné au profit du maïs intensif, du lisier et des marées vertes.

Fabrice Nicolino, dans sa « Lettre à un paysan sur le vaste merdier qu’est devenue l’agriculture » dresse un état des lieux de l’agriculture, soumise depuis un siècle à une folle industrialisation, au recours incontrôlé à la chimie et à des politiques productivistes désastreuses.

« Ce qui a été fait peut-il être défait ? Oui, jurent quelques siphonnés dont je suis, écrit Fabrice. Pour les besoins d’un projet industriel amoral, on a vidé des milliers de villages et rempli les banlieues de millions de prolétaires, dont beaucoup devenus des chômeurs perpétuels. Une autre histoire était possible. »

 

Fabrice Nicolino, journaliste et essayiste spécialisé en écologie, propose ce livre incontournable pour retrouver la raison et imaginer une agriculture qui remette l’humain au centre de ses préoccupations : Editions Les Echappés www.charliehebdo.fr (13,90 €, 9,99 € en version numérique)

 

Haut de page

 

Dossier  "esclavages"

Faits et chiffres sur "le travail forcé"

Lorsque l’on pense au mot esclavage, on imagine des personnes enchaînées et embarquées de force sur des navires en Afrique pour être déportées à travers le monde. Le mot esclave a des connotations très négatives qui évoquent le travail pénible, la coercition, le châtiment et l’exploitation.

Il vient rarement à l’esprit que l’esclavage se rapporte aussi au monde moderne et aux conditions de vie et de travail actuelles. En effet, l’esclavage a été officiellement aboli dans tous les pays. Et pourtant il serait faux de croire que l’esclavage a aujourd’hui disparu. De fait jamais encore dans l’histoire le nombre de personnes réduites en esclavage n’a été aussi élevé -en chiffres absolus. L’Organisation internationale du travail des Nations-Unis parlent d’"esclavage moderne" et estime qu’au moins 40 millions de personnes en sont actuellement victimes.

L’esclavage actuel existe dans de nombreux secteurs de l’économie où le recours à de telles pratiques permet la production de nos téléphones portables et de l’huile de palme contenue dans nos cosmétiques et nos shampoings, ainsi que la pêche des fruits de mer que nous achetons au supermarché et la confection de nos vêtements ; l’esclavage est aussi généralisé dans l’industrie mondiale du sexe et les services domestiques et ménagers ...

Pour lire la suite du dossier, cliquer

Haut de page

 

Des songes heureux pour ensemencer les siècles...

 

Sachez que la Création ne nous appartient pas, mais que nous sommes ses enfants.

Gardez-vous de toute arrogance car les arbres et toutes les créatures sont également enfants de la Création.

Vivez avec légèreté sans jamais outrager l’eau, le souffle ou la lumière.

Et si vous prélevez de la vie pour votre vie, ayez de la gratitude.

Lorsque vous immolez un animal, sachez que c’est la vie qui se donne à la vie et que rien ne soit dilapidé de ce don.

Sachez établir la mesure de toute chose.

Ne faites point de bruit inutile, ne tuez pas sans nécessité ou par divertissement.

Sachez que les arbres et le vent se délectent de la mélodie qu’ensemble ils enfantent, et l’oiseau, porté par le souffle, est un messager du ciel autant que la terre.

Soyez très éveillés lorsque le soleil illumine vos sentiers et lorsque la nuit vous rassemble, ayez confiance en elle, car si vous n’avez ni haine ni ennemi, elle vous conduira sans dommage, sur ses pirogues de silence, jusqu’aux rives de l’aurore.

Que le temps et l’âge ne vous accablent pas, car ils vous préparent à d’autres naissances, et dans vos jours amoindris, si votre vie fut juste, il naîtra de nouveaux songes heureux, pour ensemencer les siècles.

 Pierre Rabhi (1938-2021)

 

Haut de page

 

L’hiver  par Jacques Musset

L’hiver est une saison souvent décriée à cause de ses côtés sombres, froids, austères. On a l’impression que la nature est sans vie : les arbres sont dénudés, leurs branches paraissent mortes, les carrés et les allées s’envahissent d’herbe. Mes vieux pruniers ressemblent à des grands escogriffes ébouriffés d’où la vie s’est retirée, mes plants de framboisiers ne sont plus que des tiges desséchées, les fraisiers des vieillards racornis, les cassissiers épuisés. Ça, c’est l’apparence. Il ne faut jamais se fier aux apparences. En réalité, la terre et les plantes se recueillent après avoir beaucoup donné et reconstituent leurs énergies pour se remettre de nouveau à l’ouvrage, l’heure venue. La sève des plantes vivaces et des arbres n’est pas morte mais elle descend en profondeur pour se revitaliser. De même, la terre a besoin de reprendre souffle lentement et paisiblement pour être activement disponible aux services qu’on lui demandera au début de la saison suivante. Les fortes gelées lui sont bénéfiques. En effet, les nuisibles qui pensent hiberner tranquillement en son sein trépassent et disparaissent.

Qui observe avec attention le spectacle de la nature hivernale a sous les yeux, en dépit du décor extérieur sévère, des signes évidents que l’hiver n’est pas une saison morte : les bourgeons minuscules affleurent aux branches des arbres et annoncent des promesses de fruits. Mais ces signes sont discrets, quasi imperceptibles parfois. Seuls, ceux qui prennent le temps d’examiner minutieusement l’univers végétal qui les entoure décèlent ces indices précurseurs d’une vie en gestation. J’aime l’hiver pour son silence et pour son travail souterrain qui s’opère lentement et mystérieusement dans tout le vivant, malgré le froid, le vent et la pluie. L’hiver est le temps des infimes commencements, quasi invisibles comme le sont tous les vrais commencements. Non, ce n’est pas pour moi une morne saison, comme on le dit trop souvent, c’est au contraire une période très riche. Comme la femme porte en elle neuf mois durant l’enfant auquel elle donnera le jour, les arbres et les arbustes hébergent dans leur secret les sources de la vie qui jaillira au printemps.

Dans nos existences, l’hiver n’est pas absent. C’est un temps de décapage intérieur, qui prend parfois des allures de mort. Traverser la maladie ou accompagner un proche gravement malade, affronter les angoisses, les incertitudes, les imprévus, l’inexorable aussi, est une rude épreuve qui laboure le corps, le coeur et l’âme. Faire l’expérience de la mort de l’être aimé est un dépouillement sans pareil. Mais il existe aussi bien d’autres détachements infiniment douloureux : perdre son travail sans assurance d’en retrouver un autre, vivre des séparations affectives à tout âge de la vie, vieillir en accumulant les handicaps, constater un effondrement de certaines convictions jusqu’alors professées sans l’ombre d’un doute et se sentir sombrer dans des décombres intérieurs, être sujet à l’incertitude sur des questions essentielles, endosser de la part d’autrui des réactions d’incompréhensions voire des calomnies, être pris de vertige devant le gâchis humain qui s’accentue sur notre planète, prendre conscience de sa solitude fondamentale, propre à chaque humain, de son impuissance radicale devant tant de chantiers et de son infinie petitesse pour peser sur le destin de l’humanité, que sais-je encore…

Sur le moment, c’est l’impression de mort qui domine. Comme les arbres du potager, dénudés, décharnés, secoués par la tempête, apparemment morts, nous sommes parfois dépouillés de beaucoup de supports qui nous assuraient tant bien que mal un relatif équilibre, fragile certes mais qui nous donnait l’impression que la vie l’emportait sur les forces de mort. Et puis, un jour, bien avant le grand âge, des failles se sont révélées : incident de santé majeur qui brise élans et projets, désillusions, déceptions, amertume, tentation de découragement et de scepticisme, manque de foi en soi et en autrui, lucidité accrue sur soi et ses ambiguïtés…

Sans doute, faut-il traverser ces hivers rigoureux de l’existence pour découvrir malgré tout que ce qui semble irrémédiablement mort en soi ne l’est pas totalement. Certes, beaucoup d’apparences qui pouvaient donner le change se sont envolées. Mais dans ce dépouillement de l’être réduit à une nudité parfois extrême, se manifestent des signes de vie, invisibles pour l’œil distrait. Paradoxalement, au lieu même de la pauvreté, pointent des promesses d’avenir. Comme le squelette décharné des arbres se couvre de bourgeons qui ne se voient qu’à un examen rapproché, nos existences, pourtant couvertes de cicatrices et de blessures, laissent transparaître, pour qui est attentif, quelques indices d’une vie souterraine. Si donc la sève ne s’absente pas des arbres ni des vivaces durant la froide saison mais se recueille en leurs profondeurs, ainsi en va-t-il du travail intime qui s’opère mystérieusement et silencieusement au plus profond de nous-mêmes dans la traversée de l’épreuve. Mais il faut du temps, dans l’ordre humain comme dans l’ordre végétal, pour éviter l’épuisement et reconstituer énergies, force vitale et capacités de resurgir. L’hiver est pour moi le symbole de cette lente et longue gestation de l’humain qui se fait au creux des vies sans tambour ni trompette, sans ostentation et sans démonstration de puissance.Il est des périodes où nous pouvons avoir l’impression qu’il ne se passe rien. Le temps est immobile. Le jour suivant ressemble au jour précédent, aussi gris, aussi morne, aussi monotone. Rien ne semble advenir. Pourtant au fil des semaines, des mois et des années, la délicate et vulnérable sève humaine apparemment inactive est efficacement à l’œuvre, sans bruit ni tapage. L’hiver dans nos vies est le temps de la patience, du recueillement et du consentement au mystère secret qui s’engendre en nos profondeurs…

Jacques Musset

Haut de page

 

 L'écologie par des extraits Laudato Si du Pape François

 

L'homme responsable du réchauffement

Négociations internationales

Responsabilité envers les plus pauvres

Eau et guerre

Critique du consumérisme

Démographie

L'illusion des solutions techniques

La soumission au pouvoir financier

Rôle des religions

Le message biblique

 

Quelques courts extraits de l'encyclique du pape François sur l'écologie, cliquer

Golias Hebdo n°686 de septembre 2021

Haut de page

 

Transition intérieure :

entretien avec Pierre Rabhi

 

Comment avons-nous pu en arriver là ? Qu’est-ce qui nous a amenés à saccager la planète sur laquelle nous vivons, au point de menacer notre vie, et celles des autres espèces ?

 

C’est une question fondamentale, que nous devons nous poser de façon exigeante compte tenu des évolutions négatives que nous avons provoquées sur cette planète. Nous sommes en train de nous détruire et de détruire la vie.

Il y a toujours eu chez l’être humain la problématique de la peur. Nous avons en nous des peurs primales, des peurs profondes qui déterminent notamment nos comportements violents. Nous sommes passés d’une humanité primitive, qui considérait qu’elle appartenait à la vie, à une humanité qui considère que la vie lui appartient.

D’où vient cette vanité ? Peut-être des religions monothéistes, qui nous érigent comme les princes, et même comme les propriétaires de la Création. Nous ne sommes en réalité que de simples mammifères que la nature a créés. Nous avons certes des prérogatives particulières par rapport aux autres créatures vivantes : notre conscience et notre entendement nous donnent un libre arbitre. Mais qu’est-ce qu’ils nous tourmentent ! Lorsque nous nous éteignons, est-ce définitif ? Ou bien se passe-t-il quelque chose, sur le plan de l’âme, quand le corps se décompose et rejoint les lois biologiques ? Cette peur de la finitude existe depuis l’origine de l’humanité !

 

Les sciences et la technique ont certainement aussi contribué à ce que l’être humain se voit comme un être à part. Elles nous ont permis de décupler notre efficacité, dans nos gestes, nos déplacements… Nous avons acquis une maîtrise, une efficacité, totalement inédites. La modernité a, en particulier, modifié le temps. Avant la technologie, le paysan était au diapason de la vie, des cycles de la nature, des saisons : on ne peut pas planter un arbre aujourd’hui et récolter le lendemain !

Avec la technologie, on est passés du rythme du cheval – l’animal – à celui du cheval-vapeur. Cette modification du rapport au temps nous a amenés à cette frénésie, qui instaure le stress, l’obsession du temps qui passe. Nous entretenons cette forme de pathologie qui est source d’angoisse car on se demande sans cesse comment gagner du temps, ne pas perdre de temps… Le temps artificiel est extensible, il n’a pas de limites. C’est un temps suractivé, qui torture l’être humain.

« Quand les gens sont confinés dans des cages, ils les aménagent, et oublient complètement qu’ils sont enfermés… »

 

Qu’est-ce que le progrès ? Troquer notre existence contre un salaire ? Consommer des anxiolytiques pour supporter ce rythme effréné ? Passer des heures dans sa bagnole ? En tout cas, je ne vois pas les gens dans le bonheur. J’y vois plutôt des palliatifs au bonheur.

 

Comment inverser ce processus mortifère ?

 

Il y a tellement à faire… Il faut sortir de ce modèle, mais il est lourd, établi, bétonné, et tout le monde y est prisonnier. La modernité, censée libérer l’être humain, est en fait un système carcéral des plus élaborés ! Nous avons créé une sémantique qui fabrique du consentement, comme dirait Noam Chomsky. Même les situations les plus anormales, le système est capable de les rendre normales. De l’erreur, le système fait quelque chose qui est accepté comme étant juste. Krishnamurti l’observe : quand les gens sont confinés dans des cages, ils les aménagent, et oublient complètement qu’ils sont enfermés… Ils tournent à une allure folle dans leur roue, pour produire du PIB.

Je suis moi-même compromis dans cette société : j’ai une voiture, j’ai un téléphone portable, je m’éclaire à l’énergie nucléaire… En tant qu’agriculteur, j’ai un tracteur et je suis très content de l’avoir pour soulager les efforts du quotidien. Je ne nie pas ma participation, malgré moi, au monde d’aujourd’hui et à ses aberrations. Mais il est important d’ajuster les outils à nos besoins réels. Lorsqu’on peut se passer des technologies qui nous asservissent, c’est un vrai bonheur, on est comme affranchi, libéré. Bien sûr, il y a toutes sortes d’inconvénients, mais choisissons la liberté, et pas l’incarcération !

 

Que voulons-nous réellement de la vie ? Elle est courte, ne sommes-nous pas en train de la gâcher ? La libération de ce modèle permettrait à l’être humain de jouir de la vie dans sa totalité, dans sa plénitude. Chaque jour, disons-nous qu’il doit être éclairé, illuminé, et tranquille.

 

Quels sont les grands enjeux selon toi, pour les personnes et les collectifs qui s’engagent dans la transformation du système ?

 

Je vois, ici ou là, des expériences exemplaires. Elles misent sur plus de fraternité, plus de coopération, plus d’attention portée à l’enfant. L’éducation est un point fondamental ! Au lieu de dresser les enfants les uns contre les autres, avec la compétition, le culte de la performance… il faut leur apprendre à être solidaires. Ce serait déjà un bon départ ! Un enfant qui n’est plus dans le souci de dominer devient un adulte apaisé. En généralisant cette éducation, nous pourrions aboutir au miracle, peut-être, à l’abolition de la violence.

« La crise est à débusquer en nous-mêmes »

Une autre chose capitale à changer, c’est notre rapport à la nature ! Quoi qu’on fasse, on aura beau s’agiter, la nature mettra les limites. Ce qui déterminera le futur, ce ne sont pas les « progrès » que feront les humains en ceci ou en cela. C’est de la foutaise, ça peut être balayé par un raz de marée, ou une autre catastrophe. Il n’y a qu’à voir ce virus actuellement ! Si nous ne tirons pas une leçon de cette pandémie, c’est que nous n’avons rien compris ! Que dit ce virus ? « Vous n’êtes pas grand chose ». Et encore ce virus est gentil. Mais imaginons un virus plus mortel : on y passe, et puis c’est tout ! On voit bien qu’on est impuissant face à cela. L’intelligence nous dit : « Tu es mortel ! Ne détruis pas la vie, parce que tu fais partie de cette vie ».

Je crois profondément que la crise est à débusquer en nous-mêmes, dans ce noyau intime qui détermine notre vision du monde, notre relation aux autres et à la nature, les choix que nous faisons et les valeurs que nous servons.

 

Un être différent est à construire. Un être de conscience et de compassion, un être qui, avec son intelligence, son imagination et ses mains, rende hommage à la vie dont il est l’expression la plus élaborée, la plus subtile et la plus responsable.

Ouvrons les yeux, voyons les choses de manière objective, et développons cette énergie extraordinaire qu’est l’amour. C’est, sans le moindre doute, la plus grande énergie de transformation du monde. Elle est la source de la vraie transition intérieure.

 

Propos recueillis par Gregory David

Haut de page

 

« Cette pensée humaine capable de créer les plus formidables machines est incapable de créer la moindre libellule »

Edgar Morin, sociologue et philosophe

 

Dans un texte écrit pour « Le Monde », le sociologue et philosophe revient sur le siècle écoulé, durant lequel s’est accrue « de façon inouïe la puissance humaine, en même temps que, de façon non moins inouïe, l’impuissance humaine ».

Article publié le 07 07 2021, la veille de l’anniversaire de l’auteur (qui devient centenaire)

 

Avant de considérer la crise que nous vivons depuis 2020 puis d’en supputer les suites, essayons de la situer dans la phase extraordinaire de l’aventure humaine qui a commencé il y a soixante-quinze années et a connu des imprévus eux-mêmes extraordinaires. C’est une période où s’accroît de façon inouïe la puissance humaine, en même temps que, de façon non moins inouïe, l’impuissance humaine.

En 1945, la bombe sur Hiroshima annonce la possibilité d’anéantissement de presque toute l’espèce humaine, possibilité qu’accroît par la suite la multiplication des armes nucléaires, notamment dans des Etats hostiles les uns aux autres. En cas de guerre nucléaire mondiale ne subsisteraient que quelques îlots de survivants. Ce déchaînement de puissance nous réduit à l’impuissance.

En 1972, le rapport Meadows avertit l’humanité du processus de dégradation de la planète tant dans sa biosphère que dans sa sociosphère. Les cinquante années suivantes voient son aggravation continue. La conscience de cette menace se fait très lentement et demeure insuffisante, tandis que les ravages se poursuivent dans l’atmosphère, les rivières, les océans, les terres stérilisées par l’agriculture industrialisée, l’alimentation, les villes polluées, la vie humaine.

A partir de 1980, le mouvement transhumaniste, né en Californie, se répand dans les élites de la technique et de l’économie. Il prévoit une métahumanité dotée de l’immortalité et une métasociété harmonieusement réglée par l’intelligence artificielle. Animé par la conscience des possibilités de nouveaux pouvoirs technoscientifiques qui permettent de concevoir le prolongement de la vie humaine et un homme augmenté dans ses pouvoirs, le transhumanisme reprend et développe le mythe occidental de maîtrise illimitée du monde extérieur et l’utopie d’une société rendue harmonieuse par l’usage managérial de l’intelligence artificielle éliminant les désordres, donc les libertés. Il annonce, en fait, une métamorphose de l’humanité tant individuelle que sociale en une post-humanité ou surhumanité.

 

Globalisation

En 1989-1990 s’opère l’invasion du capitalisme en ex-Union soviétique et en Chine communiste, en même temps que la diffusion mondiale des moyens de communication immédiate. Cette mondialisation ou globalisation crée une communauté de destin pour les humains de tous continents, face aux périls communs (nucléaires, écologiques, économiques). Cette communauté de destin permet d’entrevoir la possibilité d’une métamorphose non pas transhumaniste mais panhumaniste, allant dans le sens non pas d’un homme augmenté mais d’un homme amélioré dans une Terre-patrie qui engloberait sans nullement supprimer nos patries nationales – cela à la condition préliminaire qu’apparaisse une nouvelle pensée politique humaniste.

A la même période s’opère en Grande-Bretagne et aux Etats Unis ce qu’on peut appeler une révolution néolibérale qui non seulement prône l’économie de marché pour résoudre tous problèmes sociaux, mais aussi vante la privatisation et la commercialisation des services publics, y compris des hôpitaux, réduisant l’Etat au rôle de gendarme.

Cette révolution se mondialise et dès lors, partout dans le monde, le pouvoir de l’argent domine et se déchaîne. Il aggrave une crise des démocraties corrompues par ce pouvoir, ainsi qu’une crise de la pensée politique, vidée de tout contenu et se mettant à la remorque de l’économie, elle-même soumise au néolibéralisme.

Nous vivons donc aujourd’hui une formidable dynamique scientifique-technique-économique-politique déterminée par le développement incontrôlé des sciences, le développement incontrôlé des techniques, sous l’impulsion effrénée des forces économiques et celle, non moins effrénée, de la volonté de puissance des Etats.

 

Enorme régression politico-sociale

Cette dynamique contribue à une énorme régression politico-sociale où apparaissent un peu partout sur la planète des chefs d’Etat dits « populistes » parce que démagogues, des régimes néoautoritaires à façade parlementaire, tandis que se multiplient les moyens qui permettent une société de domestication et de surveillance par reconnaissance faciale, contrôle des télécommunications, satellites ou drones espions – c’est déjà la réalité chinoise. La « bigbrotherisation » est en marche.

C’est dans ces conditions, ponctuées par des révoltes un peu partout dans le monde, toutes réprimées et certaines avec une extrême férocité, c’est dans cette phase de périls et de transformations que surgit la crise provoquée par la pandémie de Covid-19, devenue quasi instantanément planétaire, multidimensionnelle et dont nous ne sommes pas sortis.

C’est alors que se révèle la faiblesse d’une science que l’on croyait toute-puissante. Déjà l’alerte du sida en 1983 avait entamé la croyance en une science toute-puissante qui éliminerait bactéries et virus. Mais la certitude de la maîtrise de l’ennemi microscopique demeurait. Or, voilà un virus dont on peut analyser les molécules constitutives, mais dont on ignore toujours l’origine, et qui peut-être serait le microscopique produit d’un docteur Frankenstein chinois échappant à son créateur, et ayant le comportement aberrant d’un virus fou, frappant diversement ses victimes, mortellement parfois.

On saura plus tard si la recherche de vaccin n’a pas ralenti la recherche de remède, si certains remèdes n’ont pas été écartés sous la pression de trusts pharmaceutiques puissants jusqu’à parasiter les autorités de santé. L’important est de reconnaître que, si grandes soient les victoires des techniques scientifiques les plus raffinées, jamais les virus et les bactéries ne seront éliminés, ne serait-ce que parce qu’une partie du monde bactérien est vitale, notamment pour nos intestins ; ne serait-ce que parce qu’ils sont capables de se modifier et déjouer les antibiotiques et les antiviraux, ce qui affecte du même coup le rêve d’immortalité du transhumanisme. Ainsi nous apparaît la faiblesse d’une science par ailleurs si puissante.

 

L’infirmité ne vient pas seulement de la fragilité humaine mais aussi des effets destructeurs de la toute-puissance scientifique-technique-économique

Simultanément, le caractère multidimensionnel et planétaire de la crise, la multiplicité des interrétroactions entre ses composantes comme entre le local et le global, tout cela révèle la faiblesse d’une pensée si puissante mais incapable de concevoir la réalité humaine, et particulièrement dans les époques des crises, parce qu’incapable d’intégrer les connaissances dispersées et compartimentées dans les disciplines. En même temps nous apparaît l’insuffisance d’une pensée si puissante dans le calcul et l’algorithmisation des données existantes, mais aveugle à ce qui est le caractère même de l’histoire humaine : le surgissement de l’inattendu et la présence permanente des incertitudes, lesquelles s’aggravent en temps de crise et surtout de crise géante comme la nôtre.

Nous vivons donc en 2021 une étape nouvelle de la phase extraordinaire de l’aventure humaine où culmine le paradoxe de la toute-puissance et de la toute-faiblesse humaine.

L’infirmité ne vient pas seulement de la fragilité humaine (le malheur, la mort, l’inattendu) mais aussi des effets destructeurs de la toute-puissance scientifique-technique-économique, elle-même animée par la démesure accrue de la volonté de puissance et de la volonté de profit.

 

Nous devons comprendre que tout ce qui émancipe techniquement et matériellement peut en même temps asservir

Cette pensée humaine capable de créer les plus formidables machines est incapable de créer la moindre libellule. Cette intelligence capable de lancer dans le cosmos fusées et stations spatiales, capable de créer une intelligence artificielle capable de toutes les computations, est incapable de concevoir la complexité de la condition humaine, du devenir humain. Cette intelligence capable de découper le réel en petits morceaux et de les traiter logiquement et rationnellement est incapable de rassembler et d’intégrer les éléments du puzzle et de traiter une réalité qui exige une rationalité complexe concevant les ambivalences, la complémentarité des antagonismes et les limites de la logique du tiers exclu.

Quand saurons-nous que tout ce qui est séparable est inséparable ?

Quand saurons-nous que tout ce qui est autonome est dépendant de son environnement, depuis l’autonomie du vivant qui doit renouveler son énergie en s’alimentant pour vivre et en information pour agir jusqu’à mon autonomie présente sur mon ordinateur, qui dépend d’électricité et de Wi-Fi ?

Aussi devons-nous comprendre que tout ce qui émancipe techniquement et matériellement peut en même temps asservir, depuis le premier outil devenu en même temps arme, jusqu’à l’intelligence artificielle en passant par la machine industrielle. N’oublions pas que la crise formidable que nous vivons est aussi une crise de la connaissance (où l’information remplace la compréhension et où les connaissances isolées mutilent la connaissance), une crise de la rationalité close ou réduite au calcul, une crise de la pensée.

 

Grands processus en cours

L’avenir : nous savons bien que toute futurologie est vaine et qu’une fois encore l’avenir humain sera riche en inattendus et en incertitudes. Mais nous pouvons envisager la continuation probable des grands processus en cours sur la planète.

Faisons déjà la seule prédiction possible : ce qui va advenir obéira à la dialectique devenant décisive entre toutes les puissances et toutes les impuissances humaines, et également, comme nous l’avons souvent dit, à l’inséparable relation conflictuelle entre Eros, Polemos et Thanatos.

Les conflits humains toujours en activité risquent de s’intensifier : toutes les crises risquent d’exaspérer les violences, délires et aveuglements plus que favoriser les prises de conscience et les sursauts salvateurs.

 

Multiples désastres naturels

Tout d’abord, le scénario d’une guerre nucléaire demeure comme une épée de Damoclès sur le futur humain et peut même avoir la vertu bénéfique d’un Memento mori [« souviens-toi que tu vas mourir »].

L’aggravation de la dévastation de notre biosphère terrestre provoquera de multiples désastres naturels, inondations, désertifications, modifications climatiques qui engendrent déjà migrations et conflits, notamment pour la possession de l’eau et la répartition des ressources énergétiques et alimentaires.

Le processus de régression politique et de néototalitarisme a toutes possibilités de continuer, sauf sursauts ou réactions comme certaines semblent s’amorcer (Chili et, très modérément, Etats-Unis).

Enfin, la métamorphose de l’homme augmenté en surhumain pourra se développer chez les élites du pouvoir politique et économique, créant une scission entre surhumains et humains, éventuellement réduits à l’apartheid ou à la stérilisation. La métamorphose de l’homme amélioré est une possibilité qui ne cesserait d’être utopique que si l’humanité changeait de voie et allait dans le sens indiqué dans mon livre qui porte ce titre [Changeons de voie : les leçons du coronavirus, Denoël, 2020].

Ces quatre processus, tous possibles, seraient à la fois ambivalents, parallèles, concurrents, antagonistes et comporteraient d’énormes incertitudes dans leurs interactions et rétroactions.

 

Réfléchir sur notre présent et notre avenir

N’écartons pas enfin l’hypothèse d’un prophète ou visionnaire ou illuminé inattendu annonçant la nouvelle religion planétaire et modifiant l’aventure humaine.

Pour scruter le passé, le présent et l’avenir qui sont liés, mais non de façon linéaire, nous avons besoin d’armer l’intelligence par la reconnaissance et le traitement du complexe, nous avons besoin d’une connaissance et d’une pensée pertinentes, d’une ample prise de conscience, de décisions conscientes et responsables, d’une stratégie toujours en mouvement.

En ce qui me concerne, je consacrerai mes dernières énergies à observer, travailler et réfléchir sur notre présent et notre avenir, tout en demeurant dans le parti qui transcende tous les partis, celui d’Eros.

 

Edgar Morin (sociologue et philosophe)

Haut de page

 

Ces enfants qui changent de sexe

 

Les demandes de changement de sexe augmentent parmi les jeunes. Leur prise en charge pose de nombreuses questions.

- Comment distinguer classiques tourments de l'adolescence et vrai malaise de genre ?

- On ne se lance pas dans une transition du jour au lendemain. Les patients sont suivis, en moyenne, au moins un an, voire deux ...

 

Deux témoignages de parents qui interpellent (extraits de "La Croix", 22 juin 2021), cliquer

 

A lire aussi éventuellement :

- "Transitions. Réinventer le genre", par Serge Hefez. Une analyse intéressante du phénomène transgenre, par l'un des pionniers de la prise en charge chez les jeunes.(Calmann-Lévy19.90 €)

- "Aider les enfants transgenres. Contre l'américanisation des soins" par Christian Flavigny. Le pédopsychiatre s'inquiète de l'ampleur prise par le phénomène de transidentité. (Téqui, 8.50 €)

Haut de page

 

Résonances spirituelles face aux défis contemporains

La pratique de la discussion philosophique avec les enfants et adolescents : un levier pour un monde plus conscient, plus tolérant, plus respectueux ?

Frédéric Lenoir, philosophe, sociologue et écrivain renommé, est le co-fondateur de l’association SEVE, « Savoir Être et Vivre Ensemble » grâce à laquelle j’ai découvert cette pratique en 2017 et suivi une formation au même titre que plus de 4000 personnes dans le monde francophone depuis 4 ans. Frédéric Lenoir se risque à dire : « Si tous les enfants avaient l’opportunité de pratiquer à l’école la discussion philosophique » le monde changerait en une génération.

 « A quoi sert la vie ? la mort est-elle la fin de la vie ? le présent existe-t-il ? peut-on vivre sans loi ? comment réagir à la violence ? »  Telles sont les questions que des collégiens de 4eme vivant à Saint Nazaire, en Loire Atlantique, se sont posées lors du second atelier de pratique de la philosophie auxquels ils participaient. Le cadre proposé les invitait à identifier les questions philosophiques qu’ils se posaient sur eux, leur rapport aux autres, au monde, sur la vie en général.

Mais le sujet qui a recueilli le plus de votes dans les deux groupes était celui de l’argent et du bonheur. Pas étonnant dans ce collège de quartiers défavorisés, classé en REP+, accueillant un grand nombre de jeunes ayant connu récemment l’immigration.

Alors est apparue toute l’ambiguïté autour de cette relation entre l’argent et le bonheur. Bien sûr on sait que l’argent ne garantit pas une bonne santé, une immortalité, mais avec de l’argent on peut se soigner. Il ne crée pas l’amitié, mais tout de même…telles ont été leurs réflexions.

Dans l’écoute des arguments des uns et des autres, les positions de départ de certains se nuancent. Pas tous. Au terme de la discussion, l’un des groupes se partage entre « l’argent contribue plus au moins au bonheur » et « l’argent contribue largement au bonheur » quand l’autre reste sur sa position de départ, à savoir que l’ingrédient principal du bonheur, c’est l’argent. Il n’est pas nécessaire de rechercher une position commune. L’essentiel est dans le cheminement qui a duré le temps de l’atelier, soit à peine trois quarts d’heure.

C’est cette capacité d’écoute réciproque, d’argumentation, de conceptualisation, de problématisation que les ateliers de pratique philosophique pour enfants et adolescents cherchent à développer.

Quand une petite fille de CE2 dit en fin d’atelier : « j’ai été contente de voir que d’autres pensaient différemment de moi », je me dis qu’une partie du chemin a été déjà accompli. Accepter les différences, déconstruire les certitudes ou préjugés… autant d’apprentissages à la tolérance et au vivre ensemble !

Ce sont bien des enfants qui philosophent, car l’animateur n’est qu’un facilitateur, qui reformule, qui questionne au sens socratique du terme, qui fait circuler la parole…mais l’animateur reste neutre, sans opinion et sans réponse sur le sujet. Au mieux se risque-t-il parfois à glisser une phrase d’un philosophe en écho à ce qui vient d’être dit. A la question « doit on toujours dire la vérité ? », posée dans un autre atelier, alors que l’on s’aide de différents dilemmes pour réfléchir, on ne peut s’empêcher d’inviter Kant à se joindre au cercle.

« J’aime bien les ateliers philo car on peut discuter de choses sérieuses, en s’amusant, en étant libres de nous exprimer… » dit dans un tour de cercle de fin d’atelier un adolescent de 5ème dont le groupe échange à partir d’extraits du film « E.T. l’extraterrestre ».

En 2016, l’Unesco a créé une chaire intitulée "Pratiques de la philosophie avec les enfants : une base éducative pour le dialogue interculturel et la transformation sociale ». Portée par l’Université de Nantes et coordonnée par Edwige Chirouter, elle énonce : « Les enjeux de la pratique de la philosophie avec les enfants rejoignent très étroitement les objectifs et les valeurs de l'UNESCO : trop souvent réduite à l'enseignement secondaire ou universitaire, la pratique de la philosophie est pourtant un des moteurs essentiels pour développer l'esprit critique, les compétences démocratiques, l'empathie, l'ouverture et le dialogue interculturel. La démocratisation de l'enseignement de la philosophie est une nécessité dans le monde d'aujourd'hui, caractérisé par la complexité et les crises multiples (de sens, des valeurs, de la démocratie, de l'économie). Nous rejoignons ainsi les préoccupations de la philosophe Martha Nussbaum dans Les émotions démocratiques (2011), dont un des chapitres est justement consacré à la philosophie avec les enfants. Pour M. Nussbaum, les systèmes éducatifs tendent à mettre de côté les Humanités au profit d'une connaissance purement technologique, préparant ainsi une grave crise des démocraties. Pourtant, seuls, la littérature, la philosophie, l'histoire et les arts permettent aux futurs citoyens de développer leur faculté critique et leur empathie. L'enjeu du développement de ces pratiques n'est donc pas seulement pédagogique, mais pleinement politique, au sens le plus noble du terme. »

Bien qu’amorcée dans les années 1970, cette pratique de la philosophie avec les enfants et adolescents se fraye timidement son chemin. Trop timidement certainement, au regard des enjeux qui sont les nôtres d’évolution des consciences dans les domaines environnementaux, de lutte contre les intégrismes, et d’une façon du vivre ensemble.

Et pourtant Montaigne écrivait déjà en son temps, dans un chapitre qu’il intitule « De l’institution des enfants » : « l’éducation consiste d'abord dans l’apprentissage d’une pensée réflexive et critique. Se former, c’est apprendre à penser par soi-même ».  Qui ignore la fameuse phrase du même auteur : « mieux vaut une tête bien faite qu’une tête bien pleine. » ?

Quand bien même se confronter à 60 ans passés à des groupes d’enfants ou d’adolescents n’est pas toujours chose simple, surtout lorsque l’on n’a jamais été enseignant, les petites phrases rappelées en début de texte, et la conscience d’agir modestement, à sa mesure, pour le monde de demain, aident à conserver de la motivation, de la bienveillance et de l’humilité.                     

Michel Calvez - 13/04/2021  La lettre de D&S <lalettre@democratieetspiritualite.org>

Haut de page

 

Si le déni de la mort est une des caractéristiques des sociétés occidentales, l’épidémie due au SARS-CoV-2 illustre son paroxysme. Depuis la seconde guerre mondiale, ce déni n’a fait que s’amplifier, avec le progrès technologique et scientifique, les valeurs jeunistes qui nous gouvernent, fondées sur l’illusion du progrès infini, la promotion de l’effectivité, de la rentabilité, du succès. Il se manifeste aujourd’hui par une mise sous silence de la mort, une façon de la cacher, de ne pas y penser, avec pour conséquence une immense angoisse collective face à notre condition d’être humain vulnérable et mortel.
            Ce déni de la mort a eu trois conséquences. D’abord au niveau individuel, il n’aide pas à vivre. Il appauvrit nos vies. En faisant comme si la mort n’avait pas d’incidence sur notre manière de vivre, nous croyons vivre mieux, mais c’est l’inverse qui se produit. Nous restons souvent à la surface des choses, loin de l’essentiel.

Une illusion

           Ensuite, ce déni entretient une illusion, celle de la toute-puissance scientifique et technologique, celle du progrès infini. Avec ce fantasme incroyable : imaginer qu’un jour on pourrait avoir raison de la mort. Enfin, le déni de la mort nous conduit à ignorer tout ce qui relève de la vulnérabilité. Il est responsable d’une perte d’humanité, d’une perte de la culture de l’accompagnement, avec les souffrances qui y sont associées.
            Dès 1987, avec l’arrivée des soins palliatifs en France, a commencé un long combat pour sortir de ce déni. En 2005, lors de son audition au parlement, en vue de la loi relative aux droits des malades et à la fin de vie (dite loi Leonetti), la sociologue Danièle Hervieu-Léger avait eu cette réflexion : « Le déni de la mort se venge en déniant la vie. La mort qui n’a pas sa juste place finit par envahir toute l’existence. Ainsi notre société est-elle devenue à la fois thanatophobe et mortifère. » Le déni a pourtant perduré.
L’épidémie actuelle l’illustre factuellement. La peur de la mort domine. Au lieu d’être considérée comme notre destin à tous, une réalité sur laquelle il faut méditer car elle est inéluctable, la mort devient l’ennemi à combattre. Faut-il pour autant ne pas se protéger ni protéger les autres, évidemment que non. Mais cette responsabilité doit être laissée à chacun et non édictée par un pouvoir médical devenu tout-puissant, qui poursuit aujourd’hui son fantasme d’éradiquer la mort, de préserver la vie à tout prix, au détriment de la liberté de la personne. Les acquis sur la dignité du mourir et le respect des droits des personnes en fin de vie sont brutalement mis à mal.

 

Le combat contre la mort est vain
             Je ne remets aucunement en cause l’acharnement avec lequel médecins et soignants, au risque de leur propre vie, soignent des patients qui ont encore envie de vivre. Je remets en question la folie hygiéniste qui, sous prétexte de protéger des personnes âgées, arrivées dans la dernière trajectoire de leur vie, impose des situations proprement inhumaines. Cela a-t-il un sens de confiner une personne âgée, qui dans son for intérieur est relativement en paix avec l’idée de mourir, comme c’est le cas pour beaucoup ? De l’empêcher de vivre les dernières joies de sa vie, voir ses enfants, les embrasser, voir ses amis, continuer à échanger avec eux ? Leur demande-t-on leur avis, leur choix ? Demande-t-on aux proches ce qui est plus important pour eux : prendre le risque d’attraper le Covid-19 en prenant une dernière fois dans ses bras un parent aimé et lui dire au revoir ? Ou se protéger au risque d’une culpabilité qui les empoisonnera pour longtemps ?
            Ce déni de la mort est dramatique et le combat contre la mort est vain. Nous ne mesurons pas les souffrances qui naîtront de l’érosion de l’humain quand la distanciation sociale sera devenue la norme, comme des inégalités que cette peur de la mort aura induites, les désespoirs, les dépressions, les violences, les envies de suicide. Nous réaliserons après le confinement le mal qui aura été fait en privilégiant la vie au détriment de la personne.


Les vraies questions sur le sens de l’existence
             Car qu’est-ce qu’une personne ? Sinon un être humain qui, se sachant mortel, et méditant sur sa finitude, est renvoyé à l’essentiel, à ses priorités, à ses responsabilités familiales, aux vraies questions sur le sens de son existence.
            Heureusement, quand notre société aura atteint le pic du déni de la mort, s’amorcera un déclin. Nombreux sont ceux qui, déjà dans le silence de leur confinement, méditent aujourd’hui sur le sens et la valeur de leur existence, sur le genre de vie qu’ils ont vraiment envie de mener. Une vie de retour aux choses simples, une vie où le contact avec ceux que l’on aime compte plus que tout, où la contemplation du beau et de la nature participe à la joie de vivre.
            Une vie où l’on n’abandonne pas les plus vulnérables, où la solidarité humaine l’emporte. Une vie qui respecte les rites essentiels qui ponctuent l’existence et rassemble la communauté des vivants : la naissance, le mariage, la mort. Une vie où le devoir d’accompagnement de ceux qui vont mourir impose naturellement la présence, les mots d’adieu, bref d’entrer dans ce que le psychanalyste Michel de M’Uzan (1921-2018) appelait « l’orbite funèbre du mourant ».

Haut de page

 

 

Le transhumanisme, sauveur ou fossoyeur de l’humanité ?

Par Frédéric Brillet -

 

Pour sauver le monde et l’espèce humaine, le transhumanisme propose de transformer cette dernière en misant sur les acquis de la science. Un projet qui suscite des inquiétudes croissantes à mesure qu’il se précise.

 

Qu’on se le dise : les transhumanistes sont déjà parmi nous et chacun l’a été, l’est ou le sera un jour. En mêlant des idées libérales inscrites dans l’individualisme contemporain à un prophétisme technologique teinté d’optimisme, le transhumanisme fédère des croyants, athées, environnementalistes, scientistes, libéraux libertariens, communistes… Il est vrai que le simple fait de s’affranchir des lois de la nature par les acquis de la science pour améliorer sa vie participe déjà du transhumanisme au sens étroit du terme. « La majorité des retraités connaît aujourd’hui une anticipation de la condition de cyborg[1] : implants dentaires, hanches artificielles, stimulateurs cardiaques installés dans le corps. Et les enfants conçus dans une éprouvette se comptent par milliers », pointe le théologien Dominique de Gramont[2].

 

Vienne l’amortalité

Résultat de la fusion d’un être de chair avec la machine, le cyborg du futur ira encore plus loin. Ce sera un « homme augmenté », c’est-à-dire amélioré, bardé de biotechnologies et d’intelligence artificielle qui accroîtront considérablement ses performances physiques et intellectuelles ainsi que sa longévité en bonne santé. Plutôt que l’immortalité, les transhumanistes visent en fait l’״amortalité״, qui donnera aux individus la capacité de se régénérer en permanence.

En accordant à chacun le droit de recourir à la technologie pour progresser moralement, physiquement et intellectuellement, le transhumanisme permettrait à l’espèce humaine d’acquérir la sagesse nécessaire pour maîtriser guerres et conflits et échapper ainsi à l’extinction. S’appuyant sur des progrès scientifiques qui prouvent régulièrement leur capacité à transformer nos vies, le « grand récit » du transhumanisme a tout pour séduire, remarque Dominique de Gramont : « Simple et accessible », il permet « d’échapper au vide de l’air du temps » en apportant une espérance de substitution à la religion ou au politique, le salut venant de la promesse de longévité extrême.

 

Charité bien ordonnée…

Le socle même du transhumanisme, à savoir une espérance de vie décuplée, suscite la polémique et le doute. « Comment oser prédire l’immortalité quand l’espérance de vie diminue ? La santé éternelle quand les maladies chroniques – cancers, diabète, obésité… – se généralisent ? L’intelligence augmentée quand les pollutions font chuter le QI des enfants ? » tacle le biologiste Jacques Testart. D’autres critiques pointent le risque de surpopulation engendrée par des centenaires qui n’en finiront pas de mourir. Ou, à l’inverse, si l’on stoppait la croissance démographique, l’avènement d’une humanité chenue, triste et confite dans le conservatisme.

En décuplant la longévité, le transhumanisme creuserait par ailleurs les inégalités entre privilégiés pouvant se payer une médecine de pointe et les autres. Car, dans sa version libérale libertarienne, le transhumanisme augmente l’espérance de vie et les performances physiques et intellectuelles d’une petite élite fortunée. Mais à quoi servira-t-il de prolonger la vie humaine sur une Terre devenue invivable pour cause d’environnement et de climat dégradés ? Reste à savoir sur quels critères seront sélectionnés les heureux élus qui pourront embarquer dans cette arche de Noé, à quelles « augmentations » ils devront recourir pour s’adapter au milieu extraterrestre et si tous les volontaires pourront se les payer…

Au-delà de l’espèce humaine, certains transhumanistes s’intéressent à la sauvegarde de la planète. Ils envisagent des manipulations génétiques rendant l’homme intolérant à la viande, ce qui supprimerait toute tentation d’en consommer et donc les émissions de gaz à effet de serre découlant de l’élevage. D’autres interventions permettraient de réduire la taille des humains – et donc leur empreinte carbone –, ou de développer leur altruisme – pour les rendre plus sensibles aux questions écologiques.

 

Le meilleur des mondes

Se situant dans une perspective évolutionniste, les transhumanistes se disent favorables à l’eugénisme dans une version libérale et non coercitive. Ils souhaitent mettre fin à la loterie génétique en autorisant les futurs parents à pratiquer toutes sortes de tests sur leurs enfants à naître pour s’assurer d’une descendance la plus parfaite possible. Et, à ceux que cela choque, ils ont beau jeu de faire remarquer que les tests prénataux existants permettent déjà aux femmes enceintes dont le fœtus est affecté d’un handicap physique ou intellectuel, comme la trisomie 21, d’avorter. À terme, le projet transhumaniste prévoit d’aller encore plus loin. Les géniteurs se verraient accorder la possibilité non seulement d’éliminer les embryons déficients mais de sélectionner le génome de leurs futurs enfants pour les doter de certaines caractéristiques physiques ou intellectuelles.

C’est ce que pensent les détracteurs de ce mouvement : en prônant l’eugénisme, fût-il libéral, les transhumanistes pousseraient à l’élimination des profils atypiques, faibles ou handicapés. Qu’adviendra-t-il alors des sentiments d’empathie ou de tolérance propres au genre humain qui se manifestent vis-à-vis de la différence ? « La sélection des “meilleurs”, surtout par la reproduction dirigée – tri intensif des embryons, voire leur modification –, diminuerait la diversité humaine, fragilisant l’espèce », alerte par ailleurs Jacques Testart. Un argument qui porte en pleine pandémie…

Enfin, en créant une humanité à deux vitesses, le transhumanisme encouragerait les conflits entre humains augmentés et ceux qui n’ont pu ou voulu se lancer… À terme, cette nouvelle division du genre humain augmenterait le risque de racisme ou de guerre civile. Et, si tout le monde manipule son génome, devient cyborg en incorporant des dispositifs mécaniques et d’intelligence artificielle, l’espèce humaine telle que nous la connaissons disparaîtra, comme l’homme de Néandertal…

 

Choisir ou non, telle est la question

Face à ces critiques, les transhumanistes libéraux demeurent sereins : en l’absence de coercition, les individus choisissent ou pas d’être augmentés et expriment des préférences différentes sur des traits physiques ou de caractère. Laisser chaque individu décider ne saurait donc poser de problème, pour peu que l’État veille à ce que les humains non augmentés ne soient pas discriminés.

 

Frédéric Brillet   Publié par TC le 29 mars 2021

 

[2] Dominique de Gramont a écrit Le christianisme est un transhumanisme (Éditions du Cerf).

Haut de page

 

Convivialité planétaire Pierre Rabhi (tiré de la Lettre de Mars de Démocratie et Spiritualité)

 

Pierre Rabhi, constatant les désastres causés par la juxtaposition de savoirs parcellaires, insiste sur la nécessité de retrouver ce que le philosophe Emmanuel Levinas appelle « la sagesse de l’amour ». « Cessons de confondre aptitudes et intelligence, et œuvrons à éveiller l’humanité à prendre conscience qu’elle partage un destin et un sort communs, que chaque mal ou bien se répercute universellement. (…) Nous appartenons à une seule et même espèce, chaque autre est frère et le temps est venu de créer une convivialité planétaire. Prendre conscience qu’il faut additionner « ce » que l’on s’évertue à mettre en rivalité, à marchandiser ou à retrancher. Et cela en faisant sien cet enseignement du Christ, mais qui est universel, œcuménique : « il n’y a que l’amour qui peut changer le cours de l’humanité ». Voilà le retournement auquel, au plus profond de mon cœur et de mon âme j’aspire ».

 

Extrait de : Edgar MORIN et Pierre RABHI : Frères d’âme, entretien avec Denis LAFAY, éditions de l’aube, 2021, 170 pages, 17,60 euros.

Haut de page

 

Conséquences psychosociales de l'épidémie et nos réponses …

par Bruno-Marie Duffé

La force pernicieuse d'un virus dit la fragilité de nos projets, de nos savoirs, de nos prévisions et de notre maîtrise des risques … Au-delà de l'infection, c'est notre mode de vie qu'il importe de repenser, de manière radicale. Si les virus se propagent avec la force que nous voyons, c'est que nous sommes dans un déséquilibre écobiologique et que les organismes vivants, les virus comme les autres vivants, cherchent leur place dans une biodiversité maltraitée, instrumentalisée de manière irresponsable. Il y a urgence à soigner et à penser une nouvelle harmonie entre les vivants.

Les deux dimensions sont ici à considérer de manière conjointe : prendre soin et considérer les équilibres entre les organismes, dans leurs dimensions physique, biologique et communautaire. C'est la raison pour laquelle il importe, dans le même temps, de prendre soin de la vie intérieure et relationnelle des humains. L'écologie intégrale requiert, nous le comprenons désormais une « santé intégrale » qui ne saurait se limiter à la réparation de nos corps, mais qui appelle une éducation et une connaissance du corps, de la relation et de la respiration intérieure : ce que nous appelons la spiritualité. Car on pourrait dire qu'il y a, dans la crise que nous traversons aujourd'hui, la présence d'un autre virus, tout autant caché : le virus de la désespérance qui attaque à la fois notre rapport à l'avenir et notre confiance en l'autre et en nous-mêmes.

S'agissant de la santé et du soin, les solutions « intégrales » commencent, de toute évidence, par notre éducation et notre rapport aux éléments, au corps et à l'autre. Éduquer à la santé intégrale est une priorité absolue si nous voulons que les générations continuent de déployer leurs capacités physiques, intellectuelles, relationnelles, spirituelles. Cela passe par une connaissance pratique de la nature et des rythmes, du corps et de l'esprit.

« Au-delà de l'infection, c'est notre mode de vie qu'il importe de repenser, de manière radicale. Il y a urgence à penser une nouvelle harmonie entre les vivants. »

Nous ne pouvons pas continuer à nous épuiser dans une suractivité et une surconsommation et à penser que les traitements chimiques vont réguler nos dysfonctionnements et nos angoisses. Cela suppose, du même coup, un autre rapport à la nourriture, aux saisons, aux étapes de la vie, à la manière d'écouter et de prendre soin. Cela suppose de se réconcilier avec les aspirations profondes que nous portons en nous-mêmes, avec la richesse de nos traditions et de notre mémoire collective. Nous pensons à la complémentarité entre les thérapies contemporaines, qui visent l'efficacité immédiate et parfois excessive, et les thérapies traditionnelles, beaucoup plus douces, qui sont souvent méprisées pour des raisons de méconnaissance ou de moindre efficacité. Cela appelle un rapport pacifié entre les générations et entre les communautés. Voilà à quoi engage une démarche « intégrale ». Si nous considérons que la crise sanitaire révèle et amplifie les crises écologique, économique et sociale, alors la réponse doit prendre en considération ces diverses dimensions de notre humanité qui est une.

https://www.lavie.fr/

Haut de page

 

Avancer dans ma vie... comment faire ?

 

La croissance est un processus naturel. Tout comme on ne peut tirer sur une plante pour la faire pousser, on ne peut forcer le mouvement naturel qui nous permet de devenir peu à peu qui nous sommes en profondeur...
Quand j’observe un tout petit, je suis frappée par la manière dont la vie nous pousse en avant.

  • Apprendre à marcher est davantage le fruit d’une évolution naturelle qu’un apprentissage en tant que tel. Rien ne peut être forcé, le tout petit se mettra en route quand il sera prêt. D’abord ce sont des balbutiements, des passages maladroits entre la station assise et celle de la mise debout. Et puis tout à coup, il se lance et est prêt à affronter le monde. Il s’aventure, heureux de cette autonomie acquise qui lui permet d’explorer un peu plus loin le monde qui l’entoure. Rien ne l’arrête plus. Cela se fait naturellement. Tout au plus a-t-il besoin d’un environnement encourageant, stimulant.

  • Goûter au bonheur d’être. L’enfant est spontanément animé d’une joie, d’un enthousiasme, d’un appétit de vivre. Il ne se pose pas de question, il est, simplement, il est, naturellement.

    Progressivement, pour de multiples raisons, nous pouvons perdre ce contact spontané à la joie de vivre.

Mais contrairement à l’enfant, nous avons acquis la faculté de choisir et ainsi la possibilité de nous donner les moyens pour retrouver cette joie de vivre.
Ces moyens vous les connaissez peut-être, ce sont des manières de s’y prendre avec soi qui favorisent notre déploiement. En voici trois :

 - Nous donner un environnement qui nourrit notre désir de nous déployer. 
Nous n’avons pas de pouvoir sur les autres, mais nous pouvons choisir vers quelle personne nous allons-nous tourner pour nous sentir plus vivants : qui vais-je fréquenter pour réveiller en moi ma joie de vivre ? Quelle est la personne de mon entourage avec qui je peux vivre ma capacité à aimer gratuitement ?
Nous pouvons aussi nous aider de notre environnement matériel pour nous vitaliser :
Quel lieu est pour moi source de ressourcement ? Quelle pièce de ma maison vais-je soigner pour la rendre plus apaisante ou plus stimulante ?

 - Savourer qui nous sommes
Prendre de petits temps qui nous remettent en contact avec notre vie profonde. Nous arrêter pour reconnaître en nous ce qui nous caractérise et nous laisser goûter à la joie d’être nous. Et pour cela, accepter de nous laisser surprendre au détour de notre journée par un aspect de notre personnalité : nous laisser toucher par notre délicatesse, goûter à notre capacité à nous rendre complice, complice de l’autre, complice de l’instant. 

- Apprendre à choisir librement, en accord avec soi
Et non plus en fonction des avis, des attentes des autres, ni « parce qu’il faut » ou pour de fausses excuses telles que « je n’ai pas envie », « pas le temps », « ça ne se fait pas » ou « je n’ai pas le choix ».
Mais devenir acteur, actrice, de notre cheminement en écoutant cette petite voix intérieure qui nous dit ce qui est juste et bon pour nous.

Ces moyens sont au service de notre croissance, octroyons-les-nous sans modération !

 

https://www.prh-france.fr/

Haut de page

 

 

Coronavirus, dernier avertissement

avant la grande catastrophe      Par Pierre Lagnel

 

… L’apparition du virus prend place dans la multiplication des zoonoses depuis vingt ans. Leur point commun ? Elles résultent de la déforestation qui met en contact les hommes avec des virtus qui, jusque -là, restait au centre des forêts tropicales.

La focalisation sur la croissance économique, sorte de religion laïque de notre temps, encourage l’exploitation de la biosphère, sans être capable de voir plus loin que les résultats financiers du prochain trimestre. Elle légitime aussi l’exploitation de franges importantes de la population. Celles-ci sont pauvres ou modestes, souvent issues des minorités ethniques, assignées aux tâches subalternes et disposant d’une santé fragile ; ou plutôt fragilisée par le stress, l’alimentation industrielle, la fatigue, les mauvaises conditions de logement, l’absence de prévention sanitaire, etc.

 

C’est ce dernier aspect qui a fait dire à l’éditorialiste Richard Horton, du magazine médical de référence The Lancet que nous n’étions pas en présence d’une pandémie, c’est-à-dire d’une maladie qui toucherait tout le monde et qui causerait la perte d’une partie de la population. Non, nous serions face à une syndémie, c’est-à-dire à plusieurs épidémies qui, jusqu’ici restaient cachées : « L’état de santé de la population française, pour se concentrer sur elle, est en fait bien moins bonne qu’on ne le pensait, à cause d’une véritable épidémie de maladies chroniques, comme les cancers, le diabète, etc. » explique à Golias Hebdo l’économiste Eloi Laurent.

 

De même, la crise actuelle révèle toute l’ampleur des inégalités de santé, qui se distribuent le long de l’échelle des revenus. « Ce qui constitue une sorte d’épidémie », ajoute Eloi Laurent. Ces éléments sont liés au mode d’organisation de la société et notamment sur l’accent mis sur l’exploitation des ressources naturelles et des hommes. Et c’est à une révision des priorités qu’il faut s’atteler, comme le préconise l’économiste.

 

Contrairement à ce que prétendent la communauté des éditorialistes et les ministres, la solution technique du vaccin ne résoudra rien. Et elle n’empêchera pas d’autres virus de circuler à l’avenir … Il ne s’agit que d’une illusion qui ne prend en compte ni la justice ni l’efficacité. La révision des priorités suppose une revitalisation de la démocratie. Or, ce n’est pas la voie qui est prise par le gouvernement. Sa gestion de la crise est symptomatique : sa stratégie n’est pas soumise à débat au Parlement, aucune analyse des mesures prises et de celles qui n’ont pas été prises n’est faite publiquement et de manière contradictoire …

 

-   Golias n°656 du 21 01 2021  https://www.golias-editions.fr/

Haut de page

 

Naissance, vie … et mort par Gilles Farcet

Tant que notre culture opposera « la vie » à « la mort », il nous sera difficile de considérer sereinement le terme de cette existence. Car ce que nous appelons « la mort » en y mettant toutes sortes de connotations terrifiantes n’est pas le contraire de « la vie » mais un aspect constitutif de cet incroyable phénomène appelé « vie ». Comme le savent nombre de cultures anciennes considérées de haut par nous autres « modernes », la vie, toute vie, comporte trois phases qui se succèdent en un cycle ininterrompu : apparition (parfois appelée « naissance »), déploiement (parfois appelé « vie »), disparition (souvent appelée « mort »). Ces trois phases sont la vie et aucune n’est stagnante, car la vie est changement. Les bouddhistes nomment cela « impermanence des phénomènes, les hindous parlent de « danse » …

Dans cette perspective, « la mort », y compris la « mienne », est considérée comme un épisode nécessaire dans le constant processus du changement, autrement dit de la vie. Un épisode certes important, au même titre que la naissance, mais un épisode.

En prétendant réfléchir à la mort en tant qu’ « objet impensable », « arrêt » de la vie et par conséquent « scandale », nous aboutissons logiquement à la mort refoulée, dissimulée et déshumanisée. Je suis souvent frappé de recueillir les confidences d’adultes de trente, quarante, voire cinquante ans, qui me disent le choc ressenti face au cadavre d’un parent décédé. Ils avaient vécu tout ce temps sans jamais avoir vu un mort … Ce simple fait en dit long sur le rapport malsain que nous entretenons avec cette dimension de la vie.

Non qu’il s’agisse d’affecter une indifférence pseudo philosophique : la mort d’un proche est une perte et donc une douleur qui nécessite un deuil, lequel fait aussi partie de l’expérience humaine. De là à en faire un innommable scandale, une terrifiante éventualité …  

On ne peut pas méditer sur la mort sans vivre consciemment le changement. En vérité, notre existence est une constante succession de naissances, de déploiement et de morts. Une journée nait, se déploie puis meurt à la tombée de la nuit, chaque mort étant en elle-même une naissance : la mort du jour marque pour ainsi dire la naissance de la nuit… Tout au long de mon existence, je n’ai cessé de naître et de mourir. Le bébé dont je peux voir les photos et dont on me dit que c’était « moi » est tout aussi « mort » que le grand père qui sur la même photo me tient sur ses genoux. Certes, pas pour l’état civil. Mais ce bébé, où est-il ? Peut-on davantage le rencontrer, le voir, que le grand père « mort » depuis des décennies ? Où est-il cet intérieur que j’avais composé dans un domicile précédent, dont je me souviens et dont je peux voir des photos ? « Mort », décomposé. Il était « vivant » jusqu’au moment où les déménageurs ont commencé à le démanteler en enlevant un premier fauteuil. Bien sûr des éléments de cet intérieur « mort », meubles, tapis etc, subsistent dans mon nouvel intérieur, disposés différemment, sorte de « réincarnation » du précédent. D’autres existent encore mais ailleurs, chez un brocanteur ou dans une maison dont j’ignore tout…

Mes vacances d’été sont nées, se sont déployées et sont mortes pour que naisse ma « rentrée » …

La vie est un insondable mystère ; cependant, sans pouvoir en concevoir le pourquoi et même le « comment », quelques explications limitées que puissent en donner les sciences, il nous est possible d’en observer les lois. Exerçons nous donc au quotidien à vivre consciemment le changement, autrement dit la naissance, le déploiement et la mort. Aucune écologie ne peut faire l’économie de cette démarche.

Haut de page

 

Prolongement du bail  

Je ne vais pas souhaiter à chacune et chacun une « bonne année, bonne santé et la réalisation de tous vos désirs » - même si bien entendu j’espère votre bien comme le mien. Quant à savoir ce qui, au final, est un mal ou un bien, je n’entretiens plus cette illusion.

Ce que je vais vous souhaiter, me souhaiter, c’est de toujours plus contempler la nature du réel. A savoir l’impermanence des phénomènes, de tous les phénomènes y compris ce corps et ce psychisme appelé « moi », « toi », « nous », « vous », « elles », « ils ».

En vérité, les données de la situation sont simples : nous sommes locataires. Locataires de tout. J’ai le privilège de vivre dans une maison que j’aime, aménagée avec soin et dont la beauté me nourrit. Ce matin, comme chaque matin qui m’est donné, je la regarde tandis que je rentre le bois. Je contemple le feu dans l’âtre, je goûte l’harmonie familière de mon bureau, livres, guitares, photos… De tout cela, je suis locataire, quoique propriétaire selon la loi du monde. Dans quelques décennies, tout au plus, qui demeurera ici ? Quelqu’un, a priori - sauf improbable destruction, laquelle, cependant, arrivera aussi - se sentira chez lui en ces murs. Peut-être mes enfants, peut-être pas et quand bien même … Quelle folie de s’inventer une pseudo permanence en misant sur sa descendance ! Où seront dispersés ces objets familiers, ces livres dédicacés, ces photos qui pour moi font sens ?

Ce matin, comme quasiment chaque matin, j’ai le privilège de faire de l’exercice. Maintenir ce corps en état, et avec lui l’énergie qui l’anime, la garder autant que possible en circulation fluide. De ce corps aussi, je suis locataire. Combien de temps encore avant que, quelque soin raisonnable et juste que j’en prenne, il ne se dégrade et finalement connaisse la panne finale ? Combien de temps avant que les proches ne viennent se recueillir au chevet de cette enveloppe vide ?

Ce matin, comme quasiment chaque matin, je me sens bien, content, empli de gratitude, heureux de servir encore, malgré et avec les horreurs de ce monde insensé. Ce psychisme aussi, j’en suis locataire. Toute cette histoire que j’appelle mienne, tout ce qui a abouti à façonner l’être humain que je suis et me sens être avec ses forces et faiblesses, comme tout cela est éphémère. Juste, à sa place, et éphémère. Combien de temps avant que cette histoire ne prenne définitivement fin ? Quelle folie que de se rassurer l’âge venant en se revendiquant toujours jeune - même s’il n’y a en effet aucune raison de se vivre en vieux … Quelle merveille que d’avoir son âge, exactement son âge humain, et ainsi aligné, pressentir ce qui n’a pas d’âge.

Pensées morbides ? Oh, que non, mes amis ! Considérations stimulantes, qui remettent tout à sa place dans la perspective du Plus Grand. Il ne s’agit même pas de considérations mais d’un ressenti, d’une constante évidence. « Jésus dit : ‘soyez passant’ » - Evangile de Thomas. S’éprouver passant, quelle merveille ! S’imaginer installé, quelle folie !

A l’approche de l’expiration du bail, il y aura du grabuge, du désordre, du démantèlement- plus ou moins. A l’instar de toute naissance, ce sera plus ou moins pénible, plus ou moins violent, peut-être doux, allez savoir, mais n’y comptons pas trop. Regardons autour de nous. Tous ceux qui nous ont quitté n’ont-ils pas pour la plupart connu quelques moments abrupts dans le passage, et ce quelle qu’ait été leur sagesse ?

Cela aussi, voyons le, souvenons-nous en.

Nouvelle année, bail prolongé. Je pourrais tout aussi bien écrire nouveau jour, nouvel instant …

Les vœux que je formule, c’est que la conscience de l’impermanence nous habite, qu’elle en vienne à imprégner chaque instant de nos perceptions, qu’elle fonde notre relation à nous même, aux autres, au monde. Oui, faisons des projets, réalisons des aspirations, goûtons la musique, la poésie, les paysages, les vins, la bonne compagnie, oui, que oui …. Vivons, vivons de tout notre cœur et jusqu’au bout du bout tant que le bail n’a pas expiré. Et surtout, surtout, aimons, aimons-nous nous-mêmes, aimons nous les uns les autres, aimons nos « ennemis », nos amis, l’inconnu croisé dans la rue… Sachant que la conscience constante de l’impermanence est une des conditions de l’amour vrai. Le passant que je suis aime tout ce qui l’entoure et qui, également, passe.

L’amour, lui, ne passe pas. « Le ciel et la terre passeront ; mes paroles ne passeront point ». Les paroles qui ne passeront pas sont le verbe de vie.

Les objets de l’amour et le sujet aimant passent, en tant que déclinaisons passantes de cette énergie que l’on appelle vie, et dont l’essence est amour.

Ce que je vous souhaite, nous souhaite, c’est de sentir cela, de laisser peu à peu ce sentiment grignoter tout le reste. Je vous souhaite, nous souhaite, de voir nos identifications rongées par cette vision. Je nous souhaite chaque respiration habitée par la conscience de l’impermanence. Quelle effroyable merveille ! Voilà pour moi « l’éveil », s’il en est, ou disons le réveil. Pas le basculement dans je ne sais quel état mais le réveil de ce rêve qui me fait m’imaginer existant hors du changement.

Je nous souhaite l’obsession de l’impermanence et par conséquent la pleine appréciation du festival de la nouveauté.

Bail prolongé, bonne année.

 

Gilles Farcet

 

« Qui donne ne doit jamais s'en souvenir. Qui reçoit ne doit jamais oublier. »

Proverbe Hébreu

Haut de page

 

 
LE BONHEUR...   proposé par Guy  SORNE

On se persuade souvent soi-même que la vie sera meilleure après s'être  marié, après avoir eu un enfant et, ensuite, après en avoir eu un autre. Plus tard, on se sent frustré, parce que nos enfants ne sont pas encore assez grands et on pense que l'on sera mieux quand ils le seront.

On est alors convaincu que l'on sera plus heureux quand ils auront passé cette étape.
On se dit que notre vie sera complète quand les choses iront mieux pour notre conjoint, quand on possédera une plus belle voiture ou une plus grande maison, quand on pourra aller en vacances, quand on sera à la retraite.

La vérité est qu'il n'y a pas de meilleur moment pour être heureux, que le moment présent. Si ce n'est pas maintenant, quand serait ce ?

La vie sera toujours pleine de défis à atteindre et de projets à terminer. Il est préférable de l'admettre et de décider d'être heureux maintenant qu'il est encore temps.

"Pendant longtemps, j'ai pensé que ma vie allait enfin commencer. La vraie  vie ! Mais il y avait toujours un obstacle sur le chemin, un problème qu'il fallait résoudre en premier, un thème non terminé, un temps à passer, une dette à payer. Et alors, là, la vie allait commencer! Jusqu'à ce que je me rende compte que ces obstacles étaient justement ma vie". Cette perspective m'a aidé à comprendre qu'il n'y a pas un chemin qui mène au bonheur. Le bonheur est le chemin.
Ainsi, passe chaque moment que nous avons et, plus encore, quand on partage ce moment avec quelqu'un de
spécial, suffisamment spécial pour partager notre temps, et que l'on se rappelle que le temps  n'attend pas.

Alors, il faut arrêter d'attendre de terminer ses études, d'augmenter son salaire de  se marier, d'avoir des enfants, que ses enfants partent de la maison ou, simplement, le vendredi soir, le dimanche matin, le printemps, l'été, l'automne ou l'hiver, pour décider qu'il n'y a pas de meilleur moment  que maintenant pour être heureux.

LE BONHEUR EST UNE TRAJECTOIRE ET NON PAS UNE DESTINATION

Il n'en faut pas beaucoup pour être heureux. Il suffit juste d'apprécier  chaque petit moment et de le sacrer comme l'un des meilleurs moments de sa vie :

- Tomber amoureux;
- Rire jusqu'à en avoir mal au ventre, ou des crampes aux mâchoires;
- Trouver un tas de nouveaux mails sur sa boîte quand on revient de vacances;
- Conduire vers des paysages magnifiques en terre inconnue;
- Se coucher dans son lit en écoutant la pluie tomber dehors;
- Sortir de la douche et s'essuyer avec une serviette toute chaude;
- Réussir son dernier examen,
- Avoir une conversation intéressante;
- Retrouver de l'argent dans un pantalon que l'on n'a pas porté depuis des lustres;
- Rire de soi-même;
- Rire sans raison particulière;
- Entendre accidentellement quelqu'un dire quelque chose de bien sur soi,
- Se réveiller en pleine nuit en se rendant compte que l'on peut encore dormir quelques heures;
- écouter une chanson qui nous rappelle un moment chéri;
- se faire de nouveaux amis;
- Voir contents les gens que l'on Aime;
- Rendre visite a un vieil ami et se rendre compte que les choses n'ont pas changé entre vous;
- Admirer un coucher de soleil,
- Te faire tranquillement masser le dos et t'endormir paisiblement;
- Sentir un vent doux et frais nous caresser la joue;
- Entendre dire que l'on nous aime et vivre paisiblement tous les petits moments qui nous réchauffent le cœur et l'âme.

« Les vrais amis viennent dans les bons moments quand on les appelle, et dans les mauvais moments ils viennent d'eux-mêmes ».

Haut de page

 

Jean Jaurès, prophète laïc assassiné    Etienne Godinot *

 

 

Le prophète, c’est celui qui, à temps et à contre temps, proclame par ses paroles et par ses actes les exigences du respect de l’autre et de la compassion, les impératifs de la justice et de la vérité, telles qu’ils résultent de sa réflexion et montent du plus profond de sa conscience. Les prophètes sont souvent incompris, méprisés, calomniés, et parfois tués. La mise à mort est le sort de milliers de chercheurs de sens de toutes cultures et de toutes croyances dans l’histoire de l’humanité : parmi les plus célèbres, Socrate, les prophètes du judaïsme, Jésus de Nazareth, Mansur al Halladj. Autres témoins plus près de nous, Dietrich Bonhoeffer, Mohandas Gandhi, Martin Luther King, Steve Biko, Oscar Romero, Jerzy Popieluszko, Mahmoud Muhammad Taha.

 

Ce fut aussi le sort de Jean Jaurès, assassiné le 31 juillet 1914 au café parisien du Croissant.  Le meurtrier, un nationaliste d’extrême droite, fut acquitté en 1920, et la veuve Louise Jaurès eut même à payer les dépens de ce procès inique… La revue Alternatives non-violentes [1] nous livre un passionnant dossier sur l’ancien boursier reçu premier à l’Ecole normale supérieure puis docteur en philosophie, le défenseur des mineurs de Carmaux élu député du Tarn, le fondateur du journal L’humanité, l’orateur percutant qui tentait avec l’Internationale de s’opposer à la guerre.


Pour lire la suite, cliquer


[1] Revue Alternatives non-violentes, n° 140, 3ème trim. 2006, 12 €. www.anv-irnc.org

 

Haut de page

 

Distinguer l’essentiel du superflu

 par Michel Maxime Egger

 

La pandémie de Covid-19 dépasse largement le cadre médical. Elle agit comme un avertissement, un signe des temps que nous devons prendre très au sérieux : si nous laissons filer le réchauffement climatique, l’effondrement de la biodiversité et l’explosion des inégalités, nous irons vers des dégradations bien plus graves et irréversibles. Le coronavirus a une dimension apocalyptique au sens premier du terme : il dévoile et révèle les faiblesses d’un monde hyperglobalisé et coupé du vivant, dont on n’a pas respecté les lois. Il nous montre l’importance du lien et de la résilience qui se construit, précisément, dans la coopération et le soin apporté aux autres. Il nous appelle, de fait, à redéfinir en profondeur ce qui est essentiel à nos destinées.

 

Cela implique d’abord de se poser, individuellement et collectivement, la question du sens de la vie. Le coronavirus nous renvoie à notre fragilité et nous interroge : pourquoi je vis et pourquoi je vais mourir, tôt ou tard ? Pourquoi je suis cela ? A quoi je sers ? Quand on demandait au théologien Raimon Panikkar : « C’est quoi le sens de ka vie ? », il répondait, sur le mode de l’évidence : « Mais c’est la Vie, en majuscule ! ».

 

D’abord une vie insufflée par une puissance de désir réorienté, désaliéné. Notre désir profond –d’amour, de beauté, ou encore de justice- est d’ordre spirituel, il a une dimension d’infini, d’absolu qui ne peut être satisfaite par le marché et la consommation. Voilà qui condamne d’emblée le système CPC (croissanciste, productiviste et consumériste). Ensuite, une vie reliée à toute la communauté du vivant, des êtres humains et non humains, où ceux-ci ont leur place. Avec le coronavirus, on sait maintenant combien la déforestation et la perte de territoires des animaux sauvages sont une bombe à retardement. Enfin, la vie belle et bonne est pour moi une vie où l’on s’ouvre à ce qui, dans notre être profond et dans la nature, est bien plus grand que ce qui respire, vit et meurt. Bref une vie attentive à l’Esprit, à son souffle. Il nous invite à une vie de communion …

 

La réorientation de notre désir, l’écoute de notre désir essentiel (ontologique) nous conduisent à désirer mieux, à distinguer l’essentiel du superflu, à faire le tri entre les sources secondaires et les sources primaires de satisfaction. Les premières –dans lesquels j’inclus non seulement les biens de consommation mais aussi toute la quête de valorisation de soi au détriment des autres- nourrissent l’hubris (la démesure), caractéristique de ce monde. Elles sont de l’ordre de l’avoir. Les secondes ne peuvent s’acheter et sont de l’ordre de l'être. Dit autrement : ce qui nous satisfait le plus et nous fait vraiment vivre a partie liée avec les grandes valeurs : l’amour, l’amitié, le souci des autres, de la justice, la contemplation du beau …

 

(Extrait, La Vie n° 3924)

Haut de page

 

Liberté

Des jeunes collégiennes et lycéennes ont réclamé celle de s’habiller comme elles le veulent pour venir en classe.

Face à elles, le ministre de l’Éducation a dit qu’elles devaient porter une tenue « républicaine ». Mais la ministre déléguée chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes l’a contredit, en affirmant : « En France, chacun est libre de s’habiller comme il le veut. » (Source : nouvelobs.com, 22/09/2020)

Je suis absolument d’accord avec le premier, même si je ne sais pas très bien ce qu’est une tenue « républicaine ». Et je désapprouve totalement ce qu’a dit la seconde, dont l’opinion me semble ici totalement irréfléchie.

En effet, dans un pays policé au moins, nul n’est libre de s’habiller comme il le veut en n’importe quel endroit. Suis-je libre vraiment d’aller en short à un enterrement, ou à un entretien d’embauche ? Je rencontrerai inévitablement la réprobation dans le premier cas, et l’échec dans le second. Cette liberté qu’on voit réclamer ici est purement formelle, elle ne songe pas aux nécessaires présupposés de la tenue, qui doit être adaptée à tel ou tel lieu. Le maillot de bain est pertinent sur la plage, mais inapproprié ailleurs dans l’espace public, où il s’expose même à des sanctions. 

S’agissant de l’école, ce n’est pas un lieu comme les autres. Elle doit être sanctuarisée, tenue à l’abri du vacarme social environnant. C’est un lieu où l’on va pour s’instruire, et non pas comme on le dit de façon démagogique un « lieu de vie ». La vie, son épanouissement ou son assujettissement, comme on voudra, c’est ailleurs qu’on les trouve. 

Je serais assez pour qu’on retrouve à l’école l’usage de l’uniforme ou de la blouse, qui garantit l’égalité entre les élèves, en gommant leurs différences sociales, et empêchant la surenchère consommatrice ainsi que la soumission aux diktats de la mode, qui est une caricature de la liberté. Son mérite aussi serait de désexualiser les corps, pour éviter provocations vestimentaires et tentations qui ne sont pas toujours propices au désir d’apprendre. Je parle ici d’expérience, en tant qu’ancien professeur de l’enseignement public.

La liberté n’est pas la licence. Il faut la limiter dans des situations concrètes. Bien comprise, elle permet d’intégrer les frustrations et d’établir la paix civile. Nos jeunes filles revendicatrices vérifient ce que dit Montesquieu dans De l’esprit des lois : « On était libre avec les lois, on veut être libre contre elles. »

 

Michel Théron

http://www.michel-theron.fr/2020/09/liberte-suite.html  Article Golias Hebdo n°640 du 7 octobre

Haut de page

 

EUGENISME[1] ?

« Le monde change, la rapidité de l’évolution actuelle me fait peur, la vie n’est qu’une étape … » me confient des amis. Les modifications climatiques que nous constatons et subissons en sont en effet des preuves. Mais, plus sournoises et plus graves, les mutations du vivant, de nos gênes après avoir été longtemps contrôlées, sont de plus en plus présentées comme des progrès et proposées concrètement lors de fécondations ou dans des soins … Que faut-il en penser ? Devons-nous accepter cette évolution, réagir ? Les lignes de quelques auteurs qui suivent peuvent-elles nous aider à prendre nos responsabilités ?

P. J. 

Pierre-Jean-Georges Cabanis :

« Il est possible par un plan de vie combiné sagement et suivi avec constance (…) d’améliorer la nature particulière de chaque individu. Mais si l’on peut utilement modifier chaque tempérament, pris à part, on peut influer d’une manière bien plus étendue, bien plus profonde, sur l’espèce même, en agissant d’après un système uniforme et sans interruption, sur les générations successives (…). L’hygiène doit oser beaucoup plus ; elle doit considérer l’espèce comme un individu dont l’éducation physique lui est confiée, et que la durée indéfinie de son existence permet de rapprocher sans cesse, de plus en plus, d’un type parfait, dont son état primitif ne donnait même pas l’idée : il faut, en un mot, que l’hygiène aspire à perfectionner la nature humaine générale

Après nous être occupés si curieusement des moyens de rendre plus belles et meilleures les races des animaux ou des plantes utiles et agréables, après avoir remanié cent fois celles des chevaux et des chiens ; après avoir transplanté, greffé, travaillé de toutes les manières les fruits et les fleurs, combien n’est-il pas honteux de négliger totalement la race de l’homme ! Comme si elle nous touchait de moins près ! Comme s’il était plus essentiel d’avoir des bœufs grands et forts, que des hommes vigoureux et sains ; des pêches bien odorantes, ou des tulipes bien tachetées, que des citoyens sages et bons. »[2].

 

Michel Malherbe et Jean-Marie Pousseur :

« Il est temps de suivre un système de vues plus dignes d’une époque de régénération ; il est temps d’oser faire sur nous-mêmes ce que nous avons fait si heureusement sur plusieurs de nos compagnons d’existence, d’oser revoir et corriger l’œuvre de la nature. Entreprise hardie ! Qui mérite véritablement tous nos soins, et que la nature semble nous avoir  recommandée particulièrement elle-même »[3].


Pour découvrir la suite et d'autres points de vue à propos de l'eugénisme, cliquer

[1] L'eugénisme est l'attitude philosophique ou la théorie qui préconise une amélioration du patrimoine génétique de certaines populations humaines par la sélection, par l'interruption de la grossesse, par l'interdiction de la reproduction des individus considérés comme inférieurs ou même par élimination.

[2] P.J.G. Cabanis, « Rapports du physique et du moral de l’homme » 1867 Tome I

[3] M. Malherbe et J.M. Pousseur, « Novum Organum », Livre I, 1985

Haut de page

 

Songe à l’ami et reviens au silence par Pascal Hubert

Vous arrive-t-il d’avoir peur ? De perdre pied, face au vide dans votre vie ? Devant les angoisses qui viennent soudain l’habiter ? Comment faites-vous alors pour reprendre pied ? Comment faites-vous, lorsque la solitude vous submerge de toute part ? Quand la confiance en vous s’effrite sous vos pas et que la vie fait sentir son poids ?

Je vais tâcher de vous relater comment j’œuvre. Vous me direz à votre tour. Pour cesser de voir tout en noir, je songe à l’ami. Je m’accroche à son souvenir, à ses mots, à nos rires. Je me dis alors que, lui, il a confiance en moi, qu’il m’aime vraiment, tel que je suis. Je m’attache à ce lien invisible qu’est notre amitié tissée au fil des jours, des petites joies et des coups durs. J’entends qu’il demande de mes nouvelles, qu’il s’inquiète pour moi, que je compte pour lui. Et je tâche de retrouver le silence à la place du bruit, je tente de faire retour sur moi. Au fond, je tâche de ne plus me saboter. Pour retrouver ainsi un peu de quiétude et d’équilibre.

Ce silence de la nature. L’entendre vraiment, ne plus courir. Ne plus discourir sans fin. Refaire corps avec soi. Se sentir là, vivant, à l’instant. Marcher en conscience, pas après pas. Et se sentir humains, reliés. Nous sommes souvent si seuls, coupés du reste du monde, et même de nos proches. Il suffirait parfois d’un regard de côté, d’un geste d’ouverture, d’un petit pas à droite ou à gauche. Et la vie de l’un et de l’autre pourrait s’en trouver transformée. Peux-tu jouir et te réjouir de ce que tu as ? Le vois-tu seulement ou fuis-tu sans cesse ? Tes désirs sont-ils toujours ailleurs, sans cesse inassouvis ? Reviens à toi, à l’amitié, à l’important, à l’instant. À ce silence bienfaisant, qui nourrit et qui apaise.

Prendre soin de soi, oser le silence et le retournement. Ne plus seulement faire, mais apprendre à défaire. Emprunter d’autres chemins, vivre à contre-courant. De ces mauvaises habitudes qui usent, de ces fuites qui étouffent. Flâner, sentir le vent, faire corps avec l’humanité. Perdre son temps, offrir un sourire à l’inconnu. S’ouvrir pour ne plus souffrir. Pour retrouver une parole vraie, pour se retrouver soi. Regarder la vie, avec un regard renouvelé. Chaque jour qui passe, en conscience. Et non plus sans jamais être vraiment là. Tout simplement, pour vivre enfin l’instant.

La vie passe, habite-la vraiment ! Ne reste pas aux pieds du fleuve, jette-toi dedans ! Ne cherche plus à imiter autrui, déploie tes talents ! Ne jalouse plus le monde entier, vois le chemin parcouru ! Reviens à l’essentiel, au souffle, au fragile, au petit ! Reviens à l’instant, à la vie toute simple ! Celle qui coule dans tes veines ! Celle qui veut s’élargir, à chaque fois que tu reviens vers toi ! À chaque fois que tu oses un pas ! Et lorsque les doutes reviendront t’assaillir, et tes fragilités et tes failles ! Et lorsqu’ils reviendront t’entraver, te faire à nouveau douter de toi ! Te faire perdre confiance et te jeter dans la nuit ! Encore et encore…

Alors, cette fois, n’oublie pas :

Songe à l’ami et reviens au silence

https://laveritesijemens242355175.blog/

Haut de page

 

Notre laïcité  par Michel Théron

   Elle vise chez nous, au-delà de la séparation de l’Église et de l’État, à bien différencier dans chaque individu l’être humain qu’il incarne et dont il faut toujours défendre les droits, et ses diverses pensées, opinions et croyances, dont la puissance publique n’a pas à s’occuper.

 

On a beaucoup parlé de l’affaire Mila, cette jeune fille récemment injuriée, menacée de mort par égorgement et déscolarisée pour échapper à ces menaces, parce qu’elle s’était insurgée, en critiquant vertement l’islam, contre un harcèlement sexiste et homophobe.

 

À cette occasion Mme Belloubet, Garde des Sceaux, a déclaré : « L’insulte à la religion est une atteinte à la liberté de conscience ». Il est bien curieux qu’une agrégée de Droit ne distingue pas une religion de ses adeptes. S’il est bien interdit chez nous de s’en prendre aux seconds en particulier, on peut très bien critiquer la première en général. Sinon on instaure un délit d’opinion, on installe une police de la pensée, et on rétablit un délit de blasphème.

 

Il est bien curieux aussi qu’un croyant puisse s’identifier totalement à sa croyance et à son monde mental au point de vouloir à tout prix les afficher dans le domaine public et éventuellement les imposer aux autres. Car au fond ce à quoi on pense, ce à quoi l’on croit, est aléatoire. Montaigne l’a bien remarqué : « Nous sommes chrétiens au même titre que nous sommes périgourdins ou allemands. »

 

On connaît la phrase de Descartes : « Je pense donc je suis ». Peut-être faut-il lui substituer : « Je ne suis pas ce que je pense ». Si j’étais né ailleurs, si j’avais subi d’autres influences, mes pensées, opinions et croyances seraient autres que celles qu’elles sont maintenant, et c’est pourquoi je ne dois pas m’identifier entièrement à elles.

 

Il est extrêmement dangereux de le faire. Cela engendre psychorigidité et fanatisme. Écoutons encore le sage Montaigne, qui pensait peut-être à l’exécution de Michel Servet, brûlé à Genève avec l’assentiment de Calvin, pour négation du dogme de la Trinité : « C’est mettre ses conjectures à bien haut prix que d’en faire griller un homme tout vif. » Et encore : « Il n’y a que les fols certains et résolus. »

 

Grâces donc soient rendues à notre laïcité, qui distinguant fort justement l’homme en général de ce que les hommes dans leur diversité croient en particulier, ouvre à une société de tolérance.

 

Michel Théron

http://www.michel-theron.fr/

Haut de page

 

Bénédiction  par Christine Pedotti  

La crise dans laquelle nous plonge le coronavirus est un extraordinaire révélateur. Oh, certes, tout n’est pas dit, loin de là, et bien téméraire celui ou celle qui pourrait, avec assurance, dire quel sera le monde demain, meilleur ou pire. En revanche, il suffit d’ouvrir les yeux pour voir ce qu’il est aujourd’hui. Et, paradoxalement, les valeurs qui président aujourd’hui aux choix des divers gouvernements et que valident les peuples sont celles dont on annonçait le discrédit depuis des années.

 

On disait que l’économie et la finance dirigeaient tout et que, face à ces puissances, les vies humaines étaient comptées pour peu, voire pour rien. Et que voit-on ? Au nom du risque que le virus fait peser sur le système sanitaire, c’est-à-dire sur notre capacité de soigner des malades et de sauver des vies, on a tout simplement mis l’économie à l’arrêt. Certains, d’ailleurs, murmurent – contre le sentiment général – que ce n’est pas un choix rationnel ; non parce que l’argent vaut plus que la vie mais parce que le risque économique et social pour l’après se révélera plus destructeur de vies que le virus. Ils murmurent car ils savent que, même si ce qu’ils disent procède non du cynisme mais de la logique, ils sont inaudibles. « Sauvons les vies d’abord, pour l’économie, on verra ensuite », voilà ce que pense la majorité. Et c’est d’ailleurs ce que disent la plupart des autorités partout dans le monde : les vies d’abord.

 

Certes, les grincheux observeront que le souci de la vie s’arrête en gros au territoire national, et il est vrai que le chapelet égrené chaque soir des « performances » de tel ou tel pays en nombre de décès et d’hospitalisation est irritant. Mais n’oublions pas que les régions limitrophes du Grand Est, allemande et suisse, ont accueilli des patients français ; une vie est une vie, italienne, française ou anglaise.

 

Observons aussi l’inventivité des uns et des autres, la générosité, la fraternité qui s’expriment par tant de moyens, petits ou grands. L’aurions-nous parié il y a quelques mois ? Alors, pour quelques instants, oublions nos peurs et nos angoisses et osons admirer et nous émerveiller : il y a du bon dans notre humanité.

 

TC du 23 Avril 2020

Haut de page

 

Penser une nouvelle société ?  Olivier Nouailas

Le Covid 19 relancera-t-il la mutation écologique ?

Alors que l'économie mondiale est quasiment à l'arrêt, de nombreuses voix s'élèvent pour remettre en question mondialisation effrénée et modèles à l'ancienne.

«A la demande de bon sens : "Relançons le plus rapidement possible la production", il faut répondre par un cri : "Surtout pas !" La dernière des choses à faire serait de reprendre à l'identique tout ce que nous faisions avant. » Ce cri du coeur intitulé « Imaginer les gestes barrières contre le retour à la production d'avant-crise », émane du philosophe Bruno Latour, un des meilleurs penseurs de la crise écologique. Car, pour lui, « la crise sanitaire est enchâssée dans ce qui n'est pas une crise ­ toujours passagère ­, mais une mutation écologique durable et irréversible ». Il rappelle les deux principales caractéristiques de la crise climatique à laquelle nous étions confrontés avant le confinement : le CO2 qui réchauffe l'atmosphère mondiale et le « progrès » sans limites qui épuise la planète. Il nous incite à profiter de l'arrêt de l'activité économique pour devenir des « interrupteurs de globalisation ». Et de prendre l'exemple des tulipes produites hors sol sous lumière artificielle en Hollande et expédiées dans le monde entier par avion, un mode de transport dont l'usage immodéré est de plus en plus remis en question. « Est-il bien utile de prolonger cette façon de produire ? »,s'interroge Bruno Latour en nous invitant à faire la liste des activités indispensables et de celles qui ne le sont plus en raison des impératifs écologiques.

On assiste depuis le début du confinement à un véritable bouillonnement d'idées alternatives, toutes opposées au retour du business as usual (« comme si de rien n'était »). Des forces disparates et jadis éparpillées ­ altermondialistes, écologistes, décroissants, « collapsologues », gauche non productiviste, etc. ­ rivalisent d'imagination tant sur la scène mondiale que nationale. Ainsi, une coalition internationale de 300 ONG, fédérées par le mouvement 350.org, estime qu'« une approche véritablement mondiale interconnectée est nécessaire : elle doit investir en premier lieu sur la sécurité et la santé de tous, tout en gardant à l'esprit la nécessité d'une transition vers des modèles économiques sans charbon, ni pétrole, ni gaz ». …

Sur le plan national, après un discours d'Emmanuel Macron à la tonalité très altermondialiste annonçant, le 12 mars, les premières mesures de confinement ­ « Ce que révèle cette pandémie, c'est qu'il est des biens et des services qui doivent être placés en dehors des lois du marché » ­, des syndicats et des mouvements associatifs ont décidé de prendre le Président au pied de la lettre. Ainsi, 18 responsables d'organisations ont signé le 27 mars une lettre ouverte. Dans celle-ci, intitulée « Plus jamais ça, préparons le jour d'après », qui est désormais une pétition, ils demandent que les 750 milliards d'euros débloqués par la Banque centrale européenne soient conditionnés à la reconversion sociale et écologique de l'appareil productif et en appellent à une relocalisation des activités dans l'industrie, dans l'agriculture et les services. Et d'avertir : « Lorsque la fin de la pandémie le permettra, nous nous donnons rendez-vous pour réinvestir les lieux publics et construire notre "jour d'après". »

Pour Julien Bayou, secrétaire national d' Europe Écologie-Les Verts (EELV), « le coronavirus démontre de manière paradigmatique l'ampleur des transformations que nous allons devoir engager pour faire face au réchauffement climatique ». Selon lui, il faut à tout prix éviter « une relance à l'ancienne qui accroîtrait encore les émissions de CO2 au détriment du climat, de la justice sociale et de la santé ».

L'ancien ministre Nicolas Hulot de la Transition écologique et solidaire a estimé sur BFM TV que cette crise était « comme un passage de cap pour l'humanité (...), confrontée à sa vulnérabilité et à ses limites ». Si « l'heure est aujourd'hui à l'unité, il va falloir après réfléchir à l'absurdité d'une globalisation effrénée qui a fait de la circulation à flux tendu des biens un dogme. Il faut aller vers une forme de relocalisation qui ne se confond ni avec le protectionnisme ni avec le nationalisme ». Et il tire de la situation actuelle cette interrogation : « Nous avons reçu une forme d'ultimatum de la nature. Saurons-nous l'entendre ? »

À méditer.

Tiré de la revue "La vie", article partiel d'Olivier Nouailas

“La crise du coronavirus donne sens à toutes les revendications des défenseurs du climat en faveur d'un changement du système.” Pierre Gleizes

Haut de page

 

Les secrets du bonheur ?  par  Frédéric Lenoir

« La spiritualité est le passage de l’ignorance à la connaissance, et celui de la peur à l’amour. »

 

Pour découvrir "Les secrets du bonheur" par Frédéric Lenoir lui-même, Cliquer :

https://youtu.be/VN2mfN0_u7Q

 

Frédéric LENOIR nous explique qu’être heureux consiste à découvrir qui nous sommes et ce pour quoi nous sommes faits ! Derrière les croyances, derrière les visions du monde et le conditionnement. Qui sommes-nous, que reste-t-il ? Là, se trouve le bonheur

Frédéric nous conseille donc d’apprendre à « lâcher prise » sur ces choses qui ne se contrôlent pas et de privilégier la recherche « du sens » de ces évènements, tout comme « les messages » qui pourraient s’y trouver…

Attention à ne pas « vouloir » à tout prix le bonheur. Cette quête intellectuelle est dangereuse car elle implique un résultat. Le bonheur ne se trouve pas dans « l’obtention de ». Le bonheur se trouve dans « le moment », dans l’état interne du moment, en présence.

Frédéric nous rappelle cette différence primordiale entre le bonheur et le plaisir.

 

Haut de page

 

Pour un chemin non totalitaire vers l’universalité de l’humain.

L’époque est dure pour ceux qui souhaitent donner un sens universel à leur réflexion et leur action. La mondialisation marxiste par l’union des prolétaires s’est écroulée. La « main invisible du marché » qui devait assurer une harmonieuse répartition des richesses ne cesse de provoquer fractures sociales et chômage. Quant aux religions, elles succombent trop souvent aux tentations du fondamentalisme et de l’identification à un nationalisme agressif. En ces temps désenchantés, les individus oscillent entre la dépression devenue une des premières maladies de l’époque, les tentations claniques et identitaires ou, pour ceux qui en ont les moyens, la distraction morose dans la consommation.

A l’occasion de la sortie en Europe de son dernier ouvrage intitulé « Peuple, pouvoirs & profits. Le capitalisme à l’heure de l’exaspération sociale » (1), l’Américain Joseph Stiglitz, prix Nobel d’économie s’exprimait ainsi : « nous avons besoin d'un nouveau contrat social entre le marché, l'État et la société civile. Le capitalisme fera partie de l'histoire, mais pas le capitalisme que nous avons connu ces 40 dernières années ; c'est-à-dire, un capitalisme égoïste et débridé, où les entreprises ne font que maximiser leur valeur actionnariale sans tenir compte des conséquences sociales. Si l'on fait ça, on se retrouvera avec une situation comme aux États-Unis, où il y a non seulement de l'inégalité, mais où aussi l’espérance de vie décline » (2). En novembre 1999, il avait démissionné de son poste d’économiste en chef et de vice-président de la Banque Mondiale. Dans son ouvrage, La grande désillusion, publié en 2002, il dénonçait une mondialisation qui impose une vision particulière de l’économie qu’il appelle « le fanatisme du marché » : « Au Fonds Monétaire International, la prise de décision était fondée, semblait-il, par un curieux mélange d’idéologie et de mauvaise économie, un dogme qui parfois dissimulait à peine les intérêts privés. Quand les crises frappaient, le FMI prescrivait des solutions certes « standard », mais archaïques et inadaptées, sans tenir compte des effets qu’elles auraient sur les habitants des pays auxquels on disait de les appliquer. J’ai rarement vu réaliser des études prévisionnelles de leur impact sur la pauvreté. J’ai rarement vu des débats et des analyses réfléchies sur les effets d’autres orientations possibles. L’idéologie guidait la prescription » (3).

En 2011, l’Institut bouddhiste Karma Ling d’Avalon en Savoie organisait un colloque sur le thème « Économie et Spiritualité ». Edgar Morin, qui parrainait cette manifestation décrivait ainsi la mondialisation capable du pire comme du meilleur. « Pour le moment le pire domine parce que dans cette course effrénée, nous détruisons notre environnement naturel, la biosphère ; c’est une course effrénée où nous produisons des armes de destruction massive, c’est une course effrénée où des inégalités s’accroissent de façon explosive, c’est une course effrénée pour la puissance et pour les réalités matérielles, qui néglige de plus en plus les qualités morales et spirituelles. En plus nous voyons que ce qu’on peut appeler la pieuvre de la spéculation financière, et le réveil de la pieuvre des barbaries humaines – c'est-à-dire des fanatismes, des haines, des mépris – tout ceci nous conduit vers des catastrophes hautement probables » (4).

Ceci dit, la mondialisation peut aussi être une chance comme l’affirme également Edgar Morin : « Mais le meilleur, qui ne s’est pas encore réalisé, c’est que pour la première fois toute l’humanité vit une communauté de destin, les mêmes problèmes, les mêmes périls mortels, et les mêmes problèmes vitaux à traiter. C’est ça qui pourrait nous inciter à trouver une nouvelle culture, une nouvelle civilisation sur cette terre qui deviendrait une vraie patrie humaine » (5).

Parmi les sources spirituelles d’une mondialisation humanisante, l’Évangile invite les hommes « fils d’un même Père » à vivre leurs différences, non, plus comme des frontières qui excluent, mais comme l’appel fait à chacun d’assumer ce qu’il a d’unique. La fraternité entre des hommes assumant leur singularité constitue un chemin non totalitaire vers l’universalité de l'humain. Alors, la mondialisation pourra être autre chose qu’un champ libre abandonné aux prédateurs financiers et aux démagogues populistes.

(1) Joseph E. Stiglitz : Peuple, pouvoirs&profits, éditions Les Liens qui Libèrent, 2019.

(2) Joseph E. Stiglitz : Entretien donné à Euronews, <fr.euronews.com> 18/11/2019.

(3) Joseph E. Stiglitz : La grande désillusion Éditions Fayard, 2003, page 22.

(4) Edgar Morin : La crise et les quatre nobles réalités in Une vision spirituelle de la crise économique. Altruisme plutôt qu’avidité : le remède à la crise, éditions Yves Michel, 2012, page 25. Cet ouvrage reprend les propos des 40 intervenants au forum « Économie et Spiritualité » organisé en septembre 2011 à l’Institut Karma Ling (Savoie). Il a permis la rencontre entre des acteurs et penseurs de l’économie altermondialiste et des représentants de nombreuses traditions spirituelles.

Bernard Ginisty  Démocratie et Spiritualité n°168 du 23 janvier 2020

 

Haut de page

 

Ethique Planétaire (d’après Hans Küng)

 

Hommes et femmes de cultures et de régions diverses de cette planète, nous voulons exprimer une conviction que nous partageons :

*     Tous, nous portons la responsabilité d'un meilleur ordre mondial.

*     Il est absolument nécessaire que nous nous engagions au service des droits humains, de la liberté, de la justice, de la paix.

*     La diversité de nos traditions culturelles ne saurait nous empêcher de nous dresser ensemble activement contre toute forme d'inhumanité et de promouvoir plus d'humanité.

*     Les principes que je vais énoncer peuvent être affirmés par tous les êtres humains qui sont animés d'une éthique, qu'elle soit basée sur une religion ou non.

 

Nous sommes convaincus que l'humanité sur notre planète forme une seule famille. Pour cette raison nous rappelons la Déclaration universelle des droits de l'homme, proclamée par les Nations Unies en 1948. Ce que ce texte a solennellement proclamé au plan du droit, nous voulons ici le confirmer et l'approfondir au niveau de l'éthique: la pleine réalisation de la dignité intrinsèque de la personne humaine, sa liberté inaliénable, le principe de l'égalité de tous les humains, la solidarité indispensable et l' interdépendance mutuelle de tous.

 

Aujourd'hui comme par le passé, partout sur la planète des êtres humains sont encore traités de façon inhumaine. Ils sont privés de leurs chances existentielles et de leur liberté; leurs droits de l'homme sont foulés aux pieds et leur dignité n'est pas respectée. Mais la puissance n'est pas le droit! Face à tout comportement inhumain, nos convictions éthiques exigent: toute personne humaine doit être traitée humainement!

 

Qu'est-ce à dire? Sans considération d'âge, de sexe, de race, de couleur de la peau, d'aptitude physique ou mentale, de langue, de religion, d'orientation politique, d'origine nationale ou sociale - toute personne humaine possède une dignité inaliénable et inviolable. Tous sont donc obligés, les individus comme les Etats, de respecter et de protéger cette dignité. En matière économique ou politique, dans les médias, les instituts de recherche et les entreprises industrielles, l'être humain sera toujours considéré comme le sujet de droits et comme une fin en soi, jamais comme un simple moyen ou un objet au service du commerce et de l'industrie.

Un principe s'est maintenu depuis des millénaires dans beaucoup de traditions culturelles et éthiques de l'humanité; c'est la «règle d'or»: Ne fais pas à autrui ce que tu ne veux pas qu'on fasse à toi. Ou, exprimée de façon positive: Agis à l'égard des autres comme tu souhaites qu'on agisse à ton égard! Cela devrait être la norme irrévocable et absolue pour tous les domaines de la vie, pour les familles et les collectivités, les races, nations et religions

Ce principe contient des critères très concrets auxquels nous devons rester fidèles. Quatre très anciennes lignes directrices en découlent, qui se retrouvent dans la plupart des cultures.

 

1.L'engagement en faveur d'une culture du respect de la vie.

La personne humaine est infiniment précieuse: elle doit être absolument protégée.

 

2. L'engagement en faveur d'une culture de la solidarité et d'un ordre économique juste.

S'il s'agit d'améliorer le sort des milliards de pauvres sur la planète, et notamment des femmes et des enfants, il faut restructurer l'économie mondiale dans le sens de plus de justice. Pour indispensable qu'ils soient, les projets d'aide ponctuelle et la bienfaisance des individus isolés ne peuvent suffire. Il faut la participation de tous les Etats et l'autorité des organisations internationales pour bâtir des institutions économiques justes.

 

3. L'engagement en faveur d'une culture de la tolérance et d'une vie véridique.

Il est des scientifiques et des chercheurs qui se font les otages de programmes idéologiques ou politiques, ou de groupes dirigés par l'intérêt économique, dont on peut questionner la moralité; ou qui justifient des recherches lésant des valeurs éthiques fondamentales.

 

4. L'engagement en faveur d'une culture de l'égalité des droits et du partenariat entre les sexes

Le monde d'aujourd'hui est encore plein de formes condamnables d'une mentalité patriarcale, de la domination d'un sexe sur l'autre.

Haut de page

 

Coexister

 

Coexister. Quel beau projet !  Co-Exister, c’est à dire exister avec l’autre, grâce à l’autre, et pas seulement « vivre ensemble », ou côte à côte, juxtaposés en somme.

 

Exister d’abord, et pas seulement vivre ou être. Une existence qui dépasse, qui va au-delà même, qui transcende peut-être, notre simple vie biologique. Mais exister, et pas seulement être, cette conséquence du cogito cartésien ; ou même pas seulement être là, ici et maintenant, dans son acception et ses dérives heideggériennes. Cette existence, qui, pour les plus existentialistes d’entre nous, précède l’essence ou qui, pour les autres, doit se montrer digne de l’essence qui la précède.

 

Mais Co-Eexister aussi. Car quels que soient les postulats ou les postures métaphysiques, dans lesquels risquent toujours de se ramener les mystiques et spiritualités, dans ces exclusions mutuelles qui séparent et ségréguent, porteurs de violences, exister ensemble, et même mettre en commun nos existences, pour faire de chaque humain une part d’une humanité qui ne soit ni un tout totalitaire, ni une collection d’individus séparés et isolés. Ces deux tentations de notre époque, holiste réductrice d’individualité d’un côté, ou individualiste émancipée de toute référence à l’Autre, comme dans toutes les époques de crise.

 

Coexister, c’est le nom qu’il y a un peu plus de dix ans et avec quelques amis, Samuel Grzybovski a choisi pour créer un nouveau mouvement de jeunesse qui permette à des adolescents et des jeunes adultes de se rencontrer sur le terrain de la diversité de leurs convictions, religieuses ou non. Se rencontrer au-delà de la laïcité, cette laïcité qui, en laissant à chacun le droit d’avoir une religion, ou de ne pas en avoir, ou encore d’en changer, permet cette rencontre, mais ne l’organise pas.

Car le dialogue inter-convictionnel, comme la laïcité, ne se confondent pas. Celle-ci permet celui-là, mais la laïcité, concept juridique, exige la neutralité de la puissance publique sur les convictions, alors que le dialogue, concept philosophique, exige l’écoute et le partage.

 

Jean-Baptiste de Foucauld,  Daniel Lenoir

http://www.democratieetspiritualite.org/

 

 

Haut de page

 

Laïcité - Appel du 9 décembre 2019

 

Notre inquiétude est grande. Depuis maintenant de trop nombreuses années, la laïcité est l'objet de remises en cause qui en faussent le sens et la portée. Ses plus anciens adversaires l'utilisent pour exclure une partie d'entre nous et en font l'étendard de leur haine raciste, tandis que certains en contestent les fondements et veulent enfermer chacun dans des identités figées. D'autres, enfin, y voient l'occasion de mettre en avant le fantasme d'une société amputée de toute diversité.

 

Aujourd'hui, ces discours et ces actes émanent d'acteurs politiques, associatifs et religieux, de penseurs célébrés, de femmes et d'hommes de tous horizons. Comme si l'urgence était à multiplier les atteintes au contrat social ! Car c'est bien de cela dont il s'agit : adversaires et faux amis de la laïcité s'acharnent à saper ce que la République a mis plus de deux siècles à construire. Il est urgent d'y mettre un terme.

 

La laïcité est un principe issu des valeurs fondatrices de notre vivre ensemble. La liberté, car elle garantit à chacun la liberté absolue de conscience, de pratiquer, y compris publiquement, le culte de son choix ou d'en changer, comme le droit de n'en pratiquer aucun et de contester les dogmes et leurs pratiques. L'égalité, en assurant la séparation des cultes et de l'Etat et la stricte neutralité de celui-ci vis-à-vis de ceux-là, ce qui implique de respecter les droits et libertés de toutes et tous sans discriminations. La fraternité, car elle s'ancre dans l'universelle humanité qui précède, en chacun de nous, la diversité de nos appartenances.

 

Ces principes sont inséparables, malgré les obstacles qu'ils ont rencontrés et qu'ils rencontrent encore, d'une société ouverte à l'Autre et respectueuse des choix de chacun. Les remettre en cause, au nom du soupçon, de l'amalgame ou de la haine de telle ou telle religion, en désignant celui ou celle qui serait l'ennemi de la République et de nos libertés, ne fera qu'alimenter la division, le ressentiment et la violence.

 

C'est pourquoi, nous réaffirmons notre attachement à l'esprit et à la lettre de la loi de 1905 et à sa conséquence, la neutralité des institutions et des services publics. Nous en avons plus que jamais besoin pour affronter, ensemble, les défis posés à l'époque par l'urgence sociale, l'urgence environnementale, l'urgence démocratique.

C'est pourquoi nous condamnons les actes et les propos qui feraient de la laïcité une arme d'exclusion ou de discrimination ou l'alibi d'une assignation à résidence, comme ceux qui justifieraient la prééminence d'un dogme sur les lois de la République.

C'est enfin pourquoi nous nous engageons à respecter et faire respecter ces principes et que nous appelons les pouvoirs publics à s'engager dans la même voie et à être irréprochables en la matière.

Dominique Lerch

Haut de page

 

Dire « oui » à la vie ! 

Nous sommes tous confrontés à un certain nombre de faits que nous n'avons pas choisis, que nous n'avons pas voulus, et qui nous sont en quelque sorte imposés, c'est ce que j'appellerais le « donné de la vie ». C'est notre lieu de naissance, notre famille, l'époque où nous vivons ; c'est notre corps, notre personnalité, notre intelligence, nos qualités, mais aussi nos limites et nos handicaps. Ce sont aussi les événements qui surviennent, qui nous touchent directement, mais sur lesquels nous n'avons pas de maîtrise et que nous ne pouvons pas contrôler. Ce sont les maladies, les aléas économiques, la vieillesse et la mort. C'est le « sort » de l'être humain. On peut le refuser et vouloir que les choses soient autrement ... Pour prendre de la distance vis à vis des événements, nous avons besoin de solitude et de silence. Mais nous en avons souvent peur. Dans notre monde moderne où nous vivons cernés par trop de mots, de musique, de bruit et de clameurs, l'absence de sons nous paraît angoissante ..., nous avons peur de nous retrouver seuls avec nous - mêmes, peur du silence intérieur auquel le silence extérieur ouvre la voie. Le vrai silence est celui que l'on retrouve au fond de soi. Il ne consiste pas seulement à éteindre la télé ou la radio, mais surtout à ne plus être prisonnier de nos pensées et de notre bruit intérieur, souvent encore plus parasitant que les sons provenant de l'extérieur. Vivre dans le silence ne sert pas à grand - chose si notre esprit est agité. De la même manière que notre corps réclame le repos, notre mental a aussi besoin de se calmer, de s'apaiser, d'échapper provisoirement aux tensions. Ce repos lui permet d'accéder à la contemplation, une activité qui est selon le philosophe grec Aristote : « le parfait bonheur de l'homme ». « Plus on possède la faculté de contempler, déclare-t-il, plus on est heureux, heureux pas par accident, mais en vertu de la contemplation même, car cette dernière est par elle - même d'un grand prix. Il en résulte que le bonheur ne saurait être qu'une forme de contemplation. » Et il nous entraîne plus loin dans sa réflexion : La vraie sérénité, la paix intérieure s'acquièrent à la seule condition d'accepter le donné de la vie. Dire « OUI » à la vie consiste à dire oui à l'inéluctable, c'est à dire : ce sur quoi nous n'avons aucune prise. Or, le plus inéluctable, c'est la mort. Et quel que soit l'amour que nous portons à cette vie, nous savons avec certitude qu'un jour nous cesserons d'exister, au moins dans ce corps. Nous le savons intellectuellement, mais rares sont ceux qui parviennent à intégrer réellement cette idée. Comme le dit Freud, notre mort nous est à proprement parler « impensable», et nous vivons comme si nous étions immortels.

Frédéric LENOIR

Haut de page

 

 L'expérience de Fabienne Raoul1 et les EMI2

 Le livre “Mon bref passage dans l'autre monde” raconte comment, en 2004, lors d'un malaise cardiaque, Fabienne Raoul bascule dans un autre monde, sans limite, et vit un état de félicité. Cette expérience irrationnelle l'amène à balayer ses croyances en une science matérialiste et à changer de vie. Jusqu'alors, l'existence (humaine) se résumait en la matière seule pour cette ingénieure en nucléaire. Et la mort, au néant. Devenue depuis thérapeute, elle croit désormais en un « là-haut », qui agit quand elle l'invoque. Elle s'appuie sur les dernières recherches scientifiques en physique quantique,  pour tenter d'expliquer comment il lui est possible de faire le lien entre la matière et le monde invisible. « Changer notre vision de la mort pour mieux vivre notre vie, c'est un des messages que je souhaite faire passer (...). Et le meilleur état d'esprit pour lire cet ouvrage, c'est d'être sceptique », écrit-elle. Lecteurs, soyez donc « dans un doute sain, sans a priori, ni jugement préétabli » !

 

Pour Fabienne Raoul comme pour le  Dr Patrick Theillier, médecin croyant, il ne fait aucun doute que les EMI, ou Expériences de Mort Imminente, sont la preuve de l'existence d'une vie dans l'au-delà. Dans un de ses livres, le docteur rapporte le témoignage  de Madeleine Litoux qui avait alors 30 ans quand, lors d'une intervention chirurgicale où elle se voit mourir, elle vit cette expérience de mort imminente :

“En pleine nuit, avec 41,5° de fièvre, je descendais calmement, sans peur  -je me revois encore ! - dans un tunnel sombre où je n'avais nulle crainte, attirée par une clarté inconnue... Par deux fois, je suis arrivée au bout de ce tunnel, au bord de l'Au-delà. J'ai vu des arbres magnifiques, une exubérance de fleurs aux teintes éclatantes, une intense lumière douce, un jardin merveilleux. Un océan de beauté ! J'étais subjuguée par l'immense clarté que je voyais au-delà des arbres, l'extraordinaire atmosphère de paix. J'ai aperçu une construction blanche sur une montagne, à ma droite, un bâtiment religieux, m'a-t-il semblé... Je voulais avancer plus avant... Cependant une force douce mais irrésistible m'a, par deux fois, fait reculer et, à regret, je suis "remontée" vers mon corps sur lequel devaient s'activer les soignants ! J'étais déçue de ne pouvoir aller plus avant. C'était si beau ! »

 

Ces phénomènes se sont intensifiés grâce aux progrès de réanimation médicale. Et des personnes ayant vécu une expérience à la frontière de la mort ­ appelés « expérienceurs » ­ qui de peur d'être incompris ou pris pour des fous se taisaient, osent aujourd'hui en témoigner. Dans les faits, les EMI surviennent chez des croyants de toute confession et des non-croyants ; malgré diverses tentatives de chercheurs, nul ne sait les déclencher. « Elles n'ont pas été voulues et sont vécues généralement lors d'un accident ou d'une intervention chirurgicale qui tourne mal. » Elles se produisent en cas de mort clinique apparente ou de coma avancé. Mais ne sont pas systématiques.

 

 Cette vie invisible apparaît plus réelle et plus belle que la vie terrestre. Mais cette conviction, partagée par certains chercheurs, rencontre encore de nombreuses résistances. « Sur le plan scientifique, on ne peut contester qu'il se passe quelque chose d'absolument anormal. Si la démonstration était faite, cela remettrait en cause un des paradigmes les plus fondamentaux de notre science biologique actuelle qui considère que la conscience est sécrétée par le cerveau », explique Patrick Thellier. Or comment expliquer que la conscience, alors qu'elle s'est détachée du corps durant une EMI, soit toujours active quand le cerveau ne fonctionne plus ? Comment un individu est-il capable de décrire très précisément les situations vécues, les rencontres faites avec un être bienveillant, les paroles reçues pendant une période de mort clinique avec un encéphalogramme plat ? …

 

La Vie n° 3870 Extrait de l’article “Les EMI, des signes de l’au-delà ?” par V.D.

1 “Mon bref passage dans l'autre monde” Fabienne Raoul  (Leduc.s),

2 EMI ou Expériences de Mort Imminente

 

Haut de page

 

C’est la Rentrée

comme une cadence qui s’accélère…

 

Comment faire pour se sentir en paix, en paix alors qu’on est parfois face à tant de contraintes et d’envies dans sa vie de tous les jours ? Où trouver la voie pour se sentir rempli de vie et pas débordé/surchargé ni rempli mais de vide finalement?

Et plus généralement, comment faire pour ne pas s’éparpiller se sentir satisfait de chacune de ses journées alors que :

  • nous avons des engagements vers l’extérieur,

  • des souhaits pour nous-même,

  • ou qu’à priori il y a tant à faire,

  • que les autres ont l’air d’avoir tant besoin de nous,

  • que la tâche est si grande,

  • que nous ne sommes pas parfaits, nous avons nos limites…

  • et les autres aussi.

Comment faire malgré tout pour repartir fier de soi – fiers de nous quand nous agissons au sein d’un collectif – sereins même si du travail nous attendra demain, sereins de ce que nous aurons accompli ?

 

A PRH*, vous ne serez pas surpris, on va vous inviter à écouter…

Ecouter quoi ?… Ecouter la Vie qui cherche à advenir sans cesse dans chacun des actes que l’on pourra poser ou non. Car finalement on a toujours le choix n’est-ce pas ? Le choix de faire quelque chose qui nous dessert finalement et qui par ricochet desservira les autres, le choix de ne rien faire, le choix de poser des actes sources de vie pour nous et les autres…

Je ne vous surprendrai pas sûrement en vous disant la maxime « Il est urgent de prendre son temps !  ». Oui surtout si on a l’impression que tout s’accélère. Comment poser un geste juste, un mot juste si tout se bouscule en nous ?

 

Alors…d’abord, souffler intérieurement, souffler et sentir. Respirer, revenir à son corps, prendre contact à travers son corps avec soi-même : « Où j’en suis ? Quelle est cette agitation que je vis peut-être intérieurement ? Y a-t-il d’autres choses en moi ? »

 

Pas si simple, parfois le Moi-je s’en mêle : « Tu prends ton temps alors qu’il y a tant à faire, est-ce bien raisonnable ? Est-ce que c’est vraiment ça qui sera efficace ? » / « Oui, je t’assure précieux Moi-je que c’est important : se poser et marquer un temps d’arrêt. Et je vais avoir besoin de toi dans ce temps d’arrêt car ce temps va me permettre aussi de faire le point :

 

Qu’ai-je en moi aujourd’hui face à ma journée ? Face à ma semaine à venir ? Face aux mois et à l’année qui vient ? Face à ma vie ? Qu’est-ce qui est prioritaire ? ».

C’est à partir de ce que nous sentons prioritaire qu’ont à s’ordonner nos actes. Il s’agit de faire le tour pour sentir ce qui est prioritaire et ce qu’on a donc à faire et comment.

 

De la même manière qu’il est important de faire le tri physiquement de ses affaires (avez-vous déjà senti cette satisfaction profonde lorsque tout est à sa place désencombré, fonctionnel, qu’on y voit clair sur son bureau ou dans une pièce de sa maison ?), il est bon de faire le tri à l’intérieur de soi. Il y aura à faire l’inventaire de ce qu’il y a en soi face à son emploi du temps : « Qui réagit : mon moi-je ? ma sensibilité ? mon être ? mon corps ? Qu’est-ce que chacune de ces instances a à me dire ? » Et il s’agira de prendre un temps intérieur pour sentir la priorité de chaque chose, chaque action que nous souhaitons mettre en œuvre.

 

Organiser vos activités en étant habité du goût de vous-même, de votre vie précieuse, l’enjeu est de taille ! Il s’agit que votre vie puisse pousser et se déployer à partir de ce que vous aurez décidé de mettre en œuvre et de comment vous aurez choisi d’organiser votre temps ! Alors je vous propose en cette période de rentrée d’être particulièrement attentifs aux temps d’arrêt. Temps d’arrêt pour vous poser dans votre être malgré ce qui est parfois la course de la rentrée. Temps pour sentir là où vous avez vraiment à être, ce que vous avez à faire et comment.

 

Bonne rentrée !

 

Karine Gantois, Formatrice agréée PRH, publié dans Ressources

https://blog.prh-france.fr/category/ressources/

 

*PRH, Personnalité et Relations Humaines, est une école internationale de formation humaine pour adultes. Notre école de formation s’inscrit dans le courant de la psychologie positive et se fonde sur une vision dynamique et positive de la personne. Notre pédagogie vise le déploiement de la personnalité et de relations humaines de qualité

Haut de page

 

Circonspection par Claire Bernole

« Avec ce projet de loi, qui prévoit l’ouverture de la PMA à toutes les femmes, nous passons d’une médecine réparatrice à une médecine visant à satisfaire des souhaits », explique Karsten Lehmkühler, membre de la commission[i]. Jusqu’à présent, la PMA permettait de pallier l’infertilité des couples. Désormais, on basculerait dans une médecine visant à satisfaire le souhait de femmes qui ne sont pas infertiles mais ont d’autres projets de vie.

Peut-on vouloir cela ? D’autant que cette médecine resterait financée par la collectivité. D’autre part, toujours selon lui, la question des droits de l’enfant (on peut aussi dire de son bien) se pose. Ces nouvelles formes de PMA créent des situations privant volontairement un enfant de son père. Un divorce ou un veuvage précoce peuvent amener une femme à élever seule son enfant. Mais en l’occurrence, on créerait d’emblée une situation où un enfant grandirait sans père.

Peut-on vouloir cela ? Sachant que la femme seule ou le couple de femmes qui éduquent l’enfant devront gérer ces différentes paternités et filiations. Est-ce mauvais en soi d’avoir une médecine capable de répondre à des souhaits ? Un enfant ne peut-il pas grandir de façon heureuse dans ces nouvelles formes de familles ? Il faut donc se doter de critères de jugement. Le texte propose ainsi d’évaluer les techniques de procréation à la lumière de leur capacité à préserver ou non le respect des liens humains de couple et de filiation. Enfin, nous insistons sur le droit de l’enfant à connaître ses origines biologiques.• 

Claire Bernole - Réforme n° 3818 du 26 sept 2019


[i] Commission éthique et société de la Fédération protestante de France

Haut de page

 

Les migrants

Le regard de Pierre RABHI –

La problématique des migrations actuelles de populations ne devrait pas nous faire oublier celles qui ont concerné l’Europe pendant des siècles et sans lesquelles celle-ci serait très probablement le continent le plus pauvre.

Les Européens ont migré partout, non pour être aidés, mais pour confisquer. « Poussez-vous ! On prend la place ! », a été le précepte appliqué lors de cette spoliation des ressources et des territoires d’autrui qui s’est faite sur tous les continents. Les missionnaires « civilisateurs » ont ainsi investi la planète entière, cherchant à imposer au monde un certain type d’évolution. Il me semblait important de rappeler ces faits, face aux milliers de migrants qui quittent aujourd’hui leur pays dans la détresse.
Cette vague de naufragés sur les rives de l’Histoire qui frappe aujourd’hui aux portes des nantis n’est-elle pas le retour de ce que les « civilisés » ont semé avec l’idéologie du progrès, de la croissance à tout prix, du « toujours plus » et de la compétition? La misère que fuient pour bonne partie ces « migrants » n’est pas due à l’insuffisance de ressources. Sans souscrire à une démographie sans limites (ce qui serait insensé), nous savons que la planète pourrait nourrir dix milliards d’êtres humains. En outre, l’Afrique est loin d’être le continent pauvre que nous imaginons souvent : les précieuses ressources de son sous-sol en font une terre immensément riche !

Comme le disait Jean Ziegler, la misère est donc « faite de mains d’hommes ». Les mouvements de population qui en découlent sont le résultat d’options économiques et géopolitiques internationales. Par-dessus le destin collectif de l’humanité se trament tout un tas de connivences entre les gouvernements, de tractations, de négociations et de turpitudes dans lesquelles l’appât d’argent et de pouvoir prime sur le respect de l’humain et du vivant dans son ensemble.
Nous laissons des dictateurs et des roitelets sanguinaires s’accrocher au pouvoir tout simplement parce que, trop intéressés par leurs ressources, nous ne pouvons nous fâcher avec eux. Il est vraiment dur de voir ces milliers de migrants vouloir rejoindre la prospérité en pensant que l’Occident a réussi, et en oubliant qu’un lopin de terre bien cultivé est bien plus sûr que des dollars ! Après coup, certains découvrent que notre monde civilisé est lui-même en crise. Chômage, épuisement, frénésie stérile, dépression, solitude, etc. : le bonheur escompté n’est pas au rendez-vous.
Bien heureusement, dans ce chaos ambiant, des élans de solidarité émergent, signes d’une protestation active et pacifique qui essaie de dessiner un nouvel avenir…

Merci à tous ces hommes et ces femmes qui posent ainsi les fondements d’une nouvelle convivialité planétaire. Car nous sommes arrivés à une phase décisive de l’Histoire dans laquelle nous sommes appelés à changer pour ne pas disparaître. Mais au-delà des initiatives individuelles isolées, chaque gouvernement devrait s’engager à tout mettre en œuvre pour que les besoins fondamentaux de ses citoyens soient respectés sur leur territoire. Il est temps que l’autosuffisance alimentaire des populations soit reconnue comme étant la priorité absolue. Et par-dessus tout, c’est l’état d’esprit qui gouverne notre monde qui est appelé à une profonde mutation. Il suffirait que tous les efforts et les budgets consacrés aujourd’hui à la mort et à la destruction soient désormais alloués à la paix et à l’autonomie alimentaire pour infléchir le cours de l’Histoire.
Qu’attendons-nous pour cela ?

Propos retranscrits par Claire Eggermont

Haut de page

 

 

De la peur à la joie de vivre par Pascal HUBERT

« Peut-être ne peut-on vraiment imaginer que ce que l’on a déjà vécu soi », écrit Charles Juliet. J’en suis persuadé, pour l’avoir vécu. La peur qui vous paralyse : pensée, créativité, marche, désir, projets, vie. Du matin au soir, tout est effort, lassitude, tristesse. Voudrait-on briser ce cercle vicieux qu’on ne le pourrait pas. L’enfer est parfait, le monde est noirceur. Au-dedans, comme au-dehors.

Entre la peur et la joie de vivre. Un gouffre à combler. Un lien détruit à reconstruire. À moins qu’inexistant, il ne faille l’inventer. De la peur du lien au bonheur qu’il procure. La fadeur de la vie prend enfin des couleurs. L’abandon est moins prégnant, la vie reprend ses droits. C’est une chose étrange que de revenir à la vie. C’est la force des rescapés de ne pas rester dans le trou. C’est la force des mutilés de rejoindre leur semblable.

Lorsque tu sais être passé à côté de ta vie. Lorsque la confusion fait place à la lucidité. Lorsque des mots sont enfin mis sur l’enfance dévastée. Comment faire avec l’horreur du manque ? Comment renouer ? Comment franchir le gouffre ? Doit-on tout recommencer ? Doit-on vivre mille vies ? Doit-on quitter ce que l’on a construit tant bien que mal ? Doit-on tout brûler pour vivre enfin du neuf ? Doit-on retomber amoureux ? Où commencent la défusion, la liberté, la joie de vivre ?

Ainsi du désir longtemps refoulé, du manque inavoué, du déni de la réalité, de la souffrance enfermée. Par incapacité d’avoir été un enfant, un adolescent, un adulte. À l’âge où le jeune sort, aime, jouit de la vie. Tant de désirs inassouvis, mort-nés, impensables. Souffrance de n’avoir su réaliser ma vie. Comment, aujourd’hui, se sentir libre, maître de soi et de son destin, en phase avec les siens ? Sans tout détruire, sans désirer faire table rase ? Comment être heureux, malgré tout ?

Comment vivre l’insouciance, l’aventure, la légèreté ? Certains ont tout quitté dans l’espoir de se trouver et de vivre enfin. D’autres sont demeurés fidèles à ce qu’ils ont tenté de construire. Besoin de quitter mes sécurités, de lâcher prise, d’entreprendre. Du neuf, de l’inédit, du désir de vivre. Jour après jour, réinventer ma vie.

J’entreprends aujourd’hui ce que je ne pouvais vivre hier. C’est douloureux, ce sentiment de ne pas avoir vécu, d’être en décalage avec les autres. De tenter de vivre aujourd’hui ce qu’il m’aurait fallu entreprendre hier. C’est un peu le monde à l’envers. Alors, cela chamboule tout dans ma tête.

Besoin d’oser. Malgré la culpabilité et le sentiment de trahir. Le désir jusqu’où ? Le désir me fait peur. Il pourrait m’entraîner dans des chemins inattendus. Vers des contrées prétendument interdites. Comment se dépasser ? Comment dépasser ses peurs ? Comment se réaliser, sans réaliser ce qui a manqué ? Comment dépasser ses résistances inscrites dans le tréfonds ? Je tourne autour des mots. Et les maux demeurent. Les angoisses tapies. La vie encore cadenassée.

Comment sortir de cette tension sans tout briser ? Comment vivre enfin unifié sans se mentir ? Comment ne plus étouffer sous le passé ? Quelle décision prendre pour ne pas rejouer sans fin l’indécision et le malheur ? Comment guérir enfin la blessure ? Comment ne plus vivre de pis aller et de faux semblants ? Comment aimer enfin la vie sans retenue ? Comment dire le vrai sans tout détruire ? Autant de questions qui devraient, enfin, trouver réponse.

Ce besoin d’aimer en vérité et d’être aimé. Ce besoin d’aventure et de réalisation de soi. Ce besoin d’avoir vécu pleinement avant de mourir. Pour voir clair en soi, combien nécessaire de sortir de soi. D’oser une parole vraie, nue, fragile. Sortir de ce lourd silence, des sentiers de fuite. J’ai tant besoin de l’autre pour devenir vivant. De ce lien qui m’a trop longtemps manqué par incapacité d’être. Tant de réminiscences remontent encore à la surface. Ce sont elles qui me paralysent et me contraignent à avancer. Pour libérer la source de vie, pour reprendre ma vie en main.

Prendre conscience de la fracture, en mesurer la profondeur, en connaître les recoins. Pour la panser, colmater les brèches, mettre un baume sur l’enfance. Et qu’ainsi jaillissent, à nouveau, la beauté, l’estime de soi, le goût de vivre, la joie du lien. Les retrouvailles avec soi, et l’autre.

Écrire encore des mots, descendre en soi, apaiser ses pensées, prendre soin de soi, franchir encore ces espaces clos, revivre d’espérance, ne pas abandonner, sortir de soi, se remettre à croire et à aimer. Et parler. Dire à l’autre la blessure, la faille, le doute, le manque, ses besoins. Qu’il comprenne, entende, consente. Après le silence, prendre enfin la parole. Encore et encore, malgré tout. Si tu savais, comme l’amour peut tout changer.

Transmuter la peur en joie de vivre.

Pascal HUBERT  https://laveritesijemens242355175.blog/2019/04/16/de-la-peur-a-la-joie-de-vivre/

 

Ces mots de Boris Cyrulnik, dans La nuit, j’écrirai des soleils, résonnent particulièrement en moi :

« Je sais maintenant, grâce aux récits intimes de mon for intérieur, et aux histoires des enfances fracassées, qu’il est toujours possible d’écrire des soleils.

Combien, parmi les écrivains, d’enfants orphelins, d’enfants négligés, rejetés, qui, tous, ont combattu la perte avec des mots écrits ?

Pour eux, le simple fait d’écrire changea le goût du monde. 

Le manque invite à la créativité. La perte invite à l’art, l’orphelinage invite au roman. Une vie sans actions, sans rencontres et sans chagrins ne serait qu’une existence sans plaisirs et sans rêves, un gouffre de glace.

Crier son désespoir n’est pas une écriture, il faut chercher les mots qui donnent forme à la détresse pour mieux la voir, hors de soi. Il faut mettre en scène l’expression de son malheur.

L’écriture comble le gouffre de la perte, mais il ne suffit pas d’écrire pour retrouver le bonheur.

En écrivant, en raturant, en gribouillant des flèches dans tous les sens, l’écrivain raccommode son moi déchiré. Les mots écrits métamorphosent la souffrance. »

Vidéo « La grande Librairie » présentant Boris Cyrulnik et la résilience dans son livre « La nuit, j’écrirai des soleils » :

https://www.youtube.com/watch?v=B82Ecgjo-pw&feature=youtu.be

Haut de page

 

La solitude, n’est pas synonyme d’isolement par Marie-Christine Bernard

 

Pour l’auteure, la solitude ne doit pas être confondue avec l’isolement social subi. Elle est en effet source d’enrichissement et d’ouverture à soi.

 

La solitude assumée

On cherchera ce sentier de foi qui nous connecte avec ce qui nous porte, nous traverse et nous dépasse. On balbutiera sans doute nos pauvres mots parfois hérités de nos traditions religieuses, mais on s’en excusera, tant ils peinent à traduire ce qu’aujourd’hui nous expérimentons.

Car nous voilà intimement conscients de la valeur de chaque personne, de la dignité de chaque « je » par lequel advient l’inattendu du Créateur, et du dépassement inévitable et nécessaire de toute gangue religieuse pour vivre de la Vie reçue en abondance.

Et demeure ce constat que l’expérience confirme : se tenir en solitude, avec courage et attention, nous conduit à la vérité de soi, et de plus grand que soi, nous éveillant à l’environnement dans lequel nous évoluons, et donc aux autres. La solitude assumée ainsi est bénéfique et féconde.

Pourtant, la solitude a mauvaise presse. Des campagnes charitables prétendent même lutter contre une solitude perçue comme un fléau, ce qui montre qu’on la confond avec l’isolement social subi. Et les réseaux sociaux répandent leur propagande antisolitude à coups d’invitations à des rencontres, d’incitations à rejoindre des tribus de toutes sortes, de pressions pour des sorties, des vacances, des loisirs en groupes, en bandes, en clubs, en couples, en masses. Et le silence, dont la belle solitude a besoin, silence des oreilles, des yeux, est traqué comme s’il était devenu une insupportable incongruité d’un autre âge.

Or, l’isolement n’est pas la solitude : il est insuffisance de relations. Souvent, il s’enracine dans un lien carencé avec soi-même. Les autres sont espérés comme des distractions de soi, ou des sortes de prothèses évitant de se coltiner soi-même, ou encore des faire-valoir attendus pour compenser une piètre estime de soi.

On peut ainsi être isolé dans un groupe, même dans sa famille, et souvent aussi dans d’interminables visites sur les réseaux numériques. Le bruit qu’accompagnent ces liens qui nous retiennent hors de nous-même devient véritablement assourdissant. On finit par se perdre de vue soi-même. Et les autres, si nombreux pourtant, semblent alors si loin…

À l’inverse, demeurer seul chez soi, en soi, sous son toit comme dans ses allées et venues, dans les rencontres comme dans l’ennui du temps vacant, le cœur ouvert à ce qui se passe en soi et autour de soi, c’est éprouver de tous ses sens la richesse de vivre.

 

La solitude heureuse

La solitude heureuse, et elle l’est en réalité, est une solitude choisie. Et il est bon de la choisir. Et bon d’apprendre à en devenir l’ami, le familier. Elle nous tient debout, adulte, dans le mystère de ce que nous sommes et de l’auteur de qui nous sommes, quel que soit le nom qu’on lui donne, et même si on ne lui en donne pas. Elle appelle le silence intérieur capable de faire surgir la Parole au travers de nos mots et de nos gestes quotidiens. Elle nous relie en vérité, à soi, aux autres… à l’essentiel.

Lorsqu’on perd des êtres qu’on aimait tendrement, on est renvoyé, comme en rappel, à cet espace intérieur où « Je suis » et où personne d’autre ne peut accéder sinon Celui qui en connaît la clef.

Ce lieu, inévitablement, est celui où l’on se tiendra au moment du dernier souffle. Dès maintenant, on y trouve nourriture et consolation.

Il est notre plus sûre demeure de vivant d’éternité.

 

Marie-Christine Bernard, théologienne www.mariechristinebernard.org

 

Réforme N°3797 du 11 avril 2019

 

“Quiconque a Dieu avec lui n’est jamais moins seul que quand il est seul.”

 Guillaume de Saint-Thierry, moine du XIIe  siècle,

Haut de page

 

Le sens de la vie par Pascal Hubert  

Chaque être humain a, chevillé au corps, le besoin de trouver un sens à sa vie. Je ne reviendrai pas sur les croyances religieuses qui rassurent face aux aléas de l’existence – la mort étant le dernier, le plus redoutable sans doute –, mais n’ont jamais été une nourriture qui nous libère de nos superstitions et de nos entraves en tout genre.

Je désire donc, en vérité, aller au cœur du sujet. Malgré la mort, à cause d’elle, et de la peur dans son sillage. En effet, si nous étions immortels la question de notre finitude ne se poserait pas. Nous serions, tout simplement. Ma mort, notre mort, celle de nos proches nous poussent donc à chercher un sens à l’incroyable : nous sommes là et nous ne serons bientôt plus. Croyants comme incroyants se sont cassé les dents depuis la nuit des temps sur cette étrange « anomalie ». Mais précisément, une chose m’apparaît avec évidence : toute réponse est désormais vouée à l’échec, à la relativité, à l’ignorance. Nous ne savons pas, et nous ne saurons pas – pas plus vous et moi, que les religieux patentés.

Plus de dieu « promesse de Vie éternelle » !

À défaut de certitude, il nous faut lâcher la question. Il nous faut abandonner la mort à son sort. …

https://laveritesijemens242355175.blog/2018/11/20/1194/

 

Haut de page

 

Hypocrisie par Michel Théron

 

Le Monde vient de faire le point sur le ravage écologique causé par le transport aérien. Ainsi un aller-retour Paris-New-York émet plus de gaz carbonique par passager qu’une année entière de chauffage, ou qu’une année zéro déchet, ou qu’une année de consommation « locale et responsable ». L’avion est quarante fois plus polluant  que le train. Et l’on prévoit que le trafic va connaitre encore une croissance phénoménale. Il double tous les quinze ans.

 

Constat accablant. Mais il se trouve que ce type de transport est utilisé abondamment par nos nouveaux maitres à penser, intellectuels, conférenciers, bobos parisiens, etc., qui nous donnent constamment des leçons pour la préservation de l’environnement et la défense de l’écologie. A quoi sert, à côté des faits susdits, d’utiliser la trottinette pour aller jusqu’à l’aéroport, ou de grignoter une carotte bio, sinon pour se donner bonne conscience ? On s’achète à bon compte une virginité.

 

J’ai toujours pensé que chacun devrait mettre en cohérence ses idées et son comportement. Les enfants d’ailleurs sont les premiers à se rendre compte du décalage qu’il y a entre les admonestations qu’ils reçoivent, et la conduite de ceux qui les leur font : parents, éducateurs, etc. Ils percent à jour le double langage, l’hypocrisie ne leur échappe jamais. Aussi c’est par l’exemple que l’on donne qu’il faut convaincre, et non par le discours que l’on tient.

 

Ce n’est pas en fermant le robinet d’eau quand on se lave les dents qu’on fera du bien à la planète, mais bien en refusant de prendre l’avion pour faire du tourisme, grand pourvoyeur de pollution à tous égards. Les gens ne voient pas le rapport entre les choses qu’ils jugent tout à fait éloignées les unes des autres. En quoi ils manquent d’intelligence : cette dernière est bien la capacité de faire des liens (inter-legere) entre des choses à priori jugées étrangères.


Commençons donc par unifier nos actes et nos paroles, par scruter sans complaisance tous nos comportements, par nous examiner nous-mêmes. Comme le disait Gandhi : « Soyez vous-même le changement que vous voulez voir dans le monde ».

 

www.michel-theron.fr   21 Mars 2019

Haut de page

 

Haut de page

 

Penser librement

Il m’arrive d’entendre à la radio ou à la télévision des propos « pieux ». Je ne crois plus d’emblée à une parole qu’on me dit être « parole de Dieu ». Je ne crois pas plus à un discours, pour la seule raison qu’il a traversé les siècles…

Je n’hésite pas à tailler le bois mort dans mes héritages reçus et je ne retiens que les branches  prometteuses. Je ne confonds pas les doctrines qui systématisent, dogmatisent et peuvent impressionner par leur imposante devanture avec la sève initiale.  Je ne me préoccupe pas du « qu’en dira-t-on » et je ne suis pas les sentiers balisés ou du moins déclarés comme tels par les hommes des doctrines officielles.

Je m’efforce de suivre mon chemin. J’y rencontre d’autres chemineaux comme moi.  Nous échangeons, nous enrichissons de nos questions, de nos recherches, de nos trouvailles, de nos balbutiements. Et chacun reprend incessamment sa route.  Chemin faisant, je découvre, sur des terres qui m’étaient étrangères, que partout jaillissent des sources  et qu’entre les puits profonds qu’elles alimentent, les eaux, si particulières que soient leurs goûts, tirent leur origine des mêmes nappes souterraines. Si chaque terroir donne à l’eau  une saveur singulière,  celle où je m’abreuve habituellement vient d’un ailleurs invisible et commun. De quoi relativiser les prétentions de ceux qui croient que l’eau qui les désaltère est la seule authentique et que les autres ne sont que de seconde qualité.          

Jacques Musset

Haut de page

 

L’humiliation ! par  Olivier Abel

(Pourquoi la puissance publique doit bannir toute forme d’humiliation de ses propos et attitudes).

Depuis la publication de « La société décente » d’Avishaï Margalit (1996), j’ai fait mienne sa thèse que nous devons avant tout chercher à constituer une société dont les institutions ne seraient pas humiliantes. S’il est difficile de faire une société plus juste, ce que nous pouvons tenter, tout de suite, c’est de faire qu’une société soit la moins humiliante possible.

La puissance publique doit faire la chasse à toute forme d’humiliation dans les institutions (scolaires, hospitalières, pénitentiaires, sociales, sécuritaires, etc.) qui sont de son ressort. Et la parole publique, depuis le chef de l’État jusqu’à celle de tous les citoyens, se doit de n’être jamais humiliante à l’égard de qui que ce soit. Regarder les autres avec considération, laisser une porte de sortie à la discussion sans obliger l’autre à perdre la face, ne pas l’écarter comme nul et disqualifié, ne pas l’exposer à la risée ni le mettre à l’index, etc.

Le christianisme et le stoïcisme, pour une fois conjugués, nous ont appris à être humbles, détachés, modestes. C’est bien, mais cela nous a rendus très insensibles à l’humiliation. Pourtant l’humiliation est souvent bien plus grave que la violence : elle s’attaque à la parole et au visage, elle ruine la confiance en soi et la confiance en l’autre. Pire peut-être : elle engendre, par ses effets en cascade (les humiliés deviennent humiliants), une violence future aux effets dévastateurs.

Pour que nul ne se sente superflu, d’avance jugé et jamais écouté, il nous faudrait des institutions qui ne soient pas tant des administrations gestionnaires que des théâtres pour nos paroles et nos actions éphémères. Ces théâtres, et nos Églises par excellence, doivent offrir à chacun non pas une fois, ni sept fois, mais sans cesse, à la fois l’autorisation à montrer qui il est, et l’autorisation à diminuer et s’effacer pour laisser la place aux autres.

Il faut avoir été autorisé à se montrer pour pouvoir vraiment s’effacer. Il faut avoir été autorisé à s’effacer pour pouvoir vraiment se montrer. L’autorité n’existe que par la reconnaissance que nous lui avons donnée de nous avoir ainsi doublement autorisé.

Réforme n°3785     16 janvier 2019

Haut de page

 

 

Etre sans avoir ? par Jacques Noyer

Etre et avoir … Que suis-je si je n’ai rien … sans toit, sans droit, sans amis, sans corps, sans rien … Des bras, une tête, des outils, quelques sous et me voilà quelqu’un ! Je suis celui qui a quelque chose à proposer au commerce des hommes. Encore faut-il que quelqu’un s’intéresse à ce que j’ai, à ce que je peux faire, à l’argent que j’ai dans mes poches. Je ne suis riche que de ce que les autres m’envient. De ce que j’ai et qu’ils n’ont pas. Dans un monde de repus, je ne trouve pas ma place. Le petit coin que j’occupe me sera contesté. Pas de bouche inutile. Je n’ai même pas la place d’être. Un coup de balai et rien ne reste. Heureux suis-je, si avant de m’abandonner à la poubelle du néant, quelqu’un me met de côté en disant : on ne sait jamais, ça peut peut-être servir ! Heureux suis-je si une société me donne le droit d’être, de vivre, de parler, de faire. Heureux suis-je si je rencontre quelqu’un qui s’intéresse à moi pour rien, simplement pour être avec lui, sans condition, sans loyer à payer, sans service à rendre. Lui, moi, d’autres, chacun reçoit des autres son être même. Dis-moi, ça peut exister ? Etre sans avoir, n’est-ce pas ça l’amour ?

(À l'ombre du vieux noyer; Éditeur  Médiaspaul France)

Haut de page

 

Sauvez votre peau ! Devenez narcissique ! par Fabrice Midal.

Est-ce que, de la part d’autrui, je suis reconnu aimable, dans le sens de digne d’être aimé, et est-ce que l’on m’aime comme je suis, tel que je suis ? Et, de ma part, est-ce que je m’aime, par-delà mes qualités et mes défauts, deux faces indivisibles de mon unique personnalité, sans effectuer de dichotomie ? « Tu aimeras ton prochain comme Toi-même».

Est-ce qu’autrui, avant toute référence possible, dont une certaine référence religieuse, reconnaît d’abord en moi l’humanité, mon humanité ? Et moi, est-ce que je donne la préférence à cette humanité, préalable à toute idéologie, à toute croyance, avec toute la fragilité et toute l’imperfectibilité inévitables ?

Est-ce que les personnes rencontrées perçoivent chez moi un être humain libéré d’entraves ? Et, de mon côté, est-ce que je constate la volonté personnelle de me délivrer de tout ce qui emprisonne, empoisonne, aveugle, endurcit, emmure : coutumes bien ancrées, pensées dominantes, formatages, etc ?

Est-ce que l’on trouve en moi un être singulier, unique et non un être « comme tout le monde », selon un modèle standard du moment ? Et moi, est-ce que je fais l’effort d’éviter la copie conforme de tel ou tel, le moule permettant de multiples reproductions à l’identique, pour devenir moi-même ?

Est-ce que mes capacités personnelles, mes talents, même modestes, mes sources de vie, sont reconnus par les autres au point d’y faire appel ? Et moi, est-ce que je les reconnais personnellement, m’efforçant de les développer, en pensant à leur possible utilité pour quelques personnes ?

Est-ce que l’on est en mesure de constater chez moi quelqu’un heureux de s’accomplir dans cette aventure sans fin du « Devenir soi-même » ? Et, de mon côté, est-ce que je ne me culpabilise pas de vivre cette aventure, simplement, sans angoisse ni souci d’une performance, comme celle d’apprendre une langue « sans peine », selon le slogan bien connu ?

Est-ce que l’on se rend compte que je m’autorise des façons singulières de voir, de juger et d’agir ? Et moi, est-ce que j’éprouve un soulagement de pratiquer lesdites façons, débarrassé de la peur du « diable » et d’un châtiment éternel, qui ont aveuglé tant d’êtres humains, pour enfin penser juste et vivre vrai ?

 Ed. Flammarion (Quelques interrogations extraites du message)

 

Haut de page

 

 

Notre foi en l'humain par Maurice Bellet

 

Notre foi en l'humain est affaire d'expérience. Elle se joue de façon concrète dans la relation à autrui, elle est souci de l'autre, et non pas de nos croyances ou de nos théories. Elle est dans notre façon de croire en lui, dans le regard, l'écoute, la main qui soutient ou qui donne. A ce titre, elle a quelque chose de premier, elle n'est pas la conséquence ou l'application de ce qu'il faut croire, par exercice de raison ou de conviction religieuse. Elle est comme une naissance d'humanité.

 

Elle concerne sans doute le rapport à soi-même comme, au-delà des proches, à toute l'humanité, mais c'est dans la même lumière.

Cela dépasse l'éthique, ou en tout cas lui donne un autre ton. Car ce n'est pas d'abord de l'ordre du devoir, qui peut être si froid, mais c'est dans la chaleur du don. C'est au principe d'une convivialité nécessaire pour que la vie humaine puisse être goûtée come bonne.

 

On pressent qu'une telle attitude rencontrera des obstacles. Mais ce qui apparait déjà, c'est que cette relation-là doit être respectée, qu'il faut en garder ce qu'on pourrait appeler sa transcendante naïveté.

C'est bien pourquoi la conséquence en est qu'en un sens, il ne faut rien y ajouter. S'avancer dans son déploiement, supporter ce qui la met à l'épreuve, combattre ce qui la meurtrit, mener à l'extrême ses exigences ou plutôt sa puissance de vie - soit. Mais ce qui interviendrait du dehors, fût-ce pour expliquer, justifier, régler, c'est en trop; c'et à dire que cela réduit et diminue. La foi en l'humain ne se connait  et ne se justifie que par l'être humain lui-même, dans sa présence toute concrète, quand par lui l'humain se dégage de l'inhumain, de cette violence profonde qui peut tout corrompre, y compris les idées les plus nobles et les comportements les plus dignes.

Conséquence de la conséquence : il ne faut pas ajouter Dieu.

Haut de page

 

 

Mission impossible

 

Il y a des jours où je voudrais prendre ma retraite. Pas longtemps. Trois ou quatre ans. Le temps de voir davantage mes enfants grandir. Le temps d’en perdre avec eux. Le temps de prendre soin de mon couple au tournant de la quarantaine. Du temps, aussi, pour la santé : arrêter de courir à droite et à gauche, pour aller courir un peu. Le paradoxe est là : je vois des burn-out chez les collègues de ma génération et d’autres qui, à 60 ans passés, partent à la retraite en belle forme et à regret. Et encore, j’ai de la chance : enseignant, je passe l’été avec mes enfants. Et puis nous avons des anges gardiens qui nous ouvrent régulièrement leur maison pour un temps familial hors du temps. Enfin, je travaille à quelques pas de chez moi, quand d’autres rongent leur frein dans les embouteillages. Quitte à personnaliser l’âge de départ à la retraite, ne gagnerait-on pas des actifs en meilleure santé s’ils pouvaient s’arrêter deux ans aux alentours de la quarantaine ? Est-il fou d’imaginer, sur l’échelle d’une société, une telle respiration professionnelle ?

 

Respirer : tel est l’enjeu. Nicolas Hulot nous dit que la Terre est une étuve. Que nous ne respirons plus. Que lui-même n’en peut plus. De quoi ne peut-il plus ? De ne pas pouvoir, justement. De ne pas faire ce qu’il faudrait. Il ne prend pas sa retraite : il démissionne du gouvernement. Le geste impressionne ou déçoit. La démission, c’est à la fois un acte de résignation et de résistance. De résignation : on ne peut rien changer... Et de résistance : mais cette inertie est scandaleuse. La démission, c’est l’expression puissante d’une impuissance. Un aveu d’impuissance, oui, mais décidé et audacieux. À moins qu’elle ne soit le point final d’une phrase qui balbutiait depuis trop longtemps. On peut démissionner mollement, quotidiennement, comme on dit de parents qui laissent tout faire à leur enfant : « Ils démissionnent. » L’ambiguïté est là : est-ce au nom de sa mission, ou bien à son encontre, qu’on « dé-missionne » ? Quand Benoît XVI démissionna, était-ce pour dénoncer activement cette Église dont la réforme, pour parler comme son successeur, s’apparente à « nettoyer le Sphinx d’Égypte avec une brosse à dents » ? Ou bien était-ce de guerre lasse, parce que ni son corps, ni son cœur n’y suffisaient plus ? Il est vrai qu’un pape qui démissionne appelle un autre pape. De même pour un ministre de la Transition écologique. En revanche, un père qui démissionne laisse une famille orpheline. Quand Benoît et Nicolas ont renoncé, était-ce, stratégiquement, pour hâter des jours meilleurs ? Ou bien, tragiquement, pour dire qu’ils ne les voient plus venir ? Était-ce pour préparer la relève ? Ou bien avec le sentiment de faire des orphelins ? S’agissait-il de dénoncer une impossibilité ? Ou seulement de l’énoncer ?

 

Il y a peut-être une troisième voie, entre la dénonciation et l’abandon de poste, entre le poing sur la table et les bras baissés. Démissionner, c’est d’abord dire qu’on ne peut pas tout. C’est donc indiquer un régime d’action autre que celui de la toute-maîtrise.

Pour un pape, dire : « J’abandonne », c’est aussi dire avec confiance : « Je m’abandonne à Toi. » Pour un ministre de l’Écologie, dire : « J’arrête », c’est faire de la décroissance une réalité concrète : on détruit aussi le monde à force de s’agiter pour le sauver. Un jardinier sauve plus sûrement ce qu’il reste de la nature que les avions qu’on prend pour dire qu’il faudrait plus de jardiniers. La démission rappelle à l’homme que l’essentiel de cette vie n’est pas à conquérir, mais à recevoir et que, pour cela, il faut parfois cesser d’être actif. En attendant la retraite.’

 

Martin STEFFENS (enseigne la philosophie en classe prépa)

 

La Vie n°3812 du 20/09/2018

Haut de page

 

"L'élan vital est inscrit en chacun de nous"  

D'où vient cette capacité inouïe à rebondir après des épreuves ?

 

Réponse de la psychologue Ariane Calvo , psychologue qui publie un livre* sur le sujet.

 

Comment vous êtes-vous intéressée à l'"élan vital" ?

J'ai vécu à un an d'intervalle deux rencontres qui m'ont marquée. La première se déroule en 2013. J'effectue alors mon stage de psychologue clinicienne dans le service de néonatologie d'une maternité des Hauts-de-Seine. La journée a été éprouvante pour les équipes : un bébé est mort, une mère a failli décéder… J'aperçois une infirmière, le regard perdu, devant une couveuse qui abrite deux prématurés de quelques centaines de grammes. Leur pronostic vital est engagé. Elle me confie : « C'est incroyable. Rien qu'en les regardant, je sais lequel va vivre et lequel va mourir. » Le lendemain, sa prédiction s'est avérée juste…

D'où vient cette capacité à rester vivant ? J'ai décidé d'en faire le thème de ma recherche.

Un an plus tard, je travaille en maison de retraite. Je parle avec le médecin gériatre de deux résidentes âgées de 101 ans et 102 ans, entre la vie et la mort. Elles sont bien entourées, elles ont des constantes médicales équivalentes, une constitution physique comparable. Le médecin me dit : « C'est étonnant : je vois que l'une cherche à grappiller la vie jusqu'à la dernière seconde, et que l'autre va partir. » Qu'est-ce que ces soignants ont bien pu identifier ? D'où vient cette capacité à rester vivant ? J'ai décidé d'en faire le thème de ma recherche. J'ai interrogé trente personnes qui toutes possèdent cette force exceptionnelle. Je les ai appelées les « élans ». Toutes ont traversé des épreuves, parfois terribles, et ont un lien très fort à la vie. Je me suis aperçue qu'en dépit de leurs âges, de leurs milieux et de leurs parcours très différents, elles présentaient des similitudes étonnantes.

 

Quels sont ces points communs ?

Bébés, elles ont été confrontées à une indisponibilité parentale qui provenait soit du parent lui-même, soit de circonstances particulières que traversait la famille : mère psychotique ou orpheline, parents en prison, contexte de guerre… Pour ne pas mourir, elles ont déployé toute leur énergie pour « réveiller » leur mère en cherchant à créer du lien (par des pleurs ou des maladies à répétition, par exemple). Une fois adultes, les « élans » possèdent une capacité de gratitude et d'émerveillement devant les petites choses : une promenade dans la nature, un repas entre amis… Est inscrit en eux une sorte de « droit au bonheur ». Je pense à cette femme qui était battue par son mari, et qui continuait à se dire : « Ma vie, ce n'est pas ça ; il y a forcément autre chose. »

Ils savent donner du sens à ce qu'ils vivent.

Ils savent donner du sens à ce qu'ils vivent, même si celui-ci se dévoilera bien plus tard. Ils sont intuitifs et hypersensibles : ils perçoivent les émotions des autres et leurs cinq sens sont très aiguisés. Comme ils sont hyper connectés aux autres, ils ont besoin de se retrouver seuls pour reprendre des forces. Enfin, ils ont foi dans une bonne étoile qu'ils nomment univers, ange gardien ou Dieu…

 

Y a-t-il des périodes où se manifeste particulièrement cet élan vital ?

Oui, à chaque crise de vie. Entre 2 et 4 ans, l'enfant se décolle de sa maman et veut décider par lui-même (c'est la période du « non »). Entre 12 et 15 ans, l'adolescent se détache de ses parents pour pouvoir ensuite se relier à eux différemment. Un ado qui claque les portes fait très bien son travail ! La crise de milieu de vie, autour de la quarantaine, se résume en une phrase : « C'est maintenant ou jamais le moment de vivre ce que j'ai envie de vivre. » Le passage à la retraite puis l'approche de la mort sont aussi des périodes où se manifeste cet élan. C'est un moment où l'on peut « clôturer des dossiers », comme appeler un fils qu'on n'a pas vu depuis des années et lui demander pardon…

 

Quelles circonstances le mobilisent ?

Ce sont des poussées intérieures qui, dans des moments de crise, nous portent à la vie : sortir de la dépression, prendre ses distances avec un conjoint ou des parents toxiques, quitter un travail qui ne nous correspond pas… Certains comportements, qui peuvent sembler à première vue destructeurs, témoignent aussi de cet élan. Ils sont les seuls aménagements possibles que la personne a trouvés pour ne pas mourir. La drogue aide le toxicomane à ramener sa douleur intérieure à un niveau acceptable. Le schizophrène se débranche du réel pour continuer à vivre malgré tout. Nous ne sommes pas face à des personnes qui se détruisent mais qui déploient des attitudes dysfonctionnelles – parce que douloureuses – qui leur permettent de rester à tout prix en vie. Tout mon travail consiste à trouver, avec elles, d'autres manières d'honorer ce désir de vie.

 

Quand apparaît l'élan vital ?

Dès la naissance, qui est son premier mouvement spontané manifeste. Puis, sa façon spécifique de s'incarner se fixe avant dix-huit mois, quand l'enfant est encore en symbiose avec sa maman. Tous les « élans » évoquent une sorte de bouillonnement volcanique intérieur qui jaillit dans un cri. Antérieur à l'acquisition de la parole, il signifie : « J'ai le droit de vivre ! »

 

Peut-on transmettre cette force ?

On peut transmettre notre joie et notre appétit de vivre, une juste estime de soi. Mais l'élan vital ne se transmet pas car il est inscrit en chacun de nous. La bonne nouvelle, c'est que nous ne dépendons de rien ni de personne pour le trouver. Le chemin le plus exigeant est d'entrer en soi-même pour nous relier à cet élan. Contrairement à la résilience, cette faculté ne dépend pas d'une enfance ayant fourni une base de sécurité suffisante. C'est même tout le contraire : confrontés dans leur petite enfance à des épreuves qui auraient pu les tuer, au sens propre comme au figuré, les « élans » ont développé des capacités vitales extraordinaires.

 

Y a-t-il des « élans » qui vous ont davantage touchée ?

Certains d'entre eux m'ont vraiment émue soit parce que leur histoire de vie était terrible, soit parce qu'elle pouvait faire écho en moi. Je me souviens avoir senti mes larmes couler sans pouvoir les retenir durant un entretien avec Luce (NDLR : une de ses patientes), lorsqu'elle décrivait à quel point, alors que tout le monde la considérait comme une enfant difficile, et même impossible, elle avait pu sentir que son grand-père la voyait telle qu'elle était. Il comprenait sa sensibilité, ses aspirations, son intelligence, son plaisir à vivre, sa créativité. Il comprenait que tout était compliqué pour elle et il l'aimait telle qu'elle était. Cela m'a renvoyée de plein fouet à mon histoire.

 

J'ai connu moi-même un démarrage de vie délicat...

J'ai connu moi-même un démarrage de vie délicat, et, parfois, j'ai eu le sentiment d'une grande incompréhension. J'ai aussi la sensation d'avoir arraché à l'existence un droit au bonheur. Je ne peux pas en dire davantage sur les récits que m'ont confiés les « élans ». Ce sont des histoires de vie pour la plupart difficiles, douloureuses et très intimes. Parce que le milieu dans lequel ils sont nés était hostile, ils se sont construits avec un élan vital très fort. Cela rend très délicat leur témoignage : ils ne veulent pas heurter ceux qu'ils ont cherché à protéger, en racontant comment certaines relations, en particulier parentales, ont pu les blesser.

 

La dixième clé que vous donnez pour se connecter à l'élan vital est la spiritualité. Quel lien entretenez-vous avec celle-ci ?

Je suis chrétienne et ma religion d'origine est le protestantisme, bien que je ne m'en revendique plus spécifiquement aujourd'hui. Le Christ incarne à la perfection cette bienveillance et cet amour inconditionnel que nous recherchons. Mais, en France, quand on fait mon métier, il est difficile de parler de spiritualité sans être accusée de prosélytisme, voire même de manipulation. En tant que psychothérapeute, j'encourage mes patients à observer et à déployer cette part d'eux-mêmes, de la façon qui leur convient. Car du point de vue clinique, je constate combien la spiritualité est une aide précieuse au déploiement de notre élan vital.

 

Ariane Calvo 

 

Publié dans Pèlerin n°7076 du 12 juillet 2018 :

http://admin.pelerin.info/A-la-une/Ariane-Calvo-psychologue-l-elan-vital-est-inscrit-en-chacun-de-nous

 

* Trouver son élan vital, First Éditions, 256 p. ; 15 €.

Haut de page

 

 

Féminisme : entre tragédie et Tradition

Le mot « féministe » ne devrait pas exister. Il est de trop, comme toutes les injustices. Mais il faudra rester vigilant aussi longtemps que nécessaire. Sans doute jusqu’à la « fin des temps ». C’est que les discriminations à l’égard du sexe dit « faible » ne sont pas près de disparaître.

Pourtant, je ne suis pas à la hauteur. Je ne l’admets ni par humilité ni par autoflagellation. C’est une réalité. J’ai longtemps considéré la femme comme devant être au service de l’homme. C’était inscrit dans mon inconscient, dans mes croyances, dans l’air du temps. La femme ne pouvait être libre et disposer d’elle-même comme bon lui semble. Égale à l’homme en théorie, certes, mais non en pratique. Une femme se doit d’être douce, dévouée et belle si possible. C’est ainsi depuis la nuit des temps, c’est naturel et immuable. Ce sont les hommes qui décident de la marche du monde. Et « Dieu » bien sûr, selon sa Volonté ! Les textes religieux sont unanimes sur ce point. L’humanité est déchue par la faute de la femme tentatrice. J’ai longtemps cru en ces superstitions. J’ai changé d’avis.

Pourquoi ?

Je ne pouvais plus endurer ces croyances sans vivre encore dans un profond mal-être. C’est en abandonnant la religion et ses « schèmes mentaux » que j’ai pu remettre en question ma manière de penser le monde et la femme en particulier. C’est en apprenant à penser par moi-même, dans une profonde solitude et au prix de grandes souffrances que je me suis libéré du joug de la « pensée unique ». Par authentique fidélité à soi, je trahissais ce en quoi j’avais toujours cru.  Comme le dit justement un proverbe arabe : « Il n’y a que ceux qui ont le pied sur la braise qui en ressentent la brûlure. »

Les monothéismes, une catastrophe pour la femme 

Comme le dénonce Houria Abdelouahed, psychanalyste franco-marocaine : « Toutes les religions monothéistes ont essayé de dompter le sexe féminin. Si l’on prend le christianisme, cela ne s'est pas passé du vivant de Jésus qui lavait les pieds de Marie-Madeleine la pécheresse, et qui était l'exemple de la tolérance même, mais voyez ce que les Pères de l’Église ont ensuite fait de la femme ! On retombe toujours sur les mêmes clichés, les mêmes règles. Le monothéisme a été une catastrophe pour la femme. » Quand j’y songe un instant, il est proprement effroyable de reléguer la moitié de l’humanité dans la servitude. C’est un scandale qui ne dit pas son nom – une oppression cachée et assumée par les hommes. Désormais conscient de cet intolérable « ordre naturel », je ne peux que souhaiter la femme libre, à l’égale de l’homme. Et je peste d’autant plus lorsque c’est la femme elle-même qui perpétue sa propre « servitude volontaire ». Au nom des dieux et des hommes, au nom de la Tradition.

Voyez vos sœurs de lutte !

Elles paient le prix fort de votre indolence. Elles seules vivent dans leur chair le prix de l’authentique liberté. Celle que vous refusez de défendre. Après d’innombrables lectures et un retour sur soi, je ne peux concevoir qu’un féminisme universel, qui ne dépende ni du lieu ni de l’époque de la naissance. Il est des valeurs humaines qui transcendent les cultures et les croyances particulières. Pour le dire autrement : l’humanité s’est construite sur le modèle de la domination patriarcale. Et la religion est le fait de l’homme. Un puissant vecteur de soumission. C’est une réalité : face à leur condition de perpétuelles servantes, les femmes doivent se rebeller. De cela, les hommes et les religions ne veulent évidemment pas…

Je n’étais pas féministe, je le deviens

La féministe américaine Letty Cottin Pogrebin l’exprime sans détour : « Quand les hommes sont opprimés, c’est une tragédie, quand les femmes sont opprimées, c’est la tradition. » Mais, bon sang, qu’y a-t-il de si dangereux chez la femme qu’il faille sans cesse la bâillonner ? Le simple fait d’être femme fait d’elle la coupable idéale… L’homme aurait-il peur du sexe dit pourtant « faible » ? Elle naît femme, je nais homme. À égalité. Rien d’autre à laisser croire.

Et c’est là une réalité qui ne cesse de m’étonner : plus mes certitudes s’effondrent, et plus la femme m’enrichit. Pour reprendre les mots de Fatiha Agag-Boudjahlat : « Je n’étais pas féministe, je le suis devenue. »

Pascal Hubert   Pour un libre échange : hubert.pascal333@gmail.com

Golias Hebdo n°526

Haut de page

 

La nourriture, un bien commun

Emeutes de la faim d’un côté, gaspillage alimentaire de l’autre … La nourriture est-elle une simple marchandise ou un bien commun ?

Alors que la production mondiale de nourriture est plus que suffisante pour nourrir la population mondiale, 800 millions de personnes souffrent toujours de  la faim, selon l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). Dans le même temps, un tiers des aliments produits pour la consommation humaine est gaspillé dans le monde, ce qui correspond à environ 1 300 millions de tonnes chaque année. De quoi s’interroger.

A titre d’exemple, les pertes liées au gaspillage en Europe pourraient à elles seules nourrir 200 millions de personnes. Ces pertes ont lieu tout au long de la chaîne, depuis les sites de production agricole jusqu’à l’assiette du consommateur. Les ressources et les intrants nécessaires à la production agroalimentaire  comme la terre, l’eau et l’énergie sont également gaspillés, entrainant une augmentation des émissions de gaz à effet de serre.

Le gaspillage alimentaire représente donc un enjeu majeur qui se répercute directement sur le système alimentaire mondial et, dans une moindre mesure, sur le changement climatique. Par ailleurs, les productions agricoles sont aujourd’hui soumises à la spéculation sur les marchés mondiaux. Alors même qu’elles sont vitales, elles sont considérées comme des simples marchandises et vendues à des prix artificiels bien souvent non rémunérateurs pour les producteurs eux-mêmes.

En 2008, les émeutes de la faim nous ont aussi rappelé que tant que des hommes et des femmes connaitront la faim sur notre planète, il existera toujours des sources de conflit. De ce constat est née notre réflexion pour déterminer si la nourriture ne devrait pas être un bien commun.

Les jeunes de la délégation du CCFD-Terre solidaire rassemblés au FSM (Forum social mondial) Magazine Faim et Développement N° 295

Note : Le premier Forum social mondial est né à Porto Alegre, au Brésil, en 2001, en réponse au forum économique de Davos. Ce forum s’inscrit dans le prolongement du mouvement altermondialiste qui a pris son essor après le sommet de l’OMC (Organisation mondiale du commerce) de Seattle en 1999.

Haut de page

 

 

Donner un sens à cette vie

Dans nos sociétés occidentales, la mort est souvent occultée. Peu de corbillards traversent nos villes. Pourtant,  la mort a frappé ces derniers temps, médiatiquement parlant. Simone Veil, Mireille Darc, David Bowie, Françoise Héritier, Jean d’Ormesson, Johnny Halliday… Si besoin en était, ces femmes et ces hommes « hors du commun » nous rappellent notre finitude. Certains s’affirmaient catholiques, d’autres agnostiques, voire athées. Quatre pieds sous terre, et puis après ?

Plus je vieillis et plus je reste perplexe. Des origines de la vie et de sa fin. Tant la réponse « bouche-trou » – un « Dieu » créateur et sauveur – reste insatisfaisante, servant seulement à combler, depuis la nuit des temps, notre ignorance et à pacifier nos angoisses de mortels. … Ceux qui disent avoir la « foi » n’ont, au fond d’eux-mêmes, que des certitudes de pacotille. Ils ressemblent comme deux gouttes d’eau à ces agnostiques qui ne savent pas. En réalité, nous pensons avec nos représentations mentales du monde, selon notre époque, le lieu de notre naissance, nos multiples influences et conditionnements. Autrement dit, nous sommes, pour une part au moins, le produit de notre éducation, de nos croyances et de nos conventions sociales. Bref, nous naissons, nous marchons, nous courons, et puis après ? Si « Dieu » n’est pas dans les religions, où se cache-t-il donc ? …

Quitter nos croyances religieuses, c’est quitter un « monde imaginaire ». Non pas pour trahir « Dieu » comme trop longtemps soutenu, mais pour être fidèle à soi. Enfin. Je sais le bond « mental », vertigineux… Un véritable bond dans le vide… Comme la plupart j’imagine, j’aimerais vivre de certitudes. À commencer sur mes « fins dernières ». Mais, si « Dieu » était évidence – comme nous le sommes, vous et moi –, cela se saurait. C’est bien peu pour espérer en « l’au-delà », énorme pour vivre « l’ici-bas » : il n’est plus besoin des croyances, d’une humanité soumise aux dieux. Il n’est plus de crainte de l’enfer ou de paradis à mériter par grâce ou à la force des poignets. Il devient possible de vivre désenchaîné des dieux, libre sur son chemin d’intériorité. C’est immense pour qui aime une vie libre et responsable. Une vie égalitaire entre les femmes et les hommes, entre tous les humains. Une vie émancipée, débarrassée de la pensée unique et des guerres de religion. Imaginez, un instant, un monde sans croyance religieuse ni idéologie d’aucune sorte. Un monde seulement uni par notre humanité commune …

Comment donner un sens à cette vie ? Telle est la véritable question à laquelle je peux donner, sans attendre, une réponse pleinement satisfaisante. Comment, si ce n’est en aimant ? C’est véritablement le plus difficile et le plus urgent. Aimer sans plus diviser le monde, les humains. Soudan, Syrie, Irak, Turquie, Corée du Nord, Arabie Saoudite… Migrants en déshérence, viols des femmes, terrorisme international, régimes totalitaires, esclavagismes modernes, fanatismes religieux… Notre monde crève d’un manque d’amour. La peur de l’autre engendre la haine. La peur de la différence, exacerbée par les fous de dieu. La peur engendre le repli sur soi, la mort de l’autre. Etty Hillesum, déportée à Auschwitz, sait de quoi elle parle : « Notre unique obligation morale, c’est de défricher en nous-mêmes de vastes clairières de paix et de les étendre de proche en proche, jusqu’à ce que cette paix irradie vers les autres. Et plus il y a de paix dans les êtres, plus il y en aura aussi dans ce monde en ébullition. »  Là gît la véritable conversion intérieure, l’authentique « esprit religieux ». C’est peu, mais c’est énorme.

Pascal HUBERT

Pour un libre échange : hubert.pascal333@gmail.com

Article du journal Golias Hebdo N°525

Haut de page

Préserver notre capacité à prendre le temps de…

Trop de personnes se sentent éparpillées, écartelées entre le travail, la vie familiale ou amicale, les activités bénévoles, mais aussi agressées par de multiples tensions proches ou plus éloignées qui les perturbent. De plus, la communication numérique, qui laisse peu de place à la nuance et fait disparaître la perception des expressions de l’interlocuteur, encombre notre quotidien et engendre souvent du stress. Ces stimulations permanentes s’inscrivant dans la dictature de l’urgence et la tyrannie de la performance nous obligent à réagir vite à de multiples messages et à traiter de multiples informations sans pouvoir toujours distinguer l’essentiel, le superficiel et le faux.

Nous avons alors de plus en plus de mal à prendre le temps de vivre à notre rythme, à faire silence, à mûrir nos décisions, à équilibrer nos vies, à nous rendre disponibles pour entretenir des relations de qualité, à nous mettre à l’écoute de ce qui nous entoure et de la nature... Par ailleurs, la « toile numérique » nous piège avec la multiplication des « faux amis » et des messages liés à « notre profil » qui nous rendent imperceptibles des réalités importantes et dérangeantes. A tout ceci s’ajoute la multiplication des désirs engendrés par une société de consommation qui, en proposant toujours plus de gadgets et produits jetables, nous embringue dans une course à une croissance vide de sens et d’humanité.

Comment décélérer et sortir de l’immédiateté et/ou de l’hyperactivité qui nous entraînent dans le cercle vicieux de faire et vouloir « tout, tout de suite » ? Comment vivre l’instant présent en se mettant à l’écoute de son être et de son corps pour se rendre disponible à ce qui advient comme à ce qui nous dérange ? Comment prendre le recul nécessaire pour donner du sens à nos vies ?

S’il importe de s’engager dans la vie et d’agir sur le réel, cet engagement et cette action ne peuvent être féconds que grâce à une prise de distance régulière permettant, dans la gratuité du moment, de se relier à la profondeur de notre être et au ressenti de notre corps. Nous proposons donc de mettre en priorité la capacité de prendre le temps nécessaire chaque fois que nous avons à nous engager dans des processus requérant écoute, observation et discernement pour agir juste : « Se donner régulièrement des temps de pause pour réfléchir au sens de son action et à l’équilibre de ses responsabilités ».

Cet éditorial* de l’association Démocratie et Spiritualité correspond tout à fait à la recherche d’Ecoute et Partage car il contribue à ce qu’il faut bien appeler une résistance, en nous aidant, d’une part, à nourrir notre vie intérieure pour être à la fois en accord avec nous-même et en relation ouverte avec autrui, d’autre part, à cheminer ensemble pour discerner les façons de se mettre au service des autres et de faire vivre une vie démocratique de qualité. Notre société a besoin de respirer autrement, de retrouver le sens du temps, devenu aujourd’hui trop compressé ou trop vide. 

*Editorial proposé par le bureau de l’association Démocratie et Spiritualité (http://www.democratieetspiritualite.org) pour le mois d’avril 2018

Haut de page

Pourquoi y a-t-il un monde ?

 

Qu’est-ce que l’homme ? D’où il vient, où il va ? Qu’est-ce que je fais là ?

D’où vient le temps et qu’est-ce que l’espace ?

Quel est le sens de l’univers et le destin des hommes ?

Pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien ?

Dieu existe-t-il ? Qu’y a-t-il après la mort ?

Qu’avons-nous fait de notre vie ?

Avec ou sans Dieu nous sommes plongés dans le mystère.

Le monde est une énigme et le temps un mystère

Ce qui est incompréhensible c’est que le monde soit compréhensible

D’où vient la beauté ?

Au-delà de ce monde et au-delà de la mort j’espère encore autre chose

mais quoi ?

J’espère qu’il y a une puissance que nous appelons Dieu

Je n’ai pas d’autre foi que cette folle espérance

Soyons bref : il y a autre chose que ce monde

Le mal naît avec la pensée. Il est aussi mystérieux que la beauté ou le temps

Il faut toujours penser comme si Dieu existait, et toujours agir comme s’il n’existait pas

Dieu est éternel. Il a pourtant une histoire qui est l’histoire des hommes.

Même si nous croyons en Dieu nous ne savons pas s’il existe.

Le mystère est au cœur de la foi.

Il y a chez les hommes, et seulement chez les hommes, un élan vers la beauté et la vérité

et une soif d’espérance

Dieu n’est pas ce monde. S’il existe c’est ailleurs et aussi dans le cœur des hommes qui

ont besoin d’autre chose que ce monde

On me demande ce que je fais. Je fais ce que je peux.

J’espère

 

Jean d’Ormesson

Haut de page

 

Accord et uniformité

 

Tant qu’on sera prisonnier d’un imaginaire qui confond accord et uniformité, le terrain sera miné par la violence, feutrée, mais bien réelle, qui cherchera à réduire l’autre au même (1), soi-même étant au fond l’idéal vers lequel on cherchera à amener, sinon à réduire, l’autre. C’est terrifiant. Comme si l’Esprit ne pouvait pas souffler chez l’autre aussi, quand bien même il me dérange !  Et comme si, de mon côté, ce que je dis, prétends, défends, relevait seulement de cet Esprit, sans aucun mélange d’intérêt personnel, de vanité, de pauvreté intellectuelle et spirituelle. Quel aveuglement ! Qui suis-je pour te juger ? Qui es-tu pour me juger ? Et si on faisait plutôt un bout de route ensemble ? Sans chercher à convaincre. Juste essayer de comprendre. Cette invitation nous concerne tous.

 

Marie-Christine Bernard, théologienne spécialisée en anthropologie

Entetien avec le journal Golias Hebdo N°516

 

·       (1)  "comme moi, tout pareil"; Quand on aspire à ce que tout le monde soit "comme moi", (et par extension, comme "nous" = notre parti, notre église, notre mouvement, notre sensibilité, etc.), on opère une réduction de l'autre "au même". C'est  un refus d'altérité.

Haut de page

 

 

Toutes ces grandes questions   sans réponse

Dans Cet instant-là, l’écrivain Douglas Kennedy a l’art de poser les bonnes questions. Pas les questions secondaires, mais les questions véritablement existentielles : « Voilà peut-être la question la plus difficile de toute l’aventure humaine : est-il réellement possible de toujours regarder en avant, comme on nous encourage sans cesse à le faire, ou bien devons-nous garder certains vestiges essentiels de notre passé, si douloureux soient-ils, comme un rappel que certains aspects de la vie nous transforment si profondément qu’ils nous habitent à jamais ? Pouvons-nous vraiment refermer la porte sur ce qui continue à nous hanter ? »

À chacun de répondre, bien sûr. Une réponse sans doute évolutive, tout en nuance, selon nos expériences du moment et les épreuves que la vie nous imposera. Douglas, lui, a grandi entre un père catholique autoritaire et une mère maniaco-dépressive qui lui répétait à l’envi qu’il n’était pas désiré. Difficile ensuite de trouver une estime de soi non cabossée. Par la suite, il devra affronter un divorce, avec tout ce qu’il entraîne comme remises en question et chamboulements dans une vie. Il découvrira également que son enfant est autiste, ce qui l’amènera à voir combien la vie pouvait être fragile. Tout le monde souffre et se débat comme il peut. La question incontournable est : qu’allons-nous faire de cette souffrance, de cette épreuve ? Et si c’était le moment de comprendre qu’il n’est pas de vie idéale, de contes de fées ? Que l’existence humaine nous embarque inévitablement vers l’inconnu, le plus difficile : apprendre à vivre, trouver un sens à sa vie, traverser des bourrasques imprévues. Le bonheur n’existe pas, seulement des instants de bonheur. Comment capter ces moments, sans s’enfoncer irrémédiablement dans le malheur ? Une vie intéressante n’est pas une vie sans stigmate, sans heurt ni bosse. Nous l’oublions trop souvent. Une vie intéressante est faite de vraies rencontres, avec soi, avec les autres. Ne pas avoir peur des moments de bonheur, ne pas avoir peur du malheur. Avoir peur, c’est d’emblée fuir ce qu’il nous faudrait vivre dans l’instant. C’est d’emblée passer à côté de la vie, rajouter une peine inutile. Douglas affirme, non sans une pointe d’humour : « Tout le monde est névrotique, tout le monde souffre et lutte… Celui qui prétend être toujours zen et connaitre l’équilibre parfait, c’est un scientologue ». C’est tellement vrai, partie prenante de notre condition humaine.

En prendre conscience, l’admettre, n’est-ce pas déjà se sentir moins seul ? Ne plus avoir honte de son état d’impuissance, ne plus culpabiliser de ne plus être « à la hauteur », ne plus croire que cela n’arrive jamais qu’à soi. Oui, au besoin, oser vivre l’effondrement lorsque soudain la vie se dérobe sous nos pas. Oui, oser une parole de vérité auprès de ses proches ou de ses amis. Ne plus fuir, ne plus se fuir. Ne plus se retenir, ne plus faire semblant, ne plus sauver les apparences derrière un sourire forcé. Faire enfin naufrage. Oser prendre soin de soi. Se rejoindre peut-être pour la première fois. La fragilité n’est pas une faiblesse, encore moins une tare.

Se reconnaître tel quel, s’aimer tel quel, oser enfin la bienveillance à son égard. Quel changement d’attitude peut soudain s’opérer ! Une révolution ! Sortir du rythme effréné, de la compétition, de la loi du plus fort ! Souffler, se connaître, renaître. Souvent forcés, au pied du mur, n’en pouvant plus : burnout, cancer, alcoolisme, divorce, dépression, vieillesse, crises existentielles en tout genre. S’arrêter un instant, pour de vrai, pour de bon. Il n’est jamais trop tard. Il faut parfois une vie avant de prendre soin de soi. Il n’est pas de vie idéale, il n’est de vie qu’en marche, enracinée dans ses contradictions, ses inlassables prises de conscience et remises en cause. Dégagés de tout idéal, il devient possible de s’émerveiller de ces petits « riens ». De soi, du monde, de l’autre. De l’instant présent qui s’offre à nous. Les événements, la vie n’ont pas changé. Ce qui peut changer, c’est le regard porté sur eux. Et cela change tout. Cela apaise, cela fait du bien. Au moins un instant. Au fond, je suis profondément touché par la réponse de Douglas à la quête du bonheur : « Le bonheur est peut-être simplement ceci : un instant où l’on arrive à mettre de côté tout ce qui inquiète, tourmente, trouble le sommeil, et à s’abandonner à l’émerveillement », écrit-il dans Toutes ces grandes questions sans réponse (1). S’abandonner à l’émerveillement… Au fond, ne cherchons pas à changer les choses qui ne peuvent l’être – les événements ou les gens. Tâchons seulement de vivre sur ce chemin – le nôtre ! – que nous découvrons à mesure de nos pas. Ne cherchons plus à convaincre autre que nous-mêmes. Apprenons seulement à nous faire confiance et à vivre notre vie, avec les moyens du bord. Au fond, consentons enfin à vivre avec nos blessures, elles sont aussi notre richesse et notre force. Cela semble bien peu, mais à vrai dire, c’est énorme au point que notre vie en est transformée…

 

Pascal Hubert   Pour un libre échange : hubert.pascal333@gmail.com

Article du journal Golias Hebdo N°508

 

(1) Editions Belfond, 2016.

Haut de page

 

 

Jusque-là

Qui dit « vie » dit « vieillissement ». Etre jeune, ce n’est pas s’évertuer à le rester : c’est aimer la vie à chacun de ses âges, fidèlement. L’aimer jusque-là. Jusqu’où ? La limite n’est pas donnée. « Jusque-là », c’est-à-dire faire avec elle le pas de plus.

J’avais un ami. Il n’avait pas 25 ans, un cancer l’emportait. Je n’avais pu le voir pendant un long mois : ce fut pour lui un mois de lutte intense contre la maladie. Quand enfin il me fut possible de me rendre à son chevet, il était mort depuis une vingtaine de minutes. Au milieu des couvertures défaites, il était là, avachi, blême, sans vie. Un cadavre, comme ceux qu’on voit entassés dans les Camps de la Mort. La scène était choquante. La phrase qui, spontanément, m’est alors venue est celle-ci : « Désormais, tu devras aimer la vie jusque-là. » Jusqu’à cette mort qu’on porte dans notre chair et qui emporte les meilleurs d’entre nous. J’ai senti, immédiatement, que ce « jusque-là » était synonyme d’amour : il est la fidélité à la vie, dans ses hauts et ses bas, comme il est, en couple, la fidélité à la personne aimée, qu’elle soit malade ou au meilleur de ses forces, qu’elle soit jeune ou tassée par les ans.

C’est peut-être même là, je veux dire dans l’épreuve, que l’amour se manifeste le mieux : aime-t-on la vie quand on n’aime d’elle que ce qui nous agrée ? Aime-t-on une personne, si c’est aux conditions que l’on lui a fixées (qu’elle soit de bonne humeur, jolie, en bonne santé …) ?

L’amour plein et véritable, signe à l’être aimé un chèque en blanc. Quand on dit « Je t’aime », on introduit dans notre vie l’inconditionnel et l’absolu : on envoie paître toutes les circonstances, toutes les conditions, tous les bémols qu’on pensait mettre à son amour. On ne dit pas : « Je t’aime les samedis matins », ou bien : « Je t’aime quand j’ai un peu bu, quand tu mets cette robe, etc. » Mais « Je t’aime » tout court, tout simplement, absolument, c’est-à-dire : j’ouvre tout grand les bras à ce que tu es, je te promets de m’émerveiller toujours de ce que je n’ai pas prévu que tu serais, de te suivre dans tes détours et malgré toutes tes chutes. Bref, de me passionner pour l’aventure que tu es. Je t’aimerai jusque-là.

L’épreuve qu’on traverse met au jour les réserves que l’on mettait à l’amour de la vie, les objections qu’on lui faisait. Elle révèle les clauses cachées de notre amour : on aimait la vie, mais quand même pas dans la maladie, dans le conflit, dans le quiproquo, et surtout pas dans ce monde qui va mal. On aimait la vie, mais sur l’écran lisse du dessin animé qui nous chante les monstres gentils et les enfants heureux. On aime la vie en rose, pas en bleu, qui est sa vraie couleur. Nos bras étaient ouverts, mais encore trop peu. Ils n’embrassaient que ceci ou cela. Ce qu’il faut alors, c’est les ouvrir pleinement, jusqu’à les clouer au bois de notre croix, je veux dire de notre épreuve. Ainsi chaque contrariété est ou bien l’occasion de rétrécir l’angle que nos bras circonscrivent (jusqu’à l’annuler : on les croise alors, en signe de mécontentement) ; ou bien au contraire l’invitation à ouvrir plus encore la voie d’accès à notre cœur, à l’exposer plus encore, ce cœur, aux morsures de la vie.

Martin Steffens (La vie en bleu ; Pourquoi la vie est belle même dans l’épreuve) Marabout

 

Haut de page

 

Le cercle des « zozos » !

« Vous êtes des zozos ! » Alors que nous formons un cercle de silence comme chaque dernier mardi du mois, un passant se lâche. Des personnes qui, durant une heure, se tiennent sans parler, cela intrigue ou dérange certains ; d’autres s’intéressent. C’est que l’enjeu est de taille ! Défendre le droit d’asile et le respect de celles et de ceux qui ne demandent qu’à vivre dans de bonnes conditions peut être considéré comme une provocation dans une société qui a tendance à se replier dans ses frontières. Tous ces migrants qui arrivent chez nous ne sont-ils pas  une menace pour notre économie, notre sécurité, notre culture ? Une personne sort du cercle et la conversation s’engage avec des passants ; des tracts sont distribués qui expliquent le sens de l’action.

Loin des manifestations bruyantes, le silence a quelque chose d’original. Une seule prétention pour les silencieux du mardi : être des éveilleurs de conscience, provoquer pour susciter des réactions, découdre ce qui risque de devenir pensée commune dans la bouche de certains politiques : migrants = danger. Accepter d’engager le dialogue, répondre aux objections, accueillir les peurs, c’est faire de grands pas pour un vivre ensemble possible et enrichissant.

Par tous les temps, les « zozos » sont au rendez-vous de la fidélité et comptent bien faire entendre leur voix pour dire que tout homme mérite de vivre dignement. S’engager dans la défense des plus vulnérables n’est pas une mince affaire. Je peux comprendre que certains aient crainte de rejoindre le cercle, d’être visibles dans leurs convictions, de subir la contradiction voire des agressions, de s’engager dans un chemin de fidélité, mais la justice n’est-elle pas à ce prix d’un combat non-violent pour les Droits de l’Homme ? Que préférons-nous ? Passer pour des « zozos » ou rester au chaud dans l’indifférence ?

Il y a, bien sûr, plusieurs voies d’engagement pour défendre le droit à la vie dans la dignité. Le cercle de silence en est une. Des citoyens de toutes convictions politiques et religieuses peuvent y trouver leur place dans un coude à coude fructueux.

Alors, pourquoi pas toi ?

Jean-François Blancheton, Mensuel de Evangile et Liberté n°312; Oct 2017

Haut de page

 

Vieillir est le contraire de ce que l’on croit

 

« Etre vieux représente une tâche aussi belle et sacrée que celle d’être jeune », écrit Hermann Hesse

Chacun sait que la vieillesse apporte avec elle son lot de douleurs et que la mort nous attend au bout de la course. Année après année, il faut accomplir des sacrifices, accepter des renoncements. Il faut apprendre à se défier de ses sens et de ses forces. Enfin, il y a toutes ces infirmités et ces maladies, l’amenuisement des sens, l’affaiblissement des organes, les nombreuses douleurs que l’on ressent plus particulièrement pendant les nuits souvent longues et angoissées. Tout cela, Hermann Hesse l’admet. C’est l’amère réalité. Cependant il rappelle que ce serait pitoyable et triste de s’abandonner exclusivement à ce processus de dépérissement, sans voir que la vieillesse a aussi ses bons côtés, ses avantages, ses sources de consolation et ses joies. Lorsque deux personnes âgées se rencontrent, elles ne devraient pas simplement parler de leur maudite maladie de la goutte, de leurs membres qui raidissent et de leurs essoufflements lorsqu’elles gravissent des marches. Elles ne devraient pas seulement se raconter leurs douleurs et leurs contrariétés, mais aussi les évènements et les expériences qui les ont ravies et réconfortées, et ils sont nombreux.

« Nous autres qui portons des cheveux blancs, nous puisons force, patience et joie à des sources qu’ignorent la jeunesse. Regarder, observer, contempler devient progressivement une habitude, un exercice et insensiblement l’état d’esprit, l’attitude que cela entraîne influencent tout notre comportement ».

 

… Notre cœur reste jeune et nous pouvons découvrir une autre façon d’aimer. Tout ce chemin nous conduit à une forme d’accomplissement. Nous nous sentons allégés, nous avons le désir de nous élever.

« A une certaine heure de la vie, il faut sauter dans le vide avec pour seul parachute le désir de s’élever », écrit Lorette Nobécourt.

Dans un entretien donné alors qu’il entrait dans le troisième âge, Michel Serres disait vivre son avancée en âge « comme un détachement » de tout ce qui faisait poids : le poids de la tradition, des vérités enseignées, de la famille, du groupe, de la société. « Vieillir est le contraire de ce que l’on croit, c’est rejeter les idées préconçues, être plus léger ».

 

Marie de Hennezel (tiré du livre La chaleur du cœur empêche nos corps de rouiller. Robert Laffont)

 

Haut de page

 

 

La jeunesse veut du sens, du partage, du collectif

La majorité de la jeunesse est en rupture radicale avec le monde dans lequel elle a grandi : elle veut être inspirée par quelque chose de bien plus grand, de bien plus vaste –du sens, elle veut du partage, elle veut du collectif à la place de l’individualisme régnant. Elle ne ressent donc que désintérêt, voire dégoût et mépris pour un système qui, dès le plus jeune âge à l’école et tout au long de la vie, conditionne à cet individualisme. Premièrement, chaque petit élève apprend trop souvent à travailler uniquement pour sa propre réussite, presque jamais en équipe, le plus souvent tout seul devant sa feuille de contrôle … autrement dit jamais donc dans la coopération, toujours dans la comparaison et la rivalité. Deuxièmement, toute l’existence sociale se passe à conquérir laborieusement sa petite place au soleil, ce qu’on a nommé mille fois le règne de l’avoir et du paraitre, au détriment de l’être : avoir sa voiture, son bout de jardin, sa maison, son bouquet numérique, ses joujoux à la pointe de la technique, etc. Ce n’est pas l’être humain par nature qui est égoïste, mais notre civilisation qui le conditionne à vivre replié sur son confort et ses petits plaisirs privés, tel un Bernard-l’hermite réfugié dans une étroite coquille !

Abdennour Bidar ; Les Tisserands "Je suis, tu es, vous êtes, nous sommes Tisserands", c'est-à-dire de ceux qui œuvrent aujourd'hui à réparer tel ou tel pièce du grand tissu déchiré du monde humain : fractures sociales, conflits religieux, guerres économiques, divorce entre l'homme et la nature, etc… Éditeur : Les liens qui libèrent

Haut de page

 

 

Pourquoi naître s'il faut mourir ?  (Proposé par M D)

 

S'il nous faut naître pour mourir, 

Il nous faut aussi peut être mourir pour renaître.

Il n'est pas facile de naître,

Comme il n'est pas facile de mourir.

Car nous avons peur de quitter la vie que nous connaissons,

Pour une autre vie inconnue.

Et de même qu'il existe des naissances avant terme,

Il y a des morts qui nous semblent bien prématurées.

 

Mais la vie nous pousse toujours en avant.

Elle nous projette chacun à son rythme.

Et le fleuve devient la Mer.

La chrysalide abandonne son cocon pour devenir un papillon de liberté.

A moins qu'il ne meure, le grain ne porte pas de fruit.

Il nous faut un jour quitter notre manteau d'hiver, pour vivre un printemps nouveau.

 

La vie ne nous est pas ôtée.  Elle est transformée.

Finalement la mort n'existe pas.

Bien sûr, il y a la mort corporelle qui fait souffrir et pleurer,

 

 

Mais ce n'est pas la mort spirituelle.

La mort est une porte, un passage,

Vers le pays de l'immense amitié, de la tendresse infinie.

La mort nous élève au-dessus des insignifiances

Et des banalités du quotidien.

L'homme ne meurt pas.

La mort est un accouchement vers la lumière.

 

                           Henri Meunier

 

Haut de page

 

 

Dépasser nos affrontements ;

En cette période d’incertitude où il est difficile de se rassembler autour de convictions fortes communes, il est important de discerner nos parts respectives de « conservatisme », de « libéralisme » et de « socialisme ». Nous sommes « conservateurs quand, attachés aux héritages stimulants de notre culture et aux beautés des œuvres de nos prédécesseurs, nous prenons appui sur nos racines pour nourrir nos initiatives. Nous sommes libéraux quand nous promouvons nos libertés individuelles et collectives sans tomber ni dans l’individualisme égoïste, ni dans le collectivisme moutonnier. Nous sommes socialistes quand nous nous efforçons, à temps et à contretemps, de construire un pacte social et civique intégrant la dimension écologique qui propose un futur désirable à chacun et à tous. Tout ceci peut être recoupé avec des sentiments d’appartenance à la droite ou à la gauche, d’où l’importance de trouver les bons équilibres entre respect de l’ordre et justice égale pour tous, discipline et épanouissement des capacités d’expression, liberté d’entreprendre et recherche de la prise en compte des divers talents, héritage des sagesses et utopie d’un progrès émancipateur.

Jean-Claude Devèze, Paris

jeanclaude.deveze@gmail.com

Haut de page

 

 Bienvenue chez nous, tu y seras chez toi

Article de Monique Rabin (Députée de Loire-Atlantique) paru dans « Bulletin de Chrétiens en Forum » (2016.11)

Je ne sais pas qui tu es, ni d’où tu viens. Je ne sais pas ce que tu fuis : la guerre ? La faim ? La torture ? Le souci des tiens confrontés à l’extrême pauvreté ? Je sais que forcément ce fut pour toi un déchirement absolu de quitter ta famille, ta maison, ton métier. Pour venir chez nous, tu as affronté la cupidité des passeurs, les mers, le froid, la rue.

Le 25 août …, il pleuvait terriblement sur Calais. Je t’ai aperçu dans la « jungle ». Instantanément tu es devenu, au creux de mon ventre, non plus « la crise migratoire » mais une personne. J’ai eu très mal de ta souffrance si visible, si honteuse.

Certains Français chez nous trouvent que ta place est là-bas sur les champs de bataille ou dans les bidonvilles. Plus triste encore, des Français ont oublié que certains des nôtres, comme toi, ont dû quitter notre pays pour échapper aux trains de la mort avant d’être accueillis par des Justes, dans des pays qui leur ont ouvert les bras. Sache que ces Français-là ne reflètent pas l’âme de la France.

Ici sur notre pays de Retz, terre de modération et d’humanité, des collectifs généreux sont nés pour t’accueillir, toi et les tiens. Dans nos communes, des élus se sont engagés depuis le premier jour et le représentant de l’Etat a pris sa juste part, avec le concours d’une association expérimentée, pour t’offrir à St-Brévin-les-Pins, un lieu de repos et pour t’accompagner dans tes démarches et ta reconstruction personnelle. Ces engagements divers sont cet autre visage de la France.

Pour répondre à la haine qui a pu se manifester, sans naïveté je veux te redire, à toi et aux tiens, que nous n’avons pas peur de vous. Vous êtes nos amis, nos frères, nos pères, des êtres humains, avec vos faiblesses et vos forces. Entendre que les migrants seraient forcément des criminels me fait horreur. Je voudrais au contraire vous aider à retrouver votre dignité bafouée sur les mers et dans les broussailles de Calais. A toi, migrant inconnu, je souhaite la bienvenue. Je serai heureuse de te rencontrer, de t’entendre, de partager. La fraternité créée t’aidera, je l’espère, à surmonter les obstacles qui subsistent. Car bientôt tu recevras les papiers actant la régularité de ta présence parmi nous. A ce moment précis tu seras sans doute très heureux. Mais ton combat ne sera pas achevé : les tiens seront encore exposés à l’extrême pauvreté, à la mort peut-être. Tu voudras travailler dur pour les aider. Tu vivras alors douloureusement le manque de reconnaissance, car tes diplômes n’auront aucune valeur aux yeux de ceux qui devront reconnaître tes compétences professionnelles. Il te faudra peut-être accepter des petits boulots pour survivre. Dans la fatigue et la solitude, tu perdras parfois ton esprit combatif. Tu liras alors dans les yeux, au pire l’ignorance et le mépris, au mieux la pitié.

Trop souvent ces questions sont abordées de manière unilatérale comme si seul l’étranger avait besoin de nous. Mais moi je veux que tu saches combien nous avons besoin de toi. La relation humaine, vraie, ne se construit que dans l’échange. Dans ce monde occidental, qui abandonne progressivement sa philosophie des droits de l’Homme au profit de biens plus matériels, et qui préfère la circulation des biens et des capitaux à celle des personnes étrangères, nous avons besoin de toi. Tu peux nous aider à un sursaut salutaire.

C’est par les actions que nous mènerons chacun de notre côté et c’est dans l’amour de l’être humain que nous retrouverons toi et moi, toi et le peuple de France, notre dignité. Pour tout ce monde à renaître je te remercie.

 

Haut de page

 

En recherche de sens ...

Les générations qui arrivent veulent trouver du sens à leur vie et lui en donner. Elles cherchent des convictions fortes, du sacré partageable ou de l’idéal universel vécus comme tels dans de grands rassemblements, de grandes occasions d’être ensemble, de fraterniser et de communier.

Elles sont en demande de tout ce qui ranime la flamme de l’espérance personnelle et de tout ce qui rassemble les peuples par-delà les frontières. Comment donc allons-nous aider toutes les jeunes consciences de notre temps à nourrir leur aspiration à plus de sens ? Qu’avons-nous à leur apporter ? Où sont aujourd’hui les éducations au questionnement sur le sens de la vie ?

Comment allons-nous faire pour qu’en la matière nos jeunesses ne soient pas tentées de revenir à des traditions religieuses de moins en moins adaptées au temps présent ? Comment allons-nous éviter durablement que certains se radicalisent en écoutant les sirènes de tel ou tel Jihad, prétendue « guerre sainte » ?

On aurait tort de penser, au sujet de ces jeunes « radicalisés », qu’ils sont des cas isolés. Ils sont très révélateurs de ce qui manque aujourd’hui cruellement à notre jeunesse : quelque chose de grand à quoi consacrer sa vie. Un ou des idéaux qui susciteraient des convictions fortes, un ou des grands récits qui réenchanteraient l’existence en ouvrant devant nous un horizon d’espérance, de sens profond, de fraternité ou de communion sans frontières.

                 Abdennour Bidar « Les Tisserands » (collection Les liens qui libèrent 2016)

Haut de page

 

La fin de vie

Ce que l'on sait, ce que l'on peut faire, comment s'y préparer

« Se préparer à mourir est la meilleure façon d’apprendre à vivre »

 Par Gian Domenico Borasio et

L'angoisse de la mort, la peur de souffrir, celle de ne plus se sentir respecté comme individu et celle de la perte de contrôle sont parmi les plus grandes préoccupations des malades en fin de vie. C'est pourquoi, à travers cet ouvrage, les professeurs Borasio et Aubry nous aident à porter un regard lucide et serein sur la finitude de notre existence. Ils s'adressent aussi aux aidants, en leur donnant des conseils et des principes pour accompagner au mieux les personnes en fin de vie.

Les auteurs proposent un éclairage réaliste sur la prise en charge de la fin de vie en France. Critiques avec une médecine "techniciste" qui parfois s'acharne à allonger artificiellement la vie, refusant la banalisation de l'assistance au suicide, ils défendent la voie tracée par la médecine palliative, qui combine l'apaisement des souffrances physiques et l'accompagnement social et spirituel du mourant et de ses proches.

Ce livre est une invitation à réfléchir, dans le calme et sans tabou, à nos priorités, nos valeurs et nos espoirs. Au cours de notre existence, ces réflexions restent rares et nous nous y consacrons souvent tardivement. C'est notre liberté de prendre, ici et maintenant, le temps nécessaire à cette introspection.

« Beaucoup de similitudes rapprochent la naissance et la mort… Dans les deux cas, la nature a tout prévu : elle a pris des mesures pour que les processus physiologiques se déroulent le mieux possible ; elle fait d’autant mieux son travail que la médecine ne s’en mêle pas. Or, la réalité est tout autre. Dans les deux cas, la médecine moderne intervient toujours plus souvent, de façon toujours plus invasive et souvent inutile. » Autrement dit, laissez-nous mourir en paix !

Les auteurs affirment que 90 % de personnes en fin de vie pourraient sans problème être prises en charge par des médecins de famille, avec l’aide de soignants professionnels et de bénévoles formés. Au lieu de cela, en France, 13 000 personnes âgées décèdent par an aux urgences des hôpitaux. Or, tous ceux qui ont fréquenté les urgences lesavent, ce n’est pas un endroit pour mourir paisiblement.

"Un ouvrage que tout médecin, tout soignant, et probablement chacun d'entre nous, humains vivants, devrait lire." - Pr. Didier Sicard

Haut de page

Mieux former à la laïcité

Depuis les attentats de janvier 2015, le trouillomètre s’est emballé. Les Français ont peur. On veut des boucs émissaires. Pour certains, ce sont les migrants. Un tsunami d’exilés nous menacerait-il ? La réalité est pourtant différente. Moins de 9 % de la population vivant en France est immigrée (Insee). Et pour 10 000 habitants, l’Allemagne d’Angela Merkel accueille 74 réfugiés, tandis que la France de François Hollande n’en accueille qu’1,51 (chiffres Le Monde). Pour d’autres lanceurs d’alerte, la cause de tous nos maux serait les musulmans. Ils font mine d’ignorer que l’immense majorité de nos concitoyens qui se réclament de l’islam boostent l’activité, la créativité, la mixité culturelle. Enfin, la religion est également au banc des accusés, surtout lorsqu’elle s’affiche. L’essayiste Jean-Paul Brighelli a publié à ce sujet un pamphlet rageur, Liberté, égalité, laïcité (2015). Il affirme : « La laïcité, c’est cela : le droit à toutes les croyances en tant qu’individu, l’obligation de n’en rien affecter ostensiblement en tant que citoyen. » (p. 21). Ah bon ? La religion, c’est juste pour la sphère privée ? Cette privation n’est pourtant pas constitutive du projet laïc. Selon la loi de la République, l’exercice du culte est public. Les acteurs religieux, comme les acteurs commerciaux, syndicaux, politiques, culturels, ont droit à l’expression publique, y compris pour débattre et convaincre, comme le rappelle l’Observatoire de la laïcité conduit par Jean-Louis Bianco. Mais la peur ambiante brouille les repères.

Le sondage BVA sur « Les Français et les religions » commandé par le Conseil national des évangéliques de France (CNEF) livre un résultat qui étaye cette hypothèse d’une montée de l’intolérance contre la parole religieuse publique. Seuls 48 % des Français(e)s interrogé(es) estiment « normal que les chrétiens communiquent leurs idées », tandis que 38 % valident l’énoncé contraire : « La foi est une affaire privée, il n’est pas normal que les chrétiens souhaitent communiquer leurs idées et leurs croyances avec quiconque. » Cette intolérance illustre une confusion entre laïcisme séculariste, qui discrimine la différence religieuse, et la laïcité française qui reste d’abord une liberté, et non un bâillon. On parle d’enseigner le fait religieux à l’école… Il serait grand temps aussi de relancer l’éducation à la laïcité !

Sébastien Fath -  Extrait de Réforme 20 10 2016

-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-

SOL-WEB-RDV_LAICITE_1024x482 v2_ARTICLE 4 (2)Je rêve d’une laïcité

Je rêve d’une laïcité où la fraternité ne soit pas seulement inscrite aux frontons de nos monuments mais mise en œuvre au quotidien sur tous nos territoires et dans toutes nos institutions. Une laïcité qui nous fasse accueillir l’autre, sans aucune condition, d’un sourire et d’une promesse de rencontre sans violence. Une laïcité où, dans chaque quartier, dans chaque village, chacune et chacun s’implique pour « faire ensemble société ». Une société où tous les adultes, quels qu’ils soient, se vivent comme responsables collectivement de l’éducation de tous les enfants et adolescents. Une société où le partage des savoirs et la transmission de la culture n’intimide plus personne. Une société où les connaissances de chacune et de chacun puissent être échangées avec toutes et tous, tout au long de la vie. Une société où notre École soit attentive, dans son organisation comme dans sa pédagogie, à tout ce qui unit les êtres, contre tout ce qui les divise, et à tout ce qui les libère, contre tout ce qui les assujettit. Une société où la solidarité soit le principe de tous nos systèmes sociaux et nos organisations politiques. Une société où chacune et chacun puisse découvrir que ce qui aide les plus faibles enrichit le monde et prépare un avenir meilleur pour tous.

Philippe Meirieu, pédagogue; Pour lire la suite :  Rendez-vous de la laïcité, cliquer

Haut de page

 

Le célibat ecclésiastique

Après cinquante ans de vie dominicaine, il fait part de sa frustration ...

« Le célibat ecclésiastique ne profite (spirituellement, affectivement, intellectuellement, socialement) qu’à une infime minorité d’entre eux [les prêtres], et encore ai-je l’impression que ce n’est vrai que de manière exceptionnelle et provisoire, le temps d’une probation consentie, d’un retrait hors la grande ville, d’un effort spécial, d’une maladie ou d’une épreuve d’une autre sorte. Hormis ces cas, dont j’admets volontiers que toujours il y en aura, il me paraît de plus en plus absurde de croire que les Occidentaux mâles de notre temps, fussent-ils remplis de l’amour de Dieu et du prochain, soient en état de s’engager à vie dans une forme d’existence aussi peu naturelle et équilibrante que la continence, supposée perpétuelle, liée au célibat. Donc je suis partisan, non sans réflexion mais sans la moindre hésitation résiduelle, de la levée de l’obligation formelle, durable et généralisée, et par conséquent pour le retour, en ce domaine, au libre choix, quitte à diversifier les engagements et à inventer des vœux de célibat temporaire (un an, deux ans, trois, cinq, dix ans, chaque durée étant renouvelable) publiquement prononcés. »

Extrait p. 58 du livre "Pourquoi j’ai quitté l’Ordre… et comment il m’a quitté", 128 p., 15 €

François Boespflug

Haut de page

 

POUR GARDER NOS VALEURS

En ce temps marqué par l’inquiétude et par la peur

N’oublions-pas d’aimer la vie

N’oublions pas l’essentiel

Pour résister aux différentes intimidations.

C’est la vraie réponse

Pour que chacun continue à vivre le quotidien

Dans un bonheur de vivre.

Cette résistance joyeuse

Permettra de tempérer les malheurs du monde

Pour les corriger, les adoucir, les affronter

D’ailleurs la plupart des gens

Ont tendance à réagir de cette façon

Tout en se rassemblant

Afin de dire la détermination

Pour garder nos valeurs

Ainsi nous sommes confortés

Et en lien les uns avec les autres.

Continuons donc à vivre simplement

Dans la liberté d’aller et venir

Pour garder la sérénité du temps présent

Et l’espérance dans l’avenir.

Privilégions « l’éthique de la joie » préconisée par Spinoza

Plutôt que des lamentations.

Il est donc urgent

Et plus que jamais d’aimer la vie

Pour construire un avenir.

Nous ne voulons pas vaincre la haine

Par davantage de haine

Vaincre la violence

Par davantage de violence

Notre réponse à ce monde de violence

S’appelle le lien fraternel, la solidarité…

Ne soyons pas paralysés

Mais continuons à rêver pour créer et pour vivre…

Gardons le désir de la rencontre, de l’amitié

Le goût de rêver ensemble, de cheminer ensemble…

Maurice ELAIN

 

Haut de page

 

Un discours poignant

Manuella et Sylvain, membres d'Ecoute et Partage, participaient  à la cérémonie de remise de diplôme de leur fils au campus HEC. Ils ont été agréablement surpris par ce discours qui répondait à la question " Qu'est ce qui m'a le plus marqué pendant mes 4 ans d'étudiant à HEC ?" et ils nous l'ont transmis ;

Emmanuel Faber, patron de Danone, prône la justice sociale aux diplômés d'HEC.

Il a littéralement stupéfait l'assistance avec un discours émouvant dans lequel il raconte l'histoire de son petit frère schizophrène. Il a aussi donné des conseils précieux aux élèves fraîchement diplômés.

Pour découvrir ce discours engagé :

http://video.lefigaro.fr/figaro/video/le-patron-de-danone-prone-la-justice-sociale-dans-un-discours-poignant-aux-diplomes-d-hec/5008142139001/

Haut de page

Sortir de nos plaintes

Dans mon jardin, les pivoines ont éclos. Merveille de la nature. Je m’arrête un instant pour les admirer avant de partir travailler. À Paris, le soleil est revenu, la Seine a commencé sa décrue, davantage de trains ont retrouvé le chemin des rails. La ville semble respirer à nouveau, en dépit des poubelles entassées (grève des éboueurs) et avant les pics de pollution. Cette fleur fragile  me pousse à la réflexion.

Pourquoi est-il si difficile de rendre grâce et si habituel de râler ? Individuellement, nous aimons nous plaindre, du temps, des retards, des voisins, des élus, du bruit. Collectivement, nous sommes devenus maîtres ès plaintes, reconnus dans le monde entier pour ce trait. Serait-il envisageable de renverser la vapeur et d’imaginer une journée, juste une, où la bienveillance, la reconnaissance, le verre à moitié plein seraient obligatoires ?

Ainsi les médias, au lieu de souligner le manque d’anticipation des services d’État, montreraient combien nous sommes privilégiés, en termes d’équipements, en regard des dégâts commis par les eaux au Pakistan ou au Bangladesh. Concernant les transports, nous nous réjouirions de ces milliers de trains et d’avions qui arrivent à l’heure. Nous aurions sous les yeux tous ces gestes formidables d’entraide, de solidarité, de bienveillance, comme ceux posés par le réseau Ésaïe à Grenoble (lire en p. 10).

Personnellement, j’irai même jusqu’à me féliciter du début de l’Euro, pour ces moments de liesse collective. Je pourrais même oublier « les montagnes de fric » et éviter de penser au terrorisme... Une journée, une seule journée, nous ne ferions que saluer le travail des infirmières et des chercheurs, la créativité de tant d’artistes, la profusion de livres disponibles dans les bibliothèques, la possibilité de faire du sport, l’accès à l’électricité et à l’eau, sans coupures. Cesser de se plaindre pour tout nous aiderait alors à mieux discerner quels sont les combats à mener. Ceux qui comptent vraiment.•

Nathalie Leenhardt; Editorial, Revue Réforme n°3661 du 9 juin 2016

Haut de page 

Etre père aujourd'hui;

(Avec l'émancipation des femmes, les nouveaux pères ont parfois du mal à comprendre et à tenir leur place dans la famille).

"Autrefois, l'autorité était prise en charge au niveau institutionnel, par la société. Aujourd'hui dans un monde complexe, sans cesse mouvant, être parent est beaucoup plus difficile. Les pères doivent réinventer leur place aux côtés des mères",  souligne Christine Castelain-Meunier, sociologue au CNRS. "Etre l'âme du foyer, ce n'est plus désormais l'apanage des femmes, et c'est tant mieux. Les nouveaux pères ont plus accès à leur subjectivité, ils sont moins contraints par les normes sociales et peuvent enfin mieux s'occuper de leurs enfants." 

De fait, toutes les études le confirment : les jeunes papas, s'ils ne participent guère plus aux tâches ménagères que leurs pères, partagent bien mieux qu'eux la fonction éducative. Et n'hésitent plus à pouponner leurs enfants, à laisser libre cours à leur fibre affective. Ils entendent être de "bons pères". Des pères présents. Quitte à donner moins de place que leurs ainés à la réussite professionnelle.

Au risque de devenir un "papa poule" qui ne sait plus marquer les limites quand il le faut ? A force d'accepter leur part de féminité, les nouveaux pères ne sauraient plus dire non, ils seraient démissionnaires. Et ils se laisseraient tyranniser par leur progéniture. C'est la thèse du psychanalyste Aldo Naouri.

Selon lui, les pères doivent, peu ou prou, reprendre le pouvoir aux mères et les parents, aujourd'hui déboussolés, jouer chacun leur rôle, sans confusion des sexes, pour l'équilibre de l'enfant. Moins catégorique, Marcel Rufo n'en considère pas moins que "les pères qui veulent jouer les mamans se trompent". Le médiatique pédopsychiatre de Marseille estime qu'un "bon père est un morceau de héros" auquel l'enfant a besoin de s'identifier et met en garde contre un dévoiement de la paternité. Pour sa part, le philosophe chrétien Matin Steffens en appelle à des "hommes consistants" en face des femmes émancipées. Des hommes qui ne soient pas "interdits de l'être", à la virilité retrouvée. Non pas celle, caricaturale, du machisme, mais cette étoffe intérieure qui fait "que les êtres avec lesquels nous nous lions sentent qu'ils peuvent compter sur nous". Coauteur avec Marcel Steffens du Nouvel âge des pères, Chantal Delsol considère que l'émancipation des femmes est une révolution sociale positive, déjà contenue à l'état de promesse dans le christianisme. Mais qu'elle a pour conséquence "la disparition des pères".

Disparus les papas, en mal d'autorité ? Ce n'est pas l'avis de Guy Corneau. Ce psychanalyste est de ceux qui battent en brèche la famille dite traditionnelle. "En réalité, la famille nucléaire, et sa stricte répartition des rôles, la maman au foyer, le papa au travail, est une construction tardive liée à l'émergence du capitalisme industriel au XVIIIe siècle", rappelle-t-il. Fondateur des groupes de paroles pour hommes, il se félicite que ces derniers soient désormais capables d'exprimer à eux-mêmes et aux autres leur ressenti profond, leurs peurs aussi bien.

Ce conférencier revendique "le droit des hommes à ne pas être des héros", dénonce la prégnance du modèle  du mâle guerrier, toujours prêt à en découdre, et met en garde la gent masculine : face à la montée en puissance des femmes, qui occupent de plus en plus, et avec talent, des postes et des responsabilités autrefois réservés aux hommes, ces derniers n'ont d'autres choix que d'occuper à leur tour les territoires traditionnels des femmes : la préservation et l'accueil de la vie, l'attention à l'autre, la gestion de la maison, l'espaces des émotions. Et bien sûr, le soin des enfants. Des territoires jusque-là socialement dévalorisés à tort. Et d'inviter les garçons à convertir leur puissance masculine via une plus grande maitrise de leurs impulsions, de leur sexualité en particulier, en une autre approche du pouvoir, conçu comme service des autres et non comme moyen de les asservir, un autre rapport à l'argent, etc. "Les anciens modèles du masculin sont caricaturaux et somme toute peu respectables. Plutôt que d'investir leur énergie dans des combats d'arrière-garde, les hommes seraient mieux inspirés de l'employer à dessiner de nouvelles visions de la société, à œuvrer par exemple pour une sortie de l'impasse écologique et sociale", plaide-t-il.

Des propos sur lesquels rebondit Christine Castelai-Meunier. A l'argument : les pères se féminisent trop face à des femmes guerrières, elle objecte qu'ils s'humanisent, tout simplement, au contact de leurs jeunes enfants avec qui ils partagent plus de temps. La confusion des rôles ? La sociologue préfère évoquer la mobilité des identités, une réorganisation du sens ou le respect du droit des femmes, trop longtemps infériorisées. Et, par conséquent, la transformation  des relations dans les couples parentaux, plus désireux et à même de communiquer. "Au final, la sortie des sstéréotypes est une libération pour chacun", argumente-t-elle. Non sans convenir que cette situation n'est pas toujours facile à vivre pour les pères, sommés de s'adapter et d'abdiquer leur ancien pouvoir. Quant aux femmes, elles "doivent apprendre à lâcher leurs prérogatives et admettre que les hommes font autrement dans la maison et avec les gosses, mais pas forcément plus mal".

Jean-Claude Noyé, Revue La Vie N° 3694 du 22 juin 2016

Haut de page

Libéralisme économique et libéralisme des mœurs  2016 04

Michel Houellebecq pose un regard d’une lucidité décapante sur notre société en faisant le parallèle entre le libéralisme économique et le libéralisme dans le domaine des mœurs : dans les deux cas, les forts s’enrichissent et les faibles s’appauvrissent. « Dans un système économique où le licenciement est prohibé, chacun réussit plus ou moins à trouver sa place. Dans un système sexuel où l’adultère est prohibé, chacun réussit plus ou moins à trouver un compagnon de lit. En système économique parfaitement libéral, certains accumulent des fortunes considérables ; d’autres croupissent dans le chômage et la misère. En système sexuel parfaitement libéral, certains ont une vie érotique variée et excitante ; d’autres sont réduits à la masturbation et la solitude. Le libéralisme, c’est l’extension du domaine de la lutte, son extension à tous les âges de la vie et à toutes les classes de la société. De même, le libéralisme sexuel, c’est l’extension du domaine de la lutte, son extension à tous les âges de la vie et à toutes les classes de la société. »

La première qualité d’un modèle conjugal qui se construit sur la fidélité est qu’il apporte une sécurité affective en accordant le droit d’être faible et fragile. Un modèle qui ne repose que sur la séduction est un modèle réservé aux forts, aux forts de la beauté, du charme, de l’aisance et de l’intelligence… et tant pis pour les autres ! À l’inverse du modèle purement libéral, le couple fidèle est le refuge où l’on affronte les événements difficiles de l’existence : blessures, maladies, deuils, épreuves, accidents, chômage… qui sont autant de déchirures dans le temps d’une vie. Il est un lieu sécurisé où on a le droit d’être en souffrance sans être menacé, où l’on apprend à vivre sa fragilité.

Comment ne pas y voir une analogie avec l’Évangile qui accorde une place particulière aux petits, aux fragiles, aux malades et aux exclus ? Non que les autres sont moins importants mais ces autres – les grands, les forts – n’ont pas besoin de protections. Le commandement nous accorde l’immense privilège d’avoir le droit d’être fragiles.

Antoine Nouis, Réforme n°3652 du 7 avril 2016

 

Haut de page

France et Allemagne, quelques précisions   (transmis par G.O.)

Puisque les politiciens Français prennent toujours l'Allemagne en  exemple et que nos hommes politiques nous parlent sans cesse du modèle allemand, voici QUELQUES PRÉCISIONS :

 

en bleu, les résultats pour la France

en vert, les résultats pour l’Allemagne

 

Gouvernement :

Président de la République

1 Premier Ministre

25 Ministres

9 Secrétaires d'état

TOTAL : 36

 

1 Chancelier(e)

+ 8 ministres

TOTAL : 9

 

Coût d’un ministre

17 millions d'Euros par an

3 millions d'Euros par an

 

Le soir après le" boulot"

A Paris, le 1er Ministre se détend dans son logis de fonction(310m²) à Matignon tandis que ses collègues regagnent en limousines les hôtels particuliers que la République met généreusement à leur disposition

 

Angela MERCKEL rentre dans son appartement, dont elle paie le loyer,

les factures d'eau et d'électricité. Comme chacun de ses 8 ministres

 

Personnel

906 personnes travaillent à la Présidence de la République

A peu près 300 personnes en Allemagne

Parc auto

Élysée : 121 véhicules 

Chancellerie : 37 véhicules

 

Déplacements

1 «AirbusA330-200

2 « Falcon7X

2 « Falcon900

2 « Falcon 50

et 3 Hélicoptères Super Puma

 

Systématiquement en train ou sur des lignes aériennes régulières

 

Indemnité

Président de la République : 21 026 EUR NET 

Angela MERKEL : 15 830 EUR Brut (Salaire soumis à l'impôt)

 

Budget

L ’Élysée culmine à 113 000 000 EUR

Chancellerie : 36 400 000 EUR

 

On commence...... quand... Messieurs les hommes politiques ?

Moi je suis pour qu'on copie les idées, surtout si elles sont bonnes.... (pour notre économie)

 

... au lieu de taxer les retraités ayant travaillé plus de 37 à 40 h heure et plus par semaine et cotisé plus de 40 ans !

 

Haut de page

Vers la semaine continue ?

 

Le dimanche comme jour de repos pour tous est de plus en plus contesté. Au-delà d’un certain nombre de services publics qui doivent fonctionner sans interruption, ce furent d’abord certaines usines qui avaient besoin de tourner en permanence, car il y a des machines qu’on ne peut arrêter. Puis l’industrie du tourisme travaille le dimanche, car, quand on est en vacances, il faut consommer sept jours sur sept. Maintenant, ce sont les magasins qui sont de plus en plus ouverts afin de pouvoir dépenser le week-end l’argent qu’on a gagné pendant la semaine. Dans cette remise en question du dimanche, qu’est-ce qu’on gagne et qu’est-ce qu’on perd ?

On gagne de l’argent, de la productivité, une meilleure adaptation à la demande : la société marchande est contente. On perd de la relation, le fait de pouvoir passer une journée en famille ou avec des amis, aller à l’église, faire un sport collectif.

L’argent ou la relation : la société a choisi… est-ce aussi notre choix ?

 

Antoine NOUIS (Réforme n°3646)

 

Haut de page

Syndrome d'épuisement professionnel

Le burn-out est une façon de griller son équilibre au travail. Maladie des temps modernes, il est le symptôme d’un mauvais rapport au labeur.

L’homme raconte d’une voix blanche : « Ce jour-là, j’ai garé ma voiture, attrapé ma sacoche, et suis sorti en direction de l’école où je devais récupérer mes enfants. De tout ça je me rappelle. Ensuite… je n’ai plus de souvenir. Je me suis réveillé à l’hôpital. On m’avait ramassé sur le trottoir, effondré, inconscient. Je revenais avec mes enfants vers la voiture, j’avais traversé l’avenue avec eux et ne m’en rappelle pas. Étais-je encore conscient de ce que je faisais ? Je n’en sais rien, mais d’y repenser m’effraie : je n’étais pas en mesure de m’occuper d’eux, de veiller sur eux. Il aurait pu arriver n’importe quoi… »
Diagnostic médical ? Burn-out.

Le rapport au travail est devenu tel que de plus en plus de personnes grillent leur équilibre jusqu’à être hors d’état d’agir, ce qui est la traduction du terme burn-out. Dans toutes les professions, le phénomène se répand à grande échelle.
Le burn-out est un message du corps. Le corps signifie qu’il jette l’éponge, dernière possibilité qui s’offre à lui pour protéger la vie qu’il porte et qui le porte. Tout se passe comme s’il n’avait pas pu se faire entendre en amont à travers tous les signes qui pourtant ne manquent jamais, avertissant du danger. Ces signes, on les connaît : dérégulation progressive du sommeil, du rapport à la nourriture (et à la boisson !), de l’humeur ; douleurs articulaires diverses ; métabolisme en souffrance ; mal-être diffus où l’on s’éprouve toujours un peu trop débordé, un peu trop dépassé, un peu trop préoccupé, etc.

Intelligence du corps

Le corps humain est d’une intelligence fine. À qui sait en déchiffrer les signaux, il est de manière habituelle, hors pathologie avérée, d’un grand secours pour savoir où l’on en est intérieurement, et repérer si l’allure qu’a prise notre quotidien respecte notre personne. Fait partie de la sagesse que d’en tenir compte avec discernement.

Il ne s’agit pas de devenir obsédé par son nombril et verser dans l’hypocondrie, attitude à l’exact opposé de celle qui néglige, non sans orgueil, tout respect dû à son équilibre physique et mental ! Il suffit juste d’intégrer cette réalité-là dans l’écoute globale de ce qui fait notre réalité. Et de refuser de se mentir en jouant la méthode Coué, la tête dans le sable, ou la croyance irrationnelle en une hypothétique invulnérabilité dont le destin nous aurait exceptionnellement gratifiés.
Certes, il arrive qu’on soit obligé de se défoncer, d’aller au bout de ses limites, pour faire face à un moment d’une densité de travail particulière. Mais en aucun cas ce peut être la manière habituelle de vivre son engagement professionnel. S’il l’on respecte le sens humain du travail, ce devrait rester l’exception.

Il est vrai par ailleurs qu’on peut vivre un engagement extrême, que l’on sait flirter dangereusement avec notre santé physique et mentale, mais que, par choix, on assume en connaissance de cause, au nom de valeurs que l’on estime supérieures à celle de sa santé. On trouve par là le sens du sacrifice, dont la possibilité demeure l’un des traits spécifiques de l’humain. Mais, cohérence éthique oblige, on en intègre alors les conséquences pour soi-même et pour son entourage : le choix de se sacrifier implique liberté et sens de la responsabilité. Du reste, cela ne se traduit pas nécessairement par un burn-out, lequel reste le signe d’un excès, d’une possible présomption, qui ne peut qu’interroger en retour les motivations réelles d’un tel engagement.

Dans le cas des méthodes de management conjuguant manipulation, cynisme et pression excessive, les victimes, souvent liées par la nécessité de gagner leur vie dans le contexte de chômage qu’on connaît, peinent à trouver d’autres alternatives à celles de subir ou de partir. Et subir sans le choisir est contraire à la liberté, donc à la dignité humaine. C’est ainsi qu’on en revient à la situation absurde où travailler devient inhumain, à l’instar de ces époques où c’était physiquement que l’on brisait les travailleurs par la dureté des conditions de travail. Aujourd’hui, c’est nerveusement.

Qu’on cesse d’invoquer la fragilité des personnes ! La fragilité, alliée de sa puissance vitale, fait partie de l’humain. Elle n’est donc pas en soi une tare. Un manageur, s’il est compétent, sait l’intégrer.

Marie-Christine Bernard

enseignante à la faculté de théologie d’Angers, coach de dirigeants, conférencière, auteure.

Journal « Réforme » du 12 novembre 2015

 

Haut de page

 

Texte écrit par un jésuite né au Caire et qui connaît très bien le monde musulman. Il vient chaque année au Québec donner des conférences ...

L’HEURE DE VERITE

Au lendemain des attentats de Paris du 13 novembre 2015

Lettre sereine aux musulmans ouverts, modérés et libéraux

 

J’imagine votre embarras et votre confusion face à cette horreur, que vous condamnez sans doute du plus profond de vous-mêmes. Vous sentez bien cependant que c’est l’islam lui-même qui est incriminé, car c’est bien aux cris d’ « Allahou akbar » que s’est perpétuée cette tragique agression.
N’essayez surtout pas d’exonérer l’islam de ce qui s’est passé. Ne continuez pas à répéter ce refrain bien connu, suite à toutes les horreurs commises par les islamistes dans le monde : « Tout ça n’a rien à voir avec l’islam ». Ne criez surtout pas à l’« amalgame », manière élégante de dédouaner l’islam des violences récurrentes perpétrées en son nom.
C’est incongru d’affirmer que tout ce qui se passe comme atrocités au nom de l’islam n’a rien à voir avec l’islam. Un certain occident « libéral » et une certaine Eglise catholique, tous deux partisans de l’ouverture et du dialogue, ne cessent de ressasser de tels slogans, sans chercher à aborder les vrais problèmes, dans un dialogue franc et ouvert.
L’« heure de vérité » a sonné, et il est grand temps de reconnaître que l’islam a un problème. Un problème qu’il doit avoir le courage de regarder en face et de tenter de résoudre en toute objectivité et lucidité. Ce n’est pas en enfouissant sa tête dans le sable qu’on peut espérer trouvera une solution.
 

Je ne doute nullement de la sincérité et la bonne volonté des musulmans ouverts et modérés. Mais là n’est pas la question. On peut être pleinement sincère tout en étant dans l’erreur.
Il est trop facile pour les musulmans d’incriminer l’occident « corrompu » et « impérialiste » comme étant la source de tous leurs maux. Il est trop facile d’accuser ceux qui instrumentalisent l’islam pour leurs propres intérêts. C’est dans l’islam même que gît le problème. Les musulmans ont toujours eu tendance à chercher des boucs émissaires partout, sauf en eux-mêmes. Il est grand temps qu’ils se posent certaines questions cruciales et se rendent compte que « le ver est dans le fruit. » S’ils condamnent et rejettent ce radicalisme barbare qui les embarrasse, qu’ils fassent un petit effort pour en chercher la cause.
Ils découvriront alors que la cause se trouve dans les textes fondateurs de leur religion – Coran, Sunna, Hadiths – qui regorgent d’appels à l’intolérance, au meurtre et à la violence. Ces textes sont encore enseignés aujourd’hui à l’Azhar, la plus haute instance de l’islam sunnite, chargé de la formation des prédicateurs et ulémas à travers le monde. Cette doctrine atteint le petit peuple à travers les prêches du vendredi – souvent incendiaires – et rejoint les élèves via les manuels scolaires.
 

Vers le dixième siècle, l’islam a eu le choix entre la voie mystique, modérée et ouverte, celle de La Mecque, et la voie violente, radicale et conquérante, celle de Médine. Il a malheureusement opté pour la seconde, en privilégiant les versets médinois aux mekkois, dans la fameuse doctrine de « l’abrogeant et de l’abrogé » (An nâsékh wal mansoukh).
Pour éviter alors que quiconque ne revienne sur cette décision, les ulémas de l’époque ont décrété que « la porte de l’ijtihad » était désormais close. Ce qui signifie que tout effort de réflexion critique susceptible de remettre en question une telle décision était pour toujours interdit.
Les nombreuses tentatives de réforme de l’islam, tout au long de son histoire, se sont heurtées à ce décret considéré comme immuable et irréversible. Le grand cheikh soudanais, Mahmoud Taha, pour avoir proposé d’inverser la doctrine de l’abrogeant et de l’abrogé, en privilégiant les versets mekkois aux médinois, a été pendu sur la grande place de Khartoum, le 18 janvier 1985.
L’islam est dans la souricière, une souricière dans laquelle il s’est lui-même mis. Une souricière dont il ne parvient pas à sortir. Tel est le drame qui met les musulmans dans une angoissante situation.
« Les nouveaux penseurs de l’islam » - comme on les appelle aujourd’hui - rêvent d’une réforme et d’un islam compatible avec la modernité. Les émouvantes tentatives d’un homme aussi brillant que Abdennour Bidar n’en sont qu’un exemple. Malheureusement, la pensée de ces hommes courageux ne fait pas le poids face à l’islam rigoureux et borné qui domine depuis quatorze siècles.
J’imagine à quel point cela doit être douloureux pour ces penseurs, qui aimeraient tant trouver une issue à l’impasse dans laquelle ils se trouvent.
 

L’Eglise est passée par la même crise. Mais elle est parvenue à la dépasser grâce au Concile Vatican II. Il est grand temps que l’islam en fasse autant et procède au même aggiornamento. Vœu pieux ? utopie, wishful thinking ?... L’islam peut-il se réformer sans se dénaturer ?
Je ne le pense pas. Mais c’est aux musulmans eux-mêmes de répondre.
 

Henri Boulad, sj
Le Caire, 14 novembre 2015 

Haut de page

 

Vendredi noir : Paroles de Dieu ou paroles d’hommes sur Dieu ?

 

En ce vendredi 13 novembre 2015…, vendredi noir pour l’humanité, la barbarie a encore frappé l’Europe en plein cœur de Paris !

Après la stupeur, c’est l’incompréhension, mais surtout la colère qui m’envahit.

En effet, nos démocraties, pratiquant généreusement la tolérance et l’ouverture aux autres cultures, n’ont pu empêcher le développement et l’infiltration masquée du cheval de Troie de l’intégrisme islamiste le plus radical, une idéologie porteuse de mort totalement incompatible avec toute notion de liberté et de démocratie.

Je suis en colère parce que ces tragiques attentats montrent, une fois de plus, à quelles horreurs peut mener l’instrumentalisation de "Paroles de Dieu" prétendument dictées par Dieu lui-même, que les autorités religieuses ont figées, sacralisées et mises en conserve dans leurs livres déclarés saints et donc intouchables.

 

Jean Kamp* nous montre l’ambiguïté de ces révélations divines  souvent très divergentes et les conflits qu’elles ont engendrés entre les trois monothéismes.

Quand donc les responsables de ces religions remettront-ils en question leur conception théiste d’un dieu extérieur à l’homme et la manière dont celui-ci lui dicte ses volontés ?

Il ne peut y avoir de paroles de Dieu, il n’y a que des paroles d’hommes sur Dieu.

Et il n’y a pas de parole sans hommes !

Parole et humanité, au fond, n’est-ce pas la même chose ?

 

Il est intéressant de constater avec Alain Dupuis*, comment, dans l’évolution des hominidés, le passage à l’humanité coïncide avec la lente apparition du langage articulé. Celui-ci permettra à l’homme de nommer ce qui l’entoure, de verbaliser sa pensée, de s’interroger et d’apporter des réponses à ses questions.

La parole, qui lui donne accès à la conscience de soi et de l’autre, est donc bien le propre de l’homme. Et c’est parce qu’il ne sait pas qui il est, qu’il pose la question de Dieu.

C’est de cette interrogation sur le sens de la vie et des réponses qu’elle peut apporter que témoigne, depuis des siècles, toute la littérature mondiale : que ce soit celle des philosophes, des théologiens, des prophètes, des mystiques, mais aussi des politiques, des essayistes, des romanciers et, très modestement, de LPC. L’humanité n’arrête pas de se dire !

N’avons-nous pas à écouter cette parole qui se dit partout et toujours en ce monde ?

Et si Dieu n’arrêtait pas de parler à travers le grand murmure de nos paroles humaines ?

A chacun, d’y discerner des paroles positives qui pourraient devenir vraiment "vivantes" pour lui si, comme celles de Jésus, elles sont porteuses de vie, d’amour, de liberté, de justice et de fraternité.

 

Herman Van den Meersschaut

* Revue n°32/2015  Libre Pensée chrétienne : http//librepenseechretienne.over-blog.com/

 

Haut de page

 

 

"Face à la barbarie, le mystère du Bien"

Le mal n’est pas un problème à résoudre, mais un mystère à endurer.

                       L’amour est-il une solution efficace face aux barbares ?
L’amour n’est pas une solution, car la barbarie, ou le Mal, n’est pas un problème à résoudre, mais un mystère à endurer. Et nous l’endurons à la faveur d’un autre mystère, plus ample et plus profond : le mystère du Bien, le mystère, discret, mais efficace, de cet amour qui quotidiennement, gratuitement, se donne et se reçoit.

Extrait du livre : Rien que l’amour, Repères pour le martyre qui vient

Martin Steffens, Salvator, 94 p., 10 €.

Dieu est dans l’égout
Sans Édith Stein, sans Maximilien Kolbe, sans Dietrich Bonhoeffer, sans Etty Hillesum, sans tous ces êtres morts sans témoins, la victoire des Alliés n’aurait été rien d’autre que la victoire de la Force sur la Force (le colosse américain, le colosse communiste contre le colosse de l’Axe). Preuve en est : les communistes libérateurs tueront dix fois plus que le nazisme. L’empire américain […] aura été, somme toute, un empire. Par ces deux colosses, le mal nazi a été défait. Mais alors, qu’est-ce qui autorise qu’on parle ici de victoire ? Une chose est requise ; que ce soit la main de Dieu qui ait écrit cette histoire.
Or Dieu écrit l’Histoire par le bas de façon mystique. C’est Édith, Etty, Dietrich, Maximilien, ce sont ceux qui n’ont pas su ce qu’ils faisaient de grand, ce sont eux qui nous permettent d’appeler « victoire » la défaite du nazisme, eux, qui ont sauvé le monde européen d’un définitif affaissement. Les gazés, les pendus, les réduits en cendre et en poussière, mais dont les cendres sont d’encens et la poussière encore une prière. On regarde les étoiles : on trouve des héros, et cela compte. Mais Dieu est dans l’égout. L’icône de ces saints est aujourd’hui priée quand les statues des héros prennent la fiente.
(p. 75).

www.reforme.net  n°3633

Haut de page

 

L'argent est-il sale ? Détruire le veau d’or !

... Il m’a été donné, à l’invitation de Acteurs d’Economie, de participer avec Jean Peyrelevade, banquier, Roger-Paul Droit, philosophe, à une table ronde sur le thème l’argent est-il sale.

L’argent sale, n’est-il pas celui de la fraude fiscale, des économies parallèles qui entretiennent et développent les addictions jusqu’à détruire ceux qui s’y adonnent.

Jean Peyrelevade, agnostique, citait le Livre de l’humanité rappelant l’obligation de ne point voler, une sale façon de s’enrichir rapidement. Le vol peut être très sophistiqué tant sont nombreuses les façons de détourner de l’argent prenant la route de ces espaces, dénommés les paradis fiscaux.

Il est aussi un argent futile qui s’éloigne de l’argent fertile si nécessaire pour bâtir, innover, instruire, construire l’avenir.

Ce qui est sale ce n’est pas l’argent, mais ceux qui l’instrumentalisent dans des directions dommageables, l’éloignant du bien commun.

L’argent est un marqueur social. Ne marque-t-il pas salement des quartiers – qu’on nomme avec beaucoup de pudeur, sensibles – De quelle sensibilité parle-t-on, si ce n’est de la violence que la ghettoïsation fomente pour enfermer l’avenir de ceux qui habitent ces lieux du ban.

Roger-Paul Droit appelait l’attention sur la démesure de l’argent qui enfle à un tel niveau qu’elle crée une accumulation des richesses se concentrant dans les même mains, alors que derrière le miroir, il y a l’accumulation des dettes si considérables qu’elles ne seront jamais remboursées.

L’argent est en conflit avec l’éthique quand il ne la met pas chaos, là où l’insatiabilité de l’avoir cause le naufrage des devoirs moraux.

L’argent n’est qu’un moyen mais encore faut-il veiller à ce qu’il ne nous gouverne pas. L’argent est un mauvais maître mais un bon serviteur, nous rappelle Matthieu, l’évangéliste, qui n’en a pas manqué.

Quand les 500 premières sociétés américaines, cotées en bourse versent en 2014 à leurs actionnaires 95% de leur résultat ou rachètent leurs actions ‑ ce qui réduit le capital ‑ ne peut-on pas s’interroger sur le manque d’imagination pour investir en vue de nouvelles richesses.

Les 1000 milliards distribués répartissaient les résultats d’hier, mais quelle attention aux dividendes de demain. Un sale temps pour l’avenir.

Ce constat fait apparaître une fracture entre la société et l’entreprise.

Les dividendes distribués répondent à la définition de la Société : se réunir en vue de partager les bénéfices, observant alors le vide juridique de l’entreprise alors qu’elle a des responsabilités infiniment plus importantes, plus longues que celles de la société.

L’argent n’a pas d’odeur. Il brille et parfois coule à flot jusqu’au bling-bling de la vulgarité mais l’argent peut aussi donner couleur à ces causes qui n’ont pas d’autres objectifs que le respect et la dignité de la personne.

La question pour tous, et pour tous les temps, est de se battre contre la fascination du ‘veau d’or’. Faute de le détruire, il nous détruit.

Bernard Devert
Octobre 2015

 

Haut de page

 

 

 

On ne peut plus supporter ce système ...

"(...) On ne peut plus supporter ce système, les paysans ne le supportent pas, les travailleurs ne le supportent pas, les communautés ne le supportent pas, les peuples ne le supportent pas (...) Et la Terre non plus ne le supporte pas, la sœur Mère Terre comme disait saint François (...) l’interdépendance planétaire requiert des réponses globales aux problèmes locaux ...

(...) On est en train de châtier la terre, les peuples et les personnes de façon presque sauvage. Et derrière tant de douleur, tant de mort et de destruction, se sent l’odeur de ce que Basile de Césarée appelait «le fumier du diable» ; l’ambition sans retenue de l’argent qui commande. Le service du bien commun est relégué à l’arrière-plan. Quand le capital est érigé en idole et commande toutes les options des êtres humains, quand l’avidité pour l’argent oriente tout le système socio-économique, cela ruine la société, condamne l’homme, le transforme en esclave, détruit la fraternité entre les hommes, oppose les peuples les uns aux autres, et comme nous le voyons, met même en danger notre maison commune.

(...) J’ose vous dire que l’avenir de l’humanité est, dans une grande mesure, dans vos mains, dans votre capacité de vous organiser et de promouvoir des alternatives créatives, dans la recherche quotidienne des 3T (travail, toit, terre) et aussi, dans votre participation en tant que protagonistes aux grands processus de changement, nationaux, régionaux et mondiaux. Ne vous sous-estimez pas. Il est indispensable que, avec la revendication de leurs droits légitimes, les peuples et leurs organisations sociales construisent une alternative humaine à la globalisation qui exclut. Vous êtes des semeurs de changement.

(...) La première tâche est de mettre l’économie au service des peuples : les êtres humains et la nature ne doivent pas être au service de l’argent. Disons NON à une économie d’exclusion et d’injustice où l’argent règne au lieu de servir. Cette économie tue. Cette économie exclut. Cette économie détruit la Mère Terre.

(...) La juste distribution des fruits de la terre et du travail humain n’est pas de la pure philanthropie. C’est un devoir moral. Pour les chrétiens, la charge est encore plus lourde : c’est un commandement. Il s’agit de rendre aux pauvres et aux peuples ce qui leur appartient. La destination universelle des biens n’est pas une figure de style de la doctrine sociale de l'Église. C’est une réalité antérieure à la propriété privée. La propriété, surtout quand elle affecte les ressources naturelles, doit toujours être en fonction des nécessités des peuples. Et ces nécessités ne se limitent pas à la consommation.

(...) La deuxième tâche est d’unir nos peuples sur le chemin de la paix et de la justice. Les peuples du monde veulent être artisans de leur propre destin. Ils veulent conduire dans la paix leur marche vers la justice. Ils ne veulent pas de tutelles ni d’ingérence où le plus fort subordonne le plus faible. Ils veulent que leur culture, leur langue, leurs processus sociaux et leurs traditions religieuses soient respectés. Aucun pouvoir de fait ou constitué n'a le droit de priver les pays pauvres du plein exercice de leur souveraineté et, quand on le fait, nous voyons de nouvelles formes de colonialisme qui affectent sérieusement les possibilités de paix et de justice parce que «La paix se fonde non seulement sur le respect des droits de l’homme, mais aussi sur les droits des peuples particulièrement le droit à l'indépendance»

(...) Le nouveau colonialisme adopte des visages différents. Parfois, c’est le pouvoir anonyme de l’idole argent : des corporations, des prêteurs sur gages, quelques traités dénommés «de libre commerce» et l'imposition de mesures d’«austérité» qui serrant toujours la ceinture des travailleurs et des pauvres. «Les institutions financières et les entreprises transnationales se fortifient au point de subordonner les économies locales, surtout, en affaiblissant les États, qui apparaissent de plus en plus incapables de conduire des projets de développement au service de leurs populations».

(...) De la même façon, la concentration sous forme de monopoles des moyens de communication sociale qui essaie d’imposer des directives aliénantes de consommation et une certaine uniformité culturelle est l’une des autres formes que le nouveau colonialisme adopte. C’est le colonialisme idéologique.

(...) Le colonialisme, nouveau et ancien, qui réduit les pays pauvres en de simples fournisseurs de matière première et de travail bon marché, engendre violence, misère, migrations forcées et tous les malheurs qui vont de pair (...) précisément parce que, en ordonnant la périphérie en fonction du centre, le colonialisme refuse à ces pays le droit à un développement intégral. C’est de l’injustice et l’injustice génère la violence qu’aucun recours policier, militaire ni aucun service d’intelligence ne peuvent arrêter. Disons NON aux vieilles et nouvelles formes de colonialisme. Disons OUI à la rencontre entre les peuples et les cultures. Bienheureux les artisans de paix.

(...) La troisième tâche, peut-être la plus importante que nous devons assumer aujourd’hui est de défendre la Mère Terre. La maison commune de nous tous est pillée, dévastée, bafouée impunément.

(...) Pour finir, je voudrais vous dire de nouveau : l’avenir de l’humanité n’est pas uniquement entre les mains des grands dirigeants, des grandes puissances et des élites. Il est fondamentalement dans les mains des peuples ; dans leur capacité à s’organiser et aussi dans vos mains qui arrosent avec humilité et conviction ce processus de changement. Je vous accompagne. Disons ensemble de tout cœur : aucune famille sans logement, aucun paysan sans terre, aucun travailleur sans droits, aucun peuple sans souveraineté, aucune personne sans dignité, aucun enfant sans enfance, aucun jeune sans des possibilités, aucun vieillard sans une vieillesse vénérable. Continuez votre lutte et, s'il vous plaît, prenez grand soin de la Mère la Terre."

Pape François, en Bolivie (juillet 2015)

 

Haut de page

 

 

Un père écrit à son fils, il y a tout juste 100 ans

Joseph thomas était agriculteur et habitait Saint-George-d'Espéranche. Cette lettre était destinée à son fils âgé de quinze mois. Joseph n'avait plus que huit mois à vivre puisqu'il fut tué le 30 mars 1916 à Verdun.

5 août 1915

A mon petit Armand

Tu es encore bien jeune et ne peux comprendre ce qui se passe en ce moment : la guerre, ses horreurs, ses souffrances. Cette carte sera un souvenir de ton père, et il souhaite qu'à l'avenir les hommes soient meilleurs, et que semblable chose ne puisse plus arriver. Que jamais tu n'aies besoin, et sois forcé, de mener la vie que je subis en ce moment en compagnie de beaucoup de papas qui ont laissé, comme moi, de petits anges chez eux.

Pour t'élever, tu te trouves d'être bien pénible, mais tu te rattraperas de cela en étant dans quelques années un petit garçon bien gentil et obéissant. Le moment venu, je serai sûrement auprès de toi pour te diriger, mais si mon espoir était déçu, en mémoire de ce père que tu n'auras pas connu, redouble de gentillesse pour ta mère et pour ceux qui t'élèveront. Devenu un homme, sois du nombre de ceux qu'on appelle les honnêtes gens. Sois bon pour ton prochain, ne fais pas ce que tu ne voudrais pas qu'il te fût fait. Vénère ta mère; sois pour elle un soutien véritable.

Rappelle-toi aussi que le vrai bonheur ne se trouve pas dans la richesse et les honneurs, mais dans le devoir vaillamment accompli, ainsi que les bonnes actions.

Si le destin te donne des épreuves à subir, sois courageux et tu les surmonteras, mais si par malheur tu te laisses entrainer par le vice, les passions, relis vite mes conseils, ne te laisse pas aller à la dérive. Il n'y a que le premier pas qui coûte; une fois entrainé par le courant, on roule de chute en chute, et il arrive qu'on ne peut plus se relever. C'est trop tard. Alors, arrivé à ce point, la vie est finie. Gâchée par sa faute. Et on n'est plus bon qu'à être la risée, ou montré du doigt par tout le monde, suivant le penchant qui a perdu l'homme.

J'espère ne pas avoir à rougir de toi car je sens que tu suivras le chemin de l'honneur.

En attendant de pouvoir te choyer et caresser, je te fais, mon petit fanfan, de grosses bises.

 

Joseph THOMAS.

 

Haut de page

 

 

Être musulman-français aujourd’hui : Islam de France ?

Voici un témoignage que Michel Benoît a reçu dans son blog et sa réponse à la suite :       

 

Bonjour Mr Michel Benoît

J’ai 24 ans, je m’appelle A., je suis français né à Paris de parents musulmans. Mon père est Berbère Marocain

J’ai grandi à Paris. Le Maroc, ce sont mes racines mais je me sens français. J’y passe mes vacances quelques semaines par an, comme j’irais au soleil de Thaïlande ou de Rio. J’aime la cuisine locale et les sucreries, mais je me fous royalement de la religion : je suis un athée qui ne croit ni en Jésus, Abraham ou Mohammed, ni au peuple élu et en la terre promise d’Israël. 

Je suis un athée, donc pas musulman !

Pourtant j’ai reçu une éducation islamique, appris le Coran, fréquenté des salafistes, j’ai été à la Mecque. Le premier grand traumatisme fut ma circoncision forcée à l’âge de 5 ans. Enfant, avec mes copains et copines on ne voulait pas aller à la mosquée mais sortir, faire du shopping : nos parents nous obligeaient à y aller. On priait ou on faisait le ramadan uniquement pour leur faire plaisir. Je n’ai pas choisi l’islam, j’étais donc musulman par une sorte d’héritage, de filiation. C’est une de ces obligations bizarres qu’il a inventé pour mieux contrôler ses adeptes.

L’abatage rituel pour l’Aïd fut un second traumatisme, qui a fait de moi un végétarien. 

J’ai été élevé dans un catéchisme : Dieu est parfait, le Prophète est parfait, nous sommes la meilleure communauté, nous irons au Paradis, les autres sont dans l’erreur.

Je vis dans le mensonge et ne sais ce que ma famille va penser, surtout mes parents qui prient tous les jours. Ils croient que je suis encore musulman. Que faire ? Ils m’aiment, ils veulent mon bien, je n’ai pas envie de leur faire du mal. Comme vous le savez, l’apostasie est taboue dans les pays dits « musulmans ». Dans nos familles beaucoup se disent « musulmans » mais ils ne le sont que par le nom, en réalité ils ne croient pas.

J’ai beaucoup d’amis athées, chrétiens, Juifs qui ont osé le dire à leurs parents, mais moi pas. J’ai peur des représailles, ou de choquer ma famille, ou de me sentir ostracisé. Je respecte les croyances et religions des gens, jamais je n’irai profaner un lieu de culte comme les Femen ! 

Français-humaniste ? Français-Juif ? Français-musulman ? Apostat, hérétique ? ‘’Arabe’’ alors que je ne parle pas cette langue ? Je ne sais pas où me situer. Je voudrais dire, comme Socrate : « Je ne suis ni Athénien, ni Grec, mais un citoyen du monde. »

Je suis quoi, au final ?

Je ne sais pas de quoi mon avenir sera fait ici.  Intégration, à qui, à quoi ? Assimilation ? Je ne comprends plus rien ! Français pour certains, immigré pour d’autres. Je suis en train de lire Les Penseurs libres dans l’Islam classique : je remets tout en cause ! L’islam m’apparaît comme une terreur mentale basée sur la peur d’Allah et des mythes prophétiques. Je prédis la fin de cette religion dans 30 ans, la jeunesse égyptienne et saoudienne la quitte déjà et remet en cause le caractère sacré du Coran.

Voici la réponse de Michel Benoit, « sur la pointe des pieds » :

 

Ami,

 

Votre témoignage me touche parce que j’ai vécu la même chose que vous. Dans Prisonnier de Dieu, je raconte comment j’ai été ‘’racolé’’ dans une communauté catholique, et comment j’en ai été sorti parce que je ne pensais pas comme il faut. Il m’a fallu ensuite vingt ans pour découvrir que les religions, toutes les religions, se servent de ‘’Dieu’’ pour prendre le pouvoir. Que ‘’Dieu’’ n’a rien à voir avec ce qu’en ont fait les théologiens de Jérusalem, de Rome ou de La Mecque.

 

Nous sommes une génération sacrifiée – celle qui est née dans une tradition, et découvre l’imposture de cette tradition. Alors, j’ai travaillé les textes, publié quelques livres. J’ai découvert la réalité qui se cache derrière le mot ‘’Dieu’’, et ma vie a enfin pris tout son sens.

 

Vous êtes Berbère. Pendant 600 ans, vos ancêtres ont été paisiblement chrétiens puis ils ont été convertis de force par les conquérants Arabes. Jamais les Berbères n’ont accepté l’impérialisme idéologique arabe, vos frères Kabyles se sont révoltés contre les dirigeants Arabes d’Alger.

 

Berbère, vous êtes né dans un pays qui lutte depuis deux cents ans pour ce qu’il appelle la laïcité. Pour vous c’est une chance d’être né là, le combat de la France est le vôtre. Vous entendez nos politiciens parler d’un « islam de France » : ça prouve qu’ils ne comprennent rien ni à l’islam, ni surtout au Coran. Il m’a fallu dix ans pour écrire Naissance du Coran. Pour comprendre comment, et pourquoi l’islam coranique ne peut être qu’universaliste et dominateur.

 

Autrefois, les français ont tenté de faire un ‘’catholicisme de France’’, ça s’appelait le Gallicanisme et ça n’a pas pris. Il n’y a pas plus d’islam de France que de catholicisme de France. Il y a deux religions qui possèdent – et elles seules – toute la vérité, qui l’ont imposée aux Berbères d’un côté comme aux indiens d’Amérique de l’autre. Deux superpuissances idéologiques qui se battent depuis 13 siècles pour prendre ou conserver le pouvoir mondial.

 

Encore une fois, ‘’Dieu’’ n’a rien à voir avec tout ça.

 

Nous sommes une génération sacrifiée, parce qu’elle est à la charnière de deux mondes : celui des mythes dominateurs, et celui d’une expérience intime, secrète, qui s’accorde avec la raison.

 

Une génération naufragée, parce que les navires idéologiques sur lesquels voguaient depuis toujours nos ancêtres ont sombré. Nous flottons sur un océan couvert des débris de ces grandes civilisations qui furent celles de nos Pères.

 

Une génération de combattants : peut-on rêver qu’un jour proche ces anciens chrétiens, anciens Juifs, anciens musulmans, se rencontrent, se retrouvent, s’unissent dans un même combat pour la liberté de penser, d’expérimenter les chemins de l’invisible, de vivre dans la paix et l’harmonie ?

 

Oui l’islam évoluera, comme le christianisme a évolué. Cela prendra beaucoup de temps, comme pour le christianisme, et ce sera encore plus sanglant parce que le Coran est un livre intrinsèquement violent. Il y aura d’autres convulsions, d’autres souffrances. Vous dites 30 ans ? Je crains que ni vous ni moi n’en voyions la fin. Nos petits-enfants, peut-être ?

 

« Il n’est pas nécessaire de réussir pour entreprendre. »

 

Amicalement à vous,

                                                                                  M.B., 13 mars 2015

http://michelbenoit-mibe.com/2015/03/etre-musulman-francais-aujourdui-un-temoignage/

 

Haut de page

 

Peut-on assurer le même amour à ses enfants ?

Le (ou la) chouchou

Sujet tabou pour tout parent qui se respecte, la question « du préféré » est pourtant admise par les psys et les enfants eux-mêmes.

Faites le test autour de vous. Demandez à des amis ou à des proches qui ont le bonheur d’être parents s’ils ont un chouchou. Très vite, et sans sourciller, ils vous répondront du tac au tac : « Quelle idée ! Nous les aimons de la même façon. » La phrase est pleine de bons sentiments, mais elle donne matière à réflexion si l’on veut bien s’interroger sur cette thématique aux ressorts multiples. Car, si l’on reconnaît le droit à chaque être humain d’avoir des affinités et des inimitiés les uns envers les autres, la question semble taboue pour les parents. L’égalité sentimentale s’impose envers leurs progénitures. Pourtant, lorsque l’on pose la question aux enfants, ils désignent d’emblée celui ou celle qui était le chouchou dans leur fratrie et y vont même de leurs analyses, souvent pertinentes. À croire que la clairvoyance des enfants s’annihilerait quand ceux-là mêmes deviennent parents.

« Dans l’idéal des bons parents, on ne veut pas qu’il soit dit qu’on ferait des différences, assure la psychanalyste Catherine Vanier. Mais le monde des bisounours n’existe pas. Les parents ont tous des préférences, consciemment ou inconsciemment. Le fait de le nier tient à l’idéologie dominante actuelle selon laquelle, dans un monde incertain et violent, la seule chose qui soit sûre, c’est le lien parent-enfant non dissociable. Du coup, on investit énormément les enfants. Pas question alors de faire des différences entre eux. » ...

Fausse égalité

Si donc le cœur a ses raisons, pas facile de l’assumer clairement sous peine d’être taxé de parent indigne. « Cette notion d’égalité est fausse, mais pour les parents, c’est très culpabilisant de l’admettre, assure Françoise Peille, ancienne attachée de psychologie à l’hôpital Saint-Vincent-de-Paul. Pourtant, il est normal de vivre l’arrivée d’un nouvel enfant différemment car on n’a pas le même âge, ni le même ressenti, sans compter que le contexte familial est à chaque fois différent et que l’enfant a son propre tempérament. »

 ---------------------------------------------------------

L’égalité en matière d’amour n’existe pas ?

Les parents confondent équité et égalité. Oui, on se doit d’être équitable avec chacun de ses enfants, mais ce n’est pas vrai que l’on aime tous ses enfants de la même façon. Il y a des affinités et des préférences. Mieux vaut les identifier et les dire plutôt que les camoufler dans un déni auquel personne ne croit. Le problème, c’est que l’amour familial a été mis sur un piédestal et que cette notion de préférence est transgressive et incompatible avec l’image d’Épinal de la famille vécue comme un refuge. Aujourd’hui, l’idée que l’on aime plus un enfant qu’un autre est insupportable. Les parents se sentent coupables de ressentir une affinité et plutôt que le reconnaître, ils se taisent et le vivent mal.

Vous avez l’honnêteté de reconnaître vos préférences…

Il est plus sage de les reconnaître que de les nier. Dans notre société, il est convenu de les aimer tous pareils, ce qui me paraît être une formule illusoire. En fonction des moments de la vie et même de la journée, il peut m’arriver d’aimer davantage l’un de mes enfants. C’est culpabilisant, mais c’est intéressant de voir que nos enfants peuvent nous agacer ou nous décevoir. On ne le dit pas, car c’est blessant, donc les parents leur laissent croire qu’ils sont tous aimés à la même enseigne, mais c’est faux. L’amour parental relève plus d’un travail d’adoption que d’un réel instinct. Ils doivent reconnaître les limites de leurs amours.

Extrait partiel du dossier « Ma préférence à moi » réalisé par Fanny Bijaoui du journal Réforme N° 3600 du  12 mars 2015

Haut de page

 

A quoi sert le sol ?

 

A se retenir lui-même par le lacis des racines et des feuilles.

A retenir l'eau par son tissu interne.

A entretenir la vie par le plus fantastique phénomène de recyclage organique que connaisse la planète Terre.

A réguler la température en rafraichissant l'air par son évaporation.

A fixer les polluants comme un tampon avant de les métaboliser.

A maintenir le carbone par sa biomasse.

A nous nourrir, car ce qui pousse dans le sol nourrit l'humanité depuis douze mille ans.

 

C'est au vers de terre et à leurs complices les champignons que nous devons tous ces bienfaits. D'où l'urgence du retour à une agriculture naturelle.

 

Cessons de ruiner notre sol ! Frédéric Denhez (Flammarion)

Haut de page

 

« Hérétiques de toutes religions, unissez-vous ! »  

Notre époque ne montre que trop de signes d’épuisement et ceci à tous les niveaux : écologiquement nous sommes face à un monde surpeuplé, surexploité et surchauffé où des espèces animales et végétales disparaissent tous les jours et où l’espèce humaine aurait l’occasion de s’infliger la même chose ; psychologiquement, les gens sont de plus en plus en souffrance au point où certains parlent de « borderlinisation » de la société ; spirituellement, les églises perdent leur rôle d’inspiration et, lorsque les lieux de culte se remplissent, souvent l’intégrisme est de la partie. Nous sommes bien dans le Kali Yuga, l’Âge de Fer des Hindous ou peut-être même pire. En effet, nous sommes plus bas que le fer, nous sommes à l’ « Âge de Plastique », ère où cette matière vulgaire et envahissante pollue notre environnement naturel et même notre organisme. C’est d’ailleurs une matière qui, à la différence de la pierre, du bois ou du métal façonné par les artisans, n’est pas conductrice, ne vibre pas. Autrement dit, elle est opaque et ne laisse donc pas passer la lumière : c’est une matière ahrimanienne par excellence. Il n’est donc pas étonnant que notre époque où ce plastique s’amasse jusqu’à l’horizon soit aussi celle où l’on ne voit plus la lumière de l’Orient, l’Horizon de l’âme, si chère à Henry Corbin.

Dans ce marasme spirituel et matériel, ce dernier n’avait pas attendu l’âge mûr pour s’inquiéter et se révolter. Lorsqu’il faisait partie, dans les années 30, des jeunes intellectuels non-conformistes, il savait déjà que l’homme n’était plus en quête de sagesse : homo sapiens devenait homo oeconomicus, « machine imbécile à produire et à consommer » et le règne du quantitatif était né. Et certainement, depuis le début de ce règne, une quantité de désastre a eu lieu. Il a alors cherché une issue dans ces ténèbres, en se réorientant vers la lumière de l’âme, et l’a trouvée révélée dans le Mundus Imaginalis ou ‘Âlam al-Mithâl, monde médian et médiateur entre notre monde sensible et le monde intelligible. C’est le monde « entre Ciel et Terre » où le contact entre Dieu et l’homme se fait. Ainsi, l’âme peut être réorientée et sauvée, notamment par l’entremise de l’Ange ou, mieux dit, de son Ange, figure par excellence de ce monde intermédiaire. Ainsi, le monde phénoménal prend origine et trouve son sens au-delà de lui et évite alors de tomber dans l’historicisme du temps horizontal qui le rendrait absurde car instantanément dépassé, perpétuellement périmé par rapport à lui-même. La « sénescence programmée » des appareils électroniques, les starlettes érigées en idole planétaire du jour au lendemain avant de finir dans l’oubli, les ressources financières ou même naturelles qui peuvent disparaître en un clin d’œil (ou un clic de souris) sont peut-être autant de symptômes de cet historicisme, de ce temps sans fondement qui ne peut que se désintégrer à peine apparu. Corbin a raison, il faut aller plus loin que cet horizon de l’historicisme qui, dans notre monde actuel de l’instantané, est tellement près qu’il est finalement déjà derrière nous et voilà pourquoi nous perdons pied, nous ne pouvons plus nous orienter, car nous ne reposons sur plus rien, nous sombrons dans l’abîme. Evidemment, après la mort de Dieu annoncée par Nietzsche, nous ne pouvions qu’arriver à la mort du monde créé par Dieu. Hors de la hiérohistoire donc, point de salut ! Il faut retrouver l’Ange, le sacré, la verticalité pour régénérer ce temps qui s’épuise, sinon l’eschatologie, qui est en réalité une résurrection, deviendra véritablement une fin du monde. Corbin nous rappelle d’ailleurs la belle prière zoroastrienne (Yasna XX ,9) : « Puissions-nous être ceux qui œuvrent pour la Réjuvénation du monde. »

Parallèlement, Carl Gustav Jung a lui aussi constaté que l’homme avait abandonné, quasiment dénié, son âme au point d’en faire une farce. Ainsi il s’étonne du fait que, lorsque nous parlons d’une chose en la définissant de psychologique, c’était comme si nous disions qu’elle était irréelle, factice (pensons par exemple en médecine à la « douleur psychologique » qui veut dire dans la bouche de certains une douleur simulée). Nous retrouvons là en écho une indignation toute corbinienne face à la confusion entre l’imaginal et l’imaginaire. Car pour Jung, comme pour Corbin avec l’imaginal, l’âme est quelque chose de réel, d’objectif avec laquelle il faut composer. Le titre d’une de ses œuvres, De la Réalité de l’Âme, est assez explicite. Il faut ainsi écouter la psyché inconsciente ou plutôt, vu que l’Inconscient est par définition inconnaissable, observer ses manifestations et les interpréter pour évoluer. Pour prendre un terme cher à Corbin, j’oserai dire qu’il faut, en tant que jungien, faire un ta’wîl vers l’âme, en l’âme et avec l’âme, comme les soufis voyagent vers Dieu, en Dieu et avec Dieu. Et Jung a trouvé le moyen de le faire en étant guidé par ce qu’il a appelé le Soi ou, mieux dit, son Soi, qui serait d’une certaine façon le centre absolu de sa psyché et aussi sa totalité. Le Soi de Jung est donc comme l’Ange de Corbin, qui complète l’âme, car « l’âme terrestre est en déficience, en retard sur elle-même, c’est-à-dire sur la totalité de son être » (Eranos Jahrbuch 1951, p176).Nous sommes là loin de la psychiatrie biologique, si en vogue de nos jours, qui enferme l’âme dans le monde phénoménal ou, pire encore, dans le monde infra-phénoménal des molécules du cerveau et qui essaie de la sauver par la pharmacologie, chimie de guerre qui ne fait que trop de dégât collatéraux avec ses effets secondaires. Nous sommes aussi à distance de Freud et de son archéologie psychanalytique qui aime à remonter à l’enfance, aux premiers traumatismes, aux conflits inconscients refoulés et bloqués du passé : il ne cherche pas l’Orient de l’âme mais fouille plutôt l’Occident, là où est tombée la lumière.

Bien évidemment, Corbin et Jung ne pouvaient que se rencontrer et, au cercle Eranos à Ascona, où plusieurs penseurs tentaient tant bien que mal de sauver ce qui nous restait d’âme humaine, ils ont partagé leur vision. Mais qu’en est-il de ce partage ? Parlent-ils le même langage ? L’âme et la psyché sont-elles identiques ? Le Monde de l’Inconscient est-il le Mundus Imaginalis ? Le Soi est-il l’Ange, le représentant de Dieu ?

Je n’aurai certainement pas l’audace de répondre à ces questions mais essaierai seulement de dégager quelques pistes de réflexions et de montrer l’articulation que ces deux réalités peuvent avoir avec un point de vue très personnel. Très personnel donc sûrement peu orthodoxe mais je me défends déjà en disant que je ne fais que répondre à l’appel que Denis de Rougemont aurait entendu de la bouche de Corbin : « hérétiques de toutes religions, unissez-vous ! » …

Dr Alexandre Ahmadi

7e Journée Henry CORBIN - 17 décembre 2011 - ENS Ulm

Haut de page

. Amour en suspension

Je ne suis pas une « compagne de prêtre » au sens classique du terme. Mais… j’aime un prêtre depuis trente ans et cet amour est réciproque. Je voudrais crier à quel point l’amour entre un homme et une femme peut avoir de la force… et combien il est nuisible d’imposer un célibat définitif aux prêtres ! Ce sont avant tout des hommes comme les autres munis de ces richesses que Dieu a mises au cœur de chaque homme et chaque femme : l’élan mystérieux vers un/une autre, la tendresse, le désir de transmettre la vie.

J’ai rencontré Y. quand il a été nommé dans notre paroisse. J’étais alors mariée et mère d’un jeune enfant. J’avais de l’estime pour mon mari, sans plus… en fait je me suis mariée pour échapper à la solitude…

Y. et moi avons travaillé ensemble avec toute une équipe pour le bien de la paroisse et ce pendant une bonne décennie. Pour ma part, j’ai eu le « coup de foudre » sur le champ quand il a prononcé une phrase que j’ai oubliée mais qui m’a fait dire « Qui est donc cet homme ? ». Je me suis d’abord battue contre ce sentiment, mais la guerre n’a pas été très longue… J’ai fini par dire oui à cet Amour contre lequel je ne pouvais rien. Je l’ai accepté dans le silence… et avec l’aide d’un médecin parce que j’étais tombée malade… J’ai eu avec mon mari un deuxième enfant.

Après toutes ces années, lorsque Y., selon les directives diocésaines, est parti pour une autre paroisse, je lui ai écrit mon Amour : c’était pour moi une question de vie ou de mort ! J’ai éprouvé un fort sentiment de libération en postant ma lettre. Par ailleurs, il n’y avait plus de « danger » ni pour lui ni pour moi, puisque théoriquement nous ne devions plus nous voir.

Il m’a répondu au bout de deux mois… C’est un homme réfléchi et mesuré qui ne fait rien à la légère. Il est venu me voir chez moi et m’a fait cette déclaration simple et tellement belle : « Je t’aime, je suis heureux. ». Cette phrase-là je ne l’oublierai jamais. Elle a fait basculer ma vie vers une profondeur sans nom, vers Dieu…

Nous nous sommes expliqués, cette fois-là et plusieurs autres fois, sur cette relation unique et sur la façon de la vivre. Nous n’avons fait que parler. Jamais nous n’avons fait usage de notre corps pour communiquer, ce qui est complètement inhumain. Mais il faut dire que nous avons reçu tous deux une éducation très catholique très pratiquante… et la chape de plomb est trop lourde à soulever…

Notre relation d’Amour s’est donc arrêtée là, non pas arrêtée avec un point final : elle est comme suspendue en l’air en attendant… en attendant quoi ?... La vie éternelle ?... Les arguments de Y. sont : « Je ne reprends pas la parole donnée » « Je ne veux pas trahir Jésus-Christ ». Mon propre argument (je n’en avais qu’un) est : « Je ne veux pas rendre malheureux mon mari : qu’est-ce qu’un Amour qui engendrerait le malheur de quelqu’un ? »

Mon mari est décédé alors que nos enfants étaient encore adolescents. Quelque temps après, je leur ai révélé l’Amour qui nous unissait, Y. et moi. Ils ont fort bien accueilli cette nouvelle et m’ont dit qu’ils savaient cela depuis toujours. L’un des deux m’a déclaré : « Je me suis toujours demandé pourquoi tu avais épousé Papa. Ma relation à lui n’était pas bonne et je me demandais ce que tu lui trouvais. J’ai cru que tu restais à cause de nous, les enfants, et j’ai pensé que j’étais responsable de ton malheur… ». Il y a sûrement des conséquences psychologiques chez les enfants qui ont vécu une telle situation. Mais finalement, je suis très fière de mes enfants qui sont devenus des adultes équilibrés, et avec lesquels je m’entends fort bien.

Y. m’a demandé de ne pas le tenter… Je respecte son souhait car je crois que je le tuerais si je lui demandais de renoncer à être prêtre. Nous continuons de nous voir, mais très peu, une fois ou deux par an… Il m’a avoué : « Ce serait trop triste de ne plus nous voir. » Nous échangeons quelques cartes à Noël, à

Pâques etc. dans lesquelles nous nous embrassons « de tout cœur » par écrit... Quand nous nous voyons, c’est toujours en présence des enfants qui d’ailleurs prennent l’initiative de ces retrouvailles.

L’initiative… c’est moi qui l’ai prise au départ et je ne l’ai jamais regretté. Cet « Amour en suspension » m’a construite, il m’a soutenue tout au long de ma vie. Y. m’a dit : « J’ai eu peur que penser ainsi à toi me gêne dans mon ministère… en fait il n’en a rien été, c’est plutôt le contraire qui s’est passé… ».

Maintenant, Y et moi arrivons à la fin de notre vie. L’Eglise peut être satisfaite : l’un de ses prêtres n’est pas parti, l’un de ses prêtres est resté fidèlement à la tâche. Et en plus, je n’ai pas divorcé. Cependant, j’aimerais que l’Eglise ne soit pas si satisfaite que cela… à cause de la souffrance de deux êtres humains. Nous n’avons pu vivre ce que nous avions de meilleur en nous, ni le mettre à l’épreuve d’une réalité quotidienne… et ceci est très grave !

Je n’ai jamais eu l’impression de trahir Jésus-Christ en aimant Y. Dieu est tout Amour et il n’est que cela. Nous entrons dans le plan de Dieu quand nous nous aimons les uns les autres : c’est ce que Jésus s’est tué à dire lors de son passage sur terre. Aimer ceux que nous rencontrons ne veut pas dire les aimer tous de la même manière. Chaque relation est unique puisque nous sommes tous des êtres humains uniques. Je crois avoir aimé mon mari dans la limite de mes moyens, je crois aussi avoir aimé mes enfants le mieux possible, même si tout cela a été plein d’imperfections. L’amour fraternel privilégié par l’Eglise est incontournable, mais il est d’autres sortes d’amour tout aussi incontournables. Ce que je vis avec Y. est unique et ce que je ressens est incomparable de profondeur… et pourtant cet amour est rejeté par l’Eglise. Il serait temps que celle-ci ouvre les yeux sur une véritable culture de l’Amour qui ne peut souffrir l’exclusion.

Dorothée

Plein Jour  http://plein-jour.eu

Haut de page

 

Quelques réflexions à tous les parents

 

Que votre « non » soit « non » ;

 

-          Il y a des règles auxquelles nous devons tous nous soumettre pour vivre en société : dire bonjour, pardon, merci sont de simples signes de bienséance qui ne peuvent être remis en question. Vos enfants ne doivent absolument pas s’y soustraire. Et cela dès le plus jeune âge, dès 2 ans.

-          Pourquoi ? Notre monde ne peut tourner rond qu’en prenant appui sur les règles du "vivre ensemble" qui nous servent de repères communs, qui guident notre société. Laisser croire à l'enfant qu'il peut s'y soustraire consiste à l'élever (ou plutôt le rapetisser) dans le mensonge. Très jeune, l’'enfant est à même de comprendre ces règles et s’il s'y soustrait, ce n'est pas du fait  de son incompréhension mais de sa recherche de limites. Pourquoi lui mentir sur le monde ? Pourquoi lui faire croire qu'en grandissant les contraintes seront plus faciles à accepter ? Quel sportif commence par jouer un match de championnat s'il n'a pas acquis les règles du jeu collectif ? Quel musicien peut imaginer jouer de son instrument sans jamais avoir accepté la règle du solfège et le travail de ses gammes ?

   

Pourquoi imaginer que votre enfant est différent ?

 

-         Vous pensez souvent que votre enfant est précoce, surdoué, hyper actif.  En réalité, il exploite naturellement une liberté et les stimulations que vous lui avez simplement accordées. De fait, l’enfant va être tenté très tôt de se servir de ces stimulations pour exercer sa liberté.

-          Il s'agit d'abord de considérer que nos enfants évoluent dans un monde sidérant d’incitation. Par conséquent, lorsque vous regardez votre enfant, ne regardez pas votre enfance à vous ! Les petits actuels sont beaucoup plus vifs à divers égards que nous ne pouvions l'être nous-mêmes lorsque nous étions enfants. Ils ne sont pas surdoués ou précoces pour autant, ils sont juste soutenus de toutes parts et ce, depuis leurs premières heures de vie extra-utérin, voire même parfois intra-utérine.

-          Les seules personnes qui peuvent vous aider à avoir un avis neutre sur votre enfant sont vos proches qui ont déjà élevé d'autres enfants, vos ainés qui font preuve de bon sens et d'un certain recul ainsi que les professionnels qui travaillent avec d'autres enfants de la même cohorte d'âge. Ces personnels sont formés mais peu émettent un avis objectif pour vous aiguiller. Comment imaginer la connaissance d'un sujet aussi vaste que celui de la petite enfance, de surcroît lorsqu'il s'agit de la chair de votre chair ?

 

Ne craignez pas de vous tromper ;

 

Aucune éducation n’est totalement parfaite et l’on peut se tromper même en essayant de faire pour le mieux. Aussi, en ce qui concerne certaines règles, il n’y a pas d’hésitation à avoir, pas d’alternative à laisser …

 

«  Si tu ne dis pas bonjour à ta maitresse, tu ne rentres pas en classe, tu restes dehors … »

«  Si tu refuses de répondre à ma demande pendant 5 minutes,  tu resteras 5 minutes à attendre quand tu me poseras une question … »

«  Si tu prétends ne pas aimer le lait et la pomme que je te propose, la pomme et le lait t’attendront car  vitamines et calcium sont indispensables … »

 

Sachez refuser les caprices ;

 

Accepter les caprices d’un enfant qui compliquent votre vie, c’est céder à ses fantaisies et briser en réalité ses désirs profonds  ... 

 

-          Tout petit, l’enfant manifeste sa personnalité en cherchant à transgresser les règles qui bâtissent son cadre de vie. Il refuse par exemple de dire bonjour, il crée des fantaisies pour exprimer sa personnalité …

-          Un peu plus grand, il sera sans cesse confronté à des limites, à la recherche de son désir. Lui faire croire que tout est possible, que le monde tourne autour de lui risque de le conduire à se mettre dans une posture permanente de recherche des limites. Des sensations fortes. Au risque de mentir, de monter des stratèges pour imposer sa liberté inavouée …

-          Plus grand encore, adolescent, il cherchera à briser le cadre qui le gêne … Peut-être fuguera-t-il ? ; Ou il fumera inconsidérément, se droguera même …

-          Jeune adulte, il ne sera pas satisfait, n’aura pas confiance en lui ; il jalousera ses copains, critiquera ses parents tout en cherchant à revenir à la maison par facilité … Et même parfois, après avoir réalisé de brillantes études, après avoir largement bénéficié d’innombrables privilèges, il sera malheureux, déprimé … et hélas, pensera comme certains de ses copains, à fuir ce monde par des actes de bravoure ou même … le suicide.

 

Les conditions de vie ont rapidement évolué ;

 

En une génération nous sommes passés de l'ère où les enfants avaient peur que leurs parents ne les aiment pas à celle où les parents ont clairement peur que leurs enfants ne les aiment pas ! 

 

Mais de quoi avez-vous donc peur ?

Les parents ont peur de manquer d’amour en étant trop exigeants, en ne comblant pas les originalités de leur enfant … et manifestent ainsi en réalité leur manque de confiance en eux-mêmes.

Pourquoi est-il devenu si terrible de contrarier ses enfants ?

Est-ce acheter la paix et la tranquillité ? Est-ce gagner un diplôme de "cool daddy", de "cool mamy" ? Questionnez  alors sincèrement le plus profond de vous-même pour savoir si une limite est si perturbante que cela ! Dire non, montrer le chemin, n'est-ce pas là justement le rôle de l'adulte par rapport au jeune qui découvre le monde ?

S'intéressant aux enfants les plus en difficulté qui ont vécu de réels traumatismes liés à leurs parents, à des violences ou à des sévices inouïs, les professionnels de la petite enfance sont tous unanimes : un enfant cherche l'amour de ses parents et ce, quel que soit le vécu même terrible qui les unit.

N'ayez donc pas peur de perdre le lien avec votre enfant  sinon ce dernier pressent cela et va s'engouffrer dans cette brèche ! Donnez-lui des racines pour qu'il puisse construire ses branches et s'envoler dans la vie. Ne lui faites pas croire qu'un arbre peut tenir dans le sol sans racines.

Tous ces repères éducatifs passent parfois effectivement par la contrainte (mais qui vit en société sans contrainte ?), sont une véritable boîte à outils pour aider votre enfant à résoudre les problèmes qu’il rencontrera fatalement en société et lui permettront de se sentir fier, libre et léger

 

Une jeune directrice d’école maternelle de Nancy

 

 

Haut de page

 

En finir avec les idées fausses sur les pauvres et la pauvreté.

Par ATD Quart Monde

PREMIÈRE PARTIE
« LES PAUVRES SONT COUPABLES. »
IDÉES REÇUES SUR LES PAUVRES
Sur la pauvreté en général
1. « La définition de la pauvreté est subjective. » - Pas si simple. La grande pauvreté est une situation de rupture profonde et globale qui n’a rien de relatif ni d’artificiel.
2. « En France, il y a moins de pauvreté et d’inégalités qu’ailleurs en Europe. »  - Cela dépend.
3. « La pauvreté augmente moins que l’on ne le dit. » - Faux. La hausse est nette depuis 2002, particulièrement pour les plus pauvres … dans un des pays les plus riches du monde.
4. « Plus que la pauvreté, ce sont les inégalités qui progressent. » - Faux. Ce sont les deux qui progressent.
5. « Avec la crise, tout le monde va plus mal de toute façon. » - Faux. Le niveau de vie des plus riches continue de croître depuis 2008.
6. « Les pauvres creusent nos déficits. » - Oui, la misère coûte cher humainement et financièrement. Si elle n’existait plus, toute la société y gagnerait, sans doute même financièrement.
7. « Les pauvres ne peuvent pas s’intégrer à la société. » - Faux. Ils vivent dans le même monde que nous et partagent nos valeurs et nos aspirations.
Sur les sans-abri
8. « Les gens qui vivent dans la rue l’ont choisi. » - Faux pour la majorité des personnes concernées.
9. « Les sans-abri ne veulent pas travailler. » - Pas si simple. Un quart d’entre eux travaillent et deux cinquièmes recherchent un emploi.
10. « Faire la manche, ça rapporte. » - Faux.
11. « N’importe qui peut se retrouver un jour à la rue. » - Faux. C’est un fantasme entretenu par les médias et par notre crainte face à l’avenir.
12. « Les sans-abri sont des alcooliques. » - Pas si simple.
13. « Les sans-abri sont des personnes seules. » - Faux. Les familles représentent la moitié des demandes d’hébergement au 115.
14. « Les gens qui vivent à la rue ne peuvent pas s’en sortir. » - Faux. Il n’y a pas de fatalité à la vie dans la rue.
15. « Les sans-domicile refusent des hébergements sans raison. » - Pas si simple.
16. « Il suffit d’appeler le 115 pour trouver un hébergement. » -Faux. Deux tiers des demandes sont rejetées et certaines populations sont plus victimes de ces refus que d’autres.
17. « Les sans-abri atteints de troubles mentaux sont violents. » - Faux. Le trouble mental n’est pas en soi facteur de violence.
Sur les minima sociaux
18. « Les pauvres font tout pour toucher des aides. » - Faux. Au contraire, beaucoup ne sollicitent pas les aides auxquelles ils ont droit.
19. « Les pauvres ont des droits, mais ça va avec des devoirs. »  - Bien sûr. Mais dans le domaine de l’emploi notamment, l’accompagnement produit de meilleurs résultats que la contrainte et l’obligation.
20. « On peut gagner plus avec le RSA qu’avec le SMIC. » - Faux dans plus de 90 % des cas.
Sur le budget des familles
21. « On ne vit pas trop mal avec le RSA. » Faux. Il n’est pas possible de vivre dignement avec le RSA aujourd’hui.
22. « Les pauvres s’en sortiraient s’ils savaient gérer un budget. » - Faux.
23. « Les pauvres ont des écrans plats et des téléphones portables. » - C’est souvent vrai. Mais cela ne signifie pas pour autant que les gens vivent dans le luxe.
24. « On est moins pauvre à la campagne. » - Faux.
Sur le travail
25. « Les pauvres ne veulent pas travailler. » Au contraire, une majorité d’entre eux souhaite travailler.
26. « Si l’on veut travailler, on trouve. » Faux. Avec plus de 8 millions d’emploi manquants, ce n’est pas si simple.
27. « Il y a 200 000 à 400 000 offres d’emploi non pourvues. » - Faux. Il existe seulement 100 000 à 150 000 offres non pourvues faute de candidats.
Sur la Sécurité sociale et la santé
28. « Les pauvres font des enfants pour toucher des aides. » - Faux. Plus on a d’enfants, plus on s’appauvrit.
29. « Les pauvres sont des fraudeurs. » - Faux. Ils fraudent beaucoup moins que les autres.
30. « Les bénéficiaires de la CMU en profitent pour faire des soins de confort. » - Faux. Leur consommation de soins est légèrement supérieure, mais leur état de santé est moins bon.
31. « Les pauvres consomment beaucoup d’alcool, de tabac et de drogues. » - Pas si évident. En situation de précarité, on consomme en moyenne plus de tabac, mais pas plus d’alcool ni de drogues.
32. « Les pauvres ne font pas ce qu’il faut pour se nourrir correctement et être en bonne santé. » - Pas si simple. La mauvaise alimentation concerne de plus en plus de monde dans les pays riches et on n’y répond pas seulement en éduquant les gens.
Sur les enfants
33. « Les enfants pauvres sont maltraités par leurs parents. » - Faux. Les maltraitances n’épargnent aucun milieu social.
34. « Les pauvres sont incapables d’élever leurs enfants. » - Pas si simple.
Sur la violence et la prostitution
35. « Les pauvres sont violents. » - Pas si simple. Ils sont plus victimes qu’auteurs de villences, et parviennent parfois à y faire face mieux que d’autres.
36. « La prostitution est un moyen de sortir de la misère. » - Faux. Elle renforce au contraire l’exclusion sociale des personnes prostituées.
Sur la fiscalité et les impôts
37. « Les pauvres ne paient pas d’impôts. » - Faux. Ils participent à la moitié des recettes fiscales de l’Etat.
Sur l’école et l’éducation
38. « Les parents pauvres se désintéressent de l’école. » - Faux. Ils fondent au contraire de grands espoirs pour leurs enfants dans l’école.
39. « Les enfants pauvres sont moins aptes que les autres. » - Faux. Ils ont plus de difficultés au départ, mais il n’y a pas de fatalité.
40. « Il n’y a rien à attendre des décrocheurs. » - Faux. Une partie d’entre eux réussissent par d’autres voies que l’éducation traditionnelle.
41. « Les enfants d’immigrés sont plus en échec scolaire que les autres. »  - C’est vrai, mais parce qu’ils appartiennent à des milieux sociaux en moyenne plus défavorisés.
Sur le logement
42. « Les ‘‘ménages Dalo’’ n’apportent que des problèmes dans les immeubles. » - Faux. Il n’y a pas de « ménages Dalo ».
Sur la culture et les loisirs
43. « Se loger et manger, c’est plus important que la culture. » - Faux.
44. « Les vacances, c’est pour ceux qui travaillent. » - Faux. Les vacances sont vitales pour toute personne.
Sur la participation et la politique
45. « Les pauvres ne s’intéressent pas à la vie commune. » - Pas si simple. Il faut aussi créer les conditions d’une réelle participation de tous à la vie locale et aux politiques publiques.
46. « Les pauvres se désintéressent de la politique. » - Faux.
47. « Les plus pauvres votent Front national. » - Faux. Les plus précaires votent plus à gauche su’à droite.
Sur l’environnement
48. « Les pauvres polluent. » - Faux. Non seulement ils polluent moins que les autres mais ils sont davantage exposés à la pollution.
Sur l’immigration
49. « L’immigration augmente en France. » - Faux. Elle n’a augmenté que d’un point en 1975 et 2010, mais les pays d’origine ont en partie changé.
50. « Les immigrés prennent des emplois aux Français. »- Faux. Les immigrés apportent au contraire de la richesse au pays d’accueil.
51. « L’immigration tire les salaires vers le bas. » - Pas si simple. L’impact est faible et plutôt positif.
52. « Les étrangers sont attirés par notre protection sociale. » - Faux. Ils sont avant tout attirés par la perspective d’un travail.
53. « Il suffit d’être demandeur d’asile pour bénéficier de tous les droits. » - Faux. La plupart des demandeurs subissent une grande précarité.
54. « Ce sont les étrangers les plus pauvres qui immigrent en France. » - Faux. Pour migrer, il faut avoir un minimum de ressources.
55. « L’immigration coûte cher à la France. » - Faux. Selon les études, elle ne coûte presque rien ou, au contraire, rapporte.
56. « Les migrants viennent profiter de notre système de santé. » - Faux. Ils viennent avant tout pour fuir les difficultés économiques ou politiques dans leur pays d’origine.
57. « L’aide médicale d’état coûte cher à la France. » - Faux. Elle coûte moins cher … que si elle n’existait pas.
Sur les Roms
58. « Les Roms sont en situation irrégulière en France. » - Faux. Ils séjournent dans les mêmes conditions que les autres ressortissants de l’UE.
59. « Les Roms ne veulent pas travailler. » - Faux
60. « Les Roms sont des nomades. » - Faux
61. « Les Roms ne veulent pas s’intégrer. » - Faux
62. « Les enfants roms font partie de bandes organisées. » - Faux. Les bandes organisées sont le fait de réseaux spécialisés et ne concernent qu’un petit nombre d’enfants.
63. « Le nombre de Roms augmente en France. » - Faux
64. « Il faut évacuer les campements illégaux. » - Oui, pour des raisons d’urgence humanitaire. Mais pas n’importe comment.
65. « Les Roms vont prendre les emplois des Français. » - Faux.
Sur les gens du voyage
66. « Les gens du voyage s’installent n’importe où. » - Ce ne serait pas vrai si la loi du 5 juillet 2000 était mieux appliquée par toute les collectivités.
67. « Les gens du voyage roulent en Mercedes. » - Pas si simple.

SECONDE PARTIE
« C’EST BIEN BEAU, MAIS ON NE PEUT PAS FAIRE AUTREMENT. » IDÉES REÇUES SUR LES SOLUTIONS
Sur la pauvreté en général
68. « Avec la mondialisation, la hausse de la pauvreté est inéluctable. » - Faux. Certains pays sont plus mondialisés que nous et, pour autant, moins touchés par la pauvreté.
69. « L’objectif d’éradiquer la misère est un rêve. » - Faux. Seules manquent la volonté citoyenne et la volonté politique.
70. « On donne déjà beaucoup pour l’aide alimentaire et ça ne change rien. » C’est assez vrai. Les aides alimentaires ne s’attaquent pas aux causes de la misère.
Sur la protection sociale
71. « L’état dépense trop pour la protection sociale. » - Pas si simple. La protection sociale est importante en France, mais elle profite à tous. Et la lutte contre la pauvreté ne représente qu’une infime partie de ses dépenses.
72. « La protection sociale creuse la dette publique. » - Non, ce sont surtout le manque de recettes fiscales et la crise qui creusent la dette.
73. « En France, les prélèvements obligatoires sont très élevés à cause des financements des dépenses sociales. » - Pas si simple. Les prélèvements obligatoires sont plus élevés en France que dans la moyenne des pays européens, mais ils ne correspondent pas toujours aux mêmes dépenses d’un pays à un autre.
74. « Les citoyens paient trop d’impôts. » - Faux. On en paie moins qu’il y a quelques années. Et on ne mesure pas assez leur utilité.
75. « La lutte contre la pauvreté coûte cher aux classes moyennes. » - Faux. Elle ne coûte pas aux classes moyennes « inférieures », même si celles-ci sont moins aidées en France que dans d’autres pays.
76. « Notre protection sociale est inefficace. » - Faux. Elle est très efficace et réduit de moitié la pauvreté et les inégalités.
77. « Notre modèle de solidarité enferme les pauvres dans l’assistanat. » - Faux. Les personnes confrontées à la pauvreté ne sont pas « accrocs » à l’assistance.
78. « La France distribue des minima sociaux élevés. » - Faux. La France est dans la moyenne européenne.
79. « On devrait obliger les bénéficiaires du RSA à travailler. » - Non, ce discours cache les vrais problèmes.
80. « Augmenter le RSA ou les allocations chômage décourage les gens de travailler. » - Faux. Des études déconstruisent cette idée simpliste.
81. « Le RSA jeunes, c’est de l’assistanat. » - Faux. Le RSA ne décourage pas les jeunes de travailler.
Sur le travail et l’économie
82. « Quand une société s’enrichit, ça profite aussi aux pauvres. » - Pas forcément. Ce qu’il faut surtout éviter, c’est l’accroissement des inégalités.
83. « Il vaut mieux un petit travail que pas de travail du tout. » - C’est en effet ce qui se pratique dans de nombreux pays … et ce qui produit des millions de travailleurs pauvres.
84. « Les difficultés des entreprises ont pour cause le coût du travail en France. » - Pas si simple. C’est sans compter la baisse des commandes, le prix de l’énergie et le cours élevé de l’euro. Autant de leviers sur lesquels il faudrait agir.
85. « Pour réduire le chômage et la pauvreté, il faut baisser les cotisations sociales. » - Pas si simple. Une telle mesure semble relativement coûteuse et son impact sur la création d’emploi limité en période de croissance faible ou nulle.
86. « Pour réduire le chômage et la pauvreté, il faut baisser les impôts des entreprises. » - Faux. Il n’y a pas de relation de cause à effet.
87. « Pour réduire la pauvreté, il faut de la croissance économique. » - Faux. La croissance ne suffit pas pour résorber la pauvreté. Et même sans croissance, nous avons des moyens d’agir.
88. « Pour réduire le chômage et la pauvreté, il faut réduire les déficits, et donc les prestations sociales. » - Faux. En période de faible croissance, une politique d’austérité accroit au contraire les déficits, le chômage et la pauvreté.
89. « L’état n’a plus les moyens de créer de l’emploi. » - Faux. On peut trouver l’argent de différentes façons … ou utiliser les dépenses de gestion du chômage de longue durée pour créer des « emplois utiles ».
90. « Contre le chômage, on a tout essayé. » - Faux.
91. « On ne pourra jamais trouver du travail pour tout le monde. » - Peut-être. Mais il est possible de faire beaucoup mieux qu’actuellement en créant des emplois répondant à des besoins non satisfaits.
92. « S’il existait vraiment des travaux utiles à réaliser, le ‘‘marché’’ aurait déjà créé les emplois correspondants. » - Faux. Il existe des travaux utiles, sans qu’existe toujours une clientèle capable d’en payer le coût.
Sur la santé et l’accès aux droits
93. « Avec la CMU, tout le monde a accès aux soins. » - Faux. Il faut continuer d’agir contre les inégalités en matière de prévention et d’accès aux soins.
94. « Il n’est pas si compliqué d’accéder à ses droits. » - Faux. C’est parfois un vrai parcours du combattant et c’est l’une des explications des non-recours.
95. « Ce sont les plus riches qui financent les tarifs sociaux du gaz et de l’électricité. » - Faux. Tous les consommateurs fiancent ces tarifs sociaux … et une partie des moins fortunés n’en bénéficient pas.
Sur le placement des enfants
96. « Il vaut mieux placer les enfants pauvres. » - Faux. D’autres réponses existent et peuvent être apportées.
Sur l’école
97. « Le rôle de l’école n’est pas de régler les inégalités sociales. » - Non. Mais elle a aussi une mission d’intégration et de socialisation.
98. « La mixité sociale nuit à la réussite scolaire. » - Pas si simple. Avec la mixité sociale à l’école, les plus forts y « perdent » un peu et les plus faibles y « gagnent »  deux fois plus. Au total, n’y gagne-ton pas tous ?
99. « Les élèves en difficulté doivent aller vers l’enseignement professionnel le plus tôt possible. » -Non. L’orientation doit attendre la fin du collège et être vraiment choisie.
Sur le logement
100. « Les HLM sont accessibles aux plus pauvres. » - Faux. Ils s’en voient souvent refuser l’accès pour manque de ressource.
101. « Le droit au logement opposable (Dalo) est inefficace. » - Faux. Il se heurte dans certaines zones à de fortes tensions sur l’immobilier, mais il permet des dizaines de milliers de relogements.
102. « Les pauvres sont de mauvais payeurs. » - Faux. Payer son loyer est une priorité pour les familles aux revenus modestes.
Sur la politique de la ville
103. « Avec les démolitions-reconstructions, on remet de la mixité sociale dans les quartiers. » - Malheureusement non.
104. « On donne déjà beaucoup aux banlieues. » - Faux. Les crédits de la politique de la ville sont parfois moins généreux dans les quartiers « prioritaires !

Merci aux organismes qui ont participé à cette nouvelle édition : l’Amicale du Nid, Amnesty International, les Apprentis d’Auteuil, la CFDT, la CGT, la Cimade, la Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme, le Défenseur des droits, Emmaüs, l’association Georges Hourdin, la FNARS, la FSCF, la Grande Loge de France, la Grande Loge féminine de France, le MAN, Médecins du monde, la MSA, NDH, l’Ordre de Malte, les Scouts et guides de France, le Secours Catholique, le SNES ...

Haut de page

 

Haut de page

 

. Ma déclaration de responsabilité dans la vie,


- J'accepte complètement et sans aucune arrière pensée tout ce qui s'est jamais produit dans ma vie, et ce qui arrive en ce moment dans mon existence, et tout ce qui peut se produire dans l'avenir me fournit des occasions précieuses pour apprendre et grandir.
Personne d'autre n'est à blâmer pour la négativité ou la douleur dont ma nature émotionnelle fait l'expérience. Je ne chercherai aucune exception à cette croyance, même quand la cause apparente de mon problème est totalement indépendante de moi.
- Je chercherai toujours à assumer entièrement ma responsabilité, tout en refusant ma culpabilité. Plutôt que de chercher des excuses pour ce qui marche mal, je m'efforcerai de comprendre ce qui se passe, puis chercherai des moyens pour corriger la situation.
J'assume la responsabilité de mes choix. J'affirme que nulle personne ou situation ne peut me faire sentir inférieur, rejeté, inadéquat sans mon consentement, et que j'ai le libre choix de donner ou de refuser ce consentement.
- Je refuse la croyance au hasard, qui est un des principaux mécanisme de déresponsabilisation dans notre culture. Je suis conscient que je crée ma propre réalité par ma façon d'accueillir et d'interpréter les évènements de la vie. Dans toute les circonstances de la vie, je chercherai systématiquement les moyens et les solutions plutôt que les excuses et les refuges. Je préfererai l'ouverture et le risque plutôt que la passivité et la sécurité.
- Je choisis de me respecter totalement, en toute circonstances, quelles que soient les erreurs que je puisse commettre, et d'accorder ce même respect à toute forme de vie - humaine, animale ou végétale - que je rencontre.
- Je dis OUI à la vie, oui oui, et encore oui.


Pierre Pradervand

 

 

Haut de page

 

. « Il y a des jours où je regrette d’être née arabe »

 

                              Les jours où je me réveille devant le spectacle de gueules hirsutes prêtes à massacrer au nom d’Allah et où je m’endors avec le bruit des explosions diffusées sur fond de versets coraniques.

                              Les jours où je regarde les cadavres joncher les rues de Bagdad ou de Beyrouth par la faute des kamikazes; où des cheikhs manchots et aveugles s’arrogent le droit d’émettre des fatwas parce qu’ils sont pleins comme des outres de haine et de sang; où je vois des petites filles, les unes courir protéger de leur corps leur mère qu’on lapide, et les autres revêtir la robe de mariée à l’âge de 9 ans.

                              Et puis ces jours où j’entends des mamans chrétiennes confier en sanglotant que leur progéniture convertie à l’islam refuse de les toucher sous prétexte qu’elles sont impures.

                              Quand j’entends pleurer ce père musulman parce qu’il ne sait pas pourquoi son garçon est allé se faire tuer en Syrie. À l’heure où celui-ci parade dans les faubourgs d’Alep, kalachnikov en bandoulière, en attendant de se repaître d’une gamine venue de la banlieue de Tunis ou de Londres, à qui l’on a fait croire que le viol est un laissez-passer pour le paradis.

                              Ces jours où je vois les Bill Gates dépenser leur argent pour les petits Africains et les François Pinault pour les artistes de leur continent, tandis que les cheikhs du Golfe dilapident leur fortune dans les casinos et les maisons de charme et qu’il ne vient pas à l’idée des nababs du Maghreb de penser au chômeur qui crève la faim, au poète qui vit en clandestin, à l’artiste qui n’a pas de quoi s’acheter un pinceau.

                              Et tous ces croyants qui se prennent pour les inventeurs de la poudre alors qu’ils ne savent pas nouer une cravate, et je ne parle pas de leur incapacité à fabriquer une tablette ou une voiture.

                              Les mêmes qui dénombrent les miracles de la science dans le Coran et sont dénués du plus petit savoir capable de faire reculer les maladies.

                              Non ! L’Occident, ces prêcheurs pleins d’arrogance le vomissent, bien qu’ils ne puissent se passer de ses portables, de ses médicaments, de ses progrès en tous genres.

                              Et la cacophonie de ces « révolutions » qui tombent entre des mains obscurantistes comme le fruit de l’arbre.

                              Ces islamistes qui parlent de démocratie et n’en croient pas un mot, qui clament le respect des femmes et les traitent en esclaves.

                              Et ces gourdes qui se voilent et se courbent au lieu de flairer le piège, qui revendiquent le statut de coépouse, de complémentaire, de moins que rien !

                              Et ces « niqabées » qui, en Europe, prennent un malin plaisir à choquer le bon Gaulois ou le bon Belge comme si c’était une prouesse de sortir en scaphandrier ! Comme si c’était une manière de grandir l’islam que de le présenter dans ses atours les plus rétrogrades.

                              Ces jours, enfin, où je cherche le salut et ne le trouve nulle part, même pas auprès d’une élite intellectuelle arabe qui sévit sur les antennes et ignore le terrain, qui vitupère le jour et finit dans les bars la nuit, qui parle principes et se vend pour une poignée de dollars, qui fait du bruit et qui ne sert à rien !

       

                              Voilà, c’était mon quart d’heure de colère contre les miens. Ouf !

 

Fawzia Zouari, (écrivaine et journaliste tunisienne, docteur en littérature française et comparée de la Sorbonne)

 

Article publié dans « Jeune Afrique » du 02 mai 2014

 

 

Haut de page

 

36 raisons pour changer de style de vie :
  1. La Terre n’appartient pas aux hommes, ce sont les hommes qui appartiennent à la Terre (sagesse amérindienne par Sitting Bull). Retrouvons la place qui est la notre.
  2. Tout sur Terre est fait pour durer, année par année, siècle par siècle, millénaire par millénaire. Léguons à nos enfants une Terre qui leur permet de continuer à vivre dans des conditions enviables.
  3. La Terre possède une biodiversité incroyable où tout est à sa place. Arrêtons le crime contre la Création qui fait disparaître des milliers d’espèces à jamais.
  4. La Nature a ses mystères que l’homme moderne ne sait pas comprendre. Pour lui, tout ce qu’il ne sait pas – n’existe pas. Or, l’Amérique a existé avant Christophe Colomb ... !
  5. Dans la Nature, tout est propre, il n’y a pas de déchets, rien ne se perd, il n’y a pas de mauvaises herbes. L’homme moderne pollue tout : l’eau, l’air, la terre, et le climat se réchauffe.
  6. Dans la nature, il y a des récoltes à l’automne, et il n’y a rien à manger en hiver. Le poids des animaux sauvages varie de 25 % au cours d’une année, en fonction de la nourriture disponible. L’homme moderne mange toute l’année. Le poids monte tout le temps.
  7. Dans la nature, il fait chaud en été, et il fait froid en hiver. Les animaux font de réserves de graisse à l’automne – pour les brûler en hiver. L’homme moderne est climatisé en été et chauffé en hiver : il fait des réserves chaque automne et il ne les brûle jamais.
  8. Dans la nature, les jours sont longs en été, et en hiver les nuits : les animaux s’y adaptent par l’hibernation. L’homme moderne, avec la lumière artificielle, vit en hiver comme en été : mêmes heures de travail, de télévision et toujours qu‘un minimum de sommeil : le corps ne peut jamais recharger ses accumulateurs.
  9. Dans la nature, la survie nécessite une activité physique permanente pour assurer ne reste que le minimum vital. L’homme moderne a réussi à éliminer toute nécessité de travail physique de la vie de tous les jours : même la brosse à dents peut être équipée d’un moteur...

A chaque fois, nous avons gagné une bataille. Mais maintenant, nous sommes en train de perdre notre guerre contre la Terre. Or : la Terre n’a pas besoin de nous, c’est nous qui avons besoin de la Terre.

http://www.jeune-et-randonnee.com/raisons.php

 

Haut de page

 

 

. Cherche désespérément couple à construire

 

Souvent, nous échouons dans notre désir de former un couple car nous cherchons le partenaire idéal au lieu d’accueillir et d’aimer l’autre tel qu’il est.

Ils sont trois qui se rencontrent : Claudia, Louis et Justin. Leurs histoires sont à la fois très différentes et proches.

Tous les trois sont à la recherche d’un partenaire. Un homme ou une femme qui enfin s’engage, qui accepte de vivre du quotidien, de fonder une famille. Tous les trois ont fait des tentatives malheureuses qui leur laissent un goût amer, d’impossible, parfois d’abus, générant une colère envers l’autre partenaire avec des jugements hâtifs et partiels.

 

Trois histoires de solitude

 

Claudia a trente-sept ans. Cadre supérieure, elle a consacré une grande partie de son existence à sa réussite professionnelle. Portée par les attentes de son père, elle s’est soumise à ses injonctions et a tout fait pour lui plaire. Sauf qu’aujourd’hui, fatiguée de courir les salons, les aéroports et les hôtels, elle a décidé de changer de vie. Elle s’est mise en quête d’un homme qui réponde à ses aspirations.

 

Louis a orienté sa vie de façon différente. Il a choisi de profiter de l’existence. Il s’est passionné pour son travail, comme pour la reliure, puis pour le VTT qu’il a pratiqué intensément. Sa vie est une succession de passions, d’enthousiasmes crépitants, de passions à durée déterminée. Il a suivi le même scénario avec les femmes qu’il a rencontrées, dans un plaisir et une intensité souvent partagés, mais sans construction à long terme, ce qu’il ne voulait pas d’ailleurs. Sa joie était cette succession de possibles, de rencontres intelligentes, construites, mais sans projets à long terme.

 

Justin revient de voyage. Dans l’avion, il a rencontré une femme. Ils ont passé la nuit ensemble. Il ne cesse de maudire cette rencontre et son comportement car une fois de plus, « elle » est partie, le laissant sans nouvelles, sans suite de cette rencontre dont il pensait qu’elle serait le début d’une vraie histoire. Pour Justin, cette situation n’est que la répétition d’une multitude d’autres, espoirs déçus, rencontres sans suites, vaines, décevantes.

 

Et chacun de déplorer l’inconstance, la non-fiabilité des partenaires rencontrés, leur manque d’engagement.

 

Ces trois compagnons se retrouvent. Au fil de la discussion, chacun prend conscience qu’il y a une illusion à vouloir changer l’autre. Justin raconte comment il avait rencontré une femme qu’il aimait profondément. Mais certains côtés d’elle l'insupportaient. Il s’était mis en tête que l’amour l’aiderait à la changer. Très vite, il s’est rendu compte de sa méprise et a préféré la quitter. Voilà une prise de conscience fondamentale. Trop de couples échouent par ce projet illusoire d’un des partenaires de vouloir changer l’autre.

 

Dans leurs échanges, ils admettent aussi que leurs attentes sur des partenaires sont une manière de les enfermer. Comme s’ils avaient chacun une check-list qui permettrait de valider si le/la candidat/e du moment est le/la bon/ne. Ils mesurent qu’ils ne sont pas dans la rencontre mais dans l’objectif. L’autre en tant que personne passe après des critères rédhibitoires et donc exclusifs de la relation possible.

 

Réussir son couple, et donc le choix d’un partenaire, semble s’inscrire dans les mêmes catégories que réussir sa vie professionnelle, ses vacances ou un bricolage selon une logique à quatre temps : objectifs-moyens-résultats-degré de satisfaction. Quelle est la place laissée à l’autre et à la rencontre ?

 

Devoir de lucidité

 

Au fil de leurs échanges, ils se racontent leurs histoires et regardent le bénéfice pour chacun à ne pas s’engager. Car finalement, ce qu’elle ou ils reprochent à leurs partenaires potentiels les autorise chacun à poursuivre la vie qu’ils ont construite. Reprocher à l’autre de ne pas s’engager leur permet aussi de poursuivre les priorités qu’ils se sont données jusque-là.

 

Ouf ! Les jeunes générations sortent sans doute du mythe romantique où il suffit de s’aimer pour réussir son couple ! Mais alors, comment mesurer le renoncement et le bénéfice d’une vie de couple ? Comment accepter l’autre avec inconditionnalité, sans clauses de réserve ? Comment aimer l’autre pour ce qu’il est et pas pour ce que nous voudrions qu’il soit ? Comment enfin vivre un engagement qui ne soit pas un enfermement ? La réponse n’est pas dans un mode d’emploi et appartient à chaque couple. C’est l’aventure amoureuse !

 

Jean-Paul Sauzède, thérapeute de couple, Revue Réforme

 

Pour découvrir Réforme, cliquer

 

 

Haut de page

 

 

 

La laïcité

 

La laïcité, dans ses fondements les plus profonds, est un principe universel. La séparation du religieux et du politique représente un progrès de l’humanité vers le respect de l’individu, de ses libres choix, de ses croyances ou de son absence de croyance, et de son droit d’en changer. C’est aussi la condition incontournable du vivre ensemble.

 

Là où la laïcité n’est pas reconnue, les libertés de conscience et d’expression sont bafouées, les droits des femmes sont inexistants ou en recul, l’égalité des droits entre les femmes et les hommes est niée.

La laïcité se voit attaquée à la fois par tous les fanatismes religieux et les fanatiques d’une dérégulation du monde qui, sous couvert de loi du marché, vise à asservir les plus faibles.

A travers le monde, des forces intégristes porteuses d’une idéologie totalitaire utilisent l’intimidation, les assassinats et le terrorisme pour tenter d’imposer leur hégémonie.

Aujourd’hui, l’intégrisme islamiste est la menace principale contre les libertés, non seulement dans ce qu’il baptise « terre d’Islam », mais dans toutes les parties du globe, de l’Extrême-Orient à l’extrême Ouest, du nord baltique au Sud africain.

 

Face aux menaces et aux assassinats que subissent aujourd’hui ceux qui, dans les pays démocratiques, critiquent l’islamisme de conquête,

Face aux menaces et aux assassinats dont sont victimes, au nom de la religion, ceux qui aspirent à la liberté en pays sous lois musulmanes,

Face aux exécutions et aux lapidations que subissent des femmes et des hommes au nom d’une conception barbare de la religion,

Face au discours islamiste, aux communautarismes et à leurs suppôts, qui divisent les populations et les « communautés » et qui avivent la haine des autres,

Face aux offensives réitérées des réseaux islamistes pour tenter d’embraser le monde musulman contre les pays démocratiques,

Face au lobbying des intégrismes auprès des instances internationales (ONU et ses institutions) pour bâillonner la liberté d’expression en voulant instaurer, à l’échelle mondiale, un délit de blasphème,

 

Face à cette montée des périls

Une mobilisation mondiale est indispensable.

C’est pourquoi nous lançons cet Appel à la constitution, à travers le monde, d’un rassemblement laïque universel.

Dans un monde interdépendant, il est désormais impossible de séparer la liberté de conscience de la notion universelle de laïcité, et de celle d’égalité entre les hommes et les femmes. Les populations sous lois musulmanes aspirent, elles aussi, à une liberté et à une démocratie, ce qui est incompatible avec une hégémonie religieuse.

Nous appelons les femmes et les hommes, dans tous les pays, à constituer une force de résistance pour un mouvement laïque international :

 

Pour la laïcité

Contre tous les formes de racismes, d’intégrismes, les communautarismes diviseurs

Pour l’égalité des droits pour toutes et tous quelle que soit l’origine

Contre toutes les discriminations ethniques, sociales ou sexuelles,

Pour les libertés de conscience et d’expression,

Pour l’amitié entre les peuples

Sur ces objectifs, un collectif d’initiative (ouvert) s’est constitué.

 

Pour tout contact, pour soutenir, participer, s’informer, http://laicity.info ou écrire à contacts@laicity.info

 

 

Haut de page

 

 

 

Arrête-toi, assieds-toi

 

La méditation de pleine conscience est une voie vers la simplicité, cette simplicité dont nous avons si grand besoin. Que nous dit-elle ? Juste ceci : arrête-toi. Arrête-toi de te compliquer la vie en t'alourdissant sans cesse de possessions et d'objectifs. Arrête-toi et assieds-toi, ferme les yeux et respire. Respire, sans rien attendre, ni espérer, ni vouloir. Observe juste ce qui est là, ici et maintenant ...

 

Pour lire la suite, Cliquer Arrête-toi, assieds-toi

Christophe ANDRE, médecin psychiatre, La Vie (janvier 2014)

 

Haut de page

 

 

    Houria, la Palestinienne

 

Houria monte à la gare St Charles dans le train qui va de Marseille à Bordeaux. Toute de noir vêtue, coiffée du niqab, c’est une Palestinienne. La place qu’elle a réservée se trouve dans un carré avec trois autres voyageuses. Elle s’attend à leurs questions.

Houria ouvre son livre de poèmes. Face à elle, une femme et sa fille qui a ouvert son ordinateur.

La dame engage la conversation : « Vous avez un beau visage. Votre voile noir le met en valeur. »

Houria remercie. « On dit généralement qu’une femme musulmane est obligée de se voiler. Ce n’est pas toujours le cas. Moi, c’est mon choix. Je suis fière de présenter ainsi mon identité. Signe religieux ? oui, en partie, avec une touche de coquetterie. La dame se souvient des « voiles » que portaient les femmes de son enfance à l’église. Par respect.

Houria souligne qu’on est obsédé par la question du signe religieux et son interdiction dans les lieux publics. « Votre femme de ménage qui porte une chaîne avec une croix, doit-elle l’enlever ? Mes amies françaises converties à l’Islam s’habillent comme moi pour revendiquer leur choix libre. Vous vous mobilisez pour soutenir une loi contre le voile, mais vous restez silencieux sur l’excision. »

La dame interroge: « Vous êtes maman ?

- Pas encore ! J’attends. Je travaille à la libération de la femme. Et plus généralement de la société.

Nous sommes en avance, nous, les Palestiniens, malgré nos conditions de vie difficiles. »

La fille à l’ordinateur est branchée. Elle écoute tout en consultant. Houria lui lance : « Appelez soufisme dans votre barre de recherche. Vous allez trouver les grands courants poétiques de l’Islam, et les valeurs de tolérance, de paix, de dialogue. On n’en parle pas beaucoup et pourtant c’est réel.

Nos préceptes rejoignent les vôtres : N’est véritablement croyant que celui qui souhaite pour son frère ce qu’il souhaite pour lui-même. En mettant ensemble le meilleur de nous-mêmes, nous construisons le monde à venir. Bien sûr, il ne faut pas rêver ! Ce n’est pas un conte ou un poème qui vont changer le monde dans l’immédiat. La lecture des textes fondamentaux est essentielle.

« Le Coran ! Il renferme de la violence », dites-vous. Et la Bible, alors ! Chaque écrit inspiré est de son temps, de son époque. Il faut aller au-delà des circonstances, de l’actualité et chercher l’enseignement. Il faut que nous sortions de nos préventions… Nous avons tous à y gagner.

Je vais participer à des rencontres poétiques à Lodève. On y déclame des textes dans tous les lieux de la ville. Je fais partie du mouvement « La Paix maintenant ». Je vais porter la parole surtout de Mahmoud Darwich qui se définit lui-même comme le « poète des vaincus. Il ne cesse de chanter la nostalgie de la patrie perdue »…

 

http://plein-jour.eu     http://plein-jour.eu/wordpress/wp-content/uploads/PDF/PJ23.pdf

 

Haut de page

 

 

 

Ton Christ est juif

Ton Christ est juif
Ta voiture est japonaise
Ton couscous est algérien
Ta démocratie est grecque
Ton café est brésilien
Ton chianti est italien
Et tu reproches à ton voisin d'être un étranger

Ta montre est suisse
Ta chemise est italienne
Ta radio est coréenne
Tes vacances sont tunisiennes
Tes chiffres sont arabes
Ton écriture est latine
Et tu reproches à ton voisin d'être un étranger

Tes figues sont turques
Tes bananes viennent du Cameroun
Ton saumon vient de Norvège
Ton Tchantchè vient de Liège
Uylenspiegel vient de Damme
Du Zaïre vient ton tam-tam
Et tu reproches à ton voisin d'être un étranger

Tes citrons viennent du Maroc
Tes litchis de Madagascar
Tes piments du Sénagal
Tes mangues viennent de Banghi
Tes noix d' coco d' Côte d'Ivoire
Tes ananas d' Californie
Et tu reproches à ton voisin d'être un étranger

Ta vodka vient de Russie
Ta bière de Rhénanie
Tes oranges d'Australie
Tes dattes de Tunisie
Ton Gulfstream vient des Antilles
Tes pommes de Poméranie
Et tu reproches à ton voisin d'être un étranger

Ton djembé vient de Douala
Ton gingembre vient d'Uganda
Ton boubou vient d' Tombouctou
Tes avocats du Nigéria
Tes asperges viennent du Chili
Ton ginseng vient d' chez Li Peng
Et tu reproches à ton voisin d'être un étranger.

Chanson interprété par Julos Beaucarrne

Haut de page

 

Etre en confiance, c'est oser

On dit de quelqu’un qu’il a repris confiance en lui.  En fait, il « fait confiance ». Voilà tout le paradoxe de cette qualité. On la pense comme un état, alors qu’elle est un mouvement. On veut en avoir, alors qu’elle est une manière d’être. Etre en confiance, c’est oser. Oser s’appuyer sur un regard qui nous montre une autre image de nous, oser entendre cette parole qui vibre au fond de notre désir, oser avancer à la lumière d’une envie.

 

A l’origine ?  Le bébé qui se voit dans le regard de ses parents.

De cet échange va naître la prise de conscience qu’il est bon - ou indigne - d’exister. « Se sentir réel, disait le pédiatre D. Winnicott, c’est plus qu’exister, c’est exister soi-même. »

Il suppose un double mouvement, celui d’une juste connaissance de soi face aux autres et la construction d’un espace intérieur rien qu’à soi.

Si cette expérience est négative, l’enfant va quêter un regard aimant autour de lui. Il renonce à se connaître lui-même pour correspondre à l’image attendue.

Il construit un « faux soi ».

 

La vie communautaire est une épreuve de vérité. Elle apprend à regarder à l’intérieur de soi et surtout à s’accepter tel que l’on est, avec ses forces et ses faiblesses. Seul le miroir respectueux des autres rend possible d’habiter l’ensemble de notre être.

Donner confiance à un enfant sera lui apprendre à considérer tous les éclats de sa personnalité comme une matière avec laquelle il va se construire. Nos défauts sont nos défenses, ils ont un sens. Ils ont à être entendus, respectés. L’agressivité peut devenir de la combativité, la timidité une aptitude à l’écoute…

La confiance ne se nourrit pas de perfection ou d’orgueil qui la prive du soutien des autres. Mais plutôt de compassion et de simplicité.

Son pire ennemi est la moquerie, qui « casse » ce lien à soi dans l’ouverture à l’autre et tarit la joie d’être reconnu comme l’on est.

Enfin, qui dit foi dit doute. Oser la confiance, c’est outrepasser le doute pour nous appuyer sur ceux qui croient en nous, afin d’intérioriser ces regards et devenir notre propre parent. S ‘aimer comme les autres nous aiment, ou comme nous aimons les autres. 

 

Geneviève de Taisne (psychanalyste) ; revue Panorama  (juin 2013)

Haut de page

Le pacte civique

"Penser, agir autrement en démocratie et inventer un futur désirable pour tous"

Un diagnostic

La crise que nous subissons nous fait prendre conscience des limites de la nature, de l’intérêt personnel, de l’accumulation des désirs et la multiplication des démesures. Pour en faire une opportunité de changement, il s'agit de mobiliser de nouveaux potentiels humains, mal reconnus, mais disponibles. Voilà pourquoi un Pacte civique est lancé pour élargir le débat et rassembler les énergies. Les forces humanistes, spirituelles et politiques doivent œuvrer ensemble pour améliorer la qualité de notre démocratie.

Une approche nouvelle du changement

Pour changer les mentalités, le Pacte civique privilégie quatre impératifs pour orienter l’action :
• la créativité pour donner du sens plutôt que pour gagner plus d’argent,
• la sobriété pour économiser les ressources, et distinguer l’essentiel du superflu,
• la justice pour assurer le respect des droits et le partage équitable des richesses,
• la fraternité pour renforcer nos solidarités et rehausser la qualité de notre démocratie.
Le Pacte civique relie trois formes de changements : changements des comportements personnels ; des modes de fonctionnements des organisations ; des régulations institutionnelles et politiques. Ces trois formes de changement se conditionnent mutuellement, aucune n’est suffisante à elle seule.

Une démarche fondée sur l'engagement et la coopération

Pour concrétiser cette volonté de changements individuels et collectifs, le collectif Pacte civique vous demande de répondre à leur appel à adhérer à 32 engagements exigeants, mais nécessaires pour avancer ensemble. Ces engagements nous demandent à la fois :
• d'être nous-mêmes le changement que nous voulons pour la société ;
• de promouvoir dans les organisations qui structurent la vie sociale, ensemble et à tous les niveaux, des pratiques de créativité, de sobriété, de justice et de fraternité démocratique ,
• de militer pour améliorer la qualité de notre démocratie pour renforcer les actions contre les inégalités, les exclusions et discriminations, les maltraitances, pour revivifier le vivre ensemble, pour rendre l’Union européenne plus démocratique, plus sociale et plus active à l'intérieur comme à l'extérieur.

Le Pacte civique s’adresse à toutes les organisations et à toutes celles et ceux qui sont prêts à coopérer pour améliorer notre vivre ensemble et notre démocratie. Si l'on adhère globalement à la démarche, chacun se centre sur les engagements auxquels il veut apporter sa contribution.
Des groupes thématiques et des groupes locaux se mettent en place pour favoriser les expérimentations et coopérations, ancrant sur les territoires la démarche du Pacte civique. Un collectif, assurant la coordination de la démarche, veille à favoriser l'implication de toutes les volontés et à l'évaluation des efforts accomplis afin de décider des suites à donner fin 2013.

Pour en savoir plus, cliquer

Haut de page

Engagement 

Le véritable engagement n’est pas l’obstination à réaliser  un projet coûte que coûte. Car les aléas de la vie, les prises de conscience, les rencontres conduisent de toutes manières à  le modifier, à le vivre autrement, voire à bifurquer sur des voies imprévues.

Le véritable engagement est celui d’une vie qui s’efforce d’entendre les exigences intérieures qui montent à la conscience. Elles ne coïncident pas forcément avec ce que l’autorité dit, avec ce que la loi déclare, avec ce que les habitudes sociales imposent.

Le véritable engagement  renvoie chacun au plus intime de lui-même, dans un souci de vérité et d’authenticité. Ce n’est pas un chemin de facilité  mais une voie exigeante.

Le véritable engagement d’une vie peut très bien s’allier à des changements extérieurs de parcours ; seule la personne concernée sait et peut dire ce qui fait l’unité de son existence.

Le véritable engagement est celui qui  se prend dans la lucidité, d’une manière responsable. Il ne craint pas  le qu’en dira-t-on, les reproches, les calomnies.

Le véritable engagement est libre des pressions extérieures et intérieures (dont la culpabilité). Sa source est la fidélité à sa conscience après mûre réflexion.

Le véritable engagement libère des schémas tout faits et appelle chacun  à tracer  sa voie personnelle et singulière qu’il est seul à identifier et choisir.

Le véritable engagement se reconnaît à la longue par ses fruits d’humanité et aussi par la paix et la joie intérieure.                                                                                                                                                                  

Jacques Musset

Haut de page

Sainte colère

 

« Quand l’eau déborde, les digues sont rompues … » prévient le proverbe.

La colère n’a pas bonne presse. « Heureux les doux » avons-nous entendu dans notre enfance. Pourtant, elle est là au creux de chacun d’entre nous. Nous la fuyons, la dénions, l’évitons ou la déguisons sous des bonnes actions, mais nous ne pouvons pas la nier : la colère fait partie de notre nature.

 

A-t-elle un rôle positif ou est-ce la bête tapie dont Dieu parle à Caïn ?

« Le processus de la colère, nous dit le psychanalyste Jacques Sédat, fait partie du processus d’individuation et de séparation. Elle permet à l’enfant d’acquérir la conscience de son individualité. » Alors, à eux ans, on veut bien la comprendre, mais ensuite ?

Au fil de ma pratique analytique, j’ai appris à aimer la colère, à l’écouter avec soin. En germe, dans tout lien affectif, elle exprime nos blessures les plus intimes, celles qui n’ont pu avoir les mots pour se dire.

Julie sanglote de rage : « Ma mère rentrait dans la salle de bain sans frapper. Quand elle me regardait, c’était insupportable. Si je lui disais de sortir, elle se moquait de moi. »

La colère est un signe. Elle nomme les abus de pouvoir face auxquels nous n’osons pas dire « non », l’indifférence ou l’humiliation.

Annick de Souzenelle dit d’elle : « La colère fait accéder l’humain à cette semence indestructible de vie en lui. » L’"en-deçà" de la colère est le repli, le non-investissement de soi, la dépression.

Reprenons ce que Dieu a dit à Caïn : « Lève ton visage et parle. »

Il ne lui dit pas d’étouffer sa colère, mais de la nommer. De mettre des mots sur la douleur. La laisser devenir violence, voilà la bête tapie.

Alors, oui, il y a une bonne colère, une sainte colère, celle qui vient nommer les injustices, les souffrances enfouies, subies. Celle qui dit le droit à exister aux yeux des autres, à avoir droit à son espace vital, à sa propre pensée. Elle est positive quand on prend le temps de l’entendre pour mettre des mots sur ce que l’on ressent, sur ce qu’elle nous dit de ce besoin en nous qui n’a pas été reconnu.

La colère est notre syndicat intérieur !

Ecoutons-le et soyons dans la divine douceur avec nous-mêmes.

 

Geneviève de Taisne, psychanalyste et enseignante

 

Haut de page

 

Le jour où je me suis aimé

Le jour où je me suis aimé pour de vrai, j’ai compris qu’en toutes circonstances, j’étais à la bonne place, au bon moment. Et alors, j’ai pu me relaxer. Aujourd’hui je sais que cela s’appelle… l’Estime de soi.

Le jour où je me suis aimé pour de vrai, j’ai pu percevoir que mon anxiété et ma souffrance émotionnelle n’étaient rien d’autre qu’un signal lorsque je vais à l’encontre de mes convictions. Aujourd’hui je sais que cela s’appelle… l’Authenticité.

Le jour où je me suis aimé pour de vrai, j’ai cessé de vouloir une vie différente et j’ai commencé à voir que tout ce qui m’arrive contribue à ma croissance personnelle. Aujourd’hui, je sais que cela s’appelle… la Maturité.

Le jour où je me suis aimé pour de vrai, j’ai commencé à percevoir l’abus dans le fait de forcer une situation ou une personne, dans le seul but d’obtenir ce que je veux, sachant très bien que ni la personne ni moi-même ne sommes prêts et que ce n’est pas le moment… Aujourd’hui, je sais que cela s’appelle… le Respect.

Le jour où je me suis aimé pour de vrai, j’ai commencé à me libérer de tout ce qui n’était pas salutaire, personnes, situations, tout ce qui baissait mon énergie. Au début, ma raison appelait cela de l’égoïsme. Aujourd’hui, je sais que cela s’appelle… l’Amour propre.

Le jour où je me suis aimé pour de vrai, j’ai cessé d’avoir peur du temps libre et j’ai arrêté de faire de grands plans, j’ai abandonné les méga-projets du futur. Aujourd’hui, je fais ce qui est correct, ce que j’aime quand cela me plait et à mon rythme. Aujourd’hui, je sais que cela s’appelle… la Simplicité.


Le jour où je me suis aimé pour de vrai, j’ai cessé de chercher à avoir toujours raison, et je me suis rendu compte de toutes les fois où je me suis trompé. Aujourd’hui, j’ai découvert … l’Humilité.

Le jour où je me suis aimé pour de vrai, j’ai cessé de revivre le passé et de me préoccuper de l’avenir. Aujourd’hui, je vis au présent, là où toute la vie se passe. Aujourd’hui, je vis une seule journée à la fois. Et cela s’appelle… la Plénitude.

Le jour où je me suis aimé pour de vrai, j’ai compris que ma tête pouvait me tromper et me décevoir. Mais si je la mets au service de mon cœur, elle devient une alliée très précieuse ! Tout ceci, c’est… le Savoir vivre.

Ken Mc Millen

 

 

Haut de page

 

 

Peut-on rester en communication avec les morts ?

         

 Il est mort, elle est morte ! Dans ma poitrine, c’est un trou béant… Est-ce que c’est fini pour toujours ? Est-ce la fin des relations, de la complicité d’une vie entière ? N’y a-t-il plus que le néant de l’absence ? Au moins, est-ce que la personne défunte m’entend ou peut lire mes pensées ?

          Depuis toujours, les humains se posent douloureusement cette question. Je n’ai pas la prétention d’y répondre, mais de résumer brièvement les traditions qui ont vu le jour sur cette planète. Elles se rejoignent toutes dans deux principales.

…          

 Interrogez autour de vous : les cas de personnes ayant ''vu'' des défunts, les ayant ''entendu'' ou ayant eu la sensation très forte de leur présence peu après leur mort sont innombrables – mais personne n’ose en parler, car c’est un tabou du christianisme.

          L’Orient semble avoir vu juste : pendant le Bardo – quelques jours – nos morts sont capables de signaler leur présence à ceux qui les ont aimés, et ils le font souvent, de façon très différente selon les récepteurs.

          S’ils doivent renaître, ce contact cesse : alors il y a, quelque part sur la planète, un nourrisson qui pleure devant la vie de souffrance qui s’offre à lui.

          S’ils n’ont plus besoin de renaître, ils restent en relation avec l’ensemble du cosmos – donc avec nous. Mais ils ne se manifestent plus ou rarement – peut-être pour ne pas intervenir dans notre combat pour la purification du karma, que nous sommes les seuls à pouvoir mener à son terme.

 

          Comment savoir si une personne très-aimée a repris naissance, ou bien si elle vit désormais pour toujours dans un autre espace-temps que le nôtre, mais reste attentive à chacune des secondes de notre existence ?

          Hélas, c’est impossible. Il faut nous contenter de l’espérance qu’elle n’a pas repris naissance après le Bardo. Et souhaiter que si, pour son malheur, elle a dû renaître, là où elle est, elle parviendra à positiver son karma pour cesser de souffrir, au terme de cette nouvelle vie qui s’ouvre devant elle.

 

Michel Benoit

 

Pour lire l'article dans son intégralité :

http://michelbenoit17.over-blog.com/article-peut-on-rester-en-communication-avec-les-morts-113323201.html

 

Haut de page

 

 

  Vive le marché !

Si vous voulez acheter un téléviseur, divers cas peuvent se présenter :

Si vous êtes très pauvre, eh bien c'est simple : vous vous en passez.

Si vous êtes pauvre, vous l'achetez à crédit, c'est-à-dire vous payez 30% plus cher.

Si vous êtes dans une honnête moyenne, vous le payez au prix marqué.

Si vous êtes riche, il y a bien dans vos relations quelqu'un qui pourra vous le faire avoir à 30 % moins cher.

Si vous êtes très riche, vraiment très riche, le fabricant se fera une joie de vous l'offrir.

 

Maurice Bellet

 

Haut de page

 

Une Belle leçon à intégrer !

Un anthropologue a proposé un jeu aux enfants d’une tribu africaine. Il a posé un panier plein de fruits près d'un arbre et il a dit aux enfants que celui qui arriverait le premier remporterait les fruits sucrés. Quand il leur a dit de courir, ils ont tous pris les mains les uns des autres et ont couru ensemble, puis il se sont assis ensemble, jouissant ainsi de leurs friandises. Quand il leur demanda pourquoi ils avaient couru comme ça, alors que l’un d’eux aurait pu avoir tous les fruits pour lui seul, ils ont dit: UBUNTU ! UBUNTU dans la culture Xhosa signifie: “Je suis parce que nous sommes."

 

Haut de page

 

 Prendre le temps

Comme tous les mouvements laïques l'observatoire chrétien de la laïcité souhaite la suppression du concordat en Alsace - Moselle et l'application à ces trois départements français de la loi de 1905. Nous l'avons fait savoir dans le communiqué de presse suivant :

« L'OCL (Observatoire Chrétien de la Laïcité) se félicite de la volonté de Mr François Hollande, s’il est élu président de la République, d'introduire les articles fondateurs de la Loi de 1905 sur la séparation de l’Eglise et de l’Etat dans la Constitution de la République Française, mais déplore l'information selon laquelle ce candidat se préparerait aussi à rendre constitutionnelle l'exception concordataire en Alsace-Moselle.

Ces exceptions, dues à des circonstances historiques particulières, n'ont plus de raison d'être aujourd’hui et doivent donc disparaître même si pour cela des négociations et des étapes peuvent s’avérer nécessaires.

L'OCL affirme que c'est la Loi de 1905 qui doit devenir la loi de l'ensemble de la République française »

Comme vous le savez l'OCL regroupe des associations qui font partie de la fédération des réseaux du Parvis : or un groupe important d'amis alsaciens et mosellans font partie de cette fédération. Certains de ces amis sont proches des idées de l'OCL, mais il faut aussi reconnaître qu'il y a aussi des réticences de la part de chrétiens alsaciens pourtant ouverts et progressistes. Il y a des raisons à ces réticences. Une raison fortement instrumentalisée par les partisans du maintien du statut quo, est que le statut local ne concerne pas que les cultes mais d'autres aspects importants de la vie sociale. Cet argument doit être considéré et des réponses claires apportées car il n'est pas impossible de séparer le problème concordataire des autres questions.

N'oublions pas que dans tous les autres départements français les religions sont de fait subventionnés plus ou moins directement : entretien des églises, réduction d’impôt pour le denier du culte, contrats des écoles, subventions aux associations, etc.. Une réflexion s'impose donc aussi aux associations laïques pour que les lois françaises soient clairement définies sur tout le territoire national et que nous nous interrogions sur les rapports parfois mal délimités entre culte et culture : opération qui est parfois assez difficile.

L'autre argument est que l'application brutale de la loi de 1905 provoquerait en Alsace-Moselle des conséquences financières et donc organisationnelles rudes et à certains égards difficiles à supporter pour des institutions religieuses qui jouent un rôle social important (sur les plans universitaires, humanitaires ou dans les associations de jeunes) et sont habituées à profiter de la manne gouvernementale. Notamment certaines personnes proches de nous par ailleurs m'ont demandé si j'étais prêt à demander la suppression des ressources (en fait les salaires) des prêtres, pasteurs et laïcs (chargés de famille pour partie) salariés dans le cadre du concordat. Il y aussi des propositions claires à faire dans ce domaine pour que des mesures transitoires soient envisagées.

Il nous est apparu que l'application de la loi de 1905 à ces trois département-qui ne sont pas actuellement dans l'illégalité mais dans une situation qui échappe à la République laïque que définit la constitution, dans la mesure où le bénéfice du concordat leur est actuellement reconnu par l'Etat français-demanderait pour le moins des échanges aboutissant à des propositions sur ces points et sans doute d'autres qui en m'apparaissent pas pour le moment Il faut donc prendre le temps nécessaire. Il en est de même dans d'autres territoires où ne s'applique pas la loi républicaine.

On ne saurait donc se contenter du mot d'ordre qui serait ressenti par les alsaciens et les mosellans comme un slogan provocateur et peu productif : abroger "sans autre forme de procès" comme dirait la Fontaine, le statut concordataire d'Alsace-Moselle.

Jean Riedinger, secrétaire de l'O.C.L.

Haut de page

Réorienter d’urgence l’agriculture française

 

Point de vue par Jacques Caplat, Pierre Rabhi, Jean-Jacques Boutrou, Marie-Paule Jammet et Jean Huet, Hugues Toussaint, Bob Brac de la Perrière, Xavier Bonvoisin…

 

Les crises sociales, environnementales, sanitaires et économiques que traverse notre société sont connues, mais leur dimension alimentaire et agricole n’est pas toujours mise en lumière : effets dramatiques et désormais irréfutables des pesticides dans la progression de nombreuses maladies (cancers, maladies neurodégénératives et auto-immunes, allergies, etc.), atteintes à l’environnement (destruction des paysages, pollution des eaux dont le coût de traitement risque d’exploser, érosion, appauvrissement des sols) et en particulier à la biodiversité dont les abeilles sont un témoin alarmant, contribution majeure de l’agriculture industrielle à l’effet de serre, déstructuration du tissu rural en France et en Europe, paupérisation des paysanneries au Nord comme au Sud, pénuries alimentaires apparentes (dues aux problèmes d’accès à la nourriture)…

Des décisions récentes risquent de renforcer les dégâts de cette agriculture déshumanisée : la loi sur les obtentions végétales votée en novembre 2011 interdit aux paysans de re-semer leur récolte et va renforcer la mainmise des multinationales sur les choix agricoles ; la modification des règles d’épandage de l’azote va augmenter les rejets des élevages hors-sols dans l’environnement des zones dites “sensibles” ; l’annulation de la “clause de sauvegarde” française sur les OGM et le délais pris avant l’adoption d’une nouvelle interdiction mettent directement en danger la production de miel en raison des contaminations prévisibles du pollen.

 

Pourtant, l’agriculture peut également être porteuse d’espoirs, à condition de changer en profondeur notre politique agricole, qui n’est actuellement ni durable, ni efficiente.

Les techniques alternatives de production agricole et de transformation alimentaire, et en particulier celles issues de l’agriculture biologique, prouvent chaque jour leur pertinence agronomique, économique, sociale et environnementale à l’échelle mondiale. Elles créent ou maintiennent des emplois ruraux, préservent les ressources en eau et la biodiversité, réduisent la dépendance énergétique des exploitations et réconcilient les cycles du carbone et de l’azote, évitent la dissémination de substances toxiques dans l’environnement et les aliments, remodèlent des paysages cohérents, ré-ancrent les entreprises agro-alimentaires dans les territoires, permettent aux populations de disposer de ressources alimentaires locales et accessibles (tant dans les pays du Nord que du Sud)…

 

Une agriculture biologique, paysanne et insérée dans un tissu économique local peut parfaitement nourrir l’humanité – et elle le fera sans détruire les moyens de production que sont la terre, l’eau, les semences et les humains. Il n’y aura pas de durabilité agricole sans durabilité environnementale. Par ailleurs, des initiatives citoyennes comme les AMAP (associations pour le maintien d’une agriculture paysanne) ou Terre de liens témoignent à la fois de l’inventivité maintenue de l’agriculture française, et de la volonté des citoyens de s’impliquer dans son évolution. Plus de 40 000 d’entre eux ont pu le démontrer récemment en participant aux campagnes de mobilisation “Osons la bio !” et “Développons l’agriculture biologique”.

Il n’est plus concevable de nier qu’une autre agriculture est possible, et il est temps pour les élu(e)s et pour les candidat(e)s aux élections de prendre conscience de la volonté des citoyens de se réapproprier collectivement les politiques agricoles, alimentaires et rurales, dans un objectif de souveraineté alimentaire, de respect du vivant et de vitalité des territoires. Pour paraphraser Clémenceau, “l’agriculture est une chose trop sérieuse pour être confiée aux seuls agriculteurs et à l’agro-industrie”.

 

Nous, organisations agricoles et rurales, associations de solidarité internationale, mouvements de l’éducation populaire, organisations de défense de l’environnement ou de la santé, réseaux de citoyens, demandons instamment aux candidats de s’engager à :

• réformer en profondeur la gouvernance de l’agriculture, afin que la société civile soit enfin associée à toutes les instances de décision agricole (CDOA, SAFER, Chambres d’Agriculture, etc.) ;

• mettre en œuvre les moyens nécessaires pour atteindre impérativement 20 % d’agriculture biologique en 2020 : formations agricoles, recherche agronomique, accompagnement technique, financier et humain des paysans en conversion vers la bio, soutien aux filières bio en construction, etc. ; • préparer la transition technique de l’ensemble des agriculteurs, notamment en réduisant de 50 % l’usage des produits phytosanitaires et en interdisant les plus polluants et rémanents ;

• faire de l’installation une priorité absolue face à l’actuel agrandissement continu des exploitations agricoles françaises, qui empêche les transmissions et met en danger le renouvellement des générations ;

• abroger la loi sur les semences du 28 novembre 2011 et la remplacer par une législation qui reconnaisse le rôle des paysans dans la sélection évolutive et conservatrice ;

• prendre toutes les mesures pour interdire les OGM sur le territoire français, de façon à protéger les pollinisateurs, les semences paysannes et les consommateurs ;

• défendre résolument une Politique Agricole Commune verte et solidaire, où toutes les aides inciteront au respect de l’environnement (avec des montants progressifs en fonction des pratiques) et à l’emploi agricole, et ne favoriseront pas des exportations portant préjudice aux paysans du Sud ;

• consacrer une part importante de “l’aide publique au développement” au soutien à l’agriculture familiale et biologique des pays du Sud ;

• créer, maintenir et renforcer des outils de gestion et de régulation des marchés agricoles, et lutter activement contre la spéculation sur les produits agricoles et alimentaires.

Les outils et dispositifs qui permettront d’atteindre 20 % des surfaces françaises en agriculture biologique sont les mêmes que ceux qui aideront l’ensemble des agriculteurs français à évoluer vers une meilleure intégration de l’environnement et de l’emploi rural… et qui aideront les paysanneries des pays en développement à construire leur nécessaire et urgente souveraineté alimentaire.

 

Contact presse : Jacques Caplat – Tél. 09 75 29 39 82

Source :  http://www.agirpourlenvironnement.org/communiques-presse/la-societe-civile-et-de-nombreux-mouvements-paysans-et-ruraux-demandent-un-3411

Haut de page

  Un jour viendra

Un jour viendra où les armes vous tomberont des mains à vous aussi !

Un jour viendra où la guerre paraîtra aussi absurde et sera aussi impossible entre Paris et Londres, entre Saint Petersburg et Berlin, entre Vienne et Turin, qu’elle semblerait absurde aujourd’hui entre Rouen et Amiens, entre Boston et Philadelphie.

Un jour viendra où vous France, vous Russie, vous Italie, vous Angleterre, vous Allemagne, vous toutes nations du continent, sans perdre vos qualités distinctes et votre glorieuse individualité, vous vous fondrez étroitement dans une unité supérieure, et vous constituerez la fraternité européenne …

Un jour viendra où il n’y aura plus d’autres champs de bataille que les marchés s’ouvrant au commerce et les esprits s’ouvrant aux idées. Un jour viendra où les boulets et les bombes seront remplacés par les votes, par le suffrage universel des peuples, par le vénérable arbitrage d’un grand sénat souverain qui sera à l’Europe ce que le parlement est à l’Angleterre …ce que l’assemblée législative est à la France !

Un jour viendra où l’on montrera les canons dans les musées …en s’étonnant que cela ait pu être !

Un jour viendra où l’on verra ces deux groupes immenses, les Etats Unis d’Amérique, les Etats Unis d’Europe, placés en face l’un de l’autre, se tendant la main par-dessus les mers, échangeant leurs produits, leur commerce, leur industrie, leurs arts, leurs génies … (…)

Et ce jour là, il ne faudra pas quatre cents ans pour l’amener car nous vivons dans un temps rapide. (…)

Victor HUGO

Discours d’ouverture du congrès de la Paix… 1849…

Haut de page

Peut-on sortir du nucléaire ?

 

 "Peut-on sortir du nucléaire ?" est une question  aussi vaine que "Peut-on abolir les privilèges ?". Non, nous ne le pouvions pas ; et pourtant, nous l’avons fait. Les seules questions valables sont donc les suivantes :  "Doit-on abolir les privilèges ?" ;  "Doit-on abolir la peine de mort ?"; "Doit-on interdire l’utilisation de l’énergie nucléaire ?".

 

La véritable question est celle de la légitimité de la politique nucléaire civil. Notre thèse est simple et claire : cette acceptabilité est nulle. Nulle, car on n’a pas le droit de prendre un risque aussi incommensurable que celui d’un accident nucléaire majeur à l’échelle du territoire national ; nulle, car on n’a pas le droit de léguer à la nation française future des déchets radioactifs de très longue vie, dont chacun ignore à ce jour s’il est possible d’en faire quelque chose de raisonnable (et dont tout porte même à croire que rien de raisonnable ne peut en être fait) ; nulle, car on n’a pas le droit de faire dépendre la nation française de l’importation de minerai  d’uranium situé pour l’essentiel dans des zones géopolitiquement instables. Nulle donc, car on n’a pas le droit de rendre les citoyens d’un Etat prétendument libre à ce point dépendants qu’en cas de crise majeure, non seulement ils n’auront plus ni éclairage, ni chauffage, mais qu’ils ne pourront même plus accéder aux informations officielles par le biais de la radio, de la télévision ou d’Internet. La politique nucléaire française, qui a poussé jusqu’à l’extrême l’expérience des moutons de Panurge vers le confort facile de la falaise dorée, n’a plus qu’une solution : accepter sa remise en cause radicale. Nier cela, ce serait nier l’exigence minimale du socle républicain, celui de la protection du territoire national et de ses membres.

Article de J-C Mathias, paru dans les "Cahiers de l’Entre-Deux-Mers" n°100

www.sortirdunucléaire.org

 

 

Haut de page

 

Jeunes migrants scolarisés sur l'agglomération de Nancy : deux exemples parmi d'autres

 

M (garçon), 12 ans, arrivé en France il y a 18 mois, élève en 6ème, logeant à l’hôtel dans la même chambre que ses deux sœurs, sans poste de télévision, sans connexion Internet, avec une petite table à « partager » entre eux pour faire les devoirs.

Premier devoir de SVT[1] à rendre la semaine suivante : Sujet très intéressant mais qui commence ainsi : « Allez sur Internet et connectez-vous pour obtenir la carte d’État-major à l’échelle X sur laquelle apparaît le collège ». Et toutes les questions suivantes font appel à la lecture de cette carte… En plus de la connexion Internet, il manque à M une aide (traducteur) pour saisir complètement et de façon précise l’intitulé des questions qui ne font pas toujours appel au langage courant….

Deuxième sujet de SVT, toujours à rendre la semaine suivante : Choisir un exemple d’activité de l’homme qui modifie son environnement en positif ou en négatif : construire un panneau d’informations explicatives sur ce sujet. Ballotté depuis sa naissance sur les routes de l’exil, M n’a jamais eu accès à l’information sur ces problèmes liés à l’activité humaine et à l’environnement dans une langue qu’il maîtrise parfaitement. Réchauffement climatique, effet de serre, pollutions en tout genre… il n’en avait jamais entendu parler auparavant.

Une aide à la maison serait nécessaire, mais il n’y a pas de maison, il y a un hôtel où l’accès est interdit à toute personne non-résidente.

 

D (fille), en France depuis environ 18 mois, élève de 3ème en juin 2011.

Problème de maths posé en devoir surveillé au collège : Monsieur X possède un jardin en forme de trapèze (un trapèze, elle sait ce que c’est, elle l’a vu en classe) qui comporte deux parties dont il est dit que l’une, rectangulaire est un potager et l’autre une pelouse. La question est de déterminer la position de la limite entre « la partie cultivée et le gazon pour que les deux soient égales ». Elle n’a pas su résoudre le problème et a eu 0 n’ayant pas compris que la partie cultivée, c’est le potager et que le gazon, c’est la pelouse. Une fois éliminé ce problème de vocabulaire, la solution était très vite fournie (et exacte).

D, russophone, avait choisi au collège le russe comme LV[2]2 de façon à concentrer ses efforts sur les autres matières. En fin de 3ème, elle est orientée vers un lycée professionnel en vue d’un bac pro comptabilité, et, mauvaise surprise à la rentrée, pour un bac pro, les deux langues vivantes obligatoires doivent être choisies parmi anglais, allemand, espagnol ou italien (nouvelle loi !). Elles doivent être enseignées de préférence dans l‘établissement sinon une formation par correspondance est autorisée, mais il faut s’assurer auprès du rectorat que l’on pourra passer la langue choisie.

Aucune formation n’est donc dispensée par le CNED[3] en russe LV2. Donc pour le bac pro, en avant pour l’échec.

Dans l’école de la République, des bonnes volontés existent, mais les difficultés des enfants des migrants ne sont pas toujours perçues et, à fortiori, les réflexions sur des solutions manquent.

Hélas, beaucoup d’enfants français de milieux défavorisés se heurtent aux mêmes problèmes.

 

Catherine TOSSER

 

1 Sciences de la Vie de la Terre

2 Langue vivante

3 Centre national d'enseignement à distance


Haut de page

 

  Médecine, religion et peur

 ou l'influence cachée des croyances,

En utilisant la métaphore de l'aimant et de la limaille de fer, Olivier Clerc montre que la médecine moderne, depuis Pasteur, s'est développée selon les mêmes "lignes de force" que la religion chrétienne, et plus particulièrement catholique, dont elle a adopté les croyances, les dogmes, les rites et pratiques, sous des formes à peine différentes, devenant ainsi une sorte de religion masquée :

- le médecin a pris la place du prêtre ;
- la recherche de la santé remplace la quête du salut ;
- l'espoir de l'immortalité (par clonage, manipulations génétiques, etc.) l'emporte sur l'attente de la vie éternelle ;
- la vaccination joue le même rôle initiatique que le baptême ;
- et un hypothétique vaccin universel sauvera demain l'humanité de toutes les maladies, comme le Sauveur a racheté tous les péchés du monde.

Le pouvoir médical est aujourd'hui allié à l'État, comme l'était hier l'Église. Les « charlatans » sont poursuivis comme les « hérétiques » d'autrefois, et le dogmatisme prévaut sur l'ouverture à des théories « pas catholiques ». Un même esprit de déresponsabilisation caractérise le discours médical actuel et les sermons du passé. L'homme est aujourd'hui aliéné de son corps comme hier de son âme. Il continue d'être manipulé par la peur et par des espoirs infantiles

 

Médecine, religion et peur par Olivier Clerc, Editions Jouvence.

http://www.olivierclerc.com

 

 

Haut de page

 

 

Le pauvre et l’hypocrite.

… La question de l’explosion de la pauvreté, est devenue un phénomène aussi banal que la rentrée des classes ou le passage de l’heure d’été à l’heure d’hiver. Jusqu’à quand va-t-on tolérer que les pays développés créent des pauvres à marche forcée, comme s’il s’agissait d’une fatalité maléfique ? En France, l’Institut national de la statistique relevait récemment que le nombre de pauvres avait franchi un nouveau record pour atteindre 8,2 millions de personnes. Faut-il se contenter de les envoyer aux Restos du cœur ou agir pour les sortir de l’engrenage de la misère de masse ?

Pleurer sur le sort des plus démunis sans passer les choix publics au tamis du jugement afin d’en évaluer les conséquences concrètes, c’est le comble de l’hypocrisie. Faire des « marchés » les juges suprêmes de la politique économique, laisser le capitalisme fou imposer sa loi, refuser de mettre les banques à la raison, puis verser une larme sur les retombées d’un tel jeu de massacre, c’est  tomber sous le coup du paradoxe de Bossuet qui disait : « Dieu se rit des hommes qui se plaignent des conséquences alors qu’ils en chérissent les causes. »

Au sein de l’élite, nombreux sont ceux qui espèrent ainsi reconstituer leur prestige moral à bon compte. Les bourgeois d’antan  avaient leurs pauvres, à qui ils versaient une pièce au sortir de la messe. Leurs descendants déduisent de leurs impôts les quelques sous versés aux associations humanitaires. L’histoire n’en est pas plus morale pour autant.

Jack DION (Marianne n° 753)

Haut de page

  Le meurtre de Ben Laden ; Quand un peuple fête la mort

Tard dans la soirée du 1er mai, le Président Obama déclare à la télévision : « Je suis en mesure d’annoncer aux Américains et au monde que les États-Unis ont mené une opération qui a tué Oussama Ben Laden. (…) Justice a été faite. Justice has been done. » Oui, mais quelle justice a été faite ? Le Président américain précise qu’il avait « autorisé une opération destinée à capturer Oussama Ben Laden et à le présenter devant la justice. »  Si tel était bien l’objectif recherché, alors l’opération conduite par les militaires des forces spéciales américaines a échoué. La mort de Ben Laden signifie au contraire qu’il ne rendra jamais compte de ses actes devant la justice. Ben Laden n’a pas été capturé, il a été tué. Il n’a pas été jugé, il a été exécuté. On nous dit que la photo de son cadavre est « atroce ». Son meurtre est un acte de violence, il n’est pas un acte de justice. La justice des hommes civilisés est un acte d’humanité et non de violence.

Il y a tout lieu de penser que l’objectif des Américains n’était pas de capturer Ben Laden, mais de le tuer. Détenir comme prisonnier le leader d’Al Quaïda aurait posé à l’État américain des problèmes ingérables. Et pouvait-il se permettre d’instruire le procès de Ben Laden devant un tribunal dont il aurait fait une tribune ? Tout compte fait, sa disparition l’arrange bien. Trop bien. Le 16 mars 2010, Eric Holder, le ministre de la Justice américain, avait  déclaré devant le Congrès qu’Oussama Ben Laden ne serait « jamais traduit devant un tribunal américain » parce qu’il serait tué au moment de son arrestation. « La réalité, avait précisé le ministre, est qu’on lira ses droits au cadavre d’Oussama Ben Laden. »

La mort de Ben Laden correspond à une certaine logique, mais c’est seulement la logique de la vengeance. Ce n’est pas la justice qui a été faite, mais la vengeance. Quelle autre motivation à ce meurtre que la seule recherche de la vengeance ? Quel autre bénéfice le peuple américain peut-il espérer de cette mort que la satisfaction de son désir de vengeance ? Quand la plus grande puissance militaire du monde tue un homme désarmé qui vit dans une maison de campagne, où est le progrès de la justice ? Où le progrès de la liberté ? Où celui des droits de l’Homme ? Où l’avancée de la civilisation ? Où celle de la paix ? Où celle de la démocratie ? Tuer un homme, ce n’est pas défendre une cause, c’est tuer un homme.

L’immersion en mer du corps de Ben Laden, quelles que soient les précautions qui ont pu être prises, est non seulement contraire aux règles de l’islam, elle est contraire aux lois de l’humanité. Comme si le meurtre de l’ennemi ne suffisait pas et qu’il fallait pourvoir à son anéantissement.

Certes, nul ne peut avoir oublié l’horreur des attentats du 11 septembre 2001 qui a traumatisé le peuple américain. Ben Laden, comme l’a souligné Barack Obama, était « responsable du meurtre de milliers d’hommes, de femmes et d’enfants innocents ». Mais en quoi le meurtre de Ben Laden rend-il justice aux victimes et à leurs familles ?  Ce meurtre ne satisfait que la justice archaïque de la loi du talion dont la caractéristique est précisément de redoubler la violence. Ce meurtre ne fait que banaliser la mort.

Certes, le terrorisme islamiste fait peser une réelle menace sur les démocraties et celles-ci ont le droit et le devoir de se défendre. Mais le meurtre de Ben Laden mérite-t-il d’être salué comme une grande victoire de la démocratie sur le terrorisme ? Est-il de nature à renforcer la sécurité des démocraties ? Rien n’est moins sûr. L’élimination de Ben Laden ne saurait affaiblir l’idéologie du terrorisme. D’aucuns vont certainement vouloir venger la mort de celui qui a été martyrisé. Point n’est besoin d’être un grand expert pour penser qu’une radicalisation des réseaux terroristes est fort probable et que, de ce fait, les risques d’attentats sont accrus. Là encore, tout cela est conforme à la logique de la violence.

Aussitôt, peu après minuit, de Washington à New York des milliers d’Américains sont descendus dans la rue et se sont rassemblés pour fêter cette mort comme on fête une magnifique victoire. La télévision américaine nous a montré des images de foules en liesse chantant et dansant pour hurler leur joie. « USA, USA ! », criaient en riant à gorge déployée ces femmes et ces hommes pour exprimer leur fierté d’être Américains.

En France, tous ceux qui s’appliquent à tenir un langage politiquement correct  ont affirmé qu’ils se réjouissaient de la mort de Ben Laden qui signifiait à leurs yeux une victoire de la démocratie sur le  terrorisme. Tous semblent s’accorder avec le communiqué publié le 2 mai par la Présidence de la République française : « Justice est faite ». Et tous semblent se satisfaire de cette justice expéditive.

Certes, il suffit  d’un peu de psychologie pour comprendre la satisfaction et le soulagement ressentis par ceux-là mêmes qui ont été douloureusement meurtris par les agissements criminels de Ben Laden. C’est « humain », « bien humain ». Mais cette compréhension compatissante ne saurait venir donner raison aux manifestations exorbitantes qui ont eu lieu. La décence aurait voulu que cette satisfaction soit retenue au lieu qu’elle laisse place à une explosion débridée de jouissance. En  ces circonstances, il faut nous ressouvenir des paroles d’humanité du poète : « Seul le silence est grand ; tout le reste est faiblesse… » Si j’osais, j’ajouterais : danser, chanter, crier, est également lâche…

Comment l’homme peut-il fêter la mort en criant de joie ? Ne faut-il pas pour cela que la violence soit profondément ancrée dans son cœur et dans son esprit ? Ne faut-il pas pour cela que la violence ait détruit toute une part de l’humanité en lui ? Comment l’homme peut-il respecter l’humanité en lui s’il ne respecte pas l’humanité en l’autre, fut-il son pire ennemi ? Le sang de l’ennemi est toujours le sang de l’humanité. Le meurtre est toujours un échec, un drame et un malheur. La tragédie de la violence c’est précisément qu’elle enferme chacun des deux adversaires dans un engrenage où l’un et l’autre finissent par perdre le sens sacré de la vie. Chacun reste prisonnier de la logique de la violence qui est une logique de mort.

Jean-Marie Muller, Philosophe et écrivain. porte parole du Mouvement pour une Alternative Non-violente ( MAN : www.nonviolence.fr

Haut de page

 

Indignez-vous

 

"Le motif de base de la Résistance était l'indignation. Nous, vétérans des mouvements de résistance et des forces combattantes de la France libre, nous appelons les jeunes générations à faire vivre, transmettre l'héritage de la Résistance et ses idéaux. Nous leur disons : prenez le relais, indignez-vous ! Les responsables politiques, économiques , intellectuels et l'ensemble de la société ne doivent pas démissionner, ni se laisser impressionner par l'actuelle dictature internationale des marchés financiers qui menace la paix et la démocratie.

Je vous souhaite à tous, à chacun d'entre vous, d'avoir votre motif d'indignation. C'est précieux. Quand quelque chose vous indigne come j'ai été indigné par le nazisme, alors on devient militant, fort et engagé. On rejoint le courant de l'histoire et le grand courant de l'histoire doit se poursuivre grâce à chacun. Et ce courant va vers plus de justice, plus de liberté ..."

 

Tiré de "Indignez-vous" par Stephan HESSEL Editions Indigène

 Ancien déporté et résistant, ancien ambassadeur, co-rédacteur de la Déclaration Universelle des Droits de l'homme, Stéphan Hessel a 93 ans.

 

Indignations :

"L'injustice, en particulier dans le choix des hommes. Et l'utilisation quasi éhontée, quotidienne, du mensonge." Général J. L. Georgelin;
 

"La souffrance en général, et plus particulièrement celle des enfants. L'injustice ... La trahison .... La désinvolture ... " J. C. Casadesus;
 

"Ce qui m'indigne, c'est que l'école ne joue plus son rôle d'ascenseur social." M. Erra;

 

"Je suis indigné que l'on puisse faire fortune en faisant de la politique". Marc Blondel;
 

"Je suis horrifié par les dégâts que le trio industrie agroalimentaire - grande distribution - publicité commet sur notre agriculture paysanne et notre artisanat". Y Camdeborde, cuisinier;
 

"Je suis indigné que, dans un pays comme la France, on puisse mourir de froid dans la rue". C Féral-Schuhl;
 

"Penser que les parents sont responsables de la pathologie de leur enfant, les rendre coupable de leur maladie." A. Kidjo;

 

Et vous, qu'est-ce qui vous indigne ?

Pour participer, cliquer :

 

Haut de page

 

  C’est quoi, être pauvre ?

La pauvreté est une question de revenus, mais aussi de conditions de vie. Si être pauvre, c’est être victime de privations, quelles sont celles que les Français jugent "inacceptables" ?

Quelles sont les privations qui sont jugées les plus acceptables et celles qui sont inacceptables ? " Le consensus n’est net que sur un petit nombre de privations, témoignant d’une vision restrictive de la pauvreté limitée aux privations alimentaires sévères, aux manques fonctionnels relatifs à l’habillement, à la très mauvaise qualité du logement et aux difficultés à se soigner ", expliquent les auteurs d’une étude réalisée à partir de l’enquête " Standards de vie " de l’Insee menée en janvier 2006 auprès de 5 900 personnes.

Logiquement, l’accès des enfants à ces éléments de base est largement perçu comme une nécessité : 90 % des personnes interrogées jugent inacceptable de " ne pas pouvoir payer à ses enfants des vêtements et des chaussures à leur taille ", 89 % de " ne pas pouvoir payer des appareils dentaires à ses enfants " et 86 % de " ne pas avoir assez de rechange pour envoyer ses enfants à l’école avec des vêtements toujours propres ". Pour l’ensemble de la population, " se priver régulièrement d’un repas plusieurs fois par semaine ", " être obligé de vivre dans un logement sans eau chaude ", " ne pas pouvoir se payer de prothèses auditives " sont les items jugés les plus inacceptables.

A l’opposé, tout ce qui relève du loisir, des communications ou des nouvelles technologies n’est pas jugé le plus souvent comme indispensable. Ainsi, 3 % seulement des personnes interrogées pensent qu’on ne peut se passer d’un lecteur de DVD, 4 % d’un lave-vaisselle et 7 % d’un téléphone mobile.

Source : Observatoire des inégalités; Pour en savoir plus, cliquer 

Haut de page

L’urgence de délégitimer l’arme nucléaire

…      Le 8 août 1945, deux jours après l’explosion de la bombe atomique sur Hiroshima, un jour avant qu’une seconde bombe ne soit lancée sur Nagasaki, Albert Camus publie dans Combat un article dans lequel il s’indigne des « commentaires enthousiastes » qui saluent cette performance technologique. Une telle célébration lui paraît indécente. Il résume son commentaire d’une phrase : « La civilisation mécanique vient de parvenir à son dernier degré de sauvagerie. »

…     Ne nous y trompons pas : l’enjeu de l’arme nucléaire n’est pas d’abord militaire ; il est moral, il est politique et, en premier lieu, il est spirituel. Il est existentiel. Il ne s’agit pas d’abord de savoir par quels moyens nous devons défendre notre société, mais de savoir quelle société nous voulons défendre. Il s’agit de savoir quelles valeurs donnent sens à notre existence et à l’aventure humaine, et pour la défense desquelles il convient que nous prenions des risques. La menace de l’arme nucléaire, qui implique par elle-même le consentement au meurtre de millions d’innocents, est le reniement de toutes les valeurs d’humanité qui fondent notre civilisation. Par la préméditation du meurtre nucléaire, nous avons déjà nié les valeurs que nous prétendons défendre. Comment pourrions-nous, sans nier la dignité  de l’humanité de l’homme, consentir au meurtre nucléaire ?

Le caractère criminel de l’emploi de l’arme nucléaire a été clairement dénoncé par la résolution de l’ONU du 24 novembre 1961. L’Assemblée Générale déclare : « Tout État qui emploie des armes nucléaires et thermonucléaires doit être considéré comme violant la Charte des Nations Unies, agissant au mépris des lois de l’Humanité et commettant un crime contre l’Humanité et la civilisation. » Vous conviendrez que la condamnation est sans appel. Face à la possibilité du crime nucléaire, l’humanité est sommée de se réveiller de son inconscience et de résister à sa barbarie intérieure. L’humanité, c’est-à-dire chacun de nous. Dès lors, ne sommes-nous pas mis au défi de défendre l’Humanité et la civilisation contre le crime nucléaire ? 

…. Par son consentement au meurtre nucléaire, l’homme nie et renie la transcendance de son être spirituel. Par cet assentiment, il « perd son âme », comme on disait naguère. En refusant de rendre un culte idolâtre à l’arme nucléaire, l’homme redevient maître de son propre destin et il lui est alors possible de recouvrer sa part de transcendance.

…. Dans la société laïque et républicaine qui est la nôtre, vous avez encore le rare privilège de pouvoir faire entendre votre voix dans la cacophonie des bruits médiatiques qui asphyxient notre démocratie. Dès lors, n’est-il pas de votre responsabilité de faire écho à la voix du jeune prophète de Nazareth qui, il y a quelque deux mille ans, a délégitimé toute violence, a demandé à ses amis de ne pas résister au mal en imitant le méchant et de remettre leur épée au fourreau ? Durant toute sa vie, avec une liberté magnifique, il a osé défier le pouvoir des puissants. Vous savez qu’il en est mort. Il eut la sagesse d’abroger la loi du talion qui continue pourtant d’être la règle de conduite des États nucléaires dont les menaces réciproques font peser sur l’humanité tout entière le risque de l’anéantissement.

Je ne sais pas si nous sommes encore beaucoup à attendre de vous que vous fassiez écho aux paroles de compassion, de douceur, de justice et de paix que le Nazaréen fit entendre sur la Montagne des Béatitudes… Mais si vous en aviez l’audace, alors soyez sûrs que, dans ce monde malade de la violence à en mourir, ils seraient nombreux, très nombreux, parmi celles et ceux qui sont sans voix, qu’ils croient au ciel, qu’ils n‘y croient pas ou qu’ils y croient mal, à se réjouir de vous entendre parler haut et fort pour délégitimer l’arme nucléaire. Dans ce monde enténébré, vous auriez contribué à entretenir la petite flamme fragile de l’espérance. 

                                          Le  28 novembre 2010

Extraits de la lettre ouverte adressée aux évêques de France par Jean-Marie MULLER                        

Pour avoir la lettre intégrale, cliquer

 

Haut de page

 

  Bohémiens et bourgeois 

Je me suis pâmé, il y a huit jours, devant un campement de Bohémiens qui s’étaient établis à Rouen. Voilà la troisième fois que j’en vois. Et toujours avec un nouveau plaisir. L’admirable, c’est qu’ils excitaient la Haine des bourgeois, bien qu’inoffensifs comme des moutons. Je me suis fait très mal de voir de la foule en leur donnant quelques sols. Et j’ai entendu de jolis mots à la Prudhomme. Cette haine-là tient à quelque chose de très profond et de complexe. On la retrouve chez tous les gens d’ordre. C’est la haine qu’on porte au Bédouin, à l’Hérétique, au Philosophe, au solitaire, au poète. Et il y a de la peur dans cette haine. Moi qui suis toujours pour  les minorités, elle m’exaspère. Du jour où je ne serai plus indigné, je tomberai à plat, comme une poupée à qui on retire son bâton.

            Gustave Flaubert le 12 juin 1867

Haut de page

L’euthanasie - un instrument de gouvernement ?

 

Dès qu’il dépasse 60/65 ans, l’homme vit plus longtemps qu’il ne produit et il coûte alors cher à la société ; il est bien préférable que la machine humaine s’arrête brutalement, plutôt qu’elle ne se détériore progressivement.

On pourrait accepter l’idée d’allongement de l’espérance de vie à condition de rendre les vieux solvables et de créer ainsi un marché.

Je crois que dans la logique même du système industriel dans lequel nous nous trouvons, l’allongement de la durée de la vie n’est plus un objectif souhaité par la logique du pouvoir.

L’euthanasie sera un des instruments essentiels de nos sociétés futures dans tous les cas de figure. Dans une logique socialiste, pour commencer, le problème se pose comme suit : la logique socialiste c’est la liberté, et la liberté fondamentale c’est le suicide ; en conséquence, le droit au suicide direct ou indirect est donc une valeur absolue dans ce type de société.

L’euthanasie deviendra un instrument essentiel de gouvernement.

 

Extraits de L’homme nomade, Jacques ATTALI ; Ed. Le Livre de Poche, 2005 – 

Publié Par CITE et CULTURE :

http://www.citeetculture.com/article-attali-pour-l-euthanasie-a-62-ans-57318950.html

 

NDLR : Quelles réactions, quels frissons vous inspirent cette froide proposition d'un notable de notre temps ?

N'hésitez pas à nous les transmettre en cliquant :

 

Haut de page

 

  Comment fabriquer des boucs émissaires ?

Lorsque l’institution faillit ...

7 juillet 2010, 17h25, Gare de l’Est. Je m’installe dans le TGV qui doit me ramener à Strasbourg. La voix quelque peu métallique qui devrait nous annoncer, par le biais du micro, un départ imminent, diffuse alors un message plus inattendu : « Mesdames et messieurs, des Roumains se sont introduits dans le train. Veuillez prendre garde à vos bagages… » Je sursaute, et observe autour de moi : aucune réaction, si ce n’est quelques passagers qui mettent leur serviette en sécurité.

Ce petit incident, trop vite oublié, m’inspire les réflexions suivantes. L’éthique sociale est provoquée lorsque, comme le dit Paul Ricoeur, les institutions Ne sont pas « justes ». Le troisième terme de sa définition de l’éthique (« …dans des institutions justes ») est ici mis à mal : la parole officielle des régulations sociales dans l’espace public a failli à sa mission. À l’intersection des relations courtes de l’éthique interpersonnelle et des relations longues du politique, l’institution, qui, comme on le sait, est composée d’individus, a manqué à son devoir de prudence et d’égalité.

Le mécanisme du bouc émissaire est à l’œuvre dès lors qu’une personne ou une communauté se trouve stigmatisée, non pour ce qu’elle a fait mais pour ce qu’elle est. René Girard a clairement montré que ce phénomène multiséculaire et inconscient a pour effet, sinon pour fonction, d’unifier le groupe majoritaire lorsque celui-ci est parcouru de tensions internes. Les rivalités mimétiques qui menacent l’équilibre social ne trouvent leur dépassement (toujours provisoire) que dans une forme sacrificielle d’exclusion d’une « victime émissaire », choisie sur une base purement arbitraire.

Le processus d’imposition d’une idéologie délétère et de persécution d’une minorité ne peut se déployer que grâce au consentement tacite des citoyens. La Boétie le disait déjà en son temps : aucun pouvoir, même le plus tyrannique, ne pourrait s’exercer sans la servitude volontaire de la population. En l’occurrence, la passivité des passagers (et la mienne en premier !) ne laisse pas d’étonner. Cela semble bien indiquer que, conformément aux analyses de Noam Chomsky et Edward S. Herman, le consentement se fabrique selon des procédures précises, subtiles et redoutablement efficientes.

Enfin, l’incident du 7 juillet m’incite à penser les limites de l’arbitraire. Si la voix avait indiqué que « des Noirs » ou « des Juifs » s’étaient introduits dans le train, Il y aurait eu à l’évidence des protestations indignées. Or, nous savons qu’une telle stigmatisation était courante, sans pratiquement aucune réaction de la part de la population, dans d’autres pays que le nôtre et même en France, il n’y a pas si longtemps que cela. La relativité de ce qui fait scandale à nos yeux devrait nous conduire à interroger les compensations secondaires que nous prodigue, ou non, le consentement à l’arbitraire. L’approche psychanalytique, proposée par exemple par Thierry de Saussure, pourrait à cet égard s’avérer précieuse, pour analyser, comprendre et surmonter l’ambivalence de notre rapport à l’étrange étranger. C’est dire tout l’intérêt d’une réflexion éthique largement interdisciplinaire, susceptible de nourrir notre responsabilité et notre engagement citoyens.

Frédéric Rognon - Membre du CEERE - Professeur de philosophie - Faculté de théologie Protestante - Université de Strasbourg. (Tiré de la revue de la Faculté de Théologie de Strasbourg)

Haut de page

 

L'Eglise et l'Etat, vieux débat

Dans l'Est Républicain du 24 août un article intitulé « L'Eglise et l'Etat, vieux débat», soulève la question de la séparation de l'Eglise et de l'Etat à l'occasion des prises de position hostiles de la hiérarchie catholique -entre autres- à l'égard de la politique gouvernementale à l'égard des Roms.
Pour permettre à chacun de se décider en conscience, il me semble utile de rappeler quelques principes de base de ce qu'est une société laïque et démocratique.
La séparation de l'Eglise et de l'Etat a mis heureusement fin, en France, en 1905, à la politique concordataire qui consistait à reconnaître deux pouvoirs de nature politique , l'un temporel (celui de l'Etat et de ses institutions ) l'autre spirituel voire divin (celui de L'Eglise ou des institutions religieuses en général) et à institutionnaliser leur collaboration et leur instrumentalisation réciproque ( alliance
parfois conflictuelle d'ailleurs du trône et de l'autel). La laïcité consiste à ne reconnaître l'autorité politique qu'à l'Etat et aux collectivités publiques démocratique. C'est la base même de la démocratie. Les religions et autres associations de conviction doivent être exclues en tant que telles de l'exercice du pouvoir. Elles ne peuvent revendiquer d'autorité que sur les personnes qui reconnaissent librement cette autorité.
On notera au passage que l'exercice de cette autorité interne à l'institution religieuse reste pour le moins problématique dans le cadre d 'une Eglise catholique aux structures hiérarchique voire monarchiques et qui ne respecte pas en son sein certains droits humains, notamment ceux des femmes. Il est symptomatique à cet égard que le langage courant lorsque l'on parle des positions de l'Eglise désigne les prises de parole de la seule hiérarchie: évêques et-ou Pape.
La laïcité proclame la liberté de conscience personnelle. Les religions n'ont pas à revendiquer au nom d'une vérité qu'elles affirment transcendante le droit d'imposer à tous des décisions politiques qui relèvent en dernier ressort de la volonté des citoyens. Ceux ci doivent avoir juridiquement l'entière liberté de décider de leur choix de vie et donc de leur choix politique, dans le respect des lois démocratiquement élaborées, quelle que soient leur conviction religieuse ou philosophique.
Cela dit il est non moins évident qu'en démocratie toutes les convictions personnelles ou partagées dans des associations, organisations, institutions de toute nature ont le droit de s'exprimer. Il n'y a donc aucune atteinte à la laïcité quand des groupes de croyants ou des associations agnostiques s'expriment collectivement y compris sur tel ou tel aspect de la politique gouvernementale. Jean Luc Mélanchon sur ce point est à la fois laïque et démocrate, ce qui devrait être une tautologie, quand il affirme « ne pas être hostile au fait que des religieux s'expriment ». Il va de soi que tous
les citoyens ont aussi de ce fait le droit de dire leur accord ou leur désaccord avec les expressions en question. Dans une société pluraliste et multiconvictionnelle telle que la nôtre la laïcité est à l'évidence le seul moyen juridique de vivre ensemble et d'éviter les ghettos communautaristes ou les tentatives de prise du pouvoir par des idéologies absolutistes voire totalitaires, religieuses ou non.              

Jean Riedinger secrétaire national de l'Observatoire Chrétien de la Laïcité.

 

Haut de page

 

  La campagne BDS

Le collectif nancéien* contre la guerre et pour une paix juste et durable au Proche et Moyen Orient a décidé de relayer la campagne « N’achetons pas les produits de la colonisation du peuple palestinien, Boycott Désinvestissement Sanctions (BDS) ». Elle s’inscrit dans le combat pour l’application des résolutions des Nations Unies au Proche-Orient et pour une paix négociée établissant un Etat palestinien aux côtés de l’Etat d’Israël, dans des frontières sûres et reconnues, celles de 1967, avec Jérusalem-Est comme capitale.

Le collectif appelle sur cette base à la solidarité avec les forces progressistes palestiniennes et israéliennes engagées dans ce combat non-violent.

Qu’est-ce que la campagne BDS ?

B…comme Boycott des produits en provenance des colonies illégales dans les Territoires Palestiniens occupés.

D…comme Désinvestissement du capital des entreprises israéliennes ou internationales qui participent à la colonisation des Territoires Palestiniens occupés (y compris Jérusalem-Est) et à la destruction du patrimoine ou des infrastructures palestiniens, par la fourniture de matériel ou de technologies servant dans l’industrie israélienne d’armement ou par le biais de financements.

S…comme Sanctions, en particulier suspension de l’accord d’association entre l’Union Européenne et Israël, jugement par des tribunaux internationaux  appropriés des responsables de crimes de guerre et crimes contre l’humanité.

* Il réunit 13 organisations, associations  et partis politiques

 

Pour en savoir plus et participer à la campagne

 

Haut de page

 

  Le sens des valeurs, l’esprit d’entreprise

par Nicolas G. Hayek, le patron de la Swatch Group

Né au Liban en 1928 et agé maintenant de 82 ans, à la tête du plus important groupe horloger du monde, avec 25 000 employés, N. G. Hayek, d’origine libanaise et marié à une descendante d’huguenots français, a été interviewé sur son éthique de chef d’entreprise par le mensuel de l’Eglise protestante vaudoise, “Bonne Nouvelle ” (paru en mai 2010, Cahier La Côte, La Morges, Suisse). Il se révolta contre la croyance en Dieu à l’âge de 12 ans car il n’existe aucune preuve de l’existence de Dieu ; puis, maintenant, de nouveau il croit en Dieu car “ il n’y a pas d’autre possibilité de comprendre la création de ce monde ”.

“ Je suis un passager à bord d’un vaisseau spatial qui s’appelle la planète Terre. Lorsque je vois que ce vaisseau spatial est menacé par des gens qui veulent y faire des trous ou le détruire, j’interviens. Je saute immédiatement de mon siège pour aller aider à réparer les dégâts, avec mes moyens et avec d’autres passagers. Ensuite, lorsque c’est terminé, je reviens m’asseoir à ma place ” (allusion à l’Exposition nationale de 2002 où le Conseil fédéral a fait appel à lui). Il se définit comme un homme d’action et non de pouvoir : “ Je suis un homme d’action. Mais la politique, non … Toute ma vie, j’ai été un serviteur de la communauté ”

Bien que riche, il préfère vivre sobrement : “ Je suis un chef d’entreprise parmi les plus riches de Suisse. Je n’ai pas d’avion privé, je ne dépense pas l’argent des actionnaires, je refuse d’encaisser les salaires trois fois plus élevés que les autres empochent. Je traite mes employés comme mes amis. Lorsqu’il y a une crise, je ne renvoie pas le personnel, je les garde tous. Cela nous a coûté 150 millions de francs de plus de salaires. C’est pour cela que je suis crédible. ”. “ (…) J’ai créé des richesses avec des artisans suisses, avec les qualités suisses, avec la précision suisse, avec l’honnêteté suisse. Car il y a beaucoup de Suisses honnêtes. Nous ne sommes pas tous des gangsters, comme trop de gens le pensent. Même si nous devons reconnaître que certains de nos banquiers se sont conduits comme des gangsters ”. “ Si je dis quelque chose aux jeunes, c’est de ne pas planifier leur vie uniquement dans le but de devenir riches, en jouant à la Bourse. Il faut avoir l’esprit d’entreprise, créer des choses nouvelles, servir tout le monde. Cela donne beaucoup de plaisir ”. 

Le mécénat ? Il a lancé Belenos, une entreprise pour le développement d’énergies propres, avec le Groupe E, la Deutsche Bank, George Clonney, l’Ecole Ammann – “ Je dépense une partie de ma fortune pour ce genre de chose ”. 

Pour en savoir plus, un livre : “ Au-delà de la saga Swatch. Entretiens d’un authentique entrepreneur avec Friedemann Bartu ”, éditions Albin Michel : et le site de son groupe www.swatchgroup.ch

Tiré de Correspondance unitarienne n° 106, août 2010

http://labesacedesunitariens.over-blog.com

Haut de page

 

  L'Eglise et Sœur Sourire

Nombreux sont celles et ceux qui se souviennent de Sœur Sourire. Son nom était déjà comme un rayon de soleil. Ses chansons à la guitare, Dominique … nique … nique, Fleur de cactus, et beaucoup d’autres, ont animé pendant des années les rassemblements de jeunes chrétiens. Elle était sœur dominicaine et chantait, au début, pour les jeunes filles venues en retraite, dans son couvent. Quand son premier disque fut épuisé, et qu’il s’avéra un succès également au niveau des ventes, sa supérieure l’encouragea à en produire d’autres, et lui fit en même temps signer un contrat, qui en attribuait, d’office et sans restriction, les bénéfices à son ordre. Quelques années plus tard, alors que la contestation gagnait aussi les couvents, sœur Sourire décida de quitter la communauté et de vivre une vie laïque. Elle avait une amie qui partageait ses objectifs. Elles aimaient la transparence. Elles ne cachèrent pas leur relation homosexuelle. La supérieure et son couvent la rejetèrent, bien sûr, mais gardèrent le bénéfice de la vente des disques. Et quand il se fut agi de payer les contributions sur ces bénéfices, les sœurs répondirent à l’Etat de s’adresser aux intéressées. Celles-ci travaillèrent avec acharnement, mais ne parvinrent pas à faire face aux huissiers. Epuisées, déconsidérées, méprisées, et finalement dégoutées, elles décidèrent de mettre fin à leurs jours. On retrouva leurs deux corps sans vie, dans la petite maison qu’elles habitaient, au sein d’un quartier ouvrier. Je n’ai aucune envie d’ajouter un commentaire.

Jacques MEURICE  (tiré de "Adieu l’Eglise" Editions L’Harmattan)

Haut de page

  Matin Magique

«Je suis amoureuse de ce qui est, non parce que je suis une personne spirituelle, mais parce que cela me fait du mal quand je conteste la réalité. Nous pouvons savoir que la réalité est bonne telle qu’elle est, parce que lorsque nous la contestons, nous faisons l’expérience de la tension et de la frustration. Nous ne nous sentons alors ni naturels ni équilibrés. Lorsque nous cessons de contester la réalité, l’action devient simple, fluide, bienveillante et sans peur.»
– Byron Katie, extrait de Aimer ce qui est

Si je vous dis que vous êtes absolument parfait tel que vous êtes, quelle est votre première réaction?

Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais il semble que la perspective de nous aimer ou d’aimer notre vie telle qu’elle est nous effraie. Personne n’aime être insatisfait, personne n’aime être frustré et se sentir limité... Or, bien que l’on aspire tous à vivre un bonheur profond et complet, on est les premiers à l’étouffer en cultivant des «je devrais» et des «il aurait dû» qui entrent en conflit avec la réalité. On déplore la peur et la douleur, mais on compte sur celles-ci pour nous amener à changer...

Question du jour: Qui serions-nous sans cette drôle d’idée? Et si on n’avait pas besoin de rejeter et de juger une chose pour la changer? Et si le meilleur carburant était non pas l’insatisfaction, mais un doux mélange de gratitude et de sérénité? Je peux me tromper, mais j’observe que le fait d’aimer notre vie telle qu’elle est – exactement telle qu’elle est – l’aide en fait à se transformer en une version encore plus belle, encore plus magique, encore plus appropriée...

Il n’est pas question de ne rien faire et de ne rien changer, mais d’effectuer les changements dans la paix plutôt que dans le jugement. On n’abandonne pas vraiment notre idéal, en réalité... On abandonne notre guerre contre le moment présent.

Si on carbure au stress, à la peur ou au dégoût, on crée du stress, de la peur et du dégoût – même si notre intention est de nous en libérer. Si on carbure à l’amour, on crée différentes manifestation d’amour et on ouvre les portes à travers lesquelles il pourra se manifester. Voilà le vrai sens de «semer ce qu’on veut récolter»...

Sur ce, je vous souhaite une magnifique journée! Et merci de partager la magie en si grand nombre!

Marie Pier

http://www.MatinMagique.com

Haut de page

 

  La Cimade nous invite : http://www.cimade.org/

« Il n’y a pas d’étrangers sur cette terre ! »

2010 : une année d'actions offensives et déterminées pour construire une société plus juste

Depuis le 1er janvier 2010, de nombreux équipiers de La Cimade ont dû quitter la moitié des centres de rétention au sein desquels La Cimade intervenait depuis 25 ans. C'est l'issue d'un long bras de fer initié par le Gouvernement depuis fin 2007 pour affaiblir la capacité des associations à défendre efficacement les droits des étrangers et à s'exprimer publiquement sur les dégâts humains engendrés par une dangereuse politique du chiffre.

La Cimade est déterminée à poursuivre son action auprès des migrants, des demandeurs d'asile, des réfugiés et des exclus.

Avec les travailleurs sans-papiers en grève et les syndicats, auprès des personnes privées de liberté, avec les associations et mouvements qui agissent au Maghreb et en Afrique, avec les demandeurs d'asile que nous défendons et accueillons, avec les couples mixtes franco étrangers et avec de multiples partenaires associatifs ou réseaux œcuméniques en Europe, un autre présent et un autre demain se construisent, une autre façon de penser et de réaliser une société plus fraternelle.

C'est à cette utopie concrète que nous nous attelons ensemble.

Haut de page

 

 

Hommage à Sébastien BRIAT tué le 7 novembre 2004 par un train de déchets nucléaires

Le 7 novembre 2004, nous étions quelques dizaines de militants sur le pont de la gare de Nancy pour huer au passage du train chargé de déchets nucléaires. Ce train est passé à proximité de voyageurs en attente de leur correspondance !

Quelques heures plus tard, Sébastien, 22 ans, est mort à Avricourt, en Lorraine, renversé par la locomotive de ce convoi de déchets nucléaires partant vers l’Allemagne. La mort de ce jeune homme plein d’ardeur ne doit pas passer pour lettre morte. L’appel de Sébastien à refuser l’industrie nucléaire et ses déchets éternels dangereux pour les générations futures doit être entendu.

Voici ci-dessous, le communiqué de ses amis ;

Bichon est mort pour ses convictions

Quelques semaines auparavant il s’était décidé avec plusieurs d’entre nous à agir pour rendre publique la vulnérabilité d’un tel convoi. Le fait qu’il soit mort ne doit pas faire oublier que cette action était non violente, réfléchie et volontaire.

Contrairement à ce que ce drame peut laisser transparaître, en aucun cas notre acte était irresponsable et désespéré. Notre engagement est le fruit de convictions profondes quant au danger certain et réel que représente le nucléaire depuis trop longtemps. Cette action était parfaitement planifiée, collectivement, incluant des repérages précis des lieux, et en respectant des procédures d’arrêt éprouvées. Nous avions longuement envisagé toutes les possibilités y compris un non arrêt du convoi. Placés en sortie de courbe, nous pouvions être amenés à quitter les rails très rapidement, du fait d’une visibilité réduite. Nous étions quatre couchés sur les voies ayant chacun un bras passé de part et d’autre d’un tube d’acier glissé sous le rail extérieur de la voie permettant ainsi un départ d’urgence plus rapide. En aucun cas nous n’étions cadenassés et nous avions la possibilité de nous dégager rapidement de ces tubes.

Malheureusement l’équipe chargée de stopper le train 1500m en amont n’a pas pu agir. L’hélicoptère de surveillance précédent en permanence le convoi était absent, « parti se ravitailler en kérosène » ; or cette équipe comptait essentiellement sur sa présence qui signalait l’arrivée du train. Enfin, conformément à ce qui était convenu les stoppeurs ont renoncé à arrêter le convoi car il était accompagné de véhicules de gendarmerie le précédent à vive allure sur le chemin les séparant de la voie.

Le convoi est donc arrivé à « 98 km/h » selon le procureur n’ayant pu être arrêté par les militants ni averti par l’hélicoptère. Ces multiples causes réunies nous mettaient en danger. De ce fait, les personnes couchées sur les rails n’ont bénéficié que de très peu de temps pour s’apercevoir que le train n’avait pas été stoppé et par conséquent n’avait pas réduit son allure. Nous nous étions entraînés à une évacuation d’urgence de l’ordre de quelques secondes. Sébastien à été percuté alors qu’il quittait les rails, et en aucun cas, son bras n’est resté bloqué à l’intérieur du tube. La vitesse de l’événement nous a dépassé et personne parmi nous n’a eu le temps de lui venir en aide.

Avant que cela n’arrive, nous sommes restés dix heures de suite cachés en lisière de bois à trente mètres de la voie, gelés et ankylosés par le froid. Durant cette attente, nous n’avons pas été détecté par le dispositif de sécurité, ni les guetteurs postés à une quinzaine de kilomètres du lieu du blocage et chargés de nous prévenir de l’arrivée du train, ni les stoppeurs chargés de l’arrêter, ni les bloqueurs qui avaient préalablement installé les deux tubes sous le rail aux environs de cinq heures du matin. Il est clair que la part de responsabilité de chaque protagoniste doit être établie. Y compris la nôtre.

Pour l’heure nous sommes face à l’un des pires moments de notre existence. Malgré ce que beaucoup de personnes peuvent penser nous avions des raisons certaines d’être là. En premier lieu la sauvegarde de la planète, dont nous assistons au déclin d’années en années, mais également le rejet de cet État monolithique refusant toute remise en question. Nous n’avons pas décidé d’arrêter ce train par immaturité ou par goût de l’aventure, mais parce que dans ce pays, il faut en arriver là pour qu’une question de fond, enfin, entre dans le magasin de porcelaine.

Sébastien est mort par accident, il ne l’a pas choisi, personne ne l’a souhaité. Il n’est pas mort au volant en rentrant ivre de discothèque, mais en agissant pour faire entendre ses convictions. Et c’est sans conteste pour cela que son décès ne sera jamais, pour nous, un fait divers.

Face à une situation où nous étions si perdus, nous n’imaginions pas recevoir tant de soutien. Nous remercions particulièrement amis et parents, de nombreuses associations, mais également les milliers d’anonymes allemands et français ayant organisé des manifestations et des commémorations en sa mémoire. L’ampleur de la solidarité nous dépasse autant qu’elle nous touche. Le plus important, nous semble de pleurer un frère et de soutenir sa famille et non d’instrumentaliser son image. Bichon était certes à la recherche d’un monde moins fou, mais avant tout un jeune homme rempli de joie de vivre, d’énergie et amoureux des gens. Ce texte n’est ni une confession, ni une agression, nous voulons seulement par celui-ci rétablir la vérité des faits.

Ses compagnes et compagnons de route

 

Haut de page

 

 ♣  L’enfant aux cent noms, l’enfant sans nom

  Je m’appelle “Convention” quand les adultes décident qu’il y a des choses qui ne se font pas... mais qui se font quand même.
  Je m’appelle “mineur” comme un délit, comme moins que majeur.
  Je m’appelle “naturel” quand mon père ne m’a pas reconnu et “illégitime” quand il s’est égaré.
  Je m’appelle “objet” pour le ramassage scolaire.
  Je m’appelle “rationnaire” pour l’intendant du collège.
  Je m’appelle “marché” pour les publicitaires du yaourt 
  Je m’appelle “salaire d’appoint” quand je vais chez ma gardienne 
  Je m’appelle “ton gosse” quand le concubin, qui s’estime chez lui, veut regarder la télé 
  Je m’appelle “alibi” quand le couple bat de l’aile, et m’engendre pour se persuader du contraire. 
  Je m’appelle “prestation” quand les fins de mois sont difficiles.
  Je m’appelle “demi-part” pour les services fiscaux. 
  Je m’appelle “effectif” à l’école qui risquerait de fermer si je ne venais pas le jour de mes deux ans. 
  Je m’appelle “valise” le dimanche à 18 heures, quand mon père divorcé me ramène et me dépose au pied de l’immeuble. 
  Je m’appelle “à charge” ou “ayant droit” pour les organismes sociaux. 
  Je m’appelle “inceste” quand mon père mélange les générations. 
  Je m’appelle “recueilli temporaire” à défaut d’être accueilli par ma mère. 
  Je m’appelle “petits métiers” au Caire, “enfants soldats” en Iran ou au Sri Lanka, “avion” (passeur de drogue) au Brésil.
 
  Je ne sais plus comment je m’appelle... pour vous, les adultes, faiseurs d’histoires et de guerres, et dont les bouches sont pleines de “l’intérêt supérieur de l’Enfant”.
  Parlez-en moins et soyez vous-mêmes des adultes, capables de m’accueillir dans l’écriture de mon histoire, pas celle dont vous rêvez pour moi parce que vous regrettez la vôtre.
 
  Je m’appelle Victor, Livia, Noé, Selma...
  Je m’appelle “demain” si aujourd’hui, nous pouvions continuer à naître à la vie que nous avons reçue de vous, mais qui ne vous appartient pas. Comme nous, vous l’avez reçue.
 
  ALORS LES DROITS, POUR LES UNS ET POUR LES AUTRES, POURRONT  SERVIR DE CADRE À UNE HISTOIRE À VIVRE ENSEMBLE.

Texte présenté dans le cadre du 20ème anniversaire de la Convention des Droits de l'Enfant à Vaux le Pénil en Seine et Marne, près de Melun.

 

Haut de page

 

  Parrainage d'enfants sans papiers

Un parrainage permet de manifester concrètement sa solidarité envers les enfants et leurs parents sans papiers, le plus souvent des réfugiés qui ont dû fuir leur pays où ils étaient menacés,

Tous ont choisi notre pays comme terre d'accueil et demandent la protection de notre République ; en leur proposant de les parrainer, une communauté leur dit ainsi et le plus fortement: "Vous êtes des nôtres". Ceci représente aussi la plus nette des réponses, très pédagogique, aux discours racistes et xénophobes.

Qu’est-ce qu’un parrainage ?

 Les enfants de couples « sans papiers » sont accompagnés, lors du parrainage, d'une marraine ou d'un parrain citoyen(ne) et d’une marraine ou d’un parrain élu(e). Le parrainage est un acte symbolique.

 • Un parrainage permet de manifester concrètement sa solidarité envers ces enfants. Leurs parents sont parfois des réfugiés qui ont dû fuir leur pays où ils étaient menacés, emprisonnés, recherchés, en grand danger. Dans d’autres cas, leurs parents ont voulu quitter un pays où ils ne connaissaient que la misère, où ils ne pouvaient pas faire soigner leur enfant gravement malade. Certains adolescents ou jeunes majeurs ont également vécu ces situations mais se retrouvent seuls en France après avoir fui leur pays. Tous ont choisi notre pays comme terre d'accueil et demandent la protection de notre République ; une communauté leur dit ainsi et le plus fortement: "Vous êtes des nôtres". Ceci représente aussi la plus nette des réponses, très pédagogique, aux discours racistes et xénophobes.

 • Il apporte à nos filleuls un réconfort, un honneur, une reconnaissance... qui sont pour eux un espoir.

 • Il brise enfin l'isolement de ces enfants et leur expulsion éventuelle devient dès lors plus délicate. C’est donc également une façon de les protéger. Ce sera l’occasion de dire qu’au-dessus des lois de circonstances, nous plaçons les principes de solidarité et de fraternité.

Il va de soi que ce parrainage n’implique aucunement l’engagement pour les élus volontaires de loger eux-mêmes ou de pourvoir aux besoins vitaux de ces personnes ou familles. Cet acte est avant tout politique. À chacun ensuite d’utiliser au mieux ses réseaux et compétences pour aider à l’intégration et à la régularisation des parrainés.

Les marraines et parrains sont totalement libres de donner à cet acte l’ampleur, la constance... qu’ils (elles) décident et peuvent mettre en œuvre. Ce, dans le respect de tous, toute aide, même la plus minime, sera de toute façon extrêmement précieuse.

A leur arrivée en France les familles sont « demandeurs d’asile » mais malheureusement, elles n’obtiennent que rarement le statut de réfugiés, d’où des situations dramatiques lorsqu’elles reçoivent une OQTF

Elles logent dans des foyers de type Sonacotra, pour partie en charge de la préfecture. En fonction de leur statut, elles sont dans des « lieux de vie » du CADA ou de l’AUDA. Faute de place, elles sont aussi logées dans des hôtels payés par la préfecture.

Accepter de parrainer implique de prendre le temps de savoir où en est la famille dans ses démarches de régularisation, la soutenir en cas de rejet de sa demande ou des recours entrepris et, en cas d’arrestation, être une des personnes qui pourraient la soutenir, faire jouer la solidarité, faire des démarches auprès des autorités, etc. Le parrain n’est pas seul. Les démarches , les actions de solidarité se font en lien avec les autres militants de RESF.
En résumé, parrainer  c’est permettre à une famille, venue chez nous de tisser des liens (c’est parfois plus facile quand il y a des enfants car le barrage de la langue est vite dépassé) qui faciliteront son intégration et lui feront découvrir un visage accueillant de la France.

Pour tout renseignement complémentaire ; aller sur le site : http://www.fsl-nancy.fr/droits-de-l-enfant

 

Haut de page

 

 

  Consomm' Acteurs

Combien de temps faudra-t-il regarder passivement les catastrophes dites "naturelles" de plus en plus fréquentes (tornades, inondations, sécheresses, avancée des déserts, recul des glaciers, marées noires…) avant de réagir ? Peut-on les déplorer alors qu’elles ne sont que la conséquence des excès humains ?

 

Face aux constats de l’augmentation des dévastations de l’écosystème, des gaspillages des ressources naturelles, on peut baisser les bras tant l’ampleur des dégâts est effrayante, on peut s’en remettre aux pouvoirs publics, aux collectivités… Mais je veux croire encore en la puissance des actions individuelles -les petites gouttes d’eau font les océans- et donc au pouvoir personnel du consommateur.

 

Il ne s’agit pas de faire du "catastrophisme", mais depuis longtemps déjà, je nous imagine au bord du précipice, un pas de plus et … Comme pour le corps humain, nous pouvons poser le principe de stimuler ses capacités naturelles à se défendre sans attendre tout d’un médicament miracle, pour notre terre nous pouvons favoriser ses ressources à nourrir tous ses habitants, si nous ne l’appauvrissons pas par des méthodes qui ne la respectent pas.

Je dois donc faire des choix et en consommant le plus possible bio, je veux exercer mon pouvoir de consommateur en essayant d’être cohérente avec mes convictions :

- pour la santé de la planète : l’agriculture biologique est respectueuse de l’environnement, de la biodiversité...

- en soutenant les paysans qui ont fait le choix de cette agriculture, choix courageux, pas toujours évident à une époque où notre société prône le "toujours plus"

- pour ma santé, car je pense qu’un produit exempt de chimie a beaucoup d’avantages

- parce que ça ne me revient pas plus cher : mon budget alimentation n’a pas augmenté

. en consommant localement et de saison

. en diminuant la viande (dont la production est 7 fois plus gourmande d’énergie que la même quantité de végétal) pour privilégier le duo légumineuses céréales, équivalent en protéines

. en cultivant mon jardin

. en n’achetant essentiellement que les produits de base

Ce sont les produits non-bio qui devraient coûter plus cher si on calculait ce qu’ils reviennent réellement aux contribuables que nous sommes, en coût de dépollution de l’eau, subventions, problèmes de santé…

 

Et puis une de mes préoccupations depuis longtemps : comment faire pour que ces produits sains soient abordables par tous (ainsi que dans les écoles, les maisons de retraite et même dans les associations humanitaires de distribution alimentaire…) et ne soient pas limités à uneclientèle privilégiée. Plus il y aura de demande de produits bio, plus de moyens devront être pris pour répondre à cette demande et plus ils seront accessibles au plus grand nombre, d’où notre responsabilité de consommateurs.

 

Comment ne pas s’interroger aussi sur le plan mondial quand tant de produits exotiques sont sur nos tables et refuser une agriculture qui prive les pays en voie de développement de leurs cultures vivrières (pour nourrir nos animaux)? Il est reconnu maintenant que dans les pays pauvres, l’Agriculture biologique se révèle un atout pour la subsistance des populations, leur santé et leur indépendance. La FAO, très sérieuse Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture, ne peut que me conforter dans mes convictions quand elle reconnaît que l’AB peut nourrir le monde tout en préservant les qualités environnementales bien sûr et surtout en permettant le développement de systèmes alimentaires autonomes et performants. «L’agriculture conventionnelle moderne est réservée aux riches car elle a recours à des intrants hors de prix », constate Pierre Rabhi, grand défenseur de l’agroécologie.

 

Alors comment avoir une vision globale des questions préoccupantes de notre époque ? Quel avenir voulons-nous prôner pour nous, nos enfants, notre planète ? Il en est de notre responsabilité dans nos modes alimentaires, mais aussi dans nos comportements, nos petits gestes de tous les jours pour gérer nos déchets, pour nous soigner, nous chauffer, nous déplacer… consommer moins, consommer mieux, consommer autrement…

 

Nous savons, mais nous ne voulons pas croire !... Changer nos habitudes, ce n’est pas facile, mais c’est urgent … et avons-nous encore le choix ?

                                                                                                                      Odile

 

Haut de page

 

 

  Pour que la terre soit un jardin 2009.10

En chemin j'ai rencontré des enfants comme moi,

Jardiniers en herbe, des semeurs de joie

Ils partaient de bon matin courant dans la rosée

Cultiver des fleurs de solidarité

 

Pour que la terre soit un jardin

Préparons ensemble le terrain

Pour que cessent les guerres

Vive la paix sur terre

Pour que la terre soit un jardin

 

Avant nous, d'autres ont planté l'arbre de la Liberté

II a pris racine, des fruits en sont nés

Gavroche chante parmi nous le chant des opprimés

Citoyens du monde, solidarité

 

C'est la vie que l'on préfère

A l'hiver nucléaire

Messieurs les présidents

Aimez le printemps

Tant d'enfants n'ont pas de pain

Le jardin doit pousser

Arrosons la terre de solidarité.

 

Danielle KELDER

La Panade. Editions Ouvrières

 

Haut de page

 

  Où cours-tu ? Ne sais-tu pas que le ciel est en toi ? 2009.09

 

« Où cours-tu ? Ne sais-tu pas que ciel est en toi ?

Il est difficile au milieu du brouhaha de notre civilisation qui a le vide et le silence en horreur, d'entendre la petite phrase qui, à elle seule, peut faire basculer une vie :

"Où cours-tu ?"

Il y a des fuites qui sauvent la vie : devant un serpent, un tigre, un meurtrier.

Il en est qui la coûtent : la fuite de soi-même. Et la fuite de ce siècle devant lui-même est celle de chacun de nous.

"Où cours-tu ?"

Si au contraire nous faisions halte - ou volte-face - alors se révélerait l'inattendu : ce que depuis toujours nous recherchons dehors veut naître en nous. »

 Christiane SINGER (tiré du livre "Où cours-tu"  Albin Michel)

 

Haut de page

 

  Un arbre m’a parlé  2009.08

J'ai écrit ce poème voici quelques années; il est un message d'espoir que j'offre à toutes celles et à tous ceux qui souffrent d'une façon ou d'une autre; je souhaite qu'il leur donne un peu de réconfort....
Claudie
 

C’est vrai, je suis tout nu,

L’automne a jeté mes feuilles jusqu’à terre,

                       Pourtant je survivrai !

   C’est vrai, je suis tout nu,

  Dans  le vent, sous la pluie, mon corps souffre,gémit ;

 Les yeux du passant découvrent mes blessures,

 

                         Mon écorce ridée, pourtant je survivrai !

                                                        Un jour viendra tu sais,

                                                Où sous le chaud soleil d’un printemps retrouvé,

                                                Mon corps épanoui vivra intensément….

                                                Tu vois je suis image, image d’une vie,                                                                                                                                                                                

                                     Où tout peut s’assombrir, où le jour devient nuit,

                                                Et l’on pense injustice, et l’on devient tristesse,

 Et l’on souhaite revanche….

                                                 Soudain une heure sonne, une aube se dessine,

                                                 Sa faible lueur doucement nous réveille,

                                                 L’on pense espoir, l’on devient soleil,

                                                                      Et l’on souhaite toujours….

                                                Tu vois je suis l’image, l’image d’une vie ;

 

  Ecoute, n’oublie pas :

                                                Il faut vivre un automne pour aimer un printemps,

                                                 Et vois- tu, sans hiver il n’y aurait pas d’été.

Claudie Rolland

 

                                                    Second  prix aux Jeux Floraux de la Lyre d’Or   Nîmes

Haut de page

 

 ♣  Drame à l'école 2009.05

 J'ai rencontré l'extrème détresse, celle du Travailleur Pauvre, de cette nouvelle pauvreté que l'on découvre de nos jours avec stupéfaction.. et cette situation, c'est dans mon école que je l'ai découverte, c'est celle d'une employée de l'Etat, exerçant une mission dans le cadre de la Fonction Publique !

 Souvenez vous, il y a une dizaine d'années, la gauche au pouvoir avait institué les « Emplois Jeunes », ils travaillaient (entre autre ) dans les écoles, à remplir des tâches administratives ou d'encadrement éducatif sous le contrôle des enseignants ; ils recevaient une formation et un soutien à leur recherche d'emploi.

 Ces contrats existent toujours, mais sont ouverts à un public très divers, non qualifié ; la formation professionnelle et un suivi pour la recherche d'emploi leur sont inexistants ; ces personnes travaillent 24 heures par semaine, toujours sur des tâches administratives ou d'appui aux enseignants. Ils gagnent 800 € par mois, et ne sont pas payés lorsqu'ils sont malades. Dans mon école, elles sont deux ; l'une a la trentaine, un projet professionnel qu'elle gère sans aucun soutien officiel. L'autre a la cinquantaine, un passé professionnel de secrétaire comptable, et de chômage. Et elle accumule les difficultés. Elle est travailleur handicapée: (surdité partielle appareillée mais d'une façon très inconfortable : son appareil siffle lorsqu'il y a du bruit.. ) c'est déjà une belle erreur de casting de l'avoir proposée dans une école peuplée d'enfants qui ne communiquent pas vraiment en chuchotant. Divorcée, seule avec son fils dont elle redoute de se voir retirer la garde à cause de ses problèmes financiers. Des soucis pour sa fille mariée avec un homme violent. Et puis ce contrat pourri dans l'Education Nationale, où elle redoute de tomber malade car elle ne sera pas payée ; elle me l'a expliqué lorsque je lui ai demandé avec stupéfaction pourquoi elle venait travailler avec une otite.

 Elle a malheureusement dû se faire hospitaliser puis rester en congés maladie plusieurs semaines pour une hernie cervicale ;et le service payeur ( c’est le service comptabilité d’un lycée qui a hérité de la gestion de ces contrats ),a fait des erreurs de trop perçu, ce qui peut arriver. Mais cette personne a voulu régulariser en se trompant à nouveau dans la somme à réclamer : elle en demandait le double, presque un ½ mois de salaire, et ne voulait rien entendre des protestations de l’intéressée. C’est sans doute tout cela qui a déclenché la crise de spasmophilie qui l’a fait tomber, juste en face de ma classe un matin avant l’arrivée des élèves... elle est restée allongée une heure, dans mes bras, par terre, raide et secouée de tremblements d’angoisse.

 Et un matin, elle m’a expliqué que la secrétaire comptable avait reconnu son erreur, mais lui avait retiré d’un coup le trop perçu, ce qui lui laissait 300 € pour vivre le mois, alors qu’elle avait déjà une facture de 700 € qui l’attendait. Elle m’a dit qu’elle allait démarrer une grève de la faim. Nous l’avons soutenue et réconfortée comme nous pouvions ; elle n’est pas venue travailler l’après midi ; et le lendemain elle a fait une tentative de suicide qui l’a laissée plusieurs jours en réanimation.

 C’est évident que cette personne, de santé physique et mentale fragile cumulait les difficultés sociales ; mais j’ai pu mesurer son immense sentiment d’abandon en essayant de l’aider : la plupart de mes interlocuteurs ( service social de l’E.N., cadre du Rectorat, syndicat…) m’ont dit ne pas être compétents pour sa situation et « ne pouvoir rien faire » : ce statut privé au sein d’un service public lui ferme toutes les portes.           
Le SGEN, consulté aussi, m’a conseillé de faire appel au médiateur de l’Education Nationale ( ça existe ?!) Les services sociaux extérieurs se mobilisent, heureusement…mais … faut – il boycotter et refuser dans nos écoles ces postes pourris ?

 Claire CARTON (avril 2009)

 

Haut de page

 

 

  Espoir, exil, Palestine  2009.05

"Nous souffrons d’un mal incurable qui s’appelle l’espoir. Espoir de libération et d’indépendance. Espoir d’une vie normale où nous ne serons ni héros, ni victimes. Espoir de voir nos enfants aller sans danger à l’école. Espoir pour une femme enceinte de donner naissance à un bébé vivant, dans un hôpital, et pas à un enfant mort devant un poste de contrôle militaire. Espoir que nos poètes verront la beauté de la couleur rouge dans les roses plutôt que dans le sang. Espoir que cette terre retrouvera son nom original : terre d’amour et de paix. Merci pour porter avec nous le fardeau de cet espoir.

Celui qui m’a changé en exilé m’a changé en bombe… Palestine est devenue mille corps mouvants sillonnant les rues du monde, chantant le chant de la mort, car le nouveau Christ, descendu de sa croix, porta bâton et sorti de Palestine".

Mahmoud Darwich  (Comme des fleurs d’amandiers ou plus loin)

 

Haut de page

 

  Nous y sommes